S. m. (Belles Lettres) dans la Poésie dramatique, signifie un ou plusieurs acteurs qui sont supposés spectateurs de la pièce, mais qui témoignent de temps-en-temps la part qu'ils prennent à l'action par des discours qui y sont liés, sans pourtant en faire une partie essentielle.

M. Dacier observe, après Horace, que la tragédie n'était dans son origine qu'un chœur qui chantait des dithyrambes en l'honneur de Bacchus, sans autres acteurs qui déclamassent. Thespis, pour soulager le chœur, ajouta un acteur qui récitait les aventures de quelque héros. A ce personnage unique Eschyle en ajouta un second, et diminua les chants pour donner plus d'étendue au dialogue.

On nomma épisodes, ce que nous appelons aujourd'hui actes, et qui se trouvait renfermé entre les chants du chœur. Voyez EPISODE et ACTE.

Mais quand la tragédie eut commencé à prendre une meilleure forme, ces récits ou épisodes qui n'avaient d'abord été imaginés que comme un accessoire pour laisser reposer le chœur, devinrent eux-mêmes la partie principale du poème dramatique, dont à son tour le chœur ne fut plus que l'accessoire : mais ces chants qui étaient auparavant pris de sujets différents du récit, y furent ramenés ; ce qui contribua beaucoup à l'unité du spectacle.

Le chœur devint même partie intéressée dans l'action, quoique d'une manière plus éloignée que les personnages qui y concouraient : ils rendaient la tragédie plus régulière et plus variée ; plus régulière, en ce que chez les anciens le lieu de la scène était toujours le devant d'un temple, d'un palais, ou quelqu'autre endroit public : et l'action se passant entre les premières personnes de l'état, la vraisemblance exigeait qu'elle eut beaucoup de témoins, qu'elle intéressât tout un peuple, et ces témoins formaient le chœur. De plus, il n'est pas naturel que des gens intéressés à l'action, et qui en attendent l'issue avec impatience, restent toujours sans rien dire : la raison veut au contraire qu'ils s'entretiennent de ce qui vient de se passer, de ce qu'ils ont à craindre ou à espérer, lorsque les principaux personnages en cessant d'agir leur en donnent le loisir ; et c'est aussi ce qui faisait la matière des chants du chœur. Ils contribuaient encore à la variété du spectacle par la musique et l'harmonie, par les danses, etc. ils en augmentaient la pompe par le nombre des acteurs, la magnificence et la diversité de leurs habits, et l'utilité par les instructions qu'ils donnaient aux spectateurs ; usage auquel ils étaient particulièrement destinés, comme le remarque Horace dans son art poétique.

Le chœur ainsi incorporé à l'action, parlait quelquefois dans les scènes par la bouche de son chef, qu'on appelait choryphée : dans les intermèdes il donnait le ton au reste du chœur, qui remplissait par ses chants tout le temps que les acteurs n'étaient point sur la scène ; ce qui augmentait la vraisemblance et la continuité de l'action. Outre ces chants qui marquaient la division des actes, les personnages du chœur accompagnaient quelquefois les plaintes et les regrets des acteurs sur des accidents funestes arrivés dans le cours d'un acte ; rapport fondé sur l'intérêt qu'un peuple prend ou doit prendre aux malheurs de son prince. Par ce moyen le théâtre ne demeurait jamais vide, et le chœur n'y pouvait être regardé comme un personnage inutile.

On regarde comme une faute dans quelques pièces d'Euripide, de ce que les chants du chœur sont entièrement détachés de l'action, comme isolés, et ne naissent point du fond du sujet. D'autres poètes, pour s'épargner la peine de composer des chœurs et de les assortir aux principaux événements de la pièce, se sont contentés d'y insérer des odes morales qui n'y avaient point de rapport ; toutes choses contraires au but et à la fonction des chœurs : tels sont ceux qu'on trouve dans les pièces de nos anciens tragiques, Garnier, Jodelle, etc. qui par ces tirades de sentences prétendaient imiter les Grecs, sans faire attention que ceux-ci n'avaient pas uniquement imaginé le chœur pour débiter froidement des sentences.

