(Histoire moderne) titre que l'on donne à plusieurs officiers qui ont quelque commandement, quelque pouvoir d'ordonner, et premièrement aux chefs des ordres de chevaleries, qu'on appelle grands-maîtres. Ainsi nous disons grand-maître de Malthe, de S. Lazare, de la taison d'or, des Francs-maçons.

Maitre, chez les Romains ; ils ont donné ce nom à plusieurs offices. Le maître du peuple magister populi, c'était le dictateur. Le maître de la cavalerie, magister equitum, c'était le colonel général de la cavalerie : dans les armées il était le premier officier après le dictateur. Sous les derniers empereurs il y eut des maîtres d'infanterie, magistri peditum ; maître du cens, magister census, officier qui n'avait rien des fonctions du censeur ou subcenseur, comme le nom semble l'indiquer, mais qui était la même chose que le praepositus frumentariorum. Maitre de la milice était un officier dans le bas empire, créé à ce que l'on prétend par Diocletien ; il avait l'inspection et le gouvernement de toutes les forces de terre, avec une autorité semblable à-peu-près à celle qu'ont eu les connétables en France. On créa d'abord deux de ces officiers, l'un pour l'infanterie, et l'autre pour la cavalerie. Mais Constantin réunit ces deux offices en un seul. Ce nom devint ensuite commun à tous les généraux en chef, dont le nombre s'augmenta à proportion des provinces ou gouvernements où ils commandaient. On en créa un pour le Pont, un pour la Thrace, un pour le Levant, et un pour l'Illyrie ; on les appela ensuite comites, comtes, et clarissimi. Leur autorité n'était qu'une branche de celle du préfet du prétoire, qui par-là devint un officier purement chargé du civil.

Maitre des armes dans l'empire grec, magister armorum, était un officier ou un contrôleur subordonné au maître de la milice.

Maitre des offices, magister officiorum ; il avait l'intendance de tous les offices de la cour. On l'appelait magister officii palatini, ou simplement magister ; sa charge s'appelait magisteria. Ce maître des offices était à la cour des empereurs d'Occident le même que le curo-palate à la cour des empereurs d'Orient.

Maitre des armoiries ; c'était un officier qui avait le soin ou l'inspection des armes ou armoiries de sa majesté. Voyez ARMES et ARMOIRIES.

Maitre ès arts, celui qui a pris le premier degré dans la plupart des universités, ou le second dans celles d'Angleterre, les aspirants n'étant admis aux grades en Angleterre qu'après sept ans d'études. Autrefois, dans l'université de Paris, le degré de maître ès arts était donné par le recteur, à la suite d'une thèse de Philosophie que le candidat soutenait au bout de son cours. Cet ordre est maintenant changé ; les candidats qui aspirent au degré de maître ès arts, après leurs deux ans de Philosophie, doivent subir deux examens ; un devant leur nation, l'autre devant quatre examinateurs tirés des quatre nations, et le chancelier ou sous-chancelier de Notre-Dame, ou celui de Sainte-Genevieve. S'ils sont trouvés capables, le chancelier ou sous-chancelier leur donne le bonnet de maître ès arts, et l'université leur en fait expédier des lettres. Voyez BACHELIER, DOCTEUR.

Maitre de cérémonie en Angleterre, est un officier qui fut institué par le roi Jacques premier, pour faire une reception plus solennelle et plus honorable aux ambassadeurs et aux étrangers de qualité, qu'il présente à sa majesté. La marque de sa charge est une chaîne d'or, avec une médaille qui porte d'un côté l'emblême de la paix avec la devise du roi Jacques, et aux revers l'emblème de la guerre, avec ces mots Dieu est mon droit. Cet office doit être rempli par une personne capable, et qui possède les langues. Il est toujours de service à la cour, et il a sous lui un maître-assistant ou député qui remplit sa place sous le bon plaisir du roi. Il y a aussi un troisième officier appelé maréchal de cérémonie, dont les fonctions sont de recevoir et de porter les ordres du maître des cérémonies ou de son député pour ce qui concerne leurs fonctions, mais qui ne peut rien faire sans leur commandement. Cette charge est à la nomination du roi. Voyez MARECHAL.

Maitres de la chancellerie en Angleterre : on les choisit ordinairement parmi les avocats ou licenciés en droit civil, et ils ont seance à la chancellerie ou au greffe ou bureau des rôles et registres, comme assistants du lord chancelier ou maître des rôles. On leur renvoie des rapports interlocutoires, les règlements ou arrêts des comptes, les taxations des frais, etc. et on leur donne quelquefois par voie de reféré le pouvoir de terminer entièrement les affaires. Ils ont eu de temps immémorial l'honneur de s'asseoir dans la chambre des lords, quoiqu'ils n'aient aucun papier ou lettres patentes qui leur en donnent droit, mais seulement en qualité d'assistants du lord chancelier et du maître des rôles. Ils étaient autrefois chargés de l'inspection sur tous les écrits, sommations, assignations : ce que fait maintenant le clerc du petit sceau. Lorsque les lords envaient quelque message aux communes, ce sont les maîtres de chancellerie qui les portent. C'est devant eux qu'on fait les déclarations par serment, et qu'on reconnait les actes publics. Outre ceux qu'on peut appeler maîtres ordinaires de chancellerie qui sont au nombre de douze, et dont le maître des rôles est regardé comme le chef, il y a aussi des maîtres de chancellerie extraordinaires, dont les fonctions sont de recevoir les déclarations par serment et les reconnaissances dans les provinces d'Angleterre, à 10 milles de Londres et par-delà, pour la commodité des plaideurs.

