ou LAOS, (Géographie) grand royaume d'Asie au-delà du Gange. Il est situé sous le même climat que Tonquin, et séparé des états voisins par des forêts et par des déserts : aussi trouve-t-on de grandes difficultés à y aller par terre, à cause des hautes montagnes ; et par eau, à cause des rochers et des cataractes dont la rivière est pleine.

Ce royaume est borné au nord par la province chinoise nommée Yunnam ; à l'orient, par des monts élevés, par le Tonquin et par la Cochinchine ; au midi, par Cambodia ; et au couchant, par de nouvelles montagnes qui le séparent des royaumes de Siam et d'Ava. Un bras du Gange traverse le pays, qu'il rend navigable : de sorte que les habitants de Cambodin y vont tous les ans dans leurs proues ou bateaux pour trafiquer. La capitale est nommée Lanchang par M. Delisle, et Landjam par Koempfer.

Le pays de Lao produit en abondance la meilleure espèce de riz, de musc, de benjoin et de gomme laque qu'on connaisse ; il procure quantité d'ivoire par le grand nombre d'éléphans qui s'y trouvent ; il fournit aussi beaucoup de sel, quelques perles et quelques rubis. Les rivières y sont remplies de poisson.

Le roi de Lao est le prince le plus absolu qu'il y ait au monde ; car son pouvoir est despotique dans les affaires religieuses et civiles : non-seulement toutes les charges, honneurs et emplois dépendent de lui, mais les terres, les maisons, les héritages, les meubles, l'or et l'argent de tous les particuliers lui appartiennent, sans que personne en puisse disposer par testament. Il ne se montre à son peuple que deux fois l'année ; et quand il lui fait cette grâce, ses sujets par reconnaissance tâchent de le divertir de leur mieux par des combats de lutteurs et d'éléphans.

Il n'y a que sept grandes dignités ou vice-royautés dans ses états, parce que son royaume n'est divisé qu'en sept provinces : mais il y a un viceroi général pour premier ministre, auquel tous les autres vicerais obéissent : ceux-ci commandent à leur tour aux mandarins ou seigneurs du pays de leur district.

La religion des Langiens, c'est ainsi qu'on appelle les peuples de Lao, est la même que celle des Siamais, une parfaite idolatrie, accompagnée de sortileges et de mille superstitions. Leurs prêtres, nommés talapoins, sont des misérables, tirés d'ordinaire de la lie du peuple ; leurs livres de cérémonies religieuses sont écrits comme ceux des Pégans et des Malabariens, sur des feuilles de palmier, avec des touches de terre.

La polygamie règne dans ce pays-là, et les jeunes garçons et filles y vivent dans la plus grande incontinence. Lorsqu'une femme est nouvellement accouchée, toute la famille se rend chez elle et y passe un mois en repas, en festins et en jeux, pour écarter de sa maison les magiciens, les empêcher de faire perdre le lait à la mère et d'ensorceler l'enfant.

Ces peuples font encore une autre fête pendant trente jours au décès de leurs parents. D'abord ils mettent le mort dans un cercueil bien enduit partout de bitume ; il y a festin tous les jours pour les talapoins, qui emploient une partie du temps à conduire, par des chansons particulières, l'âme du mort dans le chemin du ciel. Le mois expiré, ils élèvent un bucher, y posent le cercueil, le brulent et ramassent les cendres du mort, qu'ils transportent dans le temple des idoles. Après cela, on ne se souvient plus du défunt, parce que son âme est passée, par la transmigration, au lieu qui lui était destiné.

Les Langiens ressemblent aux Siamais de figure, avec cette seule différence qu'ils sont plus déliés et plus basanés ; ils ont de longues oreilles comme les Pégouans et les habitants des côtes de la mer ; mais le roi de Lao se distingue personnellement par le vide des trous de ses oreilles. On commence à les lui percer dès la première enfance, et l'on augmente chaque mois l'ouverture, en employant toujours de plus grosses canules, jusqu'à ce qu'enfin les oreilles trouées de sa majesté aient atteint la plus grande longueur qu'on puisse leur procurer. Les femmes qui ne sont pas mariées portent à leurs oreilles des pièces de métal ; les hommes se font peindre les jambes depuis la cheville du pied jusqu'au genou, avec des fleurs inéffaçables à la manière des bras peints des Siamais : c'est-là la marque distinctive de leur religion et de leur courage ; c'est-à-peu près celle que quelques fermiers d'Angleterre mettent à leurs moutons qu'ils font parquer dans des communes. (D.J.)