(Géographie) en grec , en latin Melita, île de la mer Méditerranée, entre les côtes d'Afrique, et celle de l'île de Sicile, qui n'en est éloignée que de quinze lieues au septentrion.

Elle a à l'orient la mer Méditerranée qui regarde l'île de Candie, au midi la ville de Tripoli en Barbarie, et à l'occident les îles de Pantalavée, de Linose, et de Lampadouze. Elle peut avoir six ou sept lieues de longueur, sur trois de large, et environ vingt de circuit.

Cluvier croyait que cette île était l'ancienne Ogygie, où la nymphe Calypso demeurait, et où elle reçut Ulisse avec tant d'humanité, après le naufrage qui lui arriva sur ses côtes. Mais outre qu'Homère nous en fait une description si riante, qu'il est impossible d'y reconnaître Malthe, il ne faut chercher en aucun climat une île fictive, habitée par une déesse imaginaire.

Ptolémée a mis l'île de Malthe entre celles d'Afrique, soit faute de lumières, soit qu'il se fondât sur le langage qu'on y parlait de son temps, et que les natifs du pays y parlent encore aujourd'hui ; c'est un jargon qui tient de l'arabe corrompu.

Malthe est en elle-même un rocher stérile, où le travail avait autrefois forcé la terre à être féconde, quand ce pays était entre les mains des Carthaginois ; car lorsque les chevaliers de S. Jean de Jérusalem en furent possesseurs, ils y trouvèrent des débris de colonnes, et de grands édifices de marbre, avec des inscriptions en langue punique. Ces restes de grandeur étaient des témoignages que le pays avait été florissant. Les Romains l'usurpèrent sur les Carthaginois, et y établirent un préfet, , comme il est nommé dans les actes des Apôtres, c. xxviij. Ve 7. et comme le prouve une ancienne inscription qui porte ; ce préfet était sous la dépendance du préteur de Sicile.

Les Arabes s'emparèrent de l'île de Malthe vers le neuvième siècle, et le Normand Roger, comte de Sicile, en fit la conquête sur les Barbares, vers l'an 1190. Depuis lors, elle demeura annexée au royaume de Sicile, dont elle suivit toujours la fortune.

Après que Soliman eut chassé les chevaliers de Malthe de l'île de Rhodes en 1523, le grand maître Villiers-Lisle-Adam se trouvait errant avec ses religieux et les Rhodiens attachés à eux sans demeure fixe et sans ports pour retirer sa flotte. Il jeta les yeux sur l'île de Malthe, et se rendit à Madrid, pour demander à l'empereur qu'il lui plut par une inféodation libre et franche de tout assujettissement, remettre aux chevaliers cette île, sans lesquelles grâces la religion allait être ruinée.

L'envie de devenir le restaurateur et comme le second fondateur d'un ordre qui depuis plusieurs siècles s'était consacré à la défense des chrétiens, et l'espérance de mettre à couvert des incursions des infidèles les îles de Sicîle et de Sardaigne, le royaume de Naples, et les côtes d'Italie déterminèrent Charles-Quint en 1525, à faire présent aux chevaliers de Jérusalem, des îles de Malthe et de Goze, aussi bien que de Tripoli, avec tous les droits honorifiques et utiles. Le pape confirma le don en 1530 ; mais Tripoli fut bien-tôt enlevé à la religion par les amiraux de Soliman.

Les chevaliers de Jérusalem, après leur établissement à Malthe, la fortifièrent de toutes parts ; et même quelques-unes de ses fortifications se firent des deniers du grand-maître. Cependant Soliman indigné de voir tous les jours ses vaisseaux exposés aux courses des ennemis qu'il avait cru détruits, se proposa en 1565 de prendre Malthe, comme il avait pris Rhodes. Il envoya 30 mille hommes devant la ville, qu'on appelait alors le bourg de Malthe : elle fut défendue par 700 chevaliers, et environ 8000 soldats étrangers. Le grand-maître Jean de la Valette, âgé de 71 ans, soutint quatre mois le siege ; les Turcs montèrent à l'assaut en plusieurs endroits différents ; on les repoussait avec une machine d'une nouvelle invention ; c'étaient de grands cercles de bois couverts de laine enduite d'eau-de-vie, d'huile, de salpètre, et de poudre à canon ; et on jetait ces cercles enflammés sur les assaillans. Enfin, environ six mille hommes de secours étant arrivés de Sicile, les Turcs levèrent le siège.