Maitre de la cour des gardes et saisines en était le principal officier, il en tenait le sceau et était nommé par le roi ; mais cette cour et tous ses officiers, ses membres, son autorité et ses appartenances ont été abolis par un statut de la seconde année du règne de Charles II. ch. xxiv. Voyez GARDES.

Maitre des facultés en Angleterre ; officier sous l'archevêque de Cantorbéry, qui donne les licences et les dispenses : il en est fait mention dans les statuts XXII. XXIII. de Charles II.

Maitre Canonnier. Voyez CANONNIER, et ci-après.

Maitre de cavalerie en Angleterre, grand officier de la couronne, qui est chargé de tout ce qui regarde les écuries et les haras du roi, et qui avait autrefois les postes d'Angleterre. Il commande aux écuries et à tous les officiers ou maquignons employés dans les écuries, en faisant apparaitre au contrôleur qu'ils ont prêté le serment de fidélité, etc. pour justifier à leur décharge qu'ils ont rempli leur devoir. Il a le privilège particulier de se servir des chevaux, des pages, et des valets de pied de l'écurie, de sorte que ses carrosses, ses chevaux, et ses domestiques sont tous au roi, et en portent les armes et les livrées.

Maitre de la maison ; c'est un officier sous le lord steward de la maison, et à la nomination du roi : ses fonctions sont de contrôler les comptes de la maison. Voyez MAISON. Anciennement le lord steward s'appelait grand maître de la maison.

Maitre des joyaux ; c'est un officier de la maison du roi, qui est chargé de toute la vaisselle d'or et d'argent de la maison du roi et de celle des officiers de la cour, de celle qui est déposée à la tour de Londres, comme aussi des chaînes et menus joyaux qui ne sont pas montés ou attachés aux ornements royaux.

Maitre de la monnaie, était anciennement le titre de celui qu'on nomme aujourd'hui garde de la monnaie, dont les fonctions sont de recevoir l'argent et les lingots qui viennent pour être frappés, ou d'en prendre soin. Voyez MONNOIE.

Maitre d'artillerie, grand officier à qui on confie tout le soin de l'artillerie du roi. Voyez ARTILLERIE.

Maitre des menus plaisirs du roi, grand officier qui a l'intendance sur tout ce qui regarde les spectacles, comédie, bals, mascarades, etc. à la cour. Il avait aussi d'abord le pouvoir de donner des permissions à tous les comédiens forains et à ceux qui montrent les marionnettes, etc. et on ne pouvait même jouer aucune pièce aux deux salles de spectacles de Londres, qu'il ne l'eut lue et approuvée ; mais cette autorité a été fort réduite, pour ne pas dire absolument abolie par le dernier règlement qui a été fait sur les spectacles.

Maitre de la garde-robe. Voyez GARDE-ROBE.

Maitre des comptes, officier par patentes et à vie, qui a la garde des comptes et patentes qui passent au grand sceau et des actes de chancellerie. Voyez CHANCELLERIE. Il siège aussi comme juge à la chancellerie en l'absence du chancelier et du garde, et M. édouard Cok l'appelle assistant. Voyez CHANCELIER. Il entendait autrefois les causes dans la chapelle des rôles ; il y rendait des sentences ; il est aussi le premier des maîtres de chancellerie et il en est assisté aux rôles, mais on peut appeler de toutes ses sentences au lord chancelier ; et il a aussi séance au parlement, et y siège auprès du lord chancelier sur le second tabouret de laine. Il est gardien des rôles du parlement, et occupe la maison des rôles, et a la garde de toutes les chartes, patentes, commissions, actes, reconnaissances, qui étant faites en rôles de parchemin, ont donné le nom à sa place. On l'appelait autrefois clerc des rôles. Les six clercs en chancellerie, les examinateurs, les trois clercs du petit sac, et les six gardes de la chapelle des rôles ou gardes des rôles sont à sa nomination. Voyez CLERC et ROLE.

Maitre d'un vaisseau, celui à qui l'on confie la direction d'un vaisseau marchand, qui commande en chef et qui est chargé des marchandises qui sont à bord. Dans la Méditerranée le maître s'appelle souvent patron, et dans les voyages de long cours capitaine de navire. Voyez CAPITAINE. C'est le propriétaire du vaisseau qui choisit le maître, et c'est le maître qui fait l'équipage et qui lève les pilotes et les matelots, etc. Le maître est obligé de garder un registre des hommes qui servent dans son vaisseau, des termes de leur engagement, de leurs reçus et payements, et en général de tout ce qui regarde le commandement de ce navire.

Maitre du Temple ; le fondateur de l'ordre du Temple et tous ses successeurs ont été nommés magni Templi magistri ; et même depuis l'abolition de l'ordre, le directeur spirituel de la maison est encore appelé de ce nom. Voyez TEMPLE et TEMPLIER.

