province de France, bornée à l'est par le Rhin, au sud par la Suisse et la Franche-Comté, à l'occident par la Lorraine, et au nord par le palatinat du Rhin. Long. 24. 30 35. 20. lat. 47. 36-49.

Le commerce de ce pays consiste en tabac, eau-de-vie, chanvre, garence, écarlate, safran, cuirs, et bois ; ces choses se trafiquent à Strasbourg, sans compter les choux pommés qui font un objet beaucoup plus considérable qu'on ne croirait. Il y a manufacture de tapisserie de moquette et de bergame, de draps, de couvertures de laine, de futaines, de toiles de chanvre et de lin ; martinet pour la fabrique du cuivre : on trouvera à l'article CUIVRE et aux Planches de Minéralogie, la description et la figure de ces martinets. Moulin à épicerie, commerce de bois de chauffage, qui appartient aux magistrats seuls ; tanneries à petits cuirs, comme chamois, boucs, chèvres, moutons ; suifs, poisson sec et salé, chevaux, &c.... Le reste du pays a aussi son négoce ; celui de la basse Alsace est en bois ; de la haute en vin, en eaux-de-vie, vinaigre, blés, seigles, avoines. Les Suisses tirent ces dernières denrées de l'une et de l'autre Alsace. En porcs et bestiaux, en tabac ; en safran, terebenthine, chanvre, lin, tartre, suif, poudre à tirer, chataignes, prunes, graines et légumes. Le grand trafic des chataignes, des prunes, et autres fruits se fait à Cologne, à Francfort, et à Bâle. L'Alsace a des manufactures en grand nombre ; mais les étoffes qu'on y fabrique ne sont ni fines ni chères. Ce sont des tiretaines moitié laine et moitié fil, des treillis, des canevas et quelques toiles. Quant aux mines, l'auteur du dictionnaire du Commerce dit, que hors celles de fer, les autres sont peu abondantes.

On Ve juger de la valeur de ces mines par le compte que nous en allons rendre d'après des mémoires qui nous ont été communiqués, par M. le Comte d'Hérouville de Clayes, lieutenant-général des armées de Sa Majesté. Les mines de Giromagny, le Puix et Auxelle-haut, sont situées au pied des montagnes de Voges, à l'extrémité de la haute Alsace ; la superficie des montagnes où sont situées les mines appartient à différents particuliers, dont on achète le terrain, quand il s'agit d'établir des machines, et de faire de nouveaux percements.

Depuis le don fait des terres d'Alsace à la maison de Mazarin, ces mines ont été exploitées par cette maison jusqu'à la fin de 1716, que le seigneur Paul-Jules de Mazarin les fit détruire, par des raisons dont il est inutîle de rendre compte, parce qu'elles n'ont aucun rapport à la qualité de ces mines. Ces mines sont restées presque sans exploitation jusqu'en 1733, qu'on commença à les rétablir.

Ce travail a été continué jusqu'en 1740 ; et voici l'état où elles étaient en 1741, 1742, 1743, etc.

La mine de saint Pierre, située dans la montagne appelée le Mont-jean, banc de Giromagny, a son entrée et sa première galerie au pied de la montagne ; elle est de quarante taises de longueur : le long de cette galerie, est le premier puits de 89 pieds de profondeur ; je dis le long, parce qu'au-delà du trou de ce puits, la galerie est continuée de 55 taises, et se rend aux ouvrages de la mine de S. Joseph. Le second puits a 100 pieds de profondeur ; le troisième 193 ; le quatrième 123 : alors on trouve une autre galerie de quatre taises qui conduit au cinquième puits, qui est de 128 pieds. Au milieu de ce puits, on rencontre une galerie de quarante taises de longueur, qui conduit aux ouvrages où sont actuellement quatre mineurs occupés à un filon de mine d'argent d'un pouce d'épaisseur, qui promet augmentation. De ces ouvrages, on revient au sixième puits, qui est de 107 pieds de profondeur, où les ouvrages sur le minuit sont remplis de décombres, que l'on commence à enlever.

