S. f. (Belles Lettres) petit poème ou pièce de vers courte, qui n'a qu'un objet, et qui finit par quelque pensée vive, ingénieuse, et saillante.

D'autres définissent l'épigramme une pensée intéressante, présentée heureusement et en peu de mots ; ce qui comprend les divers genres d'épigrammes, telles que les anciens les ont traitées, et telles qu'elles ont été connues par les latins et par les modernes.

Les épigrammes, dans leur origine, étaient la même chose que ce que nous appelons aujourd'hui inscriptions. On les gravait sur les frontispices des temples, des arcs de triomphe, sur les pié-d'estaux des statues, les tombeaux, et autres monuments publics. Elles se réduisaient quelquefois au monogramme : on leur donna peu-à-peu plus d'étendue ; on les tourna en vers pour les rendre plus faciles à être retenues par mémoire. Hérodote et d'autres nous en ont conservé plusieurs.

On s'en servit depuis à raconter brievement quelque fait, ou à peindre le caractère des personnes ; et quoiqu'elles eussent changé d'objet, elles conservèrent le même nom.

Les Grecs les renfermaient ordinairement dans des bornes assez étroites ; car quoique l'Anthologie en renferme quelques-unes assez longues, elles ne passent pas communément six ou au plus huit vers. Les Latins n'ont pas été si scrupuleux à observer ces bornes, et les modernes se sont donnés encore plus de licence. On peut pourtant dire en général que l'épigramme n'étant qu'une seule pensée, il est difficîle qu'elle communique ce qu'elle a de piquant à un grand nombre de vers.

M. le Brun, dans la préface qu'il a mise à la tête de ses épigrammes, définit l'épigramme un petit poème susceptible de toutes sortes de sujets, qui doit finir par une pensée vive, juste, et inattendue ; ces trois qualités, selon lui, sont essentielles à l'épigramme, mais surtout la briéveté et le bon mot. Pour être courte, l'épigramme ne doit se proposer qu'un seul objet, et le traiter dans les termes les plus concis ; c'était le sentiment de M. Despreaux :

L 'épigramme plus libre, en son tour plus borné,

N'est souvent qu'un bon mot de deux rimes orné.

On est divisé sur l'étendue qu'on peut donner à l'épigramme ; quelques-uns la fixent depuis deux jusqu'à vingt vers, quoique les anciens et les modernes en fournissent qui vont bien au-delà de ce dernier nombre ; mais on convient que les plus courtes sont souvent les meilleures et les plus parfaites. Les sentiments sont aussi partagés sur la pensée qui doit terminer l'épigramme : les uns veulent qu'elle soit saillante, inattendue comme dans celles de Martial, tout le reste, disent-ils, n'étant que préparatoire ; d'autres prétendent que les pensées doivent être répandues et se soutenir dans toute l'épigramme, et c'est la manière de Catulle ; d'autres enfin adoptent également ces deux genres.

Si l'on consulte l'Anthologie, les épigrammes grecques ne nous offriront guère de ce qu'on appelle bons mots ; elles ont seulement un certain air d'ingénuité et de simplicité accompagné de vérité et de justesse, tel que serait le discours d'un homme de bon sens ou d'un enfant qui aurait de l'esprit. Elles n'ont point le sel piquant de Martial, mais une certaine douceur qui plait au bon goût ; ce qui n'a pas empêché qu'on ne donnât le nom d'épigramme grecque à toute épigramme fade ou insipide : mais nous ne sommes pas dans le point de vue convenable pour juger du véritable mérite des épigrammes de l'Anthologie ; il faut si peu de chose pour défigurer un bon mot ; en connoit-on toute la finesse, les rapports, etc. à 2000 ans d'intervalle ?

Selon quelques modernes, c'est le bon mot qui caractérise l'épigramme, et qui la distingue du madrigal. Le P. Mourgues dit que c'est par le nombre des vers et par le bon mot, que ces deux espèces de petits poèmes sont distingués entr'eux dans la versification moderne ; que dans l'épigramme le nombre des vers ne doit être ni au-dessus de huit ni au-dessous de six, mais rien n'est moins fondé que cette règle ; ce qu'il ajoute est plus vrai, que la fin de l'épigramme doit avoir quelque chose de plus vif et de plus recherché que la pensée qui termine le madrigal. Voyez MADRIGAL.

L'épigramme est encore regardée comme le dernier et le moins considérable de tous les ouvrages de poésie ; et quelqu'un qui n'y réussissait apparemment pas, dit que les bonnes épigrammes sont plutôt un coup de bonheur qu'un effet du génie. Le P. Bouhours a prétendu qu'elles tiraient leur principal mérite de l'équivoque. Mais considérer l'épigramme par ses rapports, c'est faire le procès à ses défauts sans rendre justice aux beautés réelles qu'elle peut renfermer, et l'on en pourrait citer un grand nombre de ce genre tant anciennes que modernes.

Selon quelques autres une des plus grandes beautés de l'épigramme, est de laisser au lecteur quelque chose à suppléer ou à deviner, parce que rien ne plait tant à l'esprit que de trouver de quoi s'exercer dans les choses qu'on lui présente. Mais d'un autre côté on demande pour le moins avec autant de fondement, si une épigramme peut être louche, et si c'est la même chose qu'une énigme.

La matière de l'épigramme est d'une grande étendue ; elle exprime ce qu'il y a de plus grand et de plus noble dans tous les genres, elle s'abaisse à ce qu'il y a de plus petit, elle loue la vertu et censure le vice, peint et fronde les ridicules. Il semble pourtant qu'elle se trouve mieux dans les genres simples ou médiocres que dans le genre élevé, parce que son caractère est la liberté et l'aisance.

Comme l'épigramme ne roule que sur une pensée, il serait ridicule d'y multiplier les vers ; elle doit avoir une sorte d'unité comme le drame, c'est-à-dire ne tendre qu'à une pensée principale, de même que le drame ne doit embrasser qu'une action. Néanmoins elle a nécessairement deux parties ; l'une qui est l'exposition du sujet, de la chose qui a produit ou occasionné la pensée ; et l'autre, qui est la pensée même ou ce qu'on appelle le bon mot. L'exposition doit être simple, aisée, claire, libre par elle-même et par la manière dont elle est tournée.

Sans parler de la malignité et de l'obscénité, que la raison seule reprouve, les défauts qu'on doit éviter dans l'épigramme, sont la fausseté des pensées, les équivoques tirées de trop loin, les hyperboles, les pensées basses et triviales. (G)

Une des meilleures épigrammes modernes, est celle de M. Piron contre le Zoïle de notre siècle ; puisse-t-elle servir de leçon à ses semblables ! Une anecdote très-plaisante à ce sujet, c'est que M. Piron l'a fait écrire en sa présence par le Zoïle même : la voici ; elle est à deux tranchans.

Cet écrivain si fécond en libelles,

Crait que sa plume est la lance d'Argail ;

Sur le Parnasse entre les neuf Pucelles

Il s'est placé comme un épouvantail :

Que fait le bouc en si joli bercail ?

Y plairait-t-il ? chercherait-il à plaire ?

Non, c'est l'eunuque au milieu du serrail :

Il n'y fait rien, et nuit à qui veut faire.