MAITRES, (Histoire moderne) magistri, nom qu'on a donné par honneur et comme par excellence à tous ceux qui enseignaient publiquement les Sciences, et aux recteurs ou prefets des écoles publiques.

Dans la suite ce nom est devenu un titre d'honneur pour ceux qui excellaient dans les Sciences, et est enfin demeuré particulièrement affecté aux docteurs en Théologie dont le degré a été nommé magisterium ou magisterii gradus ; eux-mêmes ont été appelés magistri, et l'on trouve dans plusieurs écrivains les docteurs de la faculté de Théologie de Paris désignés par le titre de magistri parisienses.

Dans les premiers temps on plaçait quelquefois la qualité de maître avant le nom propre, comme maître Robert, ainsi que Joinville appelle Robert de Sorbonne ou Sorbon maître Nicolas Oresme de la maison de Navarre : quelquefois on ne mettait cette qualification qu'après le nom propre, comme dans Florus magister, archidiacre de Lyon et plusieurs autres.

Quelques-uns ont joint au titre de maître des dénominations particulières tirées des Sciences auxquelles ils s'étaient appliqués et des différentes matières qu'ils avaient traitées. Ainsi l'on a surnommé Pierre Lombard le maître des sentences, Pierre Comestor ou le mangeur le maître de l'Histoire scolastique ou savante, et Gratien le maître des canons ou des decrets.

Ce titre de maître est encore d'un usage fréquent et journalier dans la faculté de Paris, pour désigner les docteurs dans les actes et les discours publics : les candidats ne les nomment que nos très-sages maîtres, en leur adressant la parole : le syndic de la faculté ne les désigne point par d'autres titres dans les assemblées et sur les registres. Et on marque cette qualité dans les manuscrits ou imprimés par cette abréviation, pour le singulier, S. M. N. c'est-à-dire sapientissimus magister noster, et pour le pluriel, par celle-ci, SS. MM. NN. sapientissimi magistri nostri, parce que la Théologie est regardée comme l'étude de la sagesse.

MAITRE OECUMENIQUE, (Histoire moderne) nom qu'on donnait dans l'empire grec au directeur d'un fameux collège fondé par Constantin dans la ville de Constantinople. On lui donna ce titre qui signifie universel, ou parce qu'on ne confiait cette place qu'à un homme d'un rare mérite, et dont les connaissances en tout genre étaient très-étendues, ou parce que son autorité s'étendait universellement sur tout ce qui concernait l'administration de ce collège. Il avait inspection sur douze autres maîtres ou docteurs qui instruisaient la jeunesse dans toutes les sciences divines et humaines. Les empereurs honoraient ce maître oecuménique et les professeurs d'une grande considération, et les consultaient même dans les affaires importantes. Leur collège était riche, et surtout orné d'une bibliothèque de six cent mille volumes. L'empereur Léon l'isaurien irrité de ce que le maître oecuménique et ces docteurs soutenaient le culte des images, les fit enfermer dans leur collège, et y ayant fait mettre le feu pendant la nuit, livra aux flammes la bibliothèque et le collège et les savants, exerçant ainsi sa rage contre les lettres aussi bien que contre la religion. Cet incendie arriva l'an 726. Cedren. Theoh. Zonaras.

MAITRE DU SACRE PALAIS, (Histoire moderne) officier du palais du pape, dont la fonction est d'examiner, corriger, approuver ou rejeter tout ce qui doit s'imprimer à Rome. On est obligé de lui en laisser une copie, et après qu'on a obtenu une permission du vice-gérent pour imprimer sous le bon plaisir du maître du sacré palais, cet officier ou un de ses compagnons (car il a sous lui deux religieux pour l'aider) en donne la permission ; et quand l'ouvrage est imprimé et trouvé conforme à la copie qui lui est restée entre les mains, il en permet la publication et la lecture : c'est ce qu'on appelle le publicetur. Tous les Libraires et Imprimeurs sont sous sa juridiction. Il doit voir et approuver les images, gravures, sculptures, etc. avant qu'on puisse les vendre ou les exposer en public. On ne peut prêcher un sermon devant le pape, que le maître du sacré palais ne l'ait examiné. Il a rang et entrée dans la congrégation de l'Indice, et séance quand le pape tient chapelle, immédiatement après le doyen de la rote. Cet office a toujours été rempli par des religieux dominicains qui sont logés au vatican, ont bouche à la cour, un carrosse, et des domestiques entretenus aux dépens du pape.

MAITRE DE LA GARDE-ROBE, (Histoire moderne) vestiarius ; dans l'antiquité, et sous l'empire des Grecs, était un officier qui avait le soin et la direction des ornements, robes et habits de l'empereur. Voyez GARDE-ROBE.

Le grand maître de la garde-robe proto-vestiarius, était le chef de ces officiers ; mais parmi les Romains, vestiarius n'était qu'un simple fripier ou tailleur.

MAITRE DES COMPTES (Jurisprudence) Voyez au mot COMPTES, à l'article de la chambre des comptes.

MAITRE DES BAUX ET FORETS, (Jurisprudence) est un officier royal qui a inspection et juridiction sur les eaux et forêts du roi, des communautés laïques et ecclésiastiques, et de tous les autres sujets du Roi, pour la police et conservation de ces sortes de biens.

Ces officiers sont de deux sortes, les uns qu'on appelle grands-maîtres, les autres maîtres particuliers.