Du sixième puits vers le midi, on a commencé une galerie de 35 taises de longueur, pour arriver à des ouvrages qu'on appelle du cougle, où il y a un filon de mine d'argent de deux pouces et demi d'épaisseur, où trois mineurs sont employés, et où l'on espère en employer vingt. Cette partie de la mine passe pour la plus riche.

Le septième puits a 94 pieds de profondeur. En tirant de ce puits au minuit par une galerie de trente-cinq taises, on trouve des ouvrages dans lesquels il y a deux mineurs à un filon de 4 à 5 pouces d'épaisseur de mine d'argent, cuivre et plomb. Le huitième puits a 100 pieds de profondeur ; le neuvième a aussi 100 pieds de profondeur. Au fond de ce puits, on trouve une galerie de 40 taises, qui conduit aux ouvrages vers le minuit, où sont employés neuf mineurs sur un filon de quatre à cinq pouces. Le dixième puits a 86 pieds, et le onzième 120 pieds. Le douzième est de 60 ; on y trouve un filon de 4 pouces d'épaisseur sur trois taises de longueur, continuant par une mine picassée, jusqu'au fond où se trouve encore un filon de deux pouces d'épaisseur sur six taises de longueur, et un autre picassement de mine en remontant.

Nous avons dit, en parlant du premier puits, qu'au-delà de ce puits la galerie était continuée de 55 taises, pour aller à la mine de saint Joseph. Au bout de cette galerie est un puits de la profondeur de 60 pieds, un second puits de 40 : mais ces ouvrages sont si remplis de décombres qu'on ne peut les travailler. Cette mine de saint Pierre est riche ; et si les décombres en étaient enlevées, on pourrait employer vers le midi trente mineurs coupant mine. On tira de cette mine pendant le mois de Mars 1741, quatorze quintaux de mine d'argent tenant huit lots ; 86 de mine d'argent, cuivre, et plomb, tenant en argent quatre lots, en cuivre, douze lots p %, le plomb servant de fondant ; plus 30 quintaux tenant 3 lots, qui sont provenus des pierres de cette même mine, que l'on a fait piler et laver par les bocards.

Pour exploiter cette mine, il y a un canal sur terre d'un grand quart de lieue de longueur, qui conduit les eaux sur une roue de 32 pieds de diamètre, laquelle tire les eaux du fond de cette mine par vingt-deux pompes aspirantes et foulantes. Pour gouverner cette machine, il faut un homme qui ait soin du canal, un maître de machine, quatre valets, trois charpentiers, trois houtements, soixante-dix manœuvres, pour tirer la mine hors du puits ; deux maréchaux, deux valets, huit chaideurs, outre le nombre de coupeurs dont nous avons parlé.

La mine de saint Daniel sur le banc de Giromagny, actuellement exploitée, a son entrée au levant par une galerie de la longueur de 30 taises ; et sur la longueur de cette galerie, il se trouve trois puits ou chocs différents. Le premier a 48 pieds ; le second 48 ; le troisième 36. Ces trois puits se réunissent dans le fond où il se trouve une galerie de 42 taises. Dans cette galerie est un autre puits de 60 pieds ; puis une autre galerie de 6 taises, et au bout de cette galerie un puits de 12 pieds de profondeur. Le filon du fond de la mine est argent, cuivre, et plomb, de la largeur de 6 pouces sur 6 taises de longueur, et le filon des deux galeries est de 6 pouces de largeur sur 20 taises de longueur. Cette mine produit actuellement par mois 70 quintaux de mine de plomb, 40 quintaux de mine d'argent, la mine de plomb tenant 45 lots de plomb p %, et 8 lots de mine aussi pour % ou quintal.