Le bourg de Malthe qui avait soutenu le plus d'assauts, fut appelé la cité victorieuse, nom qu'il conserve encore aujourd'hui. Pierre de Monté grand-maître de l'ordre, acheva la construction de la nouvelle ville, qui fut nommée la cité de la Valette. Le grand maître Alof de Vignacourt, fit faire en 1616 un magnifique aqueduc pour conduire de l'eau dans cette nouvelle cité. Il fortifia plusieurs autres endroits de l'île ; et le grand-maître Nicolas Cotoner y joignit encore de nouveaux ouvrages qui rendent Malthe imprenable.

Depuis ce temps-là, cette petite île brave toute la puissance ottomane ; mais l'ordre n'a jamais été assez riche pour tenter de grandes conquêtes, ni pour équiper des flottes nombreuses. Ce monastère d'illustres guerriers ne subsiste guère que des redevances des bénéfices qu'il possède dans les états catholiques, et il a sait bien moins de mal aux Turcs, que les corsaires d'Alger et de Tripoli n'en ont fait aux chrétiens.

L'île de Malthe tire ses provisions de la Sicile. La terre y est cultivée autant que la qualité du terroir peut le permettre. On y recueille du miel, du coton, du cumin, et un peu de blé. On comptait dans cette île et dans celle de Goze, en 1662, environ 50 mille habitants.

La distance de Malthe à Alexandrie est estimée à 283 lieues de 20 au degré, en cinglant à l'est-sud-est. La distance de Malthe à Tripoli de Barbarie, peut-être de 53 lieues en tirant au sud, un quart à l'ouest.

Dapper a situé Malthe à 49d. de longitude, et à 35d. 10 de latitude. Cette situation n'est ni vraie ni conforme à celle qui a été exactement déterminée par les observations du P. Feuillée, suivant lesquelles la longitude de cette île est de 33d. 40'. 0''. et sa latitude de 35d. 54'. 33''. (D.J.)

MALTHE, (Géographie) autrement dite la cité notable, la ville notable, capitale de l'île de Malthe, et l'ancienne résidence de son évêque. Elle est située dans le fond des terres, et au milieu de l'île, éloignée d'environ six milles du bourg et du grand port. Les anciens l'ont nommée Melita, Malite, du nom commun à toute l'île, dont elle était à proprement parler, là seule place importante, oppidum ; c'est maintenant une ville considérable, que les Catholiques ont pour ainsi dire en commun, et qu'on peut regarder comme le triste centre d'une guerre perpétuelle contre les ennemis du nom chrétien. On l'a si bien fortifiée, qu'elle passe pour imprenable ; son hôpital est aussi beau que nécessaire à l'ordre de Malthe.

Une ancienne tradition veut que les Carthaginois soient les fondateurs de cette ville. Il est au-moins certain qu'ils l'ont possédée, que les Romains après avoir détruit Carthage, chassèrent ces Africains de l'île, et que les Arabes mahométants s'en emparèrent à leur tour, et lui donnèrent le nom de Medina.

Diodore de Sicile, l. V. c. XIIe après avoir loué la bonté des ports de l'île de Malthe, fait mention de sa capitale. Il dit qu'elle était bien bâtie, qu'il y avait toutes sortes d'artisans, et principalement des ouvriers qui faisaient des étoffes extrêmement fines, ce qu'ils avaient appris des Phéniciens qui avaient peuplé l'île. Cicéron raconte à-peu-près la même chose : il reproche à Verrès de n'être jamais entré dans Malthe, quoique pendant trois ans il y eut occupé lui seul un métier à faire une robe de femme. Il parle ensuite d'un temple consacré à Junon, qui n'était pas loin de cette vile, et qui avait été pillé par les gens de Verrès ; tel maître, tels valets. Long. de cette ville 33. 40. lat. 35. 54. (D.J.)

ORDRE DE MALTHE, (Histoire moderne) c'est le nom d'un ordre religieux militaire, qui a eu plusieurs autres noms, les hospitaliers de S. Jean de Jérusalem, ou les chevaliers de S. Jean de Jérusalem, les chevaliers de Rhodes, l'ordre de Malthe, la religion de Malthe, ou les chevaliers de Malthe ; et c'est le nom qu'on leur donne toujours dans l'usage ordinaire en France.

