S. f. (Architecture) réservoir souterrain d'eau de pluie, fait par art pour les divers besoins de la vie. On ne saurait s'en passer dans plusieurs pays maritimes, dans plusieurs endroits de l'Asie, et d'autres parties du monde. Comme l'eau de toute la Hollande est saumache, toutes les maisons ont des citernes, et il y en a qui sont construites avec un soin, un goût et une propreté admirables. Mais on dit que la plus belle citerne qu'il y ait au monde, se trouve à Constantinople. Les voutes de cette citerne portent sur deux rangs de 212 piliers chacun ; ces piliers, qui ont deux pieds de diamètre, sont plantés circulairement, et en rayons qui tendent à celui qui est au centre.

Ainsi un des grands avantages qu'on puisse tirer de l'eau de la pluie, c'est de la ramasser dans des réservoirs souterrains qu'on appelle citernes, où quand elle a été purifiée en passant au-travers du sable de rivière, elle se conserve plusieurs années sans se corrompre. Cette eau est ordinairement la meilleure de toutes celles dont on peut user, soit pour boire, soit pour l'employer à plusieurs usages, comme pour le blanchissage et pour les teintures, parce qu'elle n'est point mêlée d'aucun sel de la terre, comme sont presque toutes les eaux des fontaines, et même les plus estimées.

Ces citernes sont d'une très-grande utilité dans les lieux où l'on n'a point d'eau de source, ou bien lorsque toutes les eaux de puits sont mauvaises.

Dans ce cas, ceux qui sont curieux d'avoir de bonne eau, observent soigneusement de ne laisser point entrer l'eau des neiges fondues dans la citerne, ni celle des pluies d'orages. Pour ce qui est des neiges fondues, on a quelque raison de les exclure des citernes, non pas à cause des sels qu'on s'imagine qui sont enfermés et mêlés avec les particules de la neige, mais seulement parce que ces neiges demeurent ordinairement plusieurs jours, et quelquefois des mois entiers sur les toits des maisons, où elles se corrompent par la fiente des oiseaux et des animaux, et plus encore par le séjour qu'elles font sur les tuiles, qui sont ordinairement fort sales.

Cependant les Hollandais parent à ces deux derniers inconvéniens, en entretenant leurs toits avec propreté, en en éloignant les animaux, et en filtrant leur eau par des pierres ou des fontaines sablées.

Ce serait ici le lieu de parler de la construction de leurs citernes, de leur maçonnerie, de leur revêtement de marbre, de leur couverture, de leur propreté, du choix des matériaux qu'ils y emploient : car ce n'est pas assez pour former une citerne, que d'avoir un lieu qui tienne bien l'eau, que les pierres et le mortier dont elles sont jointes ne puissent communiquer aucune qualité à cette eau qui y séjourne pendant un temps considérable ; il faut encore de l'art dans la forme, dans la structure, dans les fondements d'une bonne citerne ; mais ce détail me menerait trop loin, et serait presque inintelligible sans les figures.

Comme toutefois ce n'est pas seulement dans des pays tels que la Hollande que les citernes sont nécessaires ; qu'il y a quantité de villes, de lieux, de châteaux dans toute l'Europe, et dans ce royaume, où des citernes seraient d'une très-grande utilité ; que d'ailleurs l'on ne peut douter par toutes les épreuves qu'on a faites, que l'eau de la pluie qui a été purifiée dans du sable de rivière, ne soit la meilleure de toutes celles qu'on puisse employer : M. de la Hire a imaginé, et a communiqué au public (mém. de l'acad. des Sciences, 1703.) les moyens suivants, pour pratiquer en tout pays des citernes qui fourniraient à chaque maison assez d'eau pour l'usage et les besoins de ceux qui y demeurent.

Premièrement, il est certain qu'une maison ordinaire qui aurait en superficie 40 taises, lesquelles seraient couvertes de toits, peut ramasser chaque année 2160 pieds cubiques d'eau, en prenant seulement 18 pouces pour la hauteur de ce qu'il en tombe, qui est la moindre hauteur que l'on observe communément. Mais ces 2160 pieds cubiques valent 75600 pintes d'eau, à raison de 35 pintes par pied, qui est la juste mesure pour la pinte de Paris. Si l'on divise donc ce nombre de pintes par les 365 jours de l'année, on trouvera 200 pintes par jour. On voit par-là que quand il y aurait dans une maison, comme celle qu'on suppose, vingt-cinq personnes, elles auraient huit pintes d'eau chacune à dépenser, ce qui est plus que suffisant pour tous les usages de la vie.

Il ne faut pas négliger un avis de M. de la Hire, sur le lieu et sur la manière de construire ces sortes de citernes dans les maisons particulières. On voit dans plusieurs villes de Flandres, vers les bords de la mer, où toutes les eaux des puits sont salées et amères, à cause que le terrain n'est qu'un sable leger au-travers duquel l'eau de la mer ne se purifie pas, que l'on fait des citernes dans chaque maison pour son usage particulier. Ces citernes ont sans-doute de grands avantages, et elles sont enterrées. Ce sont des espèces de caveaux où l'eau se conserve mieux qu'à l'air ; car il est vrai que l'eau, et surtout celle de pluie, ne se conserve pas à l'air, à cause du limon dont elle est remplie, qu'elle ne dépose pas entièrement en passant par le sable ; qu'elle se corrompt, et qu'il s'y engendre une espèce de mousse verte qui la couvre entièrement.

C'est pourquoi M. de la Hire voudrait qu'on pratiquât dans chaque maison un petit lieu dont le plancher serait élevé au-dessus du rez-de-chaussée de 6 pieds environ ; que ce lieu n'eut tout au plus que la quarantième ou cinquantième partie de la superficie de la maison, ce qui serait dans notre exemple d'une taise à-peu-près. Ce lieu pourrait être élevé de huit à dix pieds, et bien vouté, avec des murs fort épais. Ce serait dans ce lieu que l'on placerait un réservoir de plomb, qui recevrait toute l'eau de pluie après qu'elle aurait passé au-travers du sable. Il ne faudrait à ce lieu qu'une très petite porte bien épaisse, et bien garnie de nattes de paille, pour empêcher que la gelée ne put pénétrer jusqu'à l'eau. Par ce moyen on pourrait distribuer facilement de très-bonne eau dans les cuisines et les lavoirs. Cette eau étant bien renfermée ne se corromprait pas plus que si elle était sous terre, et ne gelerait jamais. Son peu d'élévation au-dessus du rez-de-chaussée servirait assez à la commodité de sa distribution dans tous les lieux du logis. Ce réservoir pourrait être placé dans un endroit où il n'incommoderait pas par son humidité, autant que ceux d'eau de fontaine qui sont dans plusieurs maisons.

Enfin il y a plusieurs autres endroits où de semblables réservoirs artistement construits suppléeraient aux besoins de la vie, par la position où l'on est de manquer d'eau, et par l'éloignement où l'on se trouve des sources et des rivières. Souvent nous laissons perdre les bienfaits de la nature, faute de connaissances pour en savoir tirer parti. Art. de M(D.J.)