(Peinture) Voici un mot dont la signification vague en apparence, renferme une multitude de lois particulières imposées aux Artistes ; premièrement par la nature, ou, ce qui revient au même, par la vérité ; et ensuite par le raisonnement, qui doit être l'interprete de la nature et de la vérité.

L'ensemble est l'union des parties d'un tout.

L'ensemble de l'univers est cette chaîne presque entièrement cachée à nos yeux, de laquelle résulte l'existence harmonieuse de tout ce dont nos sens jouissent. L'ensemble d'un tableau est l'union de toutes les parties de l'art d'imiter les objets ; enchainement connu des artistes créateurs, qui le font servir de base à leurs productions ; tissu mystérieux, invisible à la plupart des spectateurs, destinés à jouir seulement des beautés qui en résultent.

L'ensemble de la composition dans un tableau d'histoire est de deux espèces, comme la composition elle-même, et peut se diviser par conséquent en ensemble pittoresque, et en ensemble poétique.

Les acteurs d'une scène historique peuvent sans-doute être fixés dans les ouvrages des auteurs qui nous l'ont transmise. La forme du lieu où elle se passe, peut aussi se trouver très-exactement déterminée par leur récit : mais il n'en restera pas moins au choix de l'artiste un nombre infini de combinaisons que peuvent éprouver entr'eux les personnages essentiels et les objets décrits. C'est au peintre à créer cet ensemble pittoresque ; et je crois qu'on doit moins craindre de voir s'épuiser la variété dans les compositions, que le talent d'embrasser toutes les combinaisons qui peuvent la produire.

Celle des combinaisons possibles à laquelle on s'arrête, est donc dans un tableau son ensemble pittoresque ; il est plus ou moins parfait, selon que l'on a plus ou moins réussi à rendre les grouppes vraisemblables, les attitudes justes, les fonds agréables, les draperies naturelles, les accessoires bien choisis et bien disposés.

L'ensemble poétique exige à son tour cet intérêt général, mais nuancé, que doivent prendre à un événement tous ceux qui y participent. L'esprit, l'âme des spectateurs veulent être satisfaits, ainsi que leurs yeux ; ils veulent que les sentiments dont l'artiste a prétendu leur faire passer l'idée, aient dans les figures qu'il représente une liaison, une conformité, une dépendance, enfin un ensemble qui existe dans la nature. Car dans un événement qui occasionne un concours de personnes de différents âges, de différentes conditions, de différents sexes ; le sentiment qui résulte du spectacle présent, semblable à un fluide qui tourbillonne, perd de son action en s'étendant loin de son centre : outre cela, il emprunte ses apparences différentes de la force, de la faiblesse, de la sensibilité, de l'éducation, qui sont comme différents milieux par lesquels il circule.

Dans cette multitude d'obligations qu'imposent les lois de l'ensemble, on juge bien que la couleur révendique ses droits.

Son union, son accord, sa dégradation insensible, forment son ensemble ; le clair-obscur compose le sien des grouppes de lumière et d'ombre, et de l'enchainement de ses masses : mais ce sujet mérite bien que l'on consulte les articles qui sont plus particulièrement destinés à les approfondir ; ainsi je renverrai entr'autres, pour l'explication plus étendue de ce genre d'ensemble, au mot HARMONIE, qui l'exprime.

La couleur a des tons, des proportions, des intervalles ; il n'est pas étonnant que la Peinture emprunte de la Musique le mot harmonie, qui exprime si bien l'effet que produisent ces différents rapports : et la Musique à son tour peut adopter le mot coloris ; en nommant ainsi cette variété de style qui peut l'affranchir d'une monotonie, à laquelle il semble qu'elle s'abandonne parmi nous.

Si je ne me suis arrêté qu'à des réflexions générales sur le mot ensemble, on doit sentir que je l'ai fait pour me conformer à l'idée que présente ce terme : cependant il devient d'une signification moins vague et plus connue, lorsqu'il s'applique au dessein. Il est plus communément employé par les artistes ; et de cet usage plus fréquent doit naturellement résulter une idée plus nette et plus précise : aussi n'est-il pas d'élève qui ne sache ce qu'on entend par l'ensemble d'une figure, tandis que peut-être se trouverait-il des artistes qui auraient peine à rendre compte de ce que signifie ensemble poétique et ensemble pittoresque.