Quelques seigneurs ont conservé à leurs juges des eaux et forêts le titre de maître particulier ; mais quand ces officiers se présentent pour être reçus à la table de marbre, ils ne prêtent serment que comme gruyers, et n'ont point séance à la table de marbre comme les maîtres particuliers royaux. Voyez les deux articles suivants. (A)

GRANDS-MAITRES DES EAUX ET FORETS, sont ceux qui ont l'inspection et juridiction en chef sur les eaux et forêts ; les maîtres particuliers exercent la même juridiction chacun dans leur district.

Pour bien développer l'origine de ces sortes d'officiers, il faut observer que tous les peuples policés ont toujours eu des officiers pour la conservation des forêts. Les Romains apprirent cet ordre des Grecs ; ils tenaient cette fonction à grand honneur, puisque l'on en chargeait le plus souvent les nouveaux consuls, comme l'on fit à l'égard de Bibulus et de Jules-César : ces magistrats avaient sous eux d'autres officiers pour la garde des forêts.

En France, un des premiers soins de nos rois fut aussi d'établir des officiers qui eussent l'inspection sur les eaux et forêts ; c'était principalement pour la conservation de la chasse et de la pêche, plutôt que pour la conservation du bois ; lequel était alors si commun en France, que l'on s'attachait plutôt à en défricher qu'à en planter ou à le conserver.

Sous la première et la seconde race de nos rois on les appelait forestiers, forestarii, non pas qu'ils n'eussent inspection que sur les forêts seulement, ils l'avaient également sur les eaux ; le terme de forêt qui vient de l'allemand, signifiait dans son origine défends, garde, ou réserve, ce qui convenait aux fleuves, rivières, étangs, et autres eaux que l'on tenait en défense, aussi-bien qu'aux bois que l'on voulait conserver : ainsi forestier signifiait gouverneur et gardien des forêts et des eaux.

Grégoire de Tours, liv. X. chap. Xe rapporte que la quinzième année du règne de Childebert, roi de France, vers l'an 729, ce prince chassant dans la forêt de Vosac, ayant découvert la trace d'un bufle qui avait été tué, il contraignit le forestier de lui déclarer celui qui avait été si hardi de commettre un tel acte, ce qui occasionna un duel entre le forestier et un nommé Chandon, soupçonné d'avoir tué le bufle.

Il est aussi parlé des forestiers dans un capitulaire de Charlemagne de l'an 823, art. XVIIIe de forestis, où il est dit que les forestiers, forestarii, doivent bien défendre les forêts, et conserver soigneusement les poissons.

On donna aussi le nom de forestiers aux gouverneurs de Flandres, ce qui vient peut-être de ce que ce pays était alors presqu'entièrement couvert de la forêt Charbonière, et que la conservation de cette forêt était le principal objet des soins du gouverneur, ou plutôt parce que le terme de forestier signifiait gardien et gouverneur, comme on l'a déjà remarqué. Quelques Historiens tiennent que le premier de ces forestiers de Flandres fut Lideric I. fils unique de Salvart, prince de Dijon, que Clotaire II. éleva à cette dignité vers l'an 621 ; qu'il y eut consécutivement six gouverneurs appelés forestiers, jusqu'à Baudouin, surnommé Bras-de-fer, en faveur duquel Charles-le-Chauve érigea la Flandres en comté.

Nos rois avaient cependant toujours leur forestier, que l'on appelait le forestier du roi ; forestarius regis, ou regius, lequel faisait alors la même fonction que fait aujourd'hui le grand-véneur, et avait en même temps inspection sur toutes les eaux et forêts du roi.

Le moine Aymoin, en son Histoire des gestes des Français, liv. V. chap. xlvij. rapporte que du temps du roi Robert, l'an 1004, Thibaut, surnommé file-étoupe, son forestier, fortifia Montlhéry.

Il ne faut pas confondre ces forestiers du roi, ou grands-forestiers avec les simples juges forestiers, ni avec les gardes-bois, tels que ceux que nous avons encore, que l'on appelle sergens-forestiers.

Il parait que le titre de grand-forestier du roi fut depuis changé en celui de maître véneur du roi, quasi magister venatorum, appelé depuis grand-véneur.

Le maître véneur du roi avait, de même que le grand-forestier, l'intendance des eaux et forêts, pour la chasse et la pêche.

Il était aussi ordinairement maître des eaux et forêts du roi, pour la police et conservation de cette partie du domaine, qui était autrefois une des plus considérables.

Jean Leveneur, chevalier, qui était maître véneur du roi dès l'an 1289, était aussi maître des eaux et forêts ; il alla deux fais, en 1298, pour faire des informations sur les forêts de Normandie, et au mois de Juin 1300, sur celles du bailliage de Coutances : il mourut en 1302.

Robert Leveneur son fils, chevalier, était veneur dès 1308, et le fut jusqu'en 1312, qu'il se démit de cette charge en faveur de son frère, il prit possession de la charge de maîtres des eaux et forêts du roi le 4 Février 1312, au-lieu d'Etienne Bienfait, et exerçait encore cette charge en 1330, il est qualifié de maître enquêteur des eaux et forêts du roi, dans un mandement du 11 Avril 1326 ; c'est la première fois que l'on trouve la qualité d'enquêteur donnée aux maîtres des eaux et forêts. Il y en avait alors plusieurs, puisque par une déclaration de 1317 le nombre en fut réduit à deux.

