ou selon d'autres, PLAGIAT, s. m. (Littérature) est l'action d'un écrivain qui pille ou dérobe le travail d'un autre auteur, et qui se l'attribue comme son travail propre.

C'est donc le défaut d'attribution d'un ouvrage à son véritable auteur, qui caractérise le plagiarisme. Quiconque en écrivant, puise dans les auteurs qui l'ont précédé, et les cite fidèlement, ne peut, ni ne doit passer pour coupable de ce crime littéraire. Il faut mettre une grande différence entre prendre certains morceaux dans un auteur, ou les derober. Quand en employant les pensées d'un autre écrivain, on le cite ponctuellement, on se met à couvert de tout reproche de pillage : le silence seul et l'intention de donner pour sien, ce qu'on a emprunté d'un autre, font le plagiarisme. Telle est l'idée qu'en avait Jean-Michel Brutus, savant venitien, qui vivait dans le seizième siècle, et qui, accusé de s'être servi des observations de Lambin sur Ciceron, écrivit à Lambin qu'il pouvait aller aux sources aussi-bien que lui, et qu'il avait à la vérité pris, mais non pas derobé dans les autres auteurs : se sumpsisse ab aliis, non verò surripuisse. Sumère enim eum, qui, à quo mutuetur, indicet ; et laudet quem auctorem habeat : surripere verò qui taceat, qui ex alterius industriâ fructum quaerat. Voyez Bayle, Dict. critiq. lettr. B. au mot Brutus.

Le même auteur remarque au sujet d'Ephore, orateur et historien grec, qu'on l'accusa d'avoir pillé de divers auteurs, jusqu'à trois mille lignes mot à mot. C'était un moyen fort aisé de faire des livres ; et il ajoute à cette occasion : " Que les auteurs grecs aient été plagiaires les uns des autres, n'est-ce pas une coutume de tous les pays et de tous les temps ? Les pères de l'Eglise ne prenaient-ils pas bien des choses des écrits les uns des autres ? Ne fait-on pas cela tous les jours, de catholique à catholique, et de protestant à protestant.... Il était moins désavantageux aux Grecs de s'être pillés les uns les autres, que d'avoir pillé les richesses étrangères. Le désavantage est une exception aux règles communes. Le cavalier Marin disait que prendre sur ceux de sa nation, c'était larcin ; mais que prendre sur les étrangers, c'était conquête : et je pense qu'il avait raison. Nous n'étudions que pour apprendre, et nous n'apprenons que pour faire voir que nous avons étudié : ces paroles sont de M. Scuderi. Si j'ai pris quelque chose, continue-t-il, dans les Grecs et dans les Latins, je n'ai rien pris du tout dans les Italiens, dans les Espagnols, ni dans les François : me semblant que ce qui est étude chez les anciens, est volerie chez les modernes. " La Mothe le Vayer est du même sentiment ; car voici ce qu'il dit dans une de ses lettres : " Prendre des anciens, et faire son profit de ce qu'ils ont écrit, c'est comme pirater au-delà de la ligne ; mais voler ceux de son siécle, en s'appropriant leurs pensées et leurs productions, c'est tirer la laine au coin des rues, c'est ôter les manteaux sur le Pont-neuf. Je crois que tous les auteurs conviennent de cette maxime, qu'il vaut mieux piller les anciens que les modernes, et qu'entre ceux-ci il faut épargner ses compatriotes, préférablement aux étrangers. La piraterie littéraire ne ressemble point du-tout à celle des armateurs : ceux-ci se croient plus innocens, lorsqu'ils exercent leur brigandage dans le nouveau Monde, que s'ils l'exerçaient dans l'Europe. Les auteurs au contraire arment en course bien plus hardiment pour le vieux Monde que pour le nouveau ; et ils ont lieu d'espérer qu'on les louera des prises qu'ils y feront.... Tous les plagiaires, quand ils le peuvent, suivent le plan de la distinction que j'ai alléguée : mais ils ne le font pas par principe de conscience ; c'est plutôt afin de n'être pas reconnus. Lorsqu'on pille un auteur moderne, la prudence veut qu'on cache son larcin ; mais malheur au plagiaire s'il y a une trop grande disproportion entre ce qu'il vole, et ce à quoi il le coud. Elle fait juger aux connaisseurs, non-seulement qu'il est plagiaire, mais aussi qu'il l'est maladroitement.... L'on peut derober à la façon des abeilles, sans faire tort à personne, dit encore la Mothe le Vayer ; mais le vol de la fourmi qui enlève le grain entier, ne doit jamais être imité. " Dict. critiq. lett. E. au mot Ephore.

" Victorin Strigellius, dit encore M. Bayle, ne se faisait point de scrupule de se servir des pensées et des expressions d'autrui. A cet égard là il semble qu'il approuvait la communauté des biens, il ne croyait pas que sa conduite fût celle des plagiaires, et il consentait qu'on en usât envers ses livres, comme il en usait envers les autres auteurs. Si vous y trouvez des choses qui vous accommodent, servez-vous-en librement, tout est à votre service, disait-il ". Cette proposition sans doute autorisait le plagiarisme, si celui qui la fait, offrait toujours d'aussi bonnes choses que celles qu'il emprunte des autres ; mais pour l'ordinaire cet échange est trop inégal : et tel s'enrichit et se pare des dépouilles d'autrui, qui ne peut de son propre fonds, leur faire la moindre restitution, ou leur donner le plus leger dédommagement.

On a souvent démasqué publiquement les plagiaires. Tel fut, au rapport de Thomasius, cet Etienne Dolet, dont les commentaires sur la langue latine, qui ne formaient d'abord qu'un volume médiocre, se trouvèrent enflés jusqu'à deux volumes in-folio aux dépens de Charles Etienne, de Nizolius, de Riceius, et de Lazare Baif ; ce que Charles Etienne devoila au public.

Enfin M. Bayle décide que le plagiarisme est un défaut moral et un vrai péché, à la tentation duquel succombent souvent des auteurs, qui d'ailleurs sont les plus honnêtes gens du monde. Il faut qu'ils se fassent à cet égard une fausse conscience, et pensent qu'il est moins criminel de dérober à un homme les productions de son esprit, que de lui voler son argent, ou de le dépouiller de son bien. Voyez le dict. de Bayle, au mot Musurus.