S. m. (Architecture) c'est la façade d'un grand bâtiment où est la principale porte ; on l'entend néanmoins plus particulièrement des églises. Cette partie est très-susceptible du bon goût de l'Architecture, mais les François y ont prodigué les colifichets, comme au portail des grands Jésuites de Paris ; ou bien ils ont chargé mal-à-propos leurs portails de plusieurs ordres d'Architecture, comme par exemple, le portail de S. Gervais.

Nous avons de beaux intérieurs d'églises, tels que le dôme des Invalides et du Val-de-Grace, celui des chapelles de Fresne et de Versailles ; mais nous n'avons point encore réussi à la composition des portails. Nos plus habiles architectes français ont affecté d'élever plusieurs ordres d'architecture les uns au-dessus des autres dans la décoration de leurs portails. Cette ordonnance qui a passé comme en usage depuis la réputation du portail de S. Gervais, ne parait pas naturelle ; elle semble donner au-dehors de nos églises l'air d'un édifice ordinaire : car les différents ordres extérieurs ont coutume d'annoncer les différents étages de l'intérieur d'un bâtiment, ce qu'il est ridicule de supposer dans une église.

Outre cela, cette décoration est tout à fait contraire à tout ce que l'antiquité nous a laissé de modèles en ce genre. Un seul ordre colossal formant péristile, et couronné par un fronton du côté de l'entrée, est l'unique décoration qui puisse donner au frontispice d'un temple l'air noble et majestueux qui lui convient. C'est ainsi qu'étaient décorés les plus beaux temples de la Grèce et de l'Italie. C'est ainsi que Michel Ange et Palladio, les deux plus habiles architectes modernes, ont exécuté les différents portails qu'ils ont fait élever à Venise et en d'autres lieux.

On pourrait objecter que la grande élévation des couvertures de nos églises oblige d'élever ainsi plusieurs ordres d'architecture, pour pouvoir les cacher ; mais on répondra qu'il n'y a qu'à supprimer ces énormes charpentes, qui ne sont qu'un usage abusif sans aucune nécessité. La voute plein-ceintre de la nef d'une église couverte de pierres à recouvrement, est le seul toit qui convienne au sanctuaire de la divinité. Ainsi étaient couverts les temples des anciens.

Enfin, il résulterait d'un ordre colossal dans nos portails, qu'en le faisant régner à l'entour de nos églises, leur extérieur qui a coutume d'être si fort négligé, serait décoré naturellement, et cacherait les arcs-boutants qui font toujours à l'oeil un effet désagréable ; et quoique par la même raison les croisées de la nef ne s'aperçussent pas en-dehors, l'intérieur de nos églises n'en serait pas moins bien éclairé, comme on peut le remarquer dans celle de St. Pierre de Rome. (D.J.)