La mine de saint Nicolas, banc de Giromagny, donnait trois métaux, argent, cuivre, et plomb ; on cessa en 1738 d'y travailler faute d'argent, pour payer les ouvriers qui n'y travaillaient qu'à fortfait. Elle a son entrée au levant par une galerie de 8 taises au bout de laquelle est un puits ; et cette galerie continue depuis ce puits encore 18 taises, au bout desquelles on trouve un filon de cuivre de l'épaisseur de deux pouces sur une taise de longueur ; ce filon est mêlé de veines de mine d'argent, dont le quintal tient six lots. Cette mine a trois puits : le premier de 40 pieds ; le second de 60, et le troisième de 20 pieds de profondeur.

On observait en 1741, qu'il était nécessaire d'exploiter cette mine pour l'utilité de celle de S. Daniel.

La mine de S. Louis sur le banc de Giromagny, a son entrée au midi par une galerie de 10 taises, au bas de laquelle est un puits de 12 pieds : au bas de ce puits est une autre galerie de la longueur de 80 taises, qui aboutit sur la galerie du premier puits de la mine de Phenigtorne. Dans le premier puits, il y en a un autre de 24 pieds de profondeur, où se trouve un filon d'argent, de cuivre et plomb, de 4 pouces d'épaisseur sur 4 taises de longueur.

La mine de Phenigtorne passe pour la plus considérable du pays : elle a son entrée au levant au pied de la montagne de ce nom, et son filon est au midi ; elle est mêlée d'argent et cuivre ; le quintal produit 2 marcs d'argent et 10 à 12 livres de cuivre : quand le filon est mêlé de roc, elle ne donne qu'un marc d'argent par quintal, mais toujours la même quantité de cuivre. La première galerie pour l'entrée de cette mine est de 15 taises jusqu'au premier puits : il y a 12 chocs ou puits de 100 pieds de profondeur. Les ouvrages qui méritaient d'être travaillés ne commençaient, en 1741, qu'au sixième puits. Dans le septième puits, il y avait un filon seulement picassé de mine d'argent ; rien dans le huitième : dans le neuvième, au bout d'une galerie de trente taises de long, il y avait un filon qui pouvait avoir de la suite ; au bout de cette galerie il y avait encore un puits commencé, où l'on trouvait un pouce de mine qui promettait un gros filon : dans le dixième et onzième peu de chose : dans le douzième, vers minuit, il se trouvait un filon de 3 pouces d'épaisseur sur 4 taises de longueur ; et dans le fond de la montagne, où la machine prenait son eau, il y avait un filon de trois pouces, en tirant du côté du puits, de la longueur de douze taises, au bout desquelles se trouvait encore un puits commencé, de la profondeur de 20 pieds, et de trois taises de longueur, dans le fond duquel est un filon de six pouces d'épaisseur, de mine d'argent et cuivre, sans roc ; et aux deux côtés dudit puits, encore le même filon d'une taise de chaque côté.

Nous ne donnerons point la coupe de toutes ces mines, une seule suffisant pour aider l'imagination à se faire une image exacte des autres. La mine de Phenigtorne étant la plus riche, nous l'avons préférée. Voyez Minéralogie, Pl. I. A, est la galerie pour entrer dans la mine ; B, la galerie du soldant tirant à S. Louis ; C, galerie dans le troisième étage ; D, galerie sur le sixième étage ; E, galerie dans le sixième étage ; F, galerie sur le septième étage ; G, galerie sur le huitième étage ; H, galerie sur le neuvième étage ; I, galerie au milieu du neuvième étage ; L L, les ouvrages du côté de minuit ; M, le fond des ouvrages ; N N, les ouvrages du côté de midi ; p p p, le puits où est le plus fort de la mine ; la trace ombrée fort marque la mine ; q, bermond d'eau porté par le grand tuyau dans le réservoir R ; T, un grand réservoir pour soutenir les eaux de la machine.

Cette mine de Phenigtorne exploitée dans les règles, pouvait, selon l'estimation de 1741, produire 90 quintaux, plutôt plus que moins, par mois.