Des marchands d'Amalfi au royaume de Naples, environ l'an 1048, bâtirent à Jérusalem une église du rit latin, qui fut appelée Sainte-Marie la latine ; et ils y fondèrent aussi un monastère de religieux de l'ordre de S. Benait, pour recevoir les pélerins, et ensuite un hôpital auprès de ce monastère, pour y avoir soin des malades, hommes et femmes, sous la direction d'un maître ou recteur qui devait être à la nomination de l'abbé de Sainte-Marie la latine. On y fonda de plus une chapelle en l'honneur de S. Jean-Baptiste, dont Gerard Tung, provençal de l'île de Martigue, fut le premier directeur. En 1099 Godefroi de Bouillon ayant pris Jérusalem, enrichit cet hôpital de quelques domaines qu'il avait en France. D'autres imitèrent encore cette libéralité ; et les revenus de l'hôpital ayant augmenté considérablement, Gerard, de concert avec les hospitaliers, resolut de se séparer de l'abbé et des religieux de Sainte-Marie la latine, et de faire une congrégation à part, sous le nom et la protection de S. Jean-Baptiste ; ce qui fut cause qu'on les appela hospitaliers, ou frères de l'hôpital de S. Jean de Jérusalem. Paschal II. par une bulle de l'an 1113. confirma les donations faites à cet hôpital, qu'il mit sous la protection du saint siège, ordonnant qu'après la mort de Gerard, les recteurs seraient élus par les hospitaliers. Raymond du Puy, successeur de Gerard, fut le premier qui prit la qualité de maître ; il donna une règle aux hospitaliers ; elle fut approuvée par Calixte II l'an 1120.

Tel fur le premier état de l'ordre de Malthe. Ce premier grand-maître voyant que les revenus de l'hôpital surpassaient de beaucoup ce qui était nécessaire à l'entretien des pauvres pélerins et des malades, crut devoir employer le surplus à la guerre contre les infidèles. Il s'offrit donc dans cette vue au roi de Jérusalem ; il sépara ses hospitaliers en trois classes : les nobles qu'il destina à la profession des armes pour la défense de la foi et la protection des pélerins ; les prêtres ou chapelains pour faire l'office ; et les frères servants qui n'étaient pas nobles, furent aussi destinés à la guerre. Il régla la manière de recevoir les chevaliers ; et tout cela fut confirmé l'an 1130 par Innocent II. qui ordonna que l'étendard de ces chevaliers serait une croix blanche pleine, en champ de gueules, laquelle fait encore les armes de cet ordre.

Après la perte de Jérusalem, ils se retirèrent d'abord à Margat, ensuite à Acre qu'ils défendirent avec beaucoup de valeur l'an 1290, après la perte entière de la Terre-sainte. L'an 1291 les hospitaliers avec Jean de Villiers, leur grand-maître, se retirèrent dans l'île de Chypre, où le roi Gui de Lusignan qu'ils y avaient suivi, leur donna la ville de Limisson ; ils y demeurèrent environ dix-huit ans. En 1308 ils prirent l'île de Rhodes sur les Sarrasins, et s'y établirent ; ce n'est qu'alors qu'on commença à leur donner le nom de chevaliers, on les appela chevaliers de Rhodes, equittes Rhodii. Andronic, empereur de Constantinople, accorda au grand-maître Foulque de Villaret l'investiture de cette ile. L'année suivante, secourus par Amedée IV. comte de Savoie, ils se défendirent contre une armée de Sarrasins, et se maintinrent dans leur ile. En 1480 le grand-maître d'Aubusson la défendit encore contre Mahomet II. et la conserva, malgré une armée formidable de Turcs, qui l'assiégea pendant trois mois ; mais Soliman l'attaqua l'an 1522 avec une armée de trois cent mille combattants, et la prit le 24 Décembre, après que l'ordre l'eut possédée 213 ans. Après cette perte, le grand-maître et les chevaliers allèrent d'abord en l'île de Candie, puis le pape Adrien VI. et son successeur Clément VII. leur donnèrent Viterbe, enfin Charles-Quint leur donna l'île de Malthe qu'ils ont encore ; c'est de-là qu'ils ont pris le nom de chevaliers de Malthe ; mais leur véritable nom c'est celui de chevaliers de l'ordre de saint Jean de Jérusalem, et le grand-maître dans ses titres prend encore celui de maître de l'hôpital de saint Jean de Jérusalem, et gardien des pauvres de notre Seigneur Jesus-Christ. Les chevaliers lui donnent le titre d'éminence, et les sujets celui d'altesse.