Jean Leveneur, frère de Robert, et veneur depuis 1312, fut aussi maître enquêteur des eaux et forêts ès années 1303, 1313, 1328, et 1329 ; il parait parlà qu'il fit cette fonction dans le même temps que Robert Leveneur son frère.

Henri de Meudon, reçu maître de la vénerie du roi en 1321, fut institué maître des eaux et forêts de France le 24 Septembre 1335, et reçut en cette qualité une gratification sur le domaine de Rouen, en considération de ses services, il est qualifié maître enquêteur des eaux et forêts du roi par tout son royaume, et de celles du duc de Normandie dans un ordre daté de Saint-Germain-en-Laye le premier Aout 1339, adressé au receveur de Domfront, auquel il mande de payer la dépense que Huart Picart avait fait en apportant des éperviers au roi.

Après la mort d'Henri de Meudon, arrivée en 1344, Renaud de Giry fut maître de la vénerie du roi, maître des eaux et forêts, et de celles des ducs du Normandie et d'Orléans en 1347 ; il était aussi en même temps verdier de la forêt de Breteuil, et exerça ces charges jusqu'à sa mort, arrivée en 1355.

Il eut pour successeur dans ces deux charges de maître de la vénerie du roi et de maître des eaux et forêts Jean de Meudon, fils d'Henri, dont on a parlé ci-devant ; l'histoire des grands officiers de la couronne le qualifie de maître des eaux et forêts, et dans un autre endroit, premier maître des eaux et forêts, ce qui suppose qu'il y en avait alors plusieurs, et qu'il avait la primauté.

Jean de Corguilleray, qui était maître véneur du duc de Normandie, régent du royaume, et maître enquêteur des eaux et forêts du même prince, fut aussi maître enquêteur des eaux et forêts du roi.

Jean de Thubeauville, maître de la vénerie du roi, fut aussi maître enquêteur des eaux et forêts du roi en 1372, il l'était encore en 1377 et en 1379 : de son temps fut faite une ordonnance, le 22 Aout 1375, qui réduisait les maîtres des eaux et forêts au nombre de six, y compris le maître de la vénerie, qui par le droit de cette charge devait être aussi maître des eaux et forêts.

Philippes de Corguilleray, qui était maître de la vénerie du roi dès 1377, succéda à Jean de Thubeauville en l'office de maître enquêteur des eaux et forêts du roi, qu'il exerça jusqu'au 22 Aout 1399 qu'il en fut déchargé.

Ce fut Robert de Franconville qui lui succéda dans ces deux offices. Il se démit en 1410 de l'office de maître de la vénerie en faveur de Guillaume de Gamaches.

Celui-ci en fut deux fois desapointé ; et en 1424 Charles VII. pour le dédommager des pertes qu'il avait souffert, lui donna la charge de grand-maître et souverain réformateur des eaux et forêts du royaume, qu'il exerçait encore en 1428.

Depuis ce temps on ne voit pas qu'aucun grand-véneur ait été grand-maître général de toutes les eaux et forêts de France, on en trouve seulement quelques-uns qui furent grands-maîtres des eaux et forêts d'une province ou deux ; tel fut Yves Dufon, lequel dans une quittance du 16 Novembre 1478, prend la qualité de général réformateur des eaux et forets.

Tel fut aussi Louis, seigneur de Rouville, que François I. institua grand maître enquêteur et réformateur des eaux et forêts de Normandie et de Picardie en 1519.

Louis de Brezé, grand-véneur, dans une quittance du 9 Novembre 1490, est qualifié réformateur général du pays et duché de Normandie, mais il n'est pas dit que ce fût singulièrement pour les eaux et forêts.

Le grand-véneur était donc anciennement, par le droit de sa charge, seul maître des eaux et forêts du roi : et depuis, lorsqu'on eut multiplié le nombre des maîtres des eaux et forêts, il était ordinairement de ce nombre, et même le premier ; on a même Ve que quelques-uns des grands-véneurs avaient le titre de grand-maître et souverain réformateur des eaux et forêts du royaume ; mais cette fonction n'était pas alors un office permanent, ce n'était qu'une commission momentanée que le roi donnait au grand-véneur, et aussi à d'autres personnes.

Les maîtres des eaux et forêts, autres que les grands veneurs, sont nommés magistri forestarum et aquarum : dans une ordonnance de Philippe-le-Bel, de l'an 1291, ils sont nommés avant les gruyers et les forestiers ; ils avaient pourtant aussi des supérieurs, car cette ordonnance dit qu'ils prêteront serment entre les mains de leur supérieur : c'était apparemment le grand-véneur qui avait alors seul l'inspection en chef sur les autres maîtres des eaux et forêts.

Quelque temps après on lui donna des collègues pour les eaux et forêts : le nombre en fut réglé différemment en divers temps.

Le plus ancien maître ordinaire des eaux et forêts qui soit connu entre ceux qui n'étaient pas grands-véneurs, est Etienne Bienfait, chevalier, qui était maître des eaux et forêts en l'année 1294, et exerça cet office jusqu'en 1312. Jean Leveneur, maître de la vénerie du roi exerçait aussi dans le même temps l'office de maître des eaux et forêts.

