(Géographie) Hibernia, c'est son nom latin le plus commun ; Aristote, Strabon, et d'autres la nomment Jerna ; Pomponius Méla, Juvenal et Selin, Juverna ; les naturels du pays l'appellent Eryn ; son nom Irlande ou Ireland, vient vraisemblablement d'Erynland, qui signifie en Irlandais, une terre occidentale, un pays situé à l'ouest.

L'Irlande est la plus considérable des îles britanniques, après celle de la grande Bretagne, à laquelle elle est aujourd'hui sujette, et au couchant de laquelle elle est située.

Elle est bornée E. par une mer dangereuse, appelée la mer d'Irlande ou plutôt le Canal de Saint-George, qui la sépare de l'Angleterre par une distance de 45 milles, depuis Holy-Head jusqu'à Dublin ; mais elle n'est qu'à 15 milles de l'Ecosse.

Sa figure est oblongue, approchante de celle d'un œuf, en en retranchant l'irrégularité des angles ; sa grandeur est à-peu-près moitié de celle de l'Angleterre ; sa longueur est d'environ 285 milles, sa largeur de 160 milles, et son circuit de 14 cent milles.

Les Bretons ont été, suivant les apparences, les premiers habitants de cette île ; car il était aisé de s'y rendre de la Bretagne, comme de la terre la plus voisine ; aussi les anciens écrivains l'appellent une île bretonne ; et Tacite en parlant d'elle dans la vie d'Agricola, nous dit que son terroir, le climat, le naturel et l'ajustement de ses habitants différaient peu de ceux de la Grande-Bretagne : Solum coelumque, et ingenia, cultusque hominum, haud multùm à Britanniâ differunt. Ils vivaient d'ailleurs sous le gouvernement de divers petits princes ; des Danois et des Normands se mêlèrent depuis avec les naturels du pays en différentes occasions ; mais on n'y connait aujourd'hui de naturels que les habitants des trois îles britanniques.

Leur langue était anciennement la bretonne, ou pour mieux dire, une dialecte de cette langue ; les noms des rivières, des iles, des montagnes, des bourgs, sont encore presque tous bretons, si nous en croyons un savant moderne.

C'est une chose remarquable qu'avant l'année 800 de Jesus-Christ, on se servit déjà de monnaies d'argent battues dans le pays, comme le prouve assez bien le chevalier Jacques Warœus dans ses Antiquités d'Irlande ; consultez aussi un livre de Keder, imprimé en 1708 in-4°. sous le titre de Recherches des médailles frappées en Irlande avant le XIIe siècle.

L'air y est doux, tempéré, et en même temps fort humide ; on y voit quelques loups dont l'Angleterre et l'Ecosse sont délivrées depuis bien des siècles, des renards, des liévres, des lapins, et toute sorte de gibier ; le poisson, surtout le saumon et le hareng, y sont en abondance : on y voit de bons chevaux, et tant d'abeilles qu'elles font leurs essaims jusque dans des trous sous terre.

Le sol y est très-fertîle et abondant en excellents pâturages ; les bêtes à cornes sont la grande richesse du pays ; ses denrées consistent principalement en gros et menu bétail, en cuirs, en suifs, en beurre et fromage, en sel, bois, miel, cire, chanvre, toiles, douves et laines, on y trouve du plomb, de l'étain et du fer, du marbre supérieur à celui de l'Angleterre, quantité de fontaines, de lacs, de rivières, de montagnes ; son lac Longh-Neaugh est fameux pour ses vertus pétrifiantes ; mais il faut lire sur toute l'histoire naturelle du pays, un bon ouvrage, intitulé : A natural history of Ireland, Dublin 1727. in-4°. Il vaut beaucoup mieux que le livre de Gérard Boate traduit en Français, et imprimé à Paris en 1666. in-12.