L'ordre de Malthe ne possède plus en souveraineté que l'île de Malthe, et quelques autres petits endroits aux environs, dont les principaux sont Gose et Comnio. Le gouvernement est monarchique et aristocratique ; monarchique sur les habitants de Malthe et des îles voisines, et sur les chevaliers, en tout ce qui regarde la règle et les statuts de la religion ; aristocratique dans la décision des affaires importantes, qui ne se fait que par le grand-maître et le chapitre. Il y a deux conseils ; l'un ordinaire, qui est composé du grand-maître, comme chef des grands-croix ; l'autre complet, qui est composé de grand-croix, et des deux plus anciens chevaliers de chaque langue.

Par les langues de Malthe, on entend les différentes nations de l'ordre ; il y en a huit : Provence, Auvergne, France, Italie, Aragon, Allemagne, Castille et Angleterre. Le pilier (comme on dit) de la langue de Provence est grand-commandeur ; celui de la langue d'Auvergne est grand-maréchal ; celui de France est grand hospitalier ; celui d'Italie est grand-amiral ; celui d'Aragon grand-conservateur, ou drapiers, comme on disait autrefois. Le pilier de la langue d'Allemagne est grand-bailli ; celui de Castille grand-chancellier. La langue d'Angleterre, qui ne subsiste plus depuis le schisme d'Henri VIII. avait pour chef le turcopolier ou colonel de cavalerie. La langue de Provence est la première, parce que Raymond du Puy, premier grand-maître et fondateur de l'ordre, était provençal.

Dans chaque langue il y a plusieurs grands prieurés et bailliages capitulaires. L'hôtel de chaque langue s'appelle auberge, à cause que les chevaliers de ces langues y vont manger et s'y assemblent d'ordinaire. Chaque grand-prieuré a un nombre de commanderies : les commanderies sont ou magistrales, ou de justice, ou de grâce. Les magistrales sont celles qui sont annexées à la grande-maitrise ; il y en a une en chaque grand-prieuré. Voyez MAGISTRAT. Leurs commanderies de justice sont celles qu'on a par droit d'ancienneté, ou par améliorissement. L'ancienneté se compte du jour de la réception, mais il faut avoir demeuré cinq ans à Malthe, et avoir fait quatre caravanes ou courses contre les Turcs et les corsaires. Les commanderies de grâce sont celles que le grand-maître ou les grands-prieurs ont droit de conserver ; ils en conservent une tous les cinq ans, et la donnent à qui il leur plait. On compte en France deux cent quarante commanderies de Malthe.

Les chevaliers nobles sont appelés chevaliers de justice, et il n'y a qu'eux qui puissent être baillis, grands-prieurs et grands maîtres. Les chevaliers de grâce sont ceux qui n'étant point nobles, ont obtenu, par quelques services importants ou quelque belle action, la faveur d'être mis au rang des nobles. Les frères servants sont de deux sortes : 1°. les frères servants d'armes dont les fonctions sont les mêmes que celles des chevaliers ; et les frères servants d'église, dont toute l'occupation est de chanter les louanges de Dieu dans l'église conventuelle, et d'aller chacun à son tour servir d'aumônier sur les vaisseaux et sur les galeres de la religion. Les frères d'obédience sont des prêtres, qui, sans être obligés d'aller à Malthe, prennent l'habit de l'ordre, en font les vœux, et s'attachent au service de quelqu'une des églises de l'ordre sous l'autorité d'un grand-prieur ou d'un commandeur auquel ils sont soumis. Les chevaliers de majorité sont ceux qui, suivant les statuts, sont reçus à 16 ans accomplis. Les chevaliers de minorité sont ceux qui sont reçus dès leur naissance ; ce qui ne se peut faire sans dispense du pape. Les chapelains ne peuvent être reçus que depuis dix ans jusqu'à quinze : après quinze ans, il faut un bref du pape ; jusqu'à quinze ans, il ne faut qu'une lettre du grand-maître, on les nomme diaco ; ils font preuves qu'ils sont d'honnête famille, ils paient à leur réception une somme qu'on nomme droit de passage, et qui est de cent écus d'or.

Pour les preuves de noblesse dans le prieuré d'Allemagne, il faut 16 quartiers. Dans les autres, il suffit de remonter jusqu'au bisayeul paternel ou maternel.

