(Géographie) les Allemands nomment la Lithuanie, Lithaw ; quelques écrivains du moyen âge l'appellent en latin, Lithavia, Litavia, et les habitants, Lithavi ou Litavi. Ils ont remplacé les anciens Gélons, qui faisaient partie des Scythes.

C'est un grand pays de l'Europe, autrefois indépendant, et présentement uni à la république et à la couronne de Pologne, avec titre de grand duché.

Il a environ 150 lieues de long, et 100 lieues de large ; il est borné au nord par la Livonie, la Courlande, et partie de l'empire Russien ; à l'orient par le même empire ; au sud-est et au midi par la Russie polonaise ; au couchant par les palatinats de Lublin et de Poldaquie, le royaume de Prusse, et la mer Baltique.

Hartnoch nous a donné en latin la description de ce pays si longtemps inconnu ; mais son ancienne histoire est ensevelie dans la plus profonde obscurité.

Nous savons seulement en général que les ducs de Russie subjuguèrent la Lithuanie dans les siècles barbares, et l'obligèrent à lui payer un tribut qui consistait en faisceaux d'herbes, en feuilles d'arbres, et en une petite quantité de chaussures faites d'écorces de tilleul. Ce tribut parut rude aux Lithuaniens, apparemment par la manière dure dont on le levait ; car il n'était pas difficîle à payer. Quoi qu'il en sait, leur chef Erdivil prit les armes, secoua le joug, se rendit maître d'une partie de la Russie en 1217, et exigea des Russes le même tribut que la Lithuanie leur payait précédemment.

Ringeld, un des successeurs d'Erdivil, ayant poussé ses conquêtes dans la Prusse, dans la Mazovie, et dans la Pologne, prit le titre de grand duc de Lithuanie. Mendog qui succéda à Ringeld, marcha sur ses traces ; mais à la fin les pillages continuels qu'il faisait sur ses voisins, attirèrent leur haine, et les chevaliers Teutoniques profitant des circonstances favorables, l'attaquèrent si vivement, que Mendog pour sauver ses propres états, se déclara chrétien, et se mit avec son duché sous la protection d'Innocent IV. qui tenait alors le siège de Rome.

Ce pontife, qui venait de déclarer de sa propre autorité, Haquin roi de Norwège, en le faisant enfant légitime, de bâtard qu'il était, n'hésita pas de protéger Mendog, et voulant imiter en quelque manière la grandeur de l'ancien sénat romain, il le créa roi de Lithuanie, mais roi relevant de Rome. " Nous recevons, dit-il, dans sa bulle du 15 Juillet 1251, ce nouveau royaume de Lithuanie, au droit et à la propriété de Saint Pierre, vous prenant sous notre protection, vous, votre femme, et vos enfants ".

Cependant la Lithuanie ne fut point encore un royaume, malgré l'érection du pape. Mendog même abandonna bientôt le Christianisme, et reprit la Courlande sur les chevaliers Teutoniques affoiblis. Les successeurs de Mendog maintinrent ses conquêtes, et les étendirent.

L'un d'eux, Jagellon s'étant rendu redoutable à la Pologne, et craignant les vicissitudes de la fortune, offrit aux Polonais de recevoir le baptême, et d'unir à ce royaume le duché de Lithuanie, en épousant la reine Hedwige. Les Polonais acceptèrent ses offres ; Jagellon fut baptisé à Cracovie le 12 Février 1386. Il prit le nom d'Uladislas, épousa Hedwige, et fut proclamé roi de Pologne : par ce moyen la Lithuanie fut unie à la Pologne, et le Paganisme qui avait regné jusqu'au temps de Jagellon en Lithuanie, peut-être plus superstitieusement que chez aucun peuple du monde, s'abolit insensiblement, et prit une teinture de Christianisme. Jagellon gagna par son exemple, par sa conduite, et par sa libéralité, un grand nombre de ses sujets à la foi chrétienne ; il faisait présent d'un habit gris à chaque personne qui se convertissait.

Enfin, sous Casimir III. fils de Jagellon, les Polonais convinrent qu'ils ne feraient plus qu'un même peuple avec les Lithuaniens ; que le roi serait élu en Pologne ; que les Lithuaniens auraient séance et suffrage à la diete ; que la monnaie serait la même ; que chaque nation suivrait ses anciennes coutumes, et que les charges de la cour et du duché de Lithuanie subsisteraient perpétuellement, ce qui se pratique encore aujourd'hui. Tel est en deux mots tout ce qu'on sait de l'histoire de la Lithuanie.

On peut diviser ce pays en Lithuanie ancienne, et en Lithuanie moderne. La Lithuanie ancienne comprenait la Lithuanie proprement dite, la Wolhinie, la Samogitie, la Poldakie, et partie de la Russie.

La Lithuanie moderne comprend neuf palatinats, savoir les palatinats de Vilna, de Troki, de Minski, de Novogrodeck, de Brestia, de Kiovie, de Mscislau, de Vitepsk, et de Poloczk.

La Lithuanie porte le titre de grand duché, parce qu'elle a dans son étendue plusieurs duchés particuliers, très anciens, et dont la plupart ont été les partages des cadets des grands ducs.

On y parle la langue Esclavonne, mais fort corrompue ; cependant les nobles et les habitants des villes parlent polonais ; et c'est dans cette langue que les prédicateurs font leurs sermons.

Le duché de Lithuanie est un pays uni, coupé de lacs et de grandes rivières très-poissonneuses, dont quelques-unes vont descendre dans la mer Noire, et les autres dans la mer Baltique. Les lacs sont formés par la fonte des neiges, l'eau coule dans des lieux creux, et y demeure. Les principaux fleuves sont le Dniepr, autrement dit le Borysthène, et le Vilia ; l'un et l'autre prennent leurs sources dans la Lithuanie. La Dwine la traverse, et la Niemen qui s'y forme de plusieurs rivières, Ve se perdre dans le golfe de Courlande ; les forêts abondent en gibier et en venaison.

Le trafic du pays consiste en blé, en miel, en cire, en peaux de zibelines, de panthères, de castors, d'ours, et de loups, que les étrangers viennent chercher sur les lieux.

Les lithuaniens ont une manière de labourer, qui leur est commun avec les habitants de la Russie blanche ; ils coupent dans l'été des rameaux d'arbres et de buissons ; ils étendent ce bois sur la terre, et couchent par-dessus de la paille, pour le couvrir pendant l'hiver ; l'été suivant ils y mettent le feu ; ils sement sur la cendre et sur les charbons, et aussitôt ils passent la charrue par-dessus. C'est ainsi qu'ils engraissent leurs terres, tous les six ou huit ans, ce qui leur procure d'abondantes recoltes.

Il parait de ce détail que le duché de Lithuanie doit être regardé comme un pays qui peut fournir toutes les choses nécessaires à la vie ; mais cet avantage n'est que pour les nobles ; les paysans y sont encore plus malheureux qu'en Pologne ; leur état est pire que celui des esclaves de nos colonies ; ils ne mangent que du pain noir comme la terre qu'ils sement, ne boivent que d'une bière détestable, ou du médon, breuvage de miel cuit avec de l'eau, portent des chaussures d'écorces de tilleul, et n'ont rien en propriété. Un seigneur qui tue quelqu'un de ces malheureux, en est quitte pour une légère amende. La moitié de l'Europe est encore barbare : il n'y a pas longtemps que la coutume de vendre les hommes subsistait en Lithuanie ; on en voyait qui nés libres, vendaient leurs enfants pour soulager leur misere, ou se vendaient eux-mêmes, pour pouvoir subsister. (D.J.)