Dans la tragédie moderne on a supprimé les chœurs, si nous en exceptons l'Athalie et l'Esther de Racine : les violons y suppléent. M. Dacier blâme avec raison ce dernier usage, qui ôte à la tragédie une partie de son lustre : il trouve ridicule que l'action tragique soit coupée et suspendue par des sonates de musique instrumentale ; et que les spectateurs qui sont supposés émus par la représentation, tombent dans un calme soudain, et fassent diversion avec l'agitation que la pièce leur a laissée dans l'âme, pour s'amuser d'une gavotte. Il croit que le rétablissement des chœurs serait nécessaire, non-seulement pour l'embellissement et la régularité du spectacle, mais encore parce qu'une de ses plus utiles fonctions chez les anciens était de rectifier par des réflexions qui respiraient la sagesse et la vertu, ce que l'emportement des passions arrachait aux acteurs de trop fort ou de moins exact ; ce qui serait assez souvent nécessaire parmi les modernes.

Les principales raisons qu'on apporte pour justifier la suppression des chœurs, sont que bien des choses doivent se dire et se passer en secret, qui forment les scènes les plus belles et les plus touchantes, dont on se prive dès que le lieu de la scène est public, et que rien ne s'y dit qu'en présence de beaucoup de témoins ; que ce chœur qui ne desemparait pas du théâtre des anciens, serait quelquefois sur le nôtre un personnage fort incommode : et ces raisons sont très-fortes, eu égard à la constitution des tragédies modernes.

M. Dacier observe encore que dans l'ancienne comédie il y avait un chœur que l'on nommait grex ; que ce n'était d'abord qu'un personnage qui parlait dans les entre-actes ; qu'on y en ajouta successivement deux, puis trois, et enfin tant, que ces comédies anciennes n'étaient presque qu'un chœur perpétuel qui faisait aux spectateurs des leçons de vertu. Mais les Poètes ne se continrent pas toujours dans ces bornes ; et les personnages satyriques qu'ils introduisirent dans les chœurs, occasionnèrent leur suppression dans la comédie nouvelle. Voyez COMEDIE.

Donner le chœur, c'était, chez les Grecs, acheter la pièce d'un poète, et faire les frais de la représentation. Celui qui faisait cette dépense s'appelait à Athènes chorege. On confiait ce soin à l'archonte, et chez les Romains aux édiles. Voyez ARCHONTE et EDILE. Dissert. de M. l'abbé Vatri. Mém. de l'acad. des Belles-Lettres, tome VIII. (G)

CHOEUR, est dans nos églises cette partie la plus voisine du grand autel, séparée de la nef par une division, et ordinairement environnée d'un ou deux rangs de sièges ou stalles où se tiennent les chanoines, prêtres, et habitués, pour chanter l'office divin. Le chœur est ordinairement devant le grand autel du côté du peuple ; cependant il est quelquefois derrière, surtout dans les églises d'Italie ; on voit même deux chœurs en plusieurs églises, l'un derrière le grand autel, et l'autre sur le devant.

Ce mot vient, selon Isidore, à coronis circonstantium, parce qu'autrefois on se plaçait en rond autour de l'autel pour chanter. C'est encore aujourd'hui a manière dont les autels des Grecs sont bâtis.

Le chœur est séparé du sanctuaire où l'on offre le sacrifice, et de la nef où est le peuple qui y assiste. Voyez SANCTUAIRE, EGLISE, TEMPLE. (G)

Les gros décimateurs sont obligés à réparer le chœur et cancel des églises dont ils ont les grosses dixmes. Le cancel est l'enceinte du chœur. Dans cette matière le chœur comprend aussi le sanctuaire.

Le patron même ecclésiastique n'est pas obligé aux réparations du chœur et cancel, lorsqu'il y a un gros décimateur ; mais s'il n'y en a point, en ce cas il est obligé aux réparations, du moins du chœur et cancel.

Les armoiries à la voute ou à la principale vitre du chœur, ne sont pas seules un titre pour se dire seigneur de la paraisse.

Le patron a droit de banc fermé dans le chœur, et à son défaut le seigneur haut justicier ; les simples seigneurs de fief ni les nobles ne peuvent y avoir de banc.

Le curé, le patron, et le seigneur haut justicier, ont droit de sépulture au chœur. Voyez le tr. du droit de patronage par Simon, et celui des droits honorifiques par Maréchal ; et DROITS HONORIFIQUES. (A)

Le chœur n'a point été séparé de la nef jusqu'au temps de Constantin ; depuis ce temps le chœur a été fermé d'une balustrade, il y a eu des voiles tirés sur les balustres, et on ne les ouvrait qu'après la consécration.

