(Littérature) tessera ; ce mot avait chez les Romains plusieurs acceptions différentes. Il signifiait un dé à jouer ; il voulait dire aussi le mot du guet, à la faveur duquel les soldats se reconnaissaient entr'eux et se distinguaient des ennemis. Plusieurs croient que ce mot signifiait encore une mesure de blé qu'on donnait aux soldats. Du temps des empereurs on distribuait au peuple des tesseres, pour aller recevoir les présents qu'on lui faisait en blé, en huile, en or, en argent, et en autres choses d'un prix plus ou moins considérable. Quelques tesseres ont servi de sceaux.

Le nom de tessere se donnait aussi aux marques ou contremarques qu'on distribuait au peuple pour l'entrée des théâtres. Celles de ce genre qui sont fort communes, justifient, ou plutôt font excuser l'usage où nous sommes de les attribuer sans distinction aux théâtres. Leur matière était arbitraire, et leur forme variait suivant leur destination.

Plusieurs tesseres étaient d'ivoire ; elles exigeaient nécessairement la main du sculpteur pour former le relief dont elles étaient décorées, et celles du graveur pour marquer les lettres ou les différents signes que portaient ces trois sortes de billets. Parmi celles de cette espèce qui nous sont restées, il y en a un grand nombre de forme ronde et semblables aux pièces de monnaie ; l'une représente une tête d'empereur, avec des lettres au revers ; une autre un masque de théâtre, ayant aussi des lettres au revers ; une troisième un homme à cheval ; le revers ne présente point de lettres, mais seulement un signe de convention.

Plusieurs autres tesseres étaient de bois, ainsi que celles que l'on a trouvées à Herculaneum ; leur forme est singulière. Voyez-en les Planches.

Un grand nombre était de plomb et de forme semblable aux monnaies. Elles représentaient des divinités égyptiennes ou grecques, des têtes d'empereurs, ou tels autres signes qu'on jugeait à-propos. Voyez TESSERAIRE, TESSERE DE GLADIATEUR, TESSERE D'HOSPITALITE, etc. (D.J.)

TESSERE DE GLADIATEUR, (Antiquité romaine) espèce de certificat, d'os ou d'ivoire, sur lequel on lit qu'un tel gladiateur a combattu un tel jour en public.

La plupart des inscriptions sont gravées sur une petite tablette d'os de la forme d'un cube prolongé par les deux côtés opposés, ou d'un prisme quadrilatère, et cette tablette est parfaitement semblable à plusieurs de celles que Thomassin a fait graver dans son traité de tesseris hospitalitatis.

Parmi les différentes espèces de tesseres dont cet antiquaire a parlé dans son ouvrage, il n'a pas négligé de faire mention des tesseres qu'on avait coutume de distribuer dans les jeux solennels, et en particulier de celles qu'on donnait aux gladiateurs, comme une sorte de certificat qu'ils avaient combattu un tel jour en public. C'est même de cette espèce de tesseres qu'on trouve un plus grand nombre aujourd'hui. Il y en a quelques-unes dans le second dialogue d'Antoine Augustin sur les médailles, dans les recueils de Gruter et de Reinésius ; mais on peut en voir une collection beaucoup plus ample dans l'ouvrage de Fabretti.

La figure de toutes ces tesseres est la même ; elles sont toutes, ou d'os, ou d'ivoire ; les inscriptions qu'on y lit, sont ordinairement distribuées en quatre lignes qui occupent les quatre faces du prisme, et quelquefois en trois lignes seulement ; ces inscriptions ne contiennent que le nom du gladiateur, le jour où il avait paru en public, et les noms des consuls de cette année ; rarement y est-il fait mention de l'arme dont le gladiateur s'est servi ; il y en a cependant une sur laquelle est gravé un trident, pour marquer que Philomusus est du nombre de ces gladiateurs nommés rétiaires, qui combattaient avec un filet dans une main et un trident de l'autre. Le tessere d'Hermia qui était dans le cabinet de M. le président de Mazaugues, n'est chargé d'aucun symbole ; ainsi il n'est pas possible de décider dans quelle espèce de combat ce gladiateur s'est distingué. L'inscription doit être lue ainsi : Hermia spectatus ante diem XVe kalendas Decembris, Q. Fusio R Vatinio consulibus.

La plus ancienne de ces tesseres qui nous soit connue, est datée du consulat de M. Terentius et de C. Cassius, c'est-à-dire, l'an de Rome 681 ; la seconde est de l'an 684 ; la troisième de l'an 694 ; la quatrième de l'an 696 ; la cinquième de l'an 701 ; celle de M. de Mazaugues est la sixième dans l'ordre des temps, puisqu'elle est de l'an 707. Mém. des Inscript. tom. XV. in-4 °. (D.J.)

TESSERE DE L'HOSPITALITE, (Histoire romaine) tessera hospitalitatis, marque justificative de l'hospitalité qu'on avait contractée avec quelqu'un.

Les personnes de quelque rang chez les Romains possédaient dans leurs maisons beaucoup plus de logement qu'elles n'en pouvaient occuper, afin d'avoir toujours des appartements prêts pour y recevoir les étrangers avec lesquels elles jugeaient à-propos de contracter un droit d'hospitalité ; et ce droit, par une obligation respective, se transmettait jusqu'aux descendants.

Le gage et le témoignage assuré de la convention consistait dans certaines marques doubles d'ivoire ou de bois, qu'ils nommèrent tesseres d'hospitalité.

On ne peut donner une idée plus approchante de ces marques, qu'en les comparant à ces tailles dont se servent nos boulangers et quelques ouvriers, pour marquer la quantité de marchandises qu'ils nous ont fournies à diverses reprises. C'étaient pareillement des marques de bois coupées dans la même pièce, qui faisaient deux morceaux séparés, et qui en se joignant n'en formaient plus qu'une, sur laquelle on avait gravé quelques caractères qui se correspondaient. Ces sortes de tailles formaient la lettre de créance, et à leur présentation on reconnaissait ses hôtes.

Quand deux personnes avaient contracté ensemble l'engagement d'hospitalité, chacune gardait une de ces marques ; elles servaient non-seulement à ceux qui avaient ce droit personnellement, mais encore à ceux à qui ils le voulaient prêter, en sorte que le porteur de cette espèce de bulletin, ou lettre de créance, était aussi bien reçu, logé et nourri, qu'aurait été celui à qui il appartenait. Les anciens se firent une espèce de religion des lois et des droits de cette vertu de bénéficence qu'ils nommèrent hospitalité ; et même ils établirent des dieux pour punir ceux qui les violeraient. Voyez HOSPITALITE.

J'ajoute qu'il me parait étrange que cet usage qui est une noble charité, soit si fort aboli chez les Chrétiens, qui font une profession particulière de cette vertu ; il semble d'abord que ce n'en serait pas une de l'exercer, comme les anciens, envers des voyageurs aisés ; mais ces voyageurs, quelque riches qu'ils soient, ne peuvent guère trouver pour de l'argent en pays étranger, un logement aussi commode que celui que les honnêtes gens du lieu pourraient leur donner, si c'était encore la coutume, et qu'ainsi la dépense qu'on ferait à les loger gratuitement, comme autrefois, serait, à le bien prendre, un service d'honnêteté des plus louables et des mieux placés. (D.J.)