(Géographie) nommé autrement, et mieux encore Frakmont ; montagne de Suisse, à-peu-près au centre de la Suisse, dans le canton de Lucerne, en allant du côté d'Underwald. Elle commence à l'occident du lac de Lucerne ; et sa chaîne d'environ quatorze lieues s'étend du nord au sud, jusque dans le canton de Berne.

La Suisse montagneuse n'était guère peuplée, lorsqu'une bande de déserteurs Romains vint s'établir sur cette montagne. Ils lui donnèrent le nom de Mons fractus, ce qui prouve qu'elle était alors, comme aujourd'hui très-escarpée. Elle fut ensuite appelée Mons pilaeatus, parce qu'elle est presque toujours en quelque manière couverte d'un chapeau de nuées. De-là, par corruption, on l'a nommée Mont-pilate. Elle est isolée, et doit être regardée à certains égards, pour la plus haute de la Suisse. Il est vrai que le mont Titlio, celui de saint Gothard, et quelques-uns du pays des Grisons, ont la cime plus élevée, mais ce sont des chaînes de montagnes assises les unes sur les autres. Celui-ci, dans toute sa longueur, n'est accessible que dans la partie de ses deux pointes qui sont distantes l'une de l'autre d'une lieue et demie.

Le docteur Lang, de Lucerne, a formé un cabinet de curiosités naturelles en coquillages pétrifiés, dents, arêtes et carcasses de poissons, qu'il a trouvés sur cette montagne. Le gibier qu'on y voit, consiste en bartavelles, coqs de bruyeres, chamois, chevreuils et bouquetins.

On y donne des leçons pour marcher d'un rocher à l'autre. Les souliers d'usage sont une semelle de bois leger, qu'on attache avec des cuirs. On enfonce quatre clous dans le talon, et six sous la semelle. Ces clous qui sont des clous de fers de cheval, faits à l'épreuve, ne cassent jamais, et debordent la semelle d'un demi-pouce.

Les montagnards du Mont-pilate, quoique sous la domination d'un souverain, s'exemptent quand ils le veulent, d'en suivre les lais, bien assurés, qu'on n'ira pas les forcer dans leurs retranchements. Comme ils ne peuvent occuper le haut de la montagne que quatre mois de l'année, à cause des neiges, ils ont de chétives habitations à mi-côte, où ils passent l'hiver avec leurs familles, et ne vivent que de laitage et de pain noir. On a d'abord quelque peine à concevoir qu'ils préfèrent cette demeure sterîle à celle du plat-pays fertile, et qu'ils mènent gaiement une vie pauvre, dure et misérable en apparence. Mais quel empire n'a pas sur le cœur de l'homme l'amour de la liberté ! Elle peut rendre des déserts, des cavernes, des rochers plus agréables que les plaines les plus riantes, puisqu'elle fait souvent préférer la mort à la vie. (D.J.)