Jean Leveneur, second du nom, maître de la vénerie du roi, avait pour collègue en la charge de maître des eaux et forêts, Philippe de Villepreux, dit Leconvers, clerc du roi, chanoine de l'église de Tournay, puis de celle de Paris, et archidiacre de Brie en l'église de Meaux. Celui-ci exerça la fonction de maître des eaux et forêts du roi en plusieurs occasions, et fut député commissaire avec Jean Leveneur, sur le fait des forêts de Normandie au mois de Décembre 1300. Le roi le commit aussi en 1310, pour régler aux habitants de Gaillefontaine leur droit d'usage aux bois de la Cauchie et autres ; et en 1314 pour vendre certains bois, tant pour les religieuses de Paissy, que pour les bâtiments que le roi y avait ordonnés.

Le grand-véneur n'était donc plus, comme auparavant, seul maître des eaux et forêts ; il parait même qu'il n'avait pas plusieurs collègues pour cette fonction.

En effet, suivant un mandement de Philippe V. du 12 Avril 1317, adressé aux gens des comptes, il est dit, qu'il avait ordonné par délibération de son conseil, que dorénavant il n'aurait que deux maîtres de ses forêts et de ses eaux, savoir Robert Leveneur, chevalier, et Oudart de Cros, Doucreux, ou du Cros, et que tous les autres étaient ôtés de leur office, non pas pour nul méfait, car il pensait, disait-il, à les pourvoir d'une autre manière, et en conséquence il mande à ses gens des comptes, que pour cause de l'office de maître de ses eaux et forêts, ils ne comptent gages à nul autre qu'aux deux susnommés, et que nul autre ne s'entremette des enquêtes desdites forêts.

Le nombre en fut depuis augmenté ; car suivant une ordonnance de Philippe de Valais du 29 Mai 1346, il y en avait alors dix qui étaient tous égaux en pouvoirs, savoir deux en Normandie, un pour la vicomté de Paris, deux en Yveline, Senlis, Valais, Vermandais, Amiénais ; deux pour l'Orléanais, Sens, Champagne et Mâcon, et trois en Touraine, Anjou, Maine, Xaintonge, Berry, Auvergne : tous les autres maîtres et gruyers furent ôtés. La suite de cette ordonnance fait connaître que les autres maîtres qui furent supprimés, étaient des maîtres particuliers. Il y en eut pourtant de rétablis peu de temps après, car dans les lettres du roi Jean du 2 Octobre 1354, il est parlé des maîtres des eaux et forêts de la sénéchaussée de Toulouse ; et dans d'autres lettres de Jean, comte d'Armagnac, du 9 Février 1355, il est parlé des maîtres des forêts du roi, de la sénéchaussée de Carcassonne et de Beziers.

Les dix maîtres enquêteurs des eaux et forêts qui étaient au-dessus de ces maîtres particuliers, étaient égaux en pouvoirs comme sont aujourd'hui les grands-maîtres. En 1356 un nommé Encirus Dol, ou Even de Dol, fut pourvu de l'office de maître général enquêteur des eaux et forêts dans tout le royaume, et sur sa requisition donnée dans la même année, Robert de Coetelez fut pourvu du même office, mais nonobstant le titre d'enquêteur général qui leur est donné, il ne parait pas qu'ils eussent aucune supériorité sur les autres ni qu'ils fussent seuls ; car Charles, régent du royaume, ordonne qu'ils auront les mêmes gages que les autres maîtres enquêteurs des eaux et forêts, il parait que depuis ce temps ils prirent tous le titre de maître enquêteur général.

Pendant la prison du roi Jean, Charles V. qui était alors régent du royaume, fit en cette qualité une ordonnance le 27 Janvier 1359, portant entre autres choses, qu'en l'office de la maitrise des eaux et forêts, il y en aurait dorénavant quatre pour le Languedouil (ou pays coutumier) et un pour le Languedoc (ou pays de droit écrit) tant seulement : ainsi par cette ordonnance ils furent réduits à moitié de ce qu'ils étaient auparavant.

Jean de Melun, comte de Tancarville, fut institué souverain maître et réformateur des eaux et forêts de France, par des lettres du premier Décembre 1360, et exerça cette charge jusqu'au premier Novembre 1362.

Néanmoins dans le même temps qu'il exerçait cet office, le roi Jean envoya en 1461 dans le bailliage de Mâcon et dans les sénéchaussées de Toulouse, Beaucaire et Carcassonne, trois réformateurs généraux ; savoir l'évêque de Meaux, le comte de la Marche, et Pierre Scatisse, trésorier du roi, pour réformer tous les abus qui pouvaient avoir été commis de la part des officiers, et nommément des maîtres des eaux et forêts, gruyers et autres.

Robert, comte de Roucy, succéda en 1362 à Jean de Melun en l'office de souverain maître et réformateur des eaux et forêts, qu'il exerça jusqu'à son décès arrivé deux années après.

Cet office fut ensuite donné à Gaucher de Châtillon, qui l'exerça jusqu'à sa mort arrivée en 1377.

Le souverain maître et réformateur des eaux et forêts était le supérieur des autres maîtres généraux des eaux et forêts, qui avaient sous eux les maîtres particuliers, gruyers, verdiers.