On voit par ce profil, que les trois mines de S. Daniel, de S. Louis, et de S. Nicolas, peuvent communiquer dans la Phenigtorne par des galeries, et par conséquent abréger beaucoup les travaux et les dépenses.

La mine de S. Français, sur le banc du Puix, n'était point exploitée en 1741 ; elle a son entrée au levant par une galerie de quinze taises, au bout de laquelle on trouve le premier puits qui est de 60 pieds de profondeur ; et du premier puits au second, la galerie est continuée sur la longueur de sept taises, où l'on trouve le second puits de 90 pieds de profondeur.

Cette mine contient du plomb, tenant trois lots d'argent par quintal, et 40 liv. de plomb pour 0/0. Le filon commence au premier puits, et Ve jusqu'au fond du second, gros de temps en temps de 3 pouces, sur la longueur de 80 pieds du côté du midi et minuit ; dans le fond du puits il y a un autre filon de quatre à cinq pouces, mêlé de roc par moitié ; et en remontant du côté du midi, il y a encore un filon de trois à quatre pouces d'épaisseur, sur trois taises de longueur, qui contient plus d'argent que les autres filons de la mine.

La mine de S. Jacques, sur le banc du Puix, non exploitée en 1741, passait alors pour ne pouvoir l'être sans nuire à la Phenigtorne, qui valait mieux ; et cela faute d'une quantité d'eau suffisante pour les deux dans les temps de sécheresse.

La mine de S. Michel, banc du Puix, non exploitée en 1741, est de plomb pur ; elle a son entrée entre le midi et le couchant par une galerie de huit taises, au bout de laquelle est un puits de 30 pieds : son filon est petit, et de peu de valeur, mais de bonne espérance.

La mine de la Selique, banc du Puix, non exploitée en 1741, est de cuivre pur, n'a qu'une galerie de 20 taises au bout de laquelle il y a un puits commenc, qui n'a pas été continué ; le filon n'en était pas encore en règle.

La mine de S. Nicolas des bois, banc du Puix, non exploitée en 1741, est de cuivre et plomb, à en juger par les décombres.

Les autres mines du banc du Puix, qui n'ont jamais été exploitées, du moins de mémoire d'homme, sont la montagne Collin, la montagne Schelogue, les trois Rais, Saint Guillaume, la Buzenière, et Sainte-Barbe.

La Taichegronde, non exploitée, est une mine d'argent qui parait abondante et riche.

Toutes ces montagnes, tant du banc de Giromagny que du Puix, sont contiguès ; une petite rivière les sépare : de la première à la dernière il n'y a guère qu'une lieue de tour.

Il y a au banc d'Etueffont une mine d'argent, cuivre et plomb, distante d'une lieue et demie de celles de Giromagny ; elle n'a point non plus été exploitée de mémoire d'homme.

Au banc d'Auxelles, la mine de S. Jean est entièrement exploitée à la première galerie seulement ; elle est de plomb : on y entre par une galerie de cent taises pratiquée au pied du Montbomard ; vingt mineurs y sont occupés. Il y a dans cette mine dix chocs ou puits de différentes profondeurs, depuis 56 jusqu'à 57 pieds chacun.

La mine de Saint Urbain, au même banc, est exploitée à fortfait ; elle est de plomb : on y entre par une galerie pratiquée au midi, de cinq à six taises ; la découverte de cette mine est nouvelle ; elle est de 1734 ou 1735. Son filon, qui parut d'abord à la superficie de la terre, est maintenant de douze pouces d'épaisseur en des endroits, et de six pouces en d'autres ; et sa longueur de cinq taises avec espérance de continuité.

Au même banc, la mine de S. Martin non exploitée depuis un an, est de plomb ; son exposition est au midi : on y entre par une galerie de vingt taises, au bout de laquelle est un choc ou puits de 18 pieds seulement de profondeur. Le filon de cette mine est de quatre à cinq pouces d'épaisseur, et de quatre taises de longueur ; c'est la même qualité de mine qu'à S. Urbain.

