LE, Occitania, (Géographie) province maritime de France, dans sa partie méridionale. Elle est bornée au nord par le Quercy et le Rouergue ; à l'orient, le Rhône la distingue du Dauphiné, de la Provence, et de l'état d'Avignon ; à l'occident la Garonne la sépare de la Gascogne ; elle se termine au midi par la Méditerranée, et par les comtés de Foix et de Roussillon. On lui donne environ 40 lieues dans sa plus grande largeur, et 90 depuis sa partie la plus septentrionale, jusqu'à sa partie la plus méridionale. Les principales rivières qui l'arrosent, sont le Rhône, la Garonne, le Tarn, l'Allier, et la Loire ; Toulouse en est la capitale.

Je ne dirai qu'un mot des révolutions de cette province, quoique son histoire soit très-intéressante ; mais elle a été faite dans le dernier siècle par Catel, et dans celui-ci, par Dom Joseph Vaisset, et Dom Claude Vic, en 2 vol. in -fol. dont le premier fut mis au jour à Paris en 1730, et le second en 1733.

Le Languedoc est de plus grande étendue que n'était la seconde Narbonnaise ; et les peuples qui l'habitaient autrefois, s'appelaient Volsques, Volcae.

Les Romains conquirent cette province, sous le consulat de Quintus Fabius Maximus, 636 ans après la fondation de Rome. Mais quand l'empire vint à s'affaisser sous Honorius, les Goths s'emparèrent de ce pays, qui fut nommé Gothie, ou Septimanie, dès le Ve siècle ; et les Goths en jouirent sous 30 rais, pendant près de 300 ans.

La Gothie ou Septimanie, après la ruine des Wisigoths, tomba sous la domination des Maures, Arabes ou Sarrazins, Mahométans, comme on voudra les appeler, qui venaient d'asservir presque toute l'Espagne. Fiers de leurs conquêtes, ils s'avancèrent jusqu'à Tours ; mais ils furent entièrement défaits par Charles Martel, en 725. Cette victoire suivie des heureux succès de son fils, soumit la Septimanie à la puissance des rois de France. Charlemagne y nomma dans les principales villes, des ducs, comtes, ou marquis, titres qui ne désignaient que la qualité de chef ou de gouverneur. Louis le Debonnaire continua l'établissement que son père avait formé.

Les ducs de Septimanie régirent ce pays jusqu'en 936, que Pons Raimond, comte de Toulouse, prit tantôt cette qualité, et tantôt celle de duc de Narbonne ; enfin, Amaury de Montfort céda cette province en 1223, à Louis VIII. roi de France. Cette cession lui fut confirmée par le traité de 1228 ; en sorte que sur la fin du même siècle, Philippe le Hardi prit possession du comté de Toulouse, et reçut le serment des habitants, avec promesse de conserver les privilèges, usages, libertés, et coutumes des lieux.

On ne trouve point qu'on ait donné le nom de Languedoc à cette province, avant ce temps-là. On appela d'abord Languedoc, tous les pays où l'on parlait la langue toulousaine, pays bien plus étendus que la province de Languedoc ; car on comprenait dans les pays de Languedoc, la Guyenne, le Limousin, et l'Auvergne. Ce nom de Languedoc vient du mot oc, dont on se servait en ces pays-là pour dire oui. C'est pour cette raison qu'on avait divisé dans le XIVe siècle toute la France en deux langues ; la langue d'oui, dont Paris était la première ville, et la langue d'oc, dont Toulouse était la capitale. Le pays de cette langue d'oc est nommé en latin dans les anciens monuments, pairia occitana ; et dans d'autres vieux actes, la province de Languedoc est appelée lingua d'oc.

Il est vrai cependant qu'on continua de la nommer Septimanie, à cause qu'elle comprenait sept cités ; savoir, Toulouse, Beziers, Nismes, Agde, Maguelone aujourd'hui Montpellier, Lodeve, et Usez.

Enfin en 1361 le Languedoc fut expressément réuni à la couronne, par lettres-patentes du roi Jean. Ainsi le Languedoc appartient au roi de France par droit de conquête, par la cession d'Amaury de Montfort en 1223, et par le traité de 1228.

C'est un pays d'états, et en même temps la province du royaume où le clergé est le plus nombreux et le plus riche. En effet on y compte trois archevêchés, et vingt évêchés.

Ce pays est généralement fertîle en grains, en fruits, et en excellents vins. Son histoire naturelle est très-curieuse par ses eaux minérales, ses plantes, ses pétrifications, ses carrières de marbre, ses mines de turquaises, et autres singularités.

Le commerce de cette province, qui consiste principalement en denrées, et en manufactures de soie, de draps, et de petites étoffes de laine, est un commerce considérable, mais qu'il importe de rendre plus florissant, en faisant cesser ces règles arbitraires établies sous les noms de traite-foraine et traite-domaniale ; ces règles forment une jurisprudence très-compliquée, qui déroute le commerce, décourage le négociant, occasionne sans-cesse des procès, des saisies, des confiscations, et je ne sais combien d'autres sortes d'usurpations. D'ailleurs, la traite-foraine du Languedoc, sur les frontières de Provence, est abusive, puisqu'elle est établie en Provence. La traite domaniale est destructive du commerce étranger, et principalement de l'agriculture.

