S. f. (Belles-lettres) poème épique d'Homère, dans lequel il décrit les aventures d'Ulysse retournant à Itaque après la prise de Troie. Voyez EPIQUE. Ce mot vient du grec , qui signifie la même chose, et qui est dérivé d', Ulysse.

Le but de l'iliade, selon le P. le Bossu, est de faire voir la différence de l'état des Grecs réunis en un seul corps, d'avec les Grecs divisés entre eux ; et celui de l'odyssée est de nous faire connaître l'état de la Grèce dans ses différentes parties. Voyez ILIADE.

Un état consiste en deux parties, dont la première est celle qui commande, la seconde celle qui obéit. Or il y a des instructions nécessaires et propres à l'une et à l'autre ; mais il est possible de les réunir dans la même personne.

Voici donc, selon cet auteur, la fable de l'odyssée. Un prince a été obligé de quitter son royaume, et de lever une armée de ses sujets, pour une expédition militaire et fameuse. Après l'avoir terminée glorieusement, il veut retourner dans ses états, mais malgré tous ses efforts il en est éloigné pendant plusieurs années, par des tempêtes qui le jettent dans plusieurs contrées, différentes par les mœurs, les coutumes de leurs habitants, etc. Au milieu des dangers qu'il court, il perd ses compagnons, qui périssent par leur faute, et pour n'avoir pas voulu suivre ses conseils. Pendant ce même temps les grands de son royaume, abusant de son absence, commettent dans son palais les désordres les plus criants, dissipent ses trésors, tendent des pieges à son fils, et veulent contraindre sa femme à choisir l'un d'eux pour époux, sous prétexte qu'Ulysse était mort. Mais enfin il revient, et s'étant fait connaître à son fils et à quelques amis qui lui étaient restés fidèles, il est lui-même témoin de l'insolence de ses courtisans. Il les punit comme ils le méritaient, et rétablit dans son île la paix et la tranquillité qui en avaient été bannis durant son absence. Voyez FABLE.

La vérité, ou pour mieux dire la moralité enveloppée sous cette fable, c'est que quand un homme est hors de sa maison, de manière qu'il ne puisse avoir l'oeil à ses affaires, il s'y introduit de grands désordres. Aussi l'absence d'Ulysse fait dans l'odyssée la partie principale et essentielle de l'action, et par conséquent la principale partie du poème.

L'odyssée, ajoute le P. le Bossu, est plus à l'usage du peuple que l'iliade, dans laquelle les malheurs qui arrivent aux Grecs viennent plutôt de la faute de leurs chefs que de celle des sujets ; mais dans l'odyssée le grand nom d'Ulysse représente autant un simple citoyen, un pauvre paysan, que des princes, etc. Le petit peuple est aussi sujet que les grands à ruiner ses affaires et sa famille par sa négligence, et par conséquent il est autant dans le cas de profiter de la lecture d'Homère que les rois mêmes.

Mais, dira-t-on, à quel propos accumuler tant de fictions et de beaux vers pour établir une maxime aussi triviale que ce proverbe : Il n'est rien tel que l'oeil du maître dans une maison. D'ailleurs pour en rendre l'application juste dans l'odyssée, il faudrait qu'Ulysse pouvant se rendre directement et sans obstacles dans son royaume, s'en fût écarté de propos déliberé ; mais les difficultés sans nombre qu'il rencontre lui sont suscitées par des divinités irritées contre lui. Le motif de la gloire qui l'avait conduit au siege de Troie, ne devait pas passer pour condamnable aux yeux des Grecs, et rien ce me semble ne parait moins propre à justifier la bonté du proverbe, que l'absence involontaire d'Ulysse. Il est vrai que les sept ans qu'il passe à soupirer pour Calypso, ne l'exemptent pas de reproche ; mais on peut observer qu'il est encore retenu là par un pouvoir supérieur, et que dans tout le reste du poème il ne tente qu'à regagner Ithaque. Son absence n'est donc tout au plus que l'occasion des désordres qui se passent dans sa cour, et par conséquent la moralité qu'y voit le P. le Bossu parait fort mal fondée.

L'auteur d'un discours sur le poème épique, qu'on trouve à la tête des dernières éditions du Télémaque, a bien senti cette inconséquence, et trace de l'odyssée un plan bien différent et infiniment plus sensé. " Dans ce poème, dit-il, Homère introduit un roi sage, revenant d'une guerre étrangère, où il avait donné des preuves éclatantes de sa prudence et de sa valeur : des tempêtes l'arrêtent en chemin, et le jettent dans divers pays dont il apprend les mœurs, les lais, la politique. Delà naissent naturellement une infinité d'incidents et de périls. Mais sachant combien son absence causait de désordre dans son royaume, il surmonte tous ces obstacles, méprise tous les plaisirs de la vie, l'immortalité même ne le touche point, il renonce à tout pour soulager son peuple ".

Le vrai but de l'odyssée, considerée sous ce point de vue, est donc de montrer que la prudence jointe à la valeur, triomphe des plus grands obstacles ; et envisagé de la sorte, ce poème n'est point le livre du peuple, mais la leçon des rais. A la bonne heure que la moralité qu'y trouve le père le Bossu s'y rencontre, mais comme accessoire et de la même manière qu'une infinité d'autres semblables, telles que la nécessité de l'obéissance des sujets à leurs souverains, la fidélité conjugale, etc. Gérard Croès hollandais, a fait imprimer à Dort en 1704, un livre intitulé OMHPO EBPAIO, dans lequel il s'efforce de prouver qu'Homère a pris tous ses sujets dans l'Ecriture, et qu'en particulier l'action de l'odyssée n'est autre chose que les pérégrinations des Israélites jusqu'à la mort de Moïse, et que l'odyssée était composée avant l'iliade, dont le sujet est la prise de Jéricho. Quelles visions !