Tous les chevaliers sont obligés, après leur profession, de porter sur le manteau ou sur le juste-au-corps, du côté gauche, la croix de toîle blanche à huit pointes, c'est la véritable marque de l'ordre.

Les chevaliers de Malthe sont reçus dans l'ordre de S. Jean de Jerusalem en faisant toutes les preuves de noblesse requises par les statuts ou avec quelque dispense. La dispense s'obtient du pape par un bref, ou du chapitre général de l'ordre, et est ensuite entérinée au sacré conseil. Les dispenses ordinairement se donnent pour quelques quartiers où la noblesse manque principalement du côté maternel. Les chevaliers sont reçus ou d'âge ou de minorité ou pages du grand-maître. L'âge requis par les statuts est de seize ans complets pour entrer au noviciat à dix-sept ans, et faire profession à dix-huit.

Celui qui souhaite d'être reçu dans l'ordre, doit se présenter en personne au chapitre ou à l'assemblée du grand-prieuré dans l'étendue duquel il est né. Le chapitre du grand-prieuré de France se tient tous les ans au temple à Paris, le lendemain de la S. Barnabé, c'est-à-dire le 12 de Juin, et dure huit jours, et l'assemblée se fait à la S. Martin d'hiver. Le présenté doit apporter son extrait baptistaire en forme authentique ; le mémorial de ses preuves, contenant les extraits des titres qui justifient sa légitimation et sa noblesse, ainsi que celle des quatre familles du côté paternel et maternel. Il doit joindre à ces pièces le blason et les armes de sa famille peint avec ses émaux et couleurs sur du velin. Lorsqu'il est admis, la commission pour faire ses preuves lui est délivrée par le chancelier du grand-prieuré. Si le père ou la mère ou quelqu'un des ayeux est né dans un autre grand-prieuré, le chapitre donne une commission rogatoire pour y faire les preuves nécessaires.

Ces preuves de noblesse se font par titres et contrats, par témoins et épitaphes, titres, et autres monuments. Les commissaires font aussi une enquête, si les parents du présenté n'ont point dérogé à leur noblesse par marchandise, trafic ou banque ; et il y a à cet égard une exception pour les gentilshommes des villes de Florence, de Sienne et de Lucques, qui ne dérogent point en exerçant la marchandise en gros. Après que les preuves sont faites, les commissaires les rapportent au chapitre ou à l'assemblée ; et si elles y sont admises, on les envoie à Malthe, sous le sceau du grand prieur. Le présenté étant arrivé à Malthe, ses preuves sont examinées dans l'assemblée de la langue de laquelle est le grand-prieuré où il s'est présenté ; et si elles sont approuvées, il est reçu chevalier, et son ancienneté court de ce jour, pourvu qu'il paye le droit de passage qui est de deux cent cinquante écus d'or, et qu'il fasse profession aussi-tôt après le noviciat, autrement il ne compte son ancienneté que du jour de sa profession, si l'on suit à la lettre les statuts et les règlements ; mais l'usage est que le retardement de profession ne nuit point à l'ancienneté. On ne peut néanmoins obtenir aucune commanderie sans l'avoir faite. On paye ordinairement le passage au receveur de l'ordre dans le grand prieuré. Les preuves sont quelquefois rejetées à Malthe ; et en ce cas, on rendait autrefois la somme qui avait été payée, mais depuis il a été ordonné, par de nouveaux decrets, qu'elle demeurerait acquise au trésor. Outre cette somme, le nouveau chevalier paye aussi le droit de la langue, qui est réglé suivant l'état et le rang où le présenté est reçu.

La réception des chevaliers de minorité qui, en vertu d'une bulle du grand-maître, sont ordinairement reçus à six ans, et par grâce spéciale à cinq ans et au-dessous, exige d'autres formalités. Leur ancienneté court du jour porté par leur bulle de minorité, pourvu que leur passage soit payé un an après. On obtient d'abord le bref du pape à Rome, puis on poursuit l'expédition de la bulle à Malthe, le tout coute environ 15 pistoles d'or. Le passage est de 1000 écus d'or pour le trésor, avec 50 écus d'or pour la langue, ce qui fait près de 4000 livres ; on ne les rend point, soit que les preuves soient refusées, soit que le présenté change de résolution, ou meure avant sa réception. Le privilège du présenté de minorité est qu'il peut demander une assemblée extraordinaire pour y obtenir une commission afin de faire ses preuves, ou pour les présenter, sans attendre le chapitre ou l'assemblée provinciale. Il peut aller à Malthe dès l'âge de quinze ans y commencer son noviciat et faire profession à seize ; mais il n'est obligé d'y être qu'à vingt-cinq ans pour faire profession à vingt-six au plus tard, à faute de quoi il perd son ancienneté, et ne la commence que du jour de sa profession. Dès que ses preuves sont reçues, il peut porter la croix d'or, que les autres ne doivent porter qu'après avoir fait leurs vœux.

