S. m. (Architecture) on nomme voussoir en Architecture une pierre propre à former le ceintre d'une voute, taillée en espèce de coin tronqué, dont les côtés, s'ils étaient prolongés, aboutiraient à un centre où tendent toutes les pierres de la voute.

Une voute ou un arc demi-circulaire, étant posé sur ses deux piédroits, et toutes les pierres ou vousoirs qui composent cet arc, étant taillés et posés entr'eux, de manière que leurs joints prolongés se rencontrent tous au centre de l'arc, il est évident que tous les voussoirs ont une figure de coin plus large par haut que par bas, en vertu de laquelle ils s'appuient et se soutiennent les uns les autres, et résistent réciproquement à l'effort de leur pesanteur qui les porterait à tomber.

Le voussoir du milieu de l'arc, qui est perpendiculaire à l'horizon, et qu'on appelle clé de voute, est soutenu de part et d'autre par les deux voussoirs voisins, précisément comme par deux plans inclinés, et par conséquent l'effort qu'il fait pour tomber, n'est pas égal à sa pesanteur, mais en est une certaine partie d'autant plus grande, que les plans inclinés qui le soutiennent sont moins inclinés ; de sorte que s'ils étaient infiniment peu inclinés, c'est-à-dire perpendiculaires à l'horizon, aussi-bien que la clé de la voute, elle tendrait à tomber par toute sa pesanteur, ne serait plus du-tout soutenue, et tomberait effectivement, si le ciment que l'on ne considère pas ici, ne l'empêchait.

Le second voussoir qui est à droite ou à gauche de la clé de voute est soutenu par un troisième voussoir, qui, en vertu de la figure de la voute, est nécessairement plus incliné à l'égard du second, que le second ne l'est à l'égard du premier ; et par conséquent le second voussoir dans l'effort qu'il fait pour tomber, exerce une moindre partie de sa pesanteur que le premier.

Par la même raison, tous les voussoirs, à compter depuis la clé de voute, vont toujours en exerçant une moindre partie de leur pesanteur totale, et enfin le dernier qui est posé sur une face horizontale du piédrait, n'exerce aucune partie de sa pesanteur ; ou, ce qui est la même chose, ne fait nul effort pour tomber, puisqu'il est entièrement soutenu par le piédrait.

Si l'on veut que tous les voussoirs fassent un effort égal pour tomber, ou soient en équilibre, il est visible que chacun depuis la clé de voute jusqu'au piédrait, exerçant toujours une moindre partie de sa pesanteur totale, le premier, par exemple, n'en exerçant que la moitié, le second, un tiers, le troisième, un quart, etc. il n'y a pas d'autres moyens d'égaler ces différentes parties, qu'en augmentant à proportion les tous dont elles sont parties ; c'est-à-dire qu'il faut que le second voussoir soit plus pesant que le premier, le troisième plus que le second, et ainsi de suite jusqu'au dernier qui doit être infiniment pesant, parce qu'il ne fait nul effort pour tomber, et qu'une partie nulle de sa pesanteur, ne peut être égale aux efforts finis des autres voussoirs, à moins que cette pesanteur ne soit infiniment grande.

Pour prendre cette même idée d'une manière plus sensible et moins métaphysique, il n'y a qu'à faire réflexion que tous les voussoirs, hormis le dernier, ne pourraient laisser tomber un autre voussoir quelconque, sans s'élever ; qu'ils résistent à cette élévation jusqu'à un certain point déterminé par la grandeur de leur poids, et par la partie qu'ils en exercent ; qu'il n'y a que le dernier voussoir qui puisse en laisser tomber un autre sans s'élever en aucune sorte, et seulement en glissant horizontalement ; que les poids, tant qu'ils sont finis, n'apportent aucune résistance au mouvement horizontal, et qu'ils ne commencent à y en apporter une finie, que quand on les conçoit infinis.

M. de la Hire, dans son traité de Mécanique, imprimé en 1695, a démontré quelle était la proportion selon laquelle il fallait augmenter la pesanteur des voussoirs d'un arc demi-circulaire, afin qu'ils fussent tous en équilibre ; ce qui est la disposition la plus sure que l'on puisse donner à une voute, pour la rendre durable. Jusque-là, les Architectes n'avaient eu aucune règle précise, et ne s'étaient conduits qu'en tâtonnant. Si l'on compte les degrés d'un quart de cercle, depuis le milieu de la clé de voute, jusqu'à un pied droit, l'extrémité de chaque voussoir appartiendra à un arc d'autant plus grand, qu'elle sera plus éloignée de la clé ; et il faut par la règle de M. de la Hire, augmenter la pesanteur d'un voussoir par-dessus celle de la clé, autant que la tangente de l'arc de ce voussoir l'emporte sur la tangente de l'arc de la moitié de la clé. La tangente du dernier voussoir devient nécessairement infinie, et par conséquent aussi sa pesanteur. Mais comme l'infini ne se trouve pas dans la pratique, cela se réduit à changer autant qu'il est possible, les derniers voussoirs, afin qu'ils résistent à l'effort que fait la voute pour les écarter, qui est ce qu'on appelle sa poussée. Acad. des Sciences, année 1704. (D.J.)