LA, (Géographie) c'est la Colchide des anciens ; province d'Asie qui fait aujourd'hui partie de la Géorgie. Elle est bornée à l'ouest par la mer Noire ; à l'est par le Caucase et l'Imirette ; au sud par la Turcomanie ; au nord par la Circassie.

C'est un pays couvert de bois, mal cultivé, et qui produit néanmoins du grain, blé ou millet, suffisamment pour la nourriture des habitants. Il y a beaucoup de vignes ; qui donnent d'excellent vin ; elles croissent autour des arbres, et jettent des seps si gros, qu'un homme peut à peine les embrasser. On y trouve aussi d'admirables paturages qui nourrissent quantité de chevaux. Les pluies qui sont fréquentes pendant l'été reverdissent ces paturages, tandis qu'elles rendent la saison humide et mal-saine. Le gibier abonde dans les vallées, et les bêtes sauvages dans les montagnes. La viande des Mingréliens est le bœuf et le pourceau, qui sont à grand marché.

Le pays se divise en trois petits états, dont les princes indépendants les uns des autres, paient quelque tribut au grand-seigneur. Ils héritent tous du bien des gentilshommes, et ceux-ci du bien de leurs vassaux, lorsque les familles viennent à s'éteindre.

Leur religion a un grand rapport avec celle des Grecs, mais elle est mêlée de tant de superstitions, qu'on peut la regarder comme une espèce d'idolâtrie. Les églises y tombent en ruine, et les prêtres qui les desservent croupissent dans l'ignorance.

Les Turcs font quelque commerce en Mingrélie ; ils en tirent de la soie, du lin, des peaux de bœuf, de la cire, du miel, et quantité d'esclaves, parce que les gentilshommes ont le droit de vendre leurs sujets, et qu'ils se servent de ce droit toutes les fois qu'ils en peuvent tirer du profit.

Au reste, les esclaves n'y sont pas chers ; les hommes depuis 25 jusqu'à 40 ans n'y valent qu'une vingtaine d'écus, les femmes une dixaine, les enfants moitié, et les belles filles depuis 13 jusqu'à 18 ans, trente écus pièce.

Cependant les Mingréliens, au rapport des voyageurs, sont tout aussi beaux que les Géorgiens et les Circassiens : il semble que ces trois peuples ne fassent qu'une seule et même race. Il y a en Mingrélie, dit Chardin, des femmes merveilleusement bien faites, charmantes pour le visage, la taille et la beauté de leurs yeux. Les moins belles et les plus âgées se fardent beaucoup, mais les autres se contentent de peindre leurs sourcils en noir. Leur habit est semblable à celui des Persanes ; elles portent un voîle qui ne couvre que le dessus et le derrière de la tête ; elles sont spirituelles et affectueuses, mais en même temps perfides et capables de toutes sortes de traits de coquetterie, d'astuce et de noirceur, pour se faire des amants, pour les conserver ou pour les perdre.

Les hommes ont aussi bien de mauvaises qualités ; ils sont tous élevés au larcin, l'étudient, et en font leur plaisir. Le concubinage, la bigamie et l'inceste sont des actions autorisées en Mingrélie ; l'on y enlève les femmes les uns des autres : on y épouse sans scrupule sa tante ou sa nièce, et on entretient autant de concubines qu'on veut. La jalousie n'entre point dans la tête des maris ; quand un homme surprend sa femme couchée avec son galant, il lui fait payer pour amande un cochon, qui se mange entr'eux trois.

Le Caucase met les Mingréliens à couvert des courses des Circassiens par sa hauteur, et par des murailles qu'ils ont élevées dans les endroits les plus accessibles, et qu'ils font garder avec quelque soin. Ils n'ont point de villes, mais des bourgs et des villages, avec des maisons séparées les unes des autres. La chasse est leur occupation ordinaire ; ils mettent leur félicité dans la possession d'un bon cheval, d'un bon chien, et d'un excellent faucon. Leur principal commerce consiste en esclaves ; ils vendent leurs propres enfants, en les échangeant pour des hardes et pour des vivres.

Ces détails sur les Mingréliens sont ici suffisans ; on peut en lire de plus étendus dans Chardin et la Motraye. Mais qui croirait que l'article de la Mingrélie est oublié dans le dictionnaire de la Martinière, et dans les contrefaçons faites en France de cet ouvrage ? Après cela, oserons-nous prétendre de n'être point tombés quelquefois à notre tour dans de pareilles obmissions ? Nous espérons l'avoir évité, mais il ne faut répondre de rien. (D.J.)