A l'égard des chevaliers-pages, le grand-maître en a seize qui le servent depuis douze ans jusqu'à quinze ; et à mesure qu'il en sort, d'autres les remplacent. Après avoir obtenu de son éminence leur lettre de page, ils doivent se présenter au chapitre ou à l'assemblée provinciale, pour obtenir commission de faire leurs preuves à l'âge d'onze ans. Lorsqu'elles sont admises, ils vont à Malthe faire leur service ; à quinze ans ils commencent leur noviciat, et font profession à seize. Leur passage est de deux cent cinquante écus d'or, et on ne le rend point si leurs preuves sont rejetées. Leur ancienneté court du jour qu'ils entrent en service.

Les chapelains, diacos et frères servants peuvent être gentilshommes ou nobles de nouvelle création ; mais ce n'est pas une condition essentielle ; il suffit qu'ils soient d'une famille honnête. Il y a aussi des servants d'office employés à Malthe au service de l'hôpital, et à de semblables fonctions ; des donnés ou demi-croix qui sont mariés, et qui portent une croix d'or à trois branches ; celle des chevaliers en a quatre, aussi-bien que celle des chapelains et des servants d'armes ; mais ceux-ci ne la portent que par permission du grand-maître.

Outre la croix octogone de toile, qui est la marque de l'ordre, lorsque les chevaliers tant novices que profès, vont combattre contre les infidèles, ils portent sur leur habit une soubreveste rouge, chargée devant et derrière d'une grande croix blanche sans pointes. L'habit ordinaire du grand-maître est une sorte de soutane de tapis ou de drap, ouverte par le devant, et liée d'une ceinture d'où pend une grosse bourse, pour marquer la charité envers les pauvres, suivant l'institution de l'ordre. Par-dessus ce vêtement il porte une robe de velours, ou plus communément un manteau à bec. Au-devant de la soutane, et sur la robe, vers la manche gauche, est une croix à huit pointes.

Depuis que la confession d'Augsbourg s'est introduite en Allemagne, les princes qui en embrassant cette religion, se sont appropriés les revenus ecclésiastiques, se sont aussi arrogé le droit de conférer les commanderies qui se trouvaient dans leurs pays, et de conférer l'ordre de S. Jean de Jérusalem à des hommes mariés qui portent la croix de Malthe ; mais l'ordre ne les reconnait point pour ses membres. Bruzen de la Martin. addit. à l'Introduct. de l'histoire de l'univers par Puffendorf, tom. II.

Il y a aussi des religieuses hospitalières de l'ordre de S. Jean de Jérusalem, aussi anciennes que les chevaliers, établies à Jérusalem en même temps qu'eux, pour avoir soin des femmes pélerines dans un hôpital différent de celui des hommes qui étaient reçus et soignés par les anciens hospitaliers, aujourd'hui chevaliers de Malthe.

MALTHE, terre de, (Histoire naturelle, Minéralogie) on compte deux espèces de terre, à qui on donne le nom de terra melitensis ou de terre de Malthe ; l'une est une terre bolaire fort dense et fort pesante ; elle est très-blanche lorsqu'elle a été fraichement tirée, mais en se séchant elle jaunit un peu. Elle est unie et lisse à sa surface, s'attache fortement à la langue, et se dissout comme du beurre dans la bouche ; elle ne fait point effervescence avec les acides, et l'action du feu ne change point sa couleur. On la regarde comme cordiale et sudorifique.

La seconde espèce de terre de Malthe est calcaire, elle est fort légère et se réduit en poudre à l'air. Etant sechée, elle devient grisâtre et rude au toucher et friable ; elle fait effervescence avec les acides, et doit être regardée comme une espèce de craie ou de marne. Le préjugé la fait regarder comme un grand remède contre la morsure des animaux venimeux. Ces deux espèces de terre se trouvent dans l'île de Malthe qui leur a donné leur nom. Voyez Hill, hist. nat. des fossiles. (-)