Les plus considérables bayes d'Irlande, sont la baye de Galway qui est fort vaste et sure, la baye de Dingle, et la baye de Dublin ; ses havres sont en grand nombre et fort commodes ; les meilleurs sont celui de Waterford, celui de Cork, celui de Yonghall, et surtout celui de Kingsale, depuis le nouveau fort bâti sous la direction du lord Roger, comte d'Orrery, du temps de Charles II. En un mot, peut-être n'y a-t-il aucun pays où l'on trouve de si bons ports à tous égards ; cette ile, écrivait autrefois Tacite, placée entre la Bretagne et l'Espagne, et très à portée de la Gaule, servirait utilement d'entrepôt et de centre de commerce, à ces trois riches Puissances.

Les plus importantes des rivières d'Irlande, est le Shanon ; les autres moindres, sont la Piffe, la Boyne, et la Lée ; Spencer les a toutes célébrées dans son poème intitulé la Reine des Fées, où il s'agit du mariage de la Tamise avec le Medway.

Les montagnes les plus remarquables, sont Knock-Patrick dans le comté de Limerick à l'O. celle de Sliew-Bloemy, d'Evagh, de Mourne, de Sliew-Gallen, de Cirtew, et de Gualty.

Tout le pays est divisé en quatre provinces, la Province d'Ulster, ou l'Ultonie, la province de Connaught ou la Connacie, la province de Leinster ou Lagénie, et la province de Munster ou la Mommonie.

Un viceroi qu'on appelle aujourd'hui lord-lieutenant, dont l'autorité est d'une grande étendue, gouverne l'Irlande ; c'est toujours un des premiers seigneurs de la Grande-Bretagne ; il y a pour le civil les mêmes cours de justice qu'en Angleterre, chancellerie, banc du roi, cour des plaidoyers communs, et celle de l'échiquier. Le lord-lieutenant ou son député, convoque le parlement, et le dissout suivant le bon plaisir du Roi.

Le gouvernement ecclésiastique est sous quatre archevêques ; Armagh primat, Dublin, Cashel et Tuam, qui ont pour suffragans dix-neuf évêques.

L'Irlande fut réunie à la couronne d'Angleterre sous Henri II. en 1172 ; mais Henri VIII. fut déclaré le premier roi d'Irlande dans la trente-troisième année de son règne, et pour lors cette île fut traitée de royaume ; car avant lui, les rois d'Angleterre se disaient seulement seigneurs d'Irlande.

Je ne parcourrai pas ses diverses révolutions, c'est assez de remarquer qu'elles paraissent assoupies pour longtemps ; Dublin la capitale, ne respire que l'attache et l'affection au gouvernement établi.

La long. de l'Irlande, suivant M. Delisle, est depuis 7d. 10'. jusqu'à 12d. 5'. Sa lat. mérid. est par les 51d. 20'. Sa lat. sept. est par les 55d. 20'.

J'ai indiqué ci-dessus un bon livre sur l'histoire naturelle d'Irlande, ceux qui voudront connaître ses antiquités sacrées et prophanes, les liront dans Ussérius, un des plus savants hommes du XVIIe siècle, et qui a le plus fait d'honneur à sa patrie ; ses écrits, en particulier ses annales, ont immortalisé son nom. Il mourut comblé d'honneur et de gloire, le 21 Mars 1655, à 75 ans ; Cromwel le fit enterrer solennellement dans l'abbaye de Westmunster.

Warœus a publié un ouvrage qui n'est pas exempt de préjugés sur les écrivains qui ont illustré l'Irlande depuis le iv. siècle jusqu'au XVIIe Il parait assez vrai que les Saxons d'Angleterre, ont reçu des Irlandais leurs caractères ou lettres, et conséquemment les sources de cette érudition profonde qui caractérise la nation Britannique, tandis que leurs maîtres vinrent à tomber dans une extrême décadence ; je juge cette décadence, parce que la vie de Gothescalque, moine de l'abbaye d'Orbais, faite par Ussérius en 1631, est le premier livre latin qu'on ait imprimé en Irlande ; mais aussi depuis lors le goût des Arts et des Sciences a repris faveur dans cette ile, et y a jeté de belles et profondes racines. (D.J.)