Dans le XIIe siècle on commença à fermer le chœur de murailles ; mais depuis la beauté des églises et de l'architecture a ramené l'ancien usage des balustrades. Le chantre est le maître du chœur. Voyez CHANTRE.

Dans les monastères de filles, le chœur est une grande salle attachée au corps de l'église, et séparée par une grille, où les religieuses chantent l'office.

Chœur se dit aussi de l'assemblée de tous ceux qui doivent chanter dans le chœur ; et alors on distingue le haut chœur formé par les chanoines et les dignités du clergé qui se placent dans les stalles élevées, et le bas chœur composé du reste du clergé, musiciens, et enfants-de-chœur, dont la place est aux stalles d'em-bas. (G)

CHOEUR, est, en Musique, un morceau d'harmonie complete , à quatre parties ou plus, chanté à la fois par toutes les voix, et joué par tout l'orchestre. On cherche dans les chœurs un bruit agréable et harmonieux qui charme et remplisse les oreilles : un beau chœur est le chef-d'œuvre d'un habîle compositeur. Les François passent pour réussir mieux dans cette partie qu'aucune autre nation de l'Europe.

Le chœur s'appelle quelquefois grand-chœur, par opposition au petit-chœur qui est seulement composé de trois parties ; savoir, deux dessus, et la haute-contre qui leur sert de basse. On fait entendre de temps-en-temps séparément ce petit chœur, dont la douceur contraste agréablement avec la bruyante harmonie du grand. (S)

Le grand chœur est composé de huit basses, qui sont en haut des deux côtés de l'orchestre. La contre-basse est du grand chœur, ainsi que les violons, les hautbais, les flutes, et les bassons. C'est l'orchestre entier qui le forme. Voyez ORCHESTRE. (B)

On appelle encore petit chœur, dans l'orchestre de l'opéra, un petit nombre des meilleurs instruments de chaque genre, qui forme comme un orchestre particulier autour du clavecin et de celui qui bat la mesure. Ce petit chœur est destiné pour les accompagnements qui demandent le plus de délicatesse et de précision.

Il y a des musiques à deux, ou plusieurs chœurs qui se répondent et chantent quelquefois tous ensemble : on en peut voir un exemple dans l'opéra de Jephté. Mais cette pluralité de chœurs qui se pratique assez souvent en Italie, n'est guère d'usage en France ; on trouve qu'elle ne fait pas un bien grand effet, que la composition n'en est pas fort facile, et qu'il faut un trop grand nombre de musiciens pour l'exécuter. (S)

Il y a de beaux chœurs dans Tancrede ; celui de Phaéton, Allez répandre la lumière, etc. a une très-grande réputation, quoiqu'il soit inférieur au chœur O l'heureux temps, etc. du prologue du même opéra. Mais le plus beau qu'on connaisse maintenant à ce théâtre, est le chœur Brillant soleil, etc. de la seconde entrée des Indes galantes. M. Rameau a poussé cette partie aussi loin qu'il semble qu'elle puisse l'être : presque tous ses chœurs sont beaux, et il en a beaucoup qui sont sublimes. (B)

CHOEURS, (les) qui se dit toujours au plurier : on appelle ainsi en nom collectif les chanteurs et les chanteuses qui exécutent les chœurs de l'opéra. Ils sont placés en haie sur les deux ailes du théâtre : les hautes-contre et les tailles forment une espèce de demi-cercle dans le fond. Les chœurs remplissent le théâtre, et forment ainsi un fort agréable coup-d'oeil ; mais on les laisse immobiles à leur place : on les entend dire quelquefois que la terre s'écroule sous leurs pas, qu'ils périssent, etc. et pendant ce temps ils demeurent tranquilles au même lieu, sans faire le moindre mouvement.

L'effet théâtral qui est résulté des actions qu'on leur a fait faire dans l'entrée d'Osiris, des fêtes de l'Hymen et de l'Amour, doit faire sentir quelles grandes beautés naitraient de leurs mouvements, si on les exerçait à agir conformément aux choses qu'on leur fait chanter. Voyez OPERA. (B)

CHOEURS, les chœurs de danse. On les appelle plus communément corps d'entrées ou figurants. Voyez CORPS D'ENTREE et FIGURANT. (B)