Charles V. ordonna le dernier Février 1378, que pour le gouvernement de ses eaux et forêts il y aurait pour le tout six maîtres seulement, dont quatre seraient ordonnés maîtres des forêts, qui visiteraient par-tout le royaume, tant en Languedoc qu'ailleurs, et que les deux autres seraient maîtres des eaux.

Il ne parait point qu'il y eut alors de souverain maître réformateur général au-dessus des autres maîtres des eaux et forêts ; mais en 1384 Charles VI. établit Charles de Châtillon souverain et réformateur général des eaux et forêts de France par des lettres du 4 Juillet. Il en fit le serment le 15 du même mois, et donna quittance sur les gages de cet office le 24 Mai 1387. Il mourut en 1401 ; mais il parait que depuis 1387 il n'exerçait plus l'office de souverain et réformateur général des eaux et forêts. C'est ce que l'on voit par des lettres du 9 Février de ladite année, où Charles VI. réglant le nombre des maîtres des eaux forêts et garennes, ordonne que le sire de Châtillon sera sur le fait de ses garennes seulement ; que pour les forêts de Champagne, Brie, France et Picardie, il y aurait deux maîtres : qu'il nomme deux autres pour la Normandie, deux pour l'Orléanais et la Touraine, et un pour les terres que le roi de Navarre avait coutume de tenir en France et en Normandie.

Guillaume IV. du nom, vicomte de Melun, comte de Tancarville, fut institué souverain maître et général réformateur des eaux et forêts de France, par lettres du premier Juillet 1394, ce qui n'était probablement qu'une commission passagère, ayant encore obtenu de semblables lettres le 23 Janvier 1395, suivant un compte du trésor.

Valeran de Luxembourg III. du nom, comte de Saint Pol et de Ligny, fut institué au même titre en l'année 1402 ; il l'était encore en 1410, suivant des lettres du 24 Juillet de ladite année, qui lui sont adressées en cette qualité.

Cependant le comte de Tancarville qui avait déjà eu cet office en 1394 et 1395, l'exerçait encore en 1407, suivant une ordonnance du 7 Janvier de ladite année, par laquelle on voit que le nombre des maîtres des eaux et forêts était toujours le même. Charles VI. ordonne que le nombre des maîtres des eaux et forêts dont le comte de Tancarville est souverain maître, demeure ainsi qu'il était auparavant, savoir en Picardie et Normandie trois ; en France, Champagne, Brie et Touraine deux, et un en Xaintonge.

On tient aussi que Guillaume d'Estouteville fut grand-maître et général réformateur des eaux et forêts de France ; il est nommé dans deux arrêts du parlement, des années 1406 et 1408.

Pierre des Essarts, qui fut prevôt de Paris, fut institué souverain maître et réformateur des eaux et forêts de France le 5 Mars 1411.

Sur la résignation de celui-ci, cet office fut donné par lettres du 19 Septembre 1412, à Charles Baron d'Yvry, lequel en fut destitué peu de temps après et sa place donnée d'abord à Robert d'Aunoy, par lettres du 12 Mai 1413, et ensuite à Georges sire de la Trémoille, par d'autres lettres du 18 du même mois. La charge fut même supprimée par les nouvelles ordonnances, nonobstant lesquelles Charles Baron d'Yvry y fut rétabli le 17 Aout 1413, et donna quittance sur ces gages de cet office le 7 Avril 1415. Après Pâques il eut procès au parlement au sujet de cet office avec le comte de Tancarville et le sieur de Graville, les 19 Novembre et 4 Janvier 1415, 18 Mai et 14 Aout 1416. Du Tillet rapporte que le procureur général soutint que ce n'était point un office, et qu'il n'en fallait point.

Cependant Charles VII. n'étant encore que régent du royaume, institua Guillaume de Chaumont maître enquêteur et général réformateur des eaux et forêts de France, par lettres du 20 Septembre 1418 ; il parait qu'il tint cet office jusqu'en 1424.

Dans la même année Guillaume de Gamaches, fut institué grand maître et souverain réformateur des eaux et forêts de France : c'est la première fois que l'on trouve le titre de grand maître des eaux et forêts ; on disait auparavant maître général ou souverain maître. Il exerçait encore cette fonction en 1428.

Charles de la Rivière fut nommé au lieu et place de Guillaume de Gamaches par lettres-patentes du 21 Mai 1428, sous le titre de grand maître et général réformateur des eaux et forêts ; il n'en fit pas longtemps les fonctions, étant mort l'année suivante.

Christophe et Guillaume de Harcour, qui tinrent ensuite successivement cet office, prenaient le titre de souverain maître et général réformateur des eaux et forêts.

Leurs successeurs prirent celui de grand maître, enquêteur et général réformateur des eaux et forêts de France.

Cet office, qui était unique, subsista ainsi jusqu'au temps d'Henri Clausse, qui en fut pourvu en 1567 ; il l'exerçait encore en 1570. Depuis cet office fut supprimé en 1575 ; Henri Clausse y fut pourtant rétabli en 1668, et en prenait encore la qualité en 1609.

Lorsque l'office unique de grand maître des eaux et forêts fut supprimé en 1575, on en créa six, mais leur établissement ne fut bien assuré qu'en 1609.