La mine de Sainte-Barbe, non exploitée depuis deux ans, est exposée au levant : on y entre par une galerie de la longueur de douze taises, au bout de laquelle est un seul puits de 90 pieds de profondeur : elle donnait argent, cuivre et plomb.

Au même banc, la mine de S. Jacques, non exploitée depuis deux ans, a son exposition au midi ; sans galerie d'abord ; elle n'a qu'un puits de 24 pieds de profondeur, au bout duquel on trouve une galerie de quatre taises qui conduit à un autre puits de 60 pieds, où sont des ouvrages à pouvoir occuper cinquante mineurs coupant mines.

Au même banc, la mine de l'Homme-sauvage, non exploitée, a son exposition au midi par une galerie de trois taises seulement, et travaillée à découvert : son exploitation a cessé depuis trois ans. Cette mine est de plomb ; son filon est de deux pouces d'épaisseur.

Au même banc, la mine de la Scherchemite, non exploitée, a son exposition au levant ; elle est de plomb : son filon était, à ce que disaient les ouvriers, d'un demi-pié d'épaisseur.

Mine de S. George, non exploitée : elle est de cuivre ; son puits est sans galerie, et n'a que 18 pieds de profondeur.

Mines de la Kelchaffe et du Montménard, non exploitées : elles sont argent, cuivre et plomb ; et de vieux mineurs les disent très-riches.

Les mines d'Auxelle-haut sont aussi contiguès les unes aux autres.

Voilà l'état des principales mines d'Alsace en 1741 ; voici maintenant les observations qu'elles occasionnèrent.

1°. Qu'il faut continuer un percement commencé à la mine de S. Nicolas, banc de Giromagny, jusqu'à la mine de S. Daniel ; parce qu'alors les eaux de S. Daniel s'écouleront dans S. Nicolas, et le transport des décombres se fera plus facilement par le rechangement des manœuvres et l'épargne des machines couteuses qu'il faut employer aux eaux de Saint Daniel. On conjecture encore que le percement ne sera pas long, les ouvriers de l'une des mines entendant les coups de marteau qui se frappent dans l'autre.

2°. Que pour relever la mine de Phenigtorne, il faut rétablir l'ancien canal et les deux roues, à cause de la grande quantité d'eau que produit la source qui est au fond de la mine.

3°. Qu'il faudrait déplacer les fourneaux, les fonderies, et tous les établissements auxquels il faut de l'eau, dont la Phenigtorne a besoin, et qu'elle ne pourrait partager avec ces établissements sans en manquer dans les temps de sécheresse.

4°. Que la mine de S. Français, banc du Puix, peut être reprise à peu de frais.

5°. Que celle de S. Jacques, même banc, est à abandonner, parce que les machines à eau nuiraient à la Phenigtorne, et qu'on ne peut y en établir ni à chevaux ni à bras.

6°. Que l'exploitation des mines d'Auxelle-haut, en même temps que de celles de Puix et de Giromagny, seraient fort avantageuses, parce qu'on tirerait des unes ce qui serait nécessaire, soit en fondant soit autrement, pour les autres.

7°. Que pour tirer partie de la mine de S. Jean, au banc d'Etueffont, il faudrait nettoyer trois étangs qui servent de réservoir, afin que dans les temps de sécheresse on en put tirer l'eau, et suppléer ainsi à la source qui manque.

8°. Que les ouvriers, quand ils ne travaillent qu'à fortfait, ruinent nécessairement les entrepreneurs, et empêchent la continuation des ouvrages, les galeries étant mal entretenues, les décombres mal nettoyés, et le filon tout à fait abandonné, quand il importerait d'en chercher la suite.

