S. f. (Belles-lettres) est une métaphore, qui représente un objet par un autre avec lequel il a de la ressemblance.

Pour faire une bonne devise, il faut chercher une image étrangère qui donne lieu à une comparaison juste, et c'est par-là qu'on doit juger de sa vérité ou de sa fausseté. Les devises sont vraies, quand elles contiennent une similitude métaphorique, et qu'elles se peuvent réduire en comparaison ; elles sont fausses quand cela leur manque.

La devise est un composé de figures et de paroles. On a donné à la figure le nom de corps, et aux paroles celui d'ame, parce que comme le corps et l'âme joints ensemble font un composé naturel, certaines figures et certaines paroles étant unies, font une devise. On dit certaines figures et certaines paroles ; car toutes sortes de figures et toutes sortes de paroles n'y sont pas propres, et il faut observer exactement quelles sont les conditions des unes et des autres. Voici celles qui regardent les figures et les corps.

Les figures qui entrent dans la composition de la devise, ne doivent avoir rien de monstrueux ni d'irrégulier, rien qui soit contre la nature des choses ou contre l'opinion commune des hommes, comme seraient des ailes attachées à un animal qui n'en a point, un astre détaché du ciel ; car la devise étant essentiellement une métaphore et un symbole naturel, elle doit être fondée sur quelque chose de connu et de certain, et non pas sur le hasard ou sur l'imagination.

Le corps humain ne doit point entrer dans les devises ; car la devise étant essentiellement une similitude, sa fin est de montrer la proportion qu'il y a entre l'homme et la figure sur quoi la similitude est fondée : or ce serait comparer l'homme avec soi-même, que de prendre un corps humain pour sujet de similitude, puisqu'en quelqu'état et sous quelqu'habit que ce corps humain paraisse, c'est toujours un homme.

D'ailleurs la similitude dont il s'agit doit être ingénieuse ; or il ne faut pas faire de grands efforts d'esprit pour trouver quelque convenance entre un homme et un homme. Il y a plus de subtilité à trouver un rapport juste et une ressemblance parfaite entre deux objets éloignés, comme entre un homme et une fleur ; d'ailleurs la ressemblance dont il s'agit n'est pas une ressemblance simple, mais métaphorique : d'où il s'ensuit que quand la figure humaine pourrait être le fondement d'une belle comparaison, on ne devrait pas la recevoir, ne pouvant être le fondement d'une véritable métaphore ; car la métaphore ne se fait que quand on transporte une signification de son lieu propre à un sujet étranger, ce qui ne se peut faire à l'égard de l'action d'un homme et de celle d'un autre homme, tous deux étant de même espèce et dans le même ordre.

Les vrais corps des devises se doivent prendre de la nature et des arts. La nature fournit à l'esprit tous les êtres sensibles qui ont des propriétés particulières, comme sont les astres, les météores, les fleurs, les animaux. Les arts nous présentent leurs ouvrages et leurs instruments, par exemple un miroir, un cadran solaire, un compas, une équerre ; car quoique ces sortes de choses ne soient pas naturelles, à prendre ce mot dans sa propre signification, elles ont des propriétés réelles et véritables, qui peuvent servir de fondement à des similitudes et à des comparaisons.

Il faut que le corps de la devise soit noble et agréable à la vue ; car la devise ayant été instituée pour déclarer un dessein héroïque, et étant de son essence une métaphore, une figure basse et difforme ne lui convient pas.

Ce n'est pas encore assez que la figure soit noble et agréable, il faut de plus qu'elle soit connue, et qu'elle se fasse même reconnaître dès qu'on la voit, car un objet inconnu ne touche point.

Le mot ou l'âme de la devise doit être proportionné à la figure ; car l'un et l'autre devant faire un composé semblable en quelque façon à celui que la matière et la forme font ensemble, il est nécessaire qu'il y ait de la proportion entre l'un et l'autre, à-peu-près comme il y en a entre la matière et la forme. Cette proportion demande que le mot convienne au corps dont il est l'âme, et qu'il lui convienne de sorte qu'il ne puisse convenir à une autre figure, non plus que l'âme de l'homme ne peut convenir au corps du lion.

Il ne faut cependant pas que le mot ait un sens achevé, et la raison est que devant faire un composé avec la figure, il doit être nécessairement partie, et par conséquent ne pas signifier tout, ni avoir le sens entier qu'ont le mot et le corps étant joints ensemble ; car la signification qui fait la forme et l'esprit de la devise, résulte de la signification du corps et celle des paroles. La signification du corps prise séparément, est imparfaite, celle des paroles l'est aussi ; mais la signification qui résulte de l'un et de l'autre, est entière : c'est ce qui fait qu'une des plus essentielles qualités du mot doit être de ne rien énoncer qui ne se puisse vérifier dans la figure.

Ce sont-là à-peu près les principes dont il ne faut pas s'écarter pour faire une bonne devise ; ils sont extraits du livre du P. Bouhours, intitulé, Entretiens d'Ariste et d'Eugène, où cette matière est traitée fort au long, et dans lequel on trouvera un très-grand nombre de devises composées suivant ces principes : ils sont beaucoup plus étendus dans cet ouvrage qu'ils ne sont ici, mais on croit en avoir rapporté les plus essentielles.