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Catégorie : Littérature
S. m. (Belles Lettres) se prend pour un incident, une histoire ou une action détachée, qu'un poète ou un historien insere dans son ouvrage et lie à son action principale pour y jeter une plus grande diversité d'évenements, quoiqu'à la rigueur on appelle épisode tous les incidents particuliers dont est composée une action ou une narration.

Dans la poésie dramatique des anciens on appelait épisode la seconde partie de la tragédie. L'abbé d'Aubignac et le P. le Bossu ont traité l'un et l'autre de l'origine et de l'usage des épisodes. La tragédie à sa naissance n'étant qu'un chœur, on imagina depuis, pour varier ce spectacle, de diviser les chants du chœur en plusieurs parties ; et d'en occuper les intervalles par un récitatif qu'on confia d'abord à un seul acteur, ensuite à deux, et enfin à plusieurs, et qui étant comme étranger ou surajouté au chœur, en prit le nom d'épisode.

De-là l'ancienne tragédie se trouva composée de quatre parties, savoir le prologue, l'épisode, l'exode, et le chœur : le prologue était tout ce qui précédait l'entrée du chœur (voyez PROLOGUE) : l'épisode tout ce qui était interposé entre les airs que le chœur chantait : l'exode tout ce qu'on récitait après que le chœur avait fini de chanter pour la dernière fois ; et le chœur, tous les chants qu'exécutait la partie des acteurs, qu'on nommait proprement le chœur. Voyez CHOEUR et EXODE.

Ce récit des acteurs étant distribué en différents endroits, on peut le considérer comme un seul épisode composé de plusieurs parties, à moins qu'on n'aime mieux donner à chacune de ces parties le nom d'épisode : en effet c'était quelquefois un même sujet divisé en différents récits, et quelquefois chaque récit contenait son sujet particulier indépendant des autres. A ne considérer que la première institution de ces pièces surajoutées, il ne parait nullement nécessaire qu'on y ait observé l'unité du sujet, au contraire, trois ou quatre récits d'actions différentes, sans liaison entr'elles, paraissent avoir été également propres à soulager les acteurs, à divertir le peuple, et conformes à la grossiereté de l'art, qui n'étant encore qu'au berceau, aurait mal soutenu la continuité d'une action, pour peu qu'il eut voulu lui donner d'étendue : difficulté qui a fait tolérer jusqu'ici les épisodes dans le poème épique. Voyez EPOPEE.

Ce qui n'avait été qu'un ornement dans la tragédie, en étant devenu la partie principale, on regarda la totalité des épisodes comme ne devant former qu'un seul corps, dont les parties fussent dépendantes les unes des autres. Les meilleurs poètes conçurent leurs épisodes de la sorte, et les tirèrent d'une même action ; pratique si généralement établie du temps d'Aristote, qu'il en a fait une règle, en sorte qu'on nommait simplement tragédies, les pièces où l'unité de ces épisodes était observée, et tragédies épisodiques, celles où elle était négligée. Les épisodes étaient donc dans les drames des anciens, ce que nous appelons aujourd'hui actes dans une tragédie ou comédie. Voyez EPISODIQUE.

EPISODE, dans le même sens, est un incident, une partie de l'action principale. Toute la différence qu'Aristote met entre l'épisode tragique et l'épisode épique, c'est que celui-ci est plus susceptible d'étendue que le premier. Voyez EPIQUE.

Ce philosophe emploie le mot d'épisode en trois sens différents. Le premier est pris du dénombrement des parties de la tragédie, tel que nous l'avons rapporté ci-dessus ; d'où il s'ensuit que dans la tragédie ancienne l'épisode était tout ce qui ne composait ni le prologue, ni l'exode, ni le chœur ; et comme ces trois dernières parties n'entrent point dans la tragédie moderne, le terme d'épisode signifierait en ce sens la tragédie toute entière. De même l'épisode épique serait le poème tout entier, en en retranchant la proposition et l'invocation ; mais si les parties et les incidents dont le poète compose son ouvrage sont mal liés les uns avec les autres, le poème sera épisodique et défectueux : c'est-à-dire, pour éclaircir la pensée de l'auteur grec, que le terme épisode est équivalent à poème ou à unité d'action. Mais ce n'est pas là proprement le sens que les modernes lui donnent. De plus comme tout ce qu'on chantait dans la tragédie, quoique divisé en scènes, était compris sous le nom général de chœur, de même chaque partie de la fable ou de l'action, chaque incident, quoiqu'il formât à part un épisode, était compris sous le nom général d'épisode, qu'on donnait à toute l'action prise ensemble. Les parties du chœur étaient autant de chœurs, et les parties de l'épisode autant d'épisodes.

