S. m. (Histoire moderne) ministre public envoyé par un souverain à un autre, pour y représenter sa personne. Voyez MINISTRE.

Ce mot vient de ambasciator, terme de la basse latinité, qui a été fait de ambactus, vieux mot emprunté du gaulois, signifiant serviteur, client, domestique ou officier, selon Borel, Ménage, et Chifflet d'après Saumaise et Spelman : mais les jésuites d'Anvers, dans les act. sancti Mart. tome II. page 128. rejettent cette opinion, parce que l'ambact des Gaulois avait cessé d'être en usage longtemps avant qu'on se servit du mot latin ambascia ; cependant cela n'est pas strictement vrai, car on trouve ambascia dans la loi salique, tit. xjx. qui s'est fait d'ambactia, en prononçant le t comme dans actio ; et ambactia vient d'ambactus, et ce dernier d'ambact. Lindenbroeg le dérive de l'allemand ambacht, qui signifie œuvre, comme si on se louait pour faire quelque ouvrage ou légation. Chorier est du sentiment de Lindenbroeg au sujet du même mot, qui se trouve dans la loi des Bourguignons. Albert Acharisius en son dictionnaire italien, le dérive du latin ambulare, marcher ou voyager. Enfin les jésuites d'Anvers, à l'endroit que nous venons de citer, disent que l'on trouve ambascia dans les lois des Bourguignons, et que c'est delà que viennent les mots ambassicatores et ambasciatores, pour dire les envoyés, les agens d'un prince ou d'un état, à un autre prince ou état. Ils croient donc que chez les barbares qui inondèrent l'Europe, ambascia signifiait le discours d'un homme qui s'humilie ou s'abaisse devant un autre, et qu'il vient de la même racine qu'abaisser, c'est-à-dire de an ou am et de bas.

En latin nous nommons ce ministre legatus ou orator : cependant il est certain que ce mot ambassadeur a chez nous une signification beaucoup plus ample que celui de legatus chez les Romains ; et à la réserve de la protection que le droit des gens donne à l'un et donnait à l'autre, il n'y a presque rien de commun entr'eux. Voyez LEGATUS.

Les ambassadeurs sont ou ordinaires ou extraordinaires.

AMBASSADEUR ORDINAIRE, est celui qui réside en la cour d'un autre prince par honneur, pour entretenir réciproquement une bonne intelligence, pour veiller aux intérêts de son maître, et pour négocier les affaires qui peuvent survenir. Les ambassadeurs ordinaires sont d'institution moderne ; ils étaient inconnus il y a 200 ans : avant ce temps-là tous les ambassadeurs étaient extraordinaires, et se retiraient sitôt qu'ils avaient achevé l'affaire qu'ils avaient à négocier. Voyez ORDINAIRE.

AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE, est celui qui est envoyé à la cour d'un prince pour quelque affaire particulière et pressante, comme pour conclure une paix ou un mariage, pour faire un compliment, etc. Voyez EXTRAORDINAIRE.

A la vérité il n'y a nulle différence essentielle entre ambassadeur ordinaire et ambassadeur extraordinaire : le motif de leurs ambassades est tout ce qui les distingue : ils jouissent également de toutes les prérogatives que le droit des gens leur accorde.

Athènes et Sparte florissantes, dit M. Tourreil, n'avaient autrefois rien tant aimé que de voir et d'entendre dans leurs assemblées divers ambassadeurs qui recherchaient la protection ou l'alliance de l'une ou de l'autre. C'était, à leur gré, le plus bel hommage qu'on leur put rendre ; et celle qui recevait le plus d'ambassades, croyait l'emporter sur sa rivale.

A Athènes, les ambassadeurs des princes et des états étrangers montaient dans la tribune des orateurs pour exposer leur commission et pour se faire mieux entendre du peuple : à Rome ils étaient introduits au sénat, auquel ils exposaient leurs ordres. Chez nous les ambassadeurs s'adressent immédiatement et uniquement au Roi.

Le nom d'ambassadeur, dit Cicéron, est sacré et inviolable : non modo inter sociorum jura, sed etiam inter hostium tela incolume versatur. In Ver. orat. VI. Nous lisons que David fit la guerre aux Ammonites pour venger l'injure faite à ses ambassadeurs. Liv. II. des Rais, chap. Xe Alexandre fit passer au fil de l'épée les habitants de Tyr, pour avoir insulté ses ambassadeurs. La jeunesse de Rome ayant outragé les ambassadeurs de Vallonne, fut livrée entre leurs mains pour les en punir à discrétion.

Les ambassadeurs des rois ne doivent point aller aux noces, aux enterrements, ni aux assemblées publiques et solennelles, à moins que leur maître n'y ait intérêt : ils ne doivent point aussi porter le deuil, pas même de leurs proches, parce qu'ils représentent la personne de leur prince, à qui il est de leur devoir de se conformer en tout.

En France le nonce du pape a la préséance sur tous les autres ambassadeurs, et porte la parole en leur nom, lorsqu'il s'agit de complimenter le Roi.

Dans toutes les autres cours de l'Europe l'ambassadeur de France a le pas sur celui d'Espagne, comme cette couronne le reconnut publiquement au mois de Mai 1662, dans l'audience que le roi Louis XIV. donna à l'ambassadeur d'Espagne, qui, en présence de vingt-sept autres tant ambassadeurs qu'envoyés des princes, protesta que le roi son maître ne disputerait jamais le pas à la France. Ce fut en réparation de l'insulte faite à Londres l'année précédente par le baron de Batteville ambassadeur d'Espagne, au comte d'Estrades ambassadeur de France : on frappa à cette occasion une médaille. (G)