9°. Que les entrepreneurs, par le payement à fortfait, payant aux mineurs un sol six deniers par livre de plomb suivant l'essai, les autres métaux qui se trouvent dans la mine de plomb, quoique non perdus, ne sont pas payés.

10°. Que l'essai doit contenir par quintal de mine 45 livres de plomb, et que quand il produit moins, le Directeur ne la recevant pas, le mineur est obligé de la nettoyer pour la faire monter au degré.

11°. Que le Directeur ne la reçoit point à moindre degré, parce que plus la mine est nette, plus elle donne en pareil volume, et moins il faut de charbon pour la fondre. Il importe donc par cette raison que la mine soit mêlée de roc le moins qu'il est possible : mais en voici d'autres qui ne sont pas moins importantes ; c'est que ce roc est une matière chargée d'arsenic, d'antimoine, et autres poisons qui détruisent le plomb et l'argent, l'emportant en fumée.

12°. Qu'il se trouve dans le pays toutes choses nécessaires, tant en bois qu'en eaux, machines, fondeurs, mineurs, etc. pour l'exploitation des mines ; et qu'il est inutîle de recourir à des étrangers, surtout pour les fontes ; l'expérience ayant démontré que celles des fondeurs du pays réussissent mieux que celles des étrangers.

13°. Que sans nier que les Allemands ne soient de très-bons ouvriers, il ne faut cependant pas imputer à leur habileté, mais à la force de leurs gages, ce qu'ils font de plus que les nôtres, dont la rente est moindre.

14°. Que quant aux bois nécessaires pour les mines de Puix et de Giromagny, tous les bois des montagnes étaient jadis affectés à leur usage ; qu'il serait à souhaiter que ce privilège leur fût continué, et que les forges de Belfort et les quatorze communautés du val de Rozemont se pourvussent ailleurs.

15°. Que les autres bois des montagnes voisines qui ne sont pas dégradés, s'ils sont bien entretenus, suffiront à l'exploitation.

16°. Que le fortfait empêche les ouvrages ingrats de s'exécuter, quelque profit qu'il puisse en revenir pour la suite ; et par conséquent que cette convention du Directeur au mineur ne devrait jamais avoir lieu.

17°. Que les mines étant presque toujours engagées dans les rocs, leur exploitation consomme beaucoup de poudre à canon, et qu'il faudrait l'accorder aux entrepreneurs au prix que le Roi la paye.

18°. Qu'il faut établir le plus qu'on pourra de bocards pour piler les pierres de rebut, tant les anciennes que les nouvelles, parce que l'usage des bocards est de petite dépense, et l'avantage considérable. Voici la preuve de leur avantage ; celle de leur peu de dépense n'est pas nécessaire.

Après l'abandon des mines d'Alsace, les fermiers des domaines de M. le Duc de Mazarin, n'ignorant pas ce qu'ils pourraient retirer des pierres de rebut provenues de l'ancienne exploitation, traitèrent pour avoir la permission de cette recherche, avec M. le Duc de Mazarin. Le Seigneur Duc ne manqua pas d'être lésé dans ce premier traité ; il le fit donc résilier ; et il s'obligea par un autre à fournir les bois et les charbons, les fourneaux et les bocards, pour la moitié du profit. On peut juger par ces avances combien les rentrées devaient être considérables.

19°. Que si la compagnie Anglaise qui avait traité de ces mines, s'en est mal trouvée, c'est qu'elle a été d'abord obligée de se constituer dans des frais immenses, en machines, en maison, en magasin, en fourneaux, en halles, etc. sans compter les gages trop forts qu'elle donnait aux ouvriers.

20°. Qu'il conviendrait, pour prévenir tout abus, qu'il y eut des directeurs, inspecteurs et contrôleurs des mines établis par le Roi.

21°. Que les terrains des particuliers que l'on occupe pour l'exploitation des mines, sont remplacés par d'autres, selon l'estimation du traitant ; mais non à sa charge, tant dans les autres mines du Royaume, que dans les mines étrangères, et qu'il faudrait étendre ce privilège à celles d'Alsace.

