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Catégorie : Distillerie
S. m. (Distillerie) le taffia, que les Anglais appellent rhum, et les François guildive, est un esprit ardent ou eau-de-vie tirée par le moyen de la distillation des débris du sucre, des écumes et des gros syrops, après avoir laissé fermenter ces substances dans une suffisante quantité d'eau.

Voici de quelle façon on opere. On commence par mettre dans de grandes auges de bois construites d'une seule pièce, deux parties d'eau claire, sur lesquelles on verse environ une partie de gros syrop, d'écumes et de débris de sucre fondus ; on couvre les auges avec des planches, et on donne le temps à la fermentation de produire son effet. Au bout de deux ou trois jours, selon la température de l'atmosphère, il s'excite dans les auges un mouvement intestin, qui chasse les impuretés grossières, et les fait monter à la surface de la grappe, c'est-à-dire de la liqueur, laquelle acquiert une couleur jaune et une odeur aigre extrêmement forte, signe évident que la fermentation a passé de son état spiritueux à celui d'acidité. C'est à quoi les Distillateurs de taffia ne font nulle attention, se conduisant d'après une ancienne routine : on croit devoir les avertir de veiller soigneusement à saisir l'instant juste entre ces deux degrés de fermentation, ils y trouveront leur avantage par la bonne qualité de la liqueur qu'ils distilleront.

C'est ordinairement à la couleur, aussi-bien qu'à l'odeur, que l'ouvrier juge si la grappe est en état d'être passée à l'alembic. Alors on enlève fort exactement toutes les ordures et les écumes qui surnagent, et on verse la grappe dans de grandes chaudières placées sur un fourneau, dans lequel on fait un feu de bois. Ces chaudières, dont on peut voir la figure dans nos Planches de Sucrerie, sont de grandes cucurbites de cuivre rouge, garnies d'un chapiteau à long bec, auquel on adapte une couleuvre, espèce de grand serpentin d'étain en spirale, formant plusieurs circonvolutions au milieu d'un tonneau plein d'eau fraiche, qu'on a grand soin de renouveller lorsqu'elle commence à s'échauffer, l'extrémité inférieure du serpentin passe au-travers d'un trou fort juste percé vers le bas du tonneau ; c'est par cette extrémité que coule la liqueur distillée dans des cruches ou pots de raffineries servant de récipiens.

Lorsqu'il ne monte plus d'esprit dans le chapiteau, on délute les jointures du collet ; et après avoir vuidé la chaudière, on la remplit de nouvelle grappe, et on recommence la distillation, pour avoir une certaine quantité de première eau distillée, laquelle étant faible, a besoin d'être repassée une seconde fois à l'alembic. Par cette rectification, elle acquiert beaucoup de limpidité et de force. Elle est très-spiritueuse ; mais par le peu de précaution, elle contracte toujours de l'âcreté, et une odeur de cuir tanné fort désagréable à ceux qui n'y sont pas accoutumés. Les Anglais de la Barbade distillent le taffia avec plus de soin que nous ne faisons. Ils l'emploient avec de la limonade, pour en composer le punch dont ils usent fréquemment. Voyez PUNCH. C'est encore avec le taffia, mêlé des ingrédiens convenables, qu'ils composent cette excellente liqueur connue sous le nom d'eau des Barbades, qui cependant est beaucoup plus fine et bien meilleure lorsqu'elle est faite avec l'eau-de-vie de Coignac. On emploie communément le taffia pour frotter les membres froissés, pour soulager les douleurs rhumatismales. On y ajoute quelquefois des huiles de frégate, de soldat, ou de serpent tête-de-chien : si on le mêle avec des jaunes d'œufs cruds et du baume de copahu un peu chaud, on en compose un excellent digestif propre à nettoyer les plaies.

Quoique le fréquent usage de l'eau-de-vie et des liqueurs spiritueuses soit pernicieux à la santé, on a remarqué que de toutes ces liqueurs le taffia était la moins malfaisante. Cela parait démontré par les excès qu'en font nos soldats et nos negres, qui résisteraient moins longtemps à la malignité des eaux-de-vie qu'on fait en Europe. Art. de M. LE ROMAIN.




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