En ce sens (& c'est le second qu'Aristote donne à ce terme) chaque partie de l'action exprimée dans le plan et dans la première constitution de la fable, étaient autant d'épisodes ; telles sont dans l'Odissée, l'absence et les erreurs d'Ulysse, le désordre qui règne dans sa maison, son retour, et sa présence qui rétablissent toutes choses.

Aristote nous donne encore une troisième sorte d'épisode, lorsqu'il dit que ce qui est compris et exprimé dans le premier plan de la fable, est propre, et que les autres choses sont des épisodes. Par propre il entend ce qui est absolument nécessaire, et par épisode ce qui n'est nécessaire qu'à certains égards, et que le poète peut ou employer ou rejetter. C'est ainsi qu'Homère après avoir dressé le premier plan de sa fable de l'Odyssée, n'a plus été maître de faire ou de ne pas faire Ulysse absent d'Ithaque ; cette absence était essentielle, et par cette raison Aristote le met au rang des choses propres à la fable : mais il ne nomme point de la sorte les aventures d'Antiphate, de Circé, des Syrennes, de Scylla, de Caribde, etc. le poète avait la liberté d'en choisir d'autres ; ainsi elles sont des épisodes distinguées de la première action, à laquelle en ce sens elles ne sont point propres ni immédiatement nécessaires. Il est vrai qu'on peut dire qu'elles le sont à quelques égards ; car l'absence d'Ulysse étant nécessaire, il fallait aussi nécessairement que n'étant pas dans son pays il fût ailleurs. Si donc le poète avait la liberté de ne mettre que les aventures particulières que nous venons de citer, et qu'il a choisies, il n'avait pas la liberté générale de n'en mettre aucunes. S'il eut omis celles-ci, il eut été nécessairement obligé de leur en substituer d'autres, ou bien il aurait omis une partie de la matière contenue dans son plan, et son poème aurait été défectueux. Le défaut de ces incidents n'est donc pas d'être tels que le poète eut pu, sans changer le fonds de l'action, leur en substituer d'autres ; mais de n'être pas liés entr'eux de façon que le précédent amène celui qui le suit ; car c'est peu de se succéder, il faut encore qu'ils naissent les uns des autres.

Le troisième sens du mot épisode, revient donc au second ; toute la différence qui s'y rencontre, c'est que ce que nous appelons épisode dans le second sens, est le fonds ou le canevas de l'épisode pris dans le troisième sens, et que ce dernier ajoute à l'autre certaines circonstances vraisemblables, quoique non nécessaires, des lieux, des princes, et des peuples chez lesquels Ulysse a été jeté par le courroux de Neptune.

Il faut encore ajouter que dans l'épisode pris en ce troisième sens, l'incident ou l'épisode dans le premier sens sur lequel l'autre est fondé, doit être étendu et amplifié, sans quoi une partie essentielle de l'action et de la fable n'est pas un épisode.

Enfin c'est à ce troisième sens qu'il faut restraindre le précepte d'Aristote, qui prescrit de ne faire les épisodes qu'après qu'on a choisi les noms qu'on veut donner aux personnages. Homère, par exemple, n'aurait pas pu parler de flotte et de navires comme il a fait dans l'Iliade, si au lieu des noms d'Achille, d'Agamemnon, etc. il avait employé ceux de Capanée, d'Adraste, etc. Voyez FABLE.

Le terme d'épisode, au sentiment d'Aristote, ne signifie donc pas dans l'épopée un événement étranger ou hors d'œuvre, mais une partie nécessaire et essentielle de l'action et du sujet ; elle doit être étendue et amplifiée avec des circonstances vraisemblables.

C'est par cette raison que le même auteur prescrit que l'épisode ne soit point ajouté à l'action et tiré d'ailleurs, mais qu'il fasse partie de l'action même ; et que ce grand maître parlant des épisodes ne s'est jamais servi du terme ajouter, quoique ses interpretes l'aient trouvé si naturel ou si conforme à leurs idées, qu'ils n'ont pas manqué de l'employer dans leurs traductions ou dans leurs commentaires. Il ne dit cependant pas qu'après avoir tracé son plan et choisi les noms de ses personnages, le poète doive ajouter les épisodes, mais il se sert d'un terme dérivé de ce mot, comme si nous disions en français que le poète doit épisodier son action.