Cet usage plus ou moins fréquent des termes de Sciences et d'Arts, est un des obstacles les plus difficiles à vaincre pour parvenir à fixer les idées des hommes sur leurs différentes connaissances. Les mots sont-ils peu usités ? on ne connait pas assez leur signification. Le deviennent-ils ? bien-tôt ils le sont trop ; on les détourne, on en abuse au point qu'on ne saurait plus en faire l'usage méthodique auquel ils sont destinés.

Mais sans m'arrêter à citer des exemples trop faciles à rencontrer, je reviens au mot ensemble. Lorsqu'il s'agit d'une figure, c'est l'union des parties du corps et leur correspondance réciproque. On dit un bon ou un mauvais ensemble ; par conséquent le mot ensemble ne signifie pas précisément la perfection dans le dessein d'une figure, mais seulement l'assemblage vraisemblable des parties qui la composent.

L'ensemble d'une figure est commun et à la figure, et à l'imitation qu'on en fait. Il y a des hommes dont on peut dire qu'ils sont mal ensemble ; parce que disgraciés dès leur naissance, leurs membres sont effectivement mal assemblés. Mais n'est-il pas étonnant que l'extravagance des modes et l'aveuglement des prétentions aient souvent engagé plusieurs de ces êtres indéfinissables qu'on nomme petits-maîtres, à défigurer un ensemble quelquefois très-parfait, ou au moins passable, dont ils étaient doués, pour y substituer une figure décomposée qui contredit desagréablement la nature ?

Les grâces sont plus respectées par la Peinture ; et si on ne leur sacrifie pas toujours, au moins a-t-on toujours pour objet d'obtenir leur aveu par la perfection de l'ensemble. Les Grecs qui entr'autres avantages ont sur nous celui de nous avoir précédés, ont fait une étude particulière de ce qui doit constituer la perfection de l'ensemble d'une figure.

Ils ont trouvé dans leur goût pour les Arts, dans leur émulation, dans les ressources de leur esprit, et dans les usages qu'ils pratiquaient, des facilités et des moyens qui les ont menés à des succès que nous admirons. Je reprendrai ce fil, qui me conduirait insensiblement à parler des proportions, et de la grâce, aux mots PROPORTION, GRACE ; voyez aussi BEAU ; et je me contenterai de dire que la justesse de l'ensemble dépend beaucoup de la connaissance de l'Anatomie, puisqu'il est l'effet extérieur des membres mis en mouvement par les muscles et les nerfs, et soutenus dans ce mouvement par les os qui sont la charpente du corps.

L'effet du tout ensemble est, comme on le sent bien, le résultat des ensembles dont je viens de parler, comme le mot effet général est le résultat des effets particuliers de chacune des parties de l'art de peindre, dont on fait usage dans un tableau. Voyez EFFET. Cet article est de M. WATELET.

ENSEMBLE, s. m. en Architecture, se dit de toutes les parties d'un bâtiment, qui étant proportionnées les unes avec les autres, forment un beau tout, ce qu'on entend quelquefois aussi par masse ; on dit, la masse d'un tel édifice, ou bâtiment, fait un bel ensemble. (P)

ENSEMBLE, (Art militaire) L'ensemble dans la tactique, c'est l'exacte exécution des mêmes mouvements, de la même manière, et dans le même temps.

Ainsi l'ensemble dans la marche d'une troupe, ou d'un bataillon, c'est l'union de tous les hommes du bataillon, qui doivent agir comme s'ils étaient mus par une seule et même cause qui agirait également sur chacun d'eux. Une troupe dont tous les soldats marchent bien ensemble, garde toujours son même arrangement : ses rangs et ses files sont toujours en ligne droite, et aucune des parties ne Ve ni plus vite, ni plus lentement que l'autre.

Cet ensemble est d'une grande utilité dans les mouvements des troupes ; mais les soldats ne peuvent l'acquérir que par un exercice fréquent. (Q)

ENSEMBLE, (Manège) L'ensemble n'est autre chose que la situation d'un cheval exactement contre-balancé sur ses quatres membres. Mettre un cheval ensemble, c'est l'obliger à rassembler les parties de son corps et ses forces, en les distribuant également sur ses quatre jambes, et en les réunissant pour ainsi dire. On prononce sans-cesse le mot d'ensemble dans nos manéges ; peu d'écuyers sont en état de le définir. On verra toute l'étendue de sa signification à l'article UNION. (e)