22°. Qu'afin que les précautions qu'on prendra pour exploiter utilement ces mines, ne restent pas inutiles, il faudrait ménager les bois, et avoir une concession à cet effet de certains bois à perpétuité, ainsi qu'il est pratiqué dans toutes les autres mines de l'Europe ; parce que les baux à temps n'étant jamais d'un terme suffisant pour engager les entrepreneurs aux dépenses nécessaires, il arrive souvent que les entrepreneurs à temps limité, ou travaillent et disposent les mines à l'avantage des successeurs, ou que les entrepreneurs à temps, voyant leurs baux prêts à expirer, font travailler à fortfait pour en tirer le plus de profit, et préparent ainsi une besogne ruineuse à ceux qui y entrent après eux.

23°. Que pour le bon ordre des mines en général, il conviendrait que le Roi établit de sa part un officier, non-seulement pour lui rendre compte de la vigilance des entrepreneurs et des progrès qu'ils pourraient faire ; mais qui put encore y administrer la justice pour tout ce qui concerne les officiers, ouvriers, mineurs ; et les appels en justice ordinaire étant toujours dispendieux, que ceux des Jugements de cet officier ne se fissent que pardevant les intendants de la province.

24°. Que tous les officiers, mineurs, fondeurs, maîtres des bocards et lavoirs, ainsi que les voituriers ordinaires qui conduisent les bois et charbons, jouissent de toute franchise, soit de taille, soit de corvée.

25°. Qu'il plut au Roi d'accorder la permission de passer en toutes les provinces du Royaume les cuivres et les plombs, sans payer droits d'entrée et de sortie.

26°. Que le conseil rendit un arrêt par lequel il fût dit que tous les associés dans l'entreprise des mines seront tenus de fournir leur part ou quotité des fonds et avances nécessaires, dans le mois ; faute de quoi ils seront déchus et exclus de la societé, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune sommation ni autorité de justice ; cette loi étant usitée dans toute l'Europe en fait de mines.

Voilà ce que des personnes éclairées pensaient en 1741, devoir contribuer à l'exploitation avantageuse, tant des mines d'Alsace, que de toute mine en général : nous publions aujourd'hui leurs observations, presque surs qu'il s'en trouvera quelques-unes dans le grand nombre, qui pourraient encore être utiles, quelque changement qu'il soit peut-être arrivé depuis 1741 dans ces mines. Que nous serions satisfaits de nous tromper dans cette conjecture, et que l'intervalle de dix ans eut suffi pour remettre les choses sur un si bon pied, qu'on n'eut plus rien à désirer dans un objet aussi important !