Il est, selon la remarque judicieuse de l'auteur moderne des considérations sur les finances, il est un autre vice intérieur en Languedoc, dont les riches gardent le secret, et qui doit à la longue porter un grand préjudice à cette belle province. Les biens y ont augmenté de valeur, à mesure que les progrès du commerce, soit intérieur ou extérieur, ont haussé le prix des denrées. Les impôts n'y ont pas augmenté de valeur intrinseque, dans la même progression, ni en proportion des dépenses nécessaires de l'état. Cependant les manœuvriers, fermiers, ouvriers, laboureurs, y sont dans une position moins heureuse que dans d'autres provinces qui paient davantage. La raison d'un fait si extraordinaire en apparence, vient de ce que le prix des journées, des corvées, n'y a point haussé proportionnellement à celui des denrées. Il n'est en beaucoup d'endroits de cette province, que de six sols, comme il y a cent ans. Les propriétaires des terres, par l'effet d'un intérêt personnel mal-entendu, ne veulent pas concevoir que la consommation du peuple leur reviendrait avec bénéfice ; que d'ailleurs sans aisance il ne peut y avoir d'émulation ni de progrès dans la culture, et dans les arts ; mais s'il arrive un jour que dans les autres provinces on vienne à corriger l'arbitraire, le Languedoc sera vraisemblablement désert, ou changera de principe. (D.J.)

LANGUEDOC, canal de, (Mécan. Hydraul. Architecture) On le nomme autrement canal de la jonction des deux mers, canal royal, canal de Riquet ; et la raison de tous ces noms sera facîle à voir par la suite. C'est un superbe canal qui traverse la province de Languedoc, joint ensemble la Méditerranée et l'Océan, et tombe dans le port de Cette, construit pour recevoir ses eaux.

L'argent ne peut pénétrer dans les provinces et dans les campagnes, qu'à la faveur des commodités établies pour le transport et la consommation des denrées ; ainsi tous les travaux de ce genre qui y concourront, seront l'objet des grands hommes d'état, dont le goût se porte à l'utile.

Ce fut en 1664 que M. Colbert qui voulait préparer de loin des sources à l'abondance, fit arrêter le projet hardi de joindre les deux mers par le canal de Languedoc. Cette entreprise déjà conçue du temps de Charlemagne, si l'on en croit quelques auteurs, le fut certainement sous François I. Dès-lors on proposa de faire un canal de 14 lieues, de Toulouse à Narbonne, d'où l'on eut navigué par la rivière d'Aude, dans la Méditerranée. Henri IV. et son ministre y songèrent encore plus sérieusement, et trouvèrent la chose possible, après un mûr examen ; mais la gloire en était réservée au règne de Louis XIV. D'ailleurs l'exécution de l'entreprise, a été bien plus considérable que le projet de M. de Sully, puisqu'on a donné à ce canal 60 lieues de longueur, afin de favoriser la circulation d'une plus grande quantité de denrées. L'ouvrage dura 16 ans ; il fut commencé en 1664, et achevé en 1680, deux ou trois ans avant la mort de M. Colbert ; c'est le monument le plus glorieux de son ministère, par son utilité, par sa grandeur, et par ses difficultés.

Riquet osa se charger des travaux et de l'exécution, sur le plan et les mémoires du sieur Andréossi son ami, profond mécanicien, qui avait reconnu en prenant les niveaux, que Naurause, lieu situé près de Castelnaudari, était l'endroit le plus élevé qui fut entre les deux mers. Riquet en fit le point de partage, et y pratiqua un bassin de deux cent taises de long, sur cent-cinquante de large. C'est un des plus beaux bassins que l'on puisse voir ; il contient en tout temps sept pieds d'eaux que l'on distribue par deux écluses, l'une du côté de l'Océan, et l'autre du côté de la Méditerranée. Pour remplir ce bassin, de manière qu'il ne tarisse jamais, on a construit un réservoir nommé le réservoir de S. Ferréol, qui a douze cent taises de longueur, sur cinq cent de largeur, et vingt de profondeur. La forte digue qui lui sert de base, porte l'eau au bassin de Naurause.

L'inégalité du terrain, les montagnes et les rivières qui se rencontrent sur la route, semblaient des obstacles invincibles au succès de cette entreprise. Riquet les a surmontés ; il a remédié à l'inégalité du terrain, par plusieurs écluses qui soutiennent l'eau dans les descentes. Il y en a quinze du côté de l'Océan, et quarante-cinq du côté de la Méditerranée. Les montagnes ont été entr'ouvertes, ou percées par ses soins ; il a pourvu à l'incommodité des rivières et des torrents, par des ponts et des aqueducs sur lesquels passe le canal, en même temps que des rivières et des torrents passent par-dessous. On compte 37 de ces aqueducs, et huit ponts. En un mot les bateaux arrivent de l'embouchure de la Garonne, qui est dans l'Océan, au port de Cette, qui est dans la Méditerranée, sans être obligés de passer le détroit de Gibraltar. Riquet termina sa carrière et son ouvrage presqu'en même temps, laissant à ses deux fils le plaisir d'en faire l'essai en 1681.

Ce canal a couté environ treize millions de ce temps-là, qu'on peut évaluer à vingt-cinq millions de nos jours, qui ont été payés en partie par le roi, et en partie par la province de Languedoc.

Il n'a manqué à la gloire de l'entrepreneur, que de n'avoir pas voulu joindre son canal à celui de Narbonne fait par les Romains, et qui n'en est qu'à une lieue ; il eut alors rendu service à tout un pays, en sauvant même une partie de la dépense qu'il consomma à percer la montagne de Malpas. Mais Riquet eut la faiblesse de préférer l'utilité de Beziers, où le hasard l'avait fait naître, au bien d'une province entière. C'est ainsi qu'il a privé Narbonne, Carcassonne, et Toulouse, des commodités, des ressources, et des avantages de son canal. (D.J.)