Ajoutez à cela, que pour faire connaître quelle doit être la véritable étendue d'une tragédie ou de l'épopée, et pour enseigner l'art de rendre celle-ci plus longue que l'autre, il ne dit pas qu'on ajoute peu d'épisodes à l'action tragique, mais simplement que les épisodes de la tragédie sont courts et concis, et que l'épopée est étendue et amplifiée par les siens. En un mot la vengeance et la punition des méchants énoncée en peu de paroles, comme on la lit dans le plan d'Aristote, est une action simple, propre, et nécessaire au sujet ; elle n'est point un épisode, mais le fonds et le canevas d'un épisode ; et cette même punition expliquée et étendue avec toutes les circonstances du temps, des lieux, et des personnes, n'est plus une action simple et propre, mais une action épisodiée, un véritable épisode, qui pour être plus au choix et à la liberté du poète, n'en contient pas moins un fonds propre et nécessaire.

Après tout ce que nous venons de dire, il semble qu'on pourrait définir les épisodes, les parties nécessaires de l'action étendue avec des circonstances vraisemblables.

Un épisode n'est donc qu'une partie de l'action, et non une action toute entière ; et la partie de l'action qui sert de fonds à l'épisode, ne doit pas, lorsqu'elle est épisodiée, demeurer dans la simplicité, telle qu'elle est énoncée dans le premier plan de la fable.

Aristote, après avoir rapporté les parties de l'Odyssée considérées dans cette première simplicité, dit formellement qu'en cet état elles sont propres à ce poème, et il les distingue des épisodes. Ainsi que dans l'Oedipe de Sophocle la guérison des Thébains n'est pas un épisode, mais seulement le fonds et la matière d'un épisode, dont le poète était le maître de se servir. De même Aristote en disant qu'Homère dans l'Iliade a pris peu de chose pour son sujet, mais qu'il s'est beaucoup servi de ses épisodes, nous apprend que le sujet contient en soi beaucoup d'épisodes dont le poète peut se servir, c'est-à-dire qu'il en contient le fonds ou le canevas, qu'on peut étendre et développer comme Sophocle a fait le châtiment d'Oedipe.

Le sujet d'un poème peut s'amplifier de deux manières ; l'une, quand le poète y emploie beaucoup de ses épisodes ; l'autre, lorsqu'il donne à chacun une étendue considérable. C'est principalement par cet art, que les poètes épiques étendent beaucoup plus leurs poèmes que les dramatiques ne font les leurs. D'ailleurs il y a certaines parties de l'action qui ne présentent naturellement qu'un seul épisode, comme la mort d'Hector, celle de Turnus, etc. au lieu que d'autres parties de la fable plus riches et plus abondantes, obligent le poète à faire plusieurs épisodes sur chacune, quoique dans le premier plan elles soient énoncées d'une manière aussi simple que les autres : telles sont les combats des Troie.s contre les Grecs, l'absence d'Ulysse, les erreurs d'Enée, etc. car l'absence d'Ulysse hors de son pays et pendant plusieurs années, exige nécessairement sa présence ailleurs ; le dessein de la fable le doit jeter en plusieurs périls et en plusieurs états ; or chaque péril et chaque état fournit un épisode, que le poète est maître d'employer ou de négliger.

De tous ces principes il résulte 1°. que les épisodes ne sont point des actions, mais des parties d'une action : 2°. qu'ils ne sont point ajoutés à l'action et à la matière du poème, mais qu'eux-mêmes sont cette action et cette matière, comme les membres sont la matière du corps : 3°. qu'ils ne sont point tirés d'ailleurs, mais du fonds même du sujet ; qu'ils ne sont pas néanmoins unis et liés nécessairement à l'action, mais qu'ils sont unis et liés les uns aux autres : 4°. que toutes les parties d'une action ne sont pas des épisodes, mais seulement celles qui sont étendues et amplifiées par les circonstances particulières ; et qu'enfin l'union qu'ont entr'eux les épisodes est nécessaire dans le fonds de l'épisode, et vraisemblable dans les circonstances. (G)

EPISODE, en Peinture, sont des scènes qu'on introduit dans un tableau, qui semblent étrangères au sujet principal du tableau, et qui néanmoins y sont nécessairement liées. Voyez COMPOSITION.

Ces scènes ou épisodes seraient, par exemple, dans un morceau représentant un sacrifice, un homme qui portant du bois pour entretenir le feu de l'autel, en laisse tomber quelques morceaux que d'autres ramassent ; où des femmes qui s'intéressant à la conservation d'un enfant, le dérangent du passage de la victime. Ces hommes qui ramassent les morceaux de bois tombés, ces femmes qui dérangent l'enfant, forment des épisodes ; et cependant liés avec le sujet ; ces épisodes jettent une variété, et même une sorte d'intérêt, qui produit de grands effets, particulièrement dans la représentation des actions qui ne sont pas suffisamment intéressantes par elles-mêmes.




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