S. m. (Littérature) , c'est-à-dire, hymne, cantique en l'honneur des dieux ou des grands hommes. Thucydide donne seulement ce nom aux hymnes que les Grecs chantaient après une victoire en l'honneur d'Apollon, ou pour détourner quelque malheur ; et cette idée est aussi fort juste : ensuite on nomma paeans, paeanes, les cantiques qui étaient chantés par de jeunes gens à la gloire de Minerve dans les panathénées. Il parait par Zosime, qu'entre les chants séculaires, il devait y avoir des cantiques et des paeans ; ces deux pièces ne differaient que par le style, qui devait être plus relevé et plus pompeux dans la seconde que dans la première.

Le nom de paean tire son origine d'une aventure qu'Athénée nous a conservée, sur le rapport de Cléarque de Soles, disciple d'Aristote. Il dit que Latone étant partie de l'île d'Eubée avec ses deux enfants Apollon et Diane, passa auprès de l'antre où se retirait le serpent Python ; le monstre étant sorti pour les assaillir, Latone prit Diane entre ses bras, et cria à Apollon , frappe, mon fils. En même temps les nymphes de la contrée étant accourues, pour encourager le jeune dieu, crièrent, à l'imitation de Latone, , ce qui servit insensiblement de refrain à toutes les hymnes qu'on fit en l'honneur d'Apollon.

Dans la suite on fit de ces paeans ou cantiques pour le dieu Mars ; et on les chantait au son de la flute en marchant au combat. Il y en a divers exemples dans Thucydide et dans Xénophon ; sur quoi le scholiaste du premier observe qu'au commencement d'une action, l'on invoquait dans ces paeans le dieu Mars ; au lieu qu'après la victoire, Apollon devenait le seul objet du cantique. Suidas dit la même chose ; mais enfin les paeans ne furent plus renfermés dans l'invocation de ces deux divinités : ils s'étendirent à celle de quantité d'autres ; et dans Xénophon les Lacédémoniens entonnent un paean à l'honneur de Neptune.

On fit même des paeans pour illustrer les grands hommes. On en composa un où l'on célébrait les grandes actions du lacédémonien Lysandre, et qu'on chantait à Samos. On en fit un autre qui roulait sur les louanges de Cratère le macédonien, et qu'on chantait à Delphes au son de la lyre. Aristote honora d'un pareil cantique l'eunuque Hermias d'Atarne son ami ; et fut, dit-on, mis en justice pour avoir prodigué à un mortel un honneur qu'on ne croyait dû qu'aux dieux. Ce paean nous reste encore aujourd'hui, et Jules César Scaliger ne le trouve point inférieur aux odes de Pindare ; mais Athénée qui nous a conservé ce cantique d'Aristote, ne tombe point d'accord que ce soit un véritable paean, parce que l'exclamation , qui devrait le caractériser, dit-il, ne s'y rencontre en nul endroit ; au lieu qu'elle ne manque point, selon lui, dans les paeans composés en l'honneur d'Agémon corinthien, de Ptolomée fils de Lagus roi d'Egypte, d'Antigone et de Démétrius Poliorcete. Nous sommes redevables au même Athénée de la conservation d'un autre paean adressé par le poète Ariphron sicyonien à Hygiée, ou la déesse de la santé. (D.J.)