Elles observaient encore en 1741 dans les visites qu'elles ont faites de ces mines, que les mineurs se conduisaient sans aucun secours de l'art ; que les entrepreneurs n'avaient aucune connaissance de la Géométrie souterraine ; qu'ils ignoraient l'anatomie des montagnes ; que les meilleurs fondants y étaient inconnus ; que pourvu que le métal fût fondu, ils se souciaient fort peu du reste, de la bonne façon et de la bonne qualité, qui ne dépend souvent que d'une espèce de fondant qui rendrait le métal plus net, plus fin, et meilleur ; que les ouvriers s'en tenaient à leurs fourneaux, sans étudier aucune forme nouvelle ; qu'ils n'examinaient pas davantage les matériaux dont ils devaient les charger ; qu'ils imaginaient qu'on ne peut faire mieux que ce qu'ils font ; qu'on est ennemi de leur intérêt, quand on leur propose d'autres manœuvres : que quand on leur faisait remarquer que les scories étaient épaisses, et que le métal fondu était impur, ils vous répondaient, c'est la qualité de la mine, tandis qu'ils devaient dire, c'est la mauvaise qualité du fondant, et en essayer d'autres : que si on leur démontrait que leurs machines n'avaient pas le degré de perfection dont elles étaient susceptibles, et qu'il y aurait à reformer dans la construction de leurs fourneaux, ils croyaient avoir satisfait à vos objections, quand ils avaient dit, c'est la méthode du pays ; et que si leurs usines étaient mal construites, on ne les aurait pas laissées si longtemps imparfaites : qu'il est constant qu'on peut faire de l'excellent acier en Alsace ; mais que l'ignorance et l'entêtement sur les fondants, laisse la matière en gueuse trop brute, le fer mal préparé, et l'acier médiocre. Qu'on croyait à Kingdall que les armes blanches étaient de l'acier le plus épuré, et qu'il n'en était rien ; que la présomption des ouvriers, et la suffisance des maîtres, ne souffraient aucun conseil : qu'il faudrait des ordres ; et que ces ordres, pour embrasser le mal dans toute son étendue, devraient comprendre les tireries, fonderies, et autres usines : que la conduite des eaux était mal entendue ; les machines mauvaises, et les trempes médiocres ; qu'il n'y avait nulle oeconomie dans les bois et les charbons ; que les établissements devenaient ainsi presqu'inutiles ; que chaque entrepreneur détruisait ce qu'il pouvait pendant son bail ; que tout se dégradait, usines et forêts : qu'il suffisait qu'on fût convenu de tant de charbon, pour le faire supporter à la mine ; que dure ou tendre, il n'importait, la même dose allait toujours ; que le fondant étant trop lent à dissoudre, il faudrait quelquefois plus de charbon ; mais que ni le maître ni l'ouvrier n'y pensaient pas : en un mot, que la matière était mauvaise, qu'ils la croyaient bonne, et que cela leur suffisait. Voilà des observations qui étaient très-vraies en 1741 ; et il faudrait avoir bien mauvaise opinion des hommes, pour croire que c'est encore pis aujourd'hui.

Mais les endroits dont nous avons fait mention ne sont pas les seuls d'où on tire de la mine en Alsace : Sainte-Marie-aux-mines donne fer, plomb et argent ; Giromagny et Banlieu, de même ; Lach et Val-de-Willé, charbon, plomb ; d'Ambach, fer ordinaire, fer fin ou acier ; Ban-de-la-Roche, fer ordinaire ; Framont, fer ordinaire ; Molsheim, fer ordinaire, plâtre, marbre ; Sultz, huîle de pétrole, et autres bitumes. Ces mines ont leurs usines et hauts-fourneaux ; au Val de Saint-Damarin, pour l'acier ; au Val de Munster, pour le laiton ; à Kingdall, pour les armes blanches et les cuivres ; à Baao, pour le fer et l'acier.

L'Alsace a aussi ses carrières renommées : il y a à Rousack, moilons, pierre de taille, chaux et pavé ; à Bolwil, chaux ; à Rozeim, pierre de taille, pavé, meules de moulin, bloc, et bonne chaux ; à Savernes, excellent pavé.

Les mines non exploitées sont, pour le fer, le Val de Munster et celui d'Orbay ; pour le fer et cuivre, le Val de Willé, Baao et Thaim ; pour le gros fer, le fin, et le plomb, d'Ambach ; pour l'argent, le plomb et le fer, Andlau ; pour le plomb, Oberenheim ; pour le charbon, Vische ; pour le fer et l'alun, le Ban-de-la-Roche et Framont. On trouve encore à Marlheim, Valsone et Hautbaac, des marcassites qui indiquent de bonnes mines.

Voici ce que les mines de Giromagny produisaient en 1744.

ETAT de Livraison pour le mois de Mars.

C'est-à-dire que cette livraison donne en argent 63 marcs 3 liv. et en cuivre fin 1054.

ETAT de la Livraison du mois d'Avril, même année.

C'est-à-dire, argent fin, 55 marcs 13 livres ; et cuivre fin, 1087 livres.