En 1667 toutes les charges de grands-maîtres furent supprimées, ou pour mieux dire suspendues jusqu'en 1670 qu'ils furent ensuite rétablis dans leurs fonctions sur le pied de l'édit de 1575.

L'édit du mois de Février 1589 créa 16 départements de grands-maîtres ; il a encore été créé depuis une 17e charge pour le département d'Alençon, par édit du mois de Mars 1703.

Présentement ils sont au nombre de 18, qui ont chacun leur département dans les provinces et généralités ; savoir Paris, Saissons, Picardie, Artais, et Flandres ; Hainault, Châlons en Champagne, Metz, duché et comté de Bourgogne et Alsace ; Lyonnais, Dauphiné, Provence et Riom ; Toulouse et Montpellier ; Bordeaux, Auch, Béarn, Navarre et Montauban ; Poitou, Aunis, Limoges, la Rochelle et Moulins ; Touraine, Anjou et Maine ; Bretagne, Rouen, Caen, Alençon, Berry et Blaisais, et Orléans.

Dans cette dernière généralité il y a deux grands-maîtres, l'un ancien, l'autre alternatif.

Il a été créé en divers temps de semblables offices de grands-maîtres alternatifs et triennaux pour les différents départements, mais ces offices ont été réunis aux anciens.

Les grands-maîtres ont deux sortes de juridictions ; l'une, qu'ils exercent seuls et sans le concours de la table de marbre, l'autre qu'ils exercent à la tête de ce siège.

Par rapport à leur juridiction personnelle, ils ne la peuvent exercer contentieusement qu'en réformation, c'est-à-dire en cours de visite dans leurs départements ; ils font alors des actes de justice et rendent seuls des ordonnances dont l'appel est porté directement au parlement ou au conseil, si le grand-maître agit en vertu de quelque commission particulière du conseil.

Les grands-maîtres étant en cours de visite, peuvent, quand ils le jugent à-propos, tenir le siège des maitrises, et alors les officiers des maitrises deviennent leurs assistants. Il n'y a pourtant point de loi qui oblige les grands-maîtres de les appeler pour juger avec eux ; mais quand ils le font, l'appel des jugements qu'ils rendent ainsi en matière civîle ne peut être porté à la table de marbre, ni même devant les juges en dernier ressort ; il est porté directement au conseil ou au parlement, de même que s'ils avaient jugé seuls, parce qu'en ce cas le siège des maitrises devient le leur, ce qui fait disparaitre l'infériorité ordinaire des maitrises à l'égard de la table de marbre.

L'habillement des grands-maîtres est le manteau et le rabat plissé ; ils siègent l'épée au côté, et se couvrent d'un chapeau garni de plumes.

Ils prêtent serment au parlement, et sont ensuite installés à la table de marbre par un conseiller au parlement ; ils peuvent ensuite y venir siéger lorsqu'ils le jugent à-propos, et prennent toujours leur place au-dessus de leur lieutenant général, ont voix délibérative ; mais c'est toujours le lieutenant général, ou autre officier qui préside en son absence, qui prononce.

Les grands-maîtres ont aussi voix délibérative à l'audience et chambre du conseil des juges en dernier ressort, et dans ce tribunal ils ont droit de prendre leur séance à main gauche après le doyen de la chambre.

L'ordonnance des eaux et forêts leur attribue la connaissance en première instance, à la charge de l'appel de toutes actions qui sont intentées devant eux en procédant aux visites, ventes et réformations d'eaux et forêts.

Ils ont l'exécution des lettres-patentes, ordres et mandements du roi sur le fait des eaux et forêts.

En procédant à leurs visites ils peuvent faire toutes sortes de réformations et juger de tous les délits, abus et malversations qu'ils trouveront avoir été commis dans leur département sur le fait des eaux et forêts.

Ils peuvent faire le procès aux officiers qui sont en faute, les decréter, emprisonner et subdéléguer pour l'instruction, et les juger définitivement, ou renvoyer le procès en état à la table de marbre.

A l'égard des bûcherons, chartiers, pâtres, garde-bêtes et autres ouvriers, ils peuvent les juger en dernier ressort au présidial du lieu du délit, au nombre de sept juges au-moins, mais ils ne peuvent juger les autres personnes qu'à la charge de l'appel.

Ils doivent faire tous les ans une visite générale en toutes les maitrises et gruries de leur département.

En faisant la visite des ventes à adjuger, ils désignent aux officiers des maitrises le canton où l'on doit asseoir les ventes de l'année suivante.

Ils font marquer de leur marteau les pieds corniers des ventes et arbres de réserve lorsqu'il convient de le faire.

Les ventes et adjudications des bois du roi doivent être faites par eux avant le premier Janvier de chaque année.

Ils doivent faire les récolements par réformation le plus souvent qu'il est possible, pour voir si les officiers des maitrises font leur devoir.

Quand ils trouvent des places vagues dans les bois du roi, ils peuvent les faire planter.

Les bois où le roi a droit de grurie, grairie, tiers et danger ; ceux tenus en apanage ou par engagement, ceux des ecclésiastiques, communautés et gens de main-morte, sont sujets à la visite des grands-maîtres.

Ils règlent les partages et triages des seigneurs avec les habitants.

Enfin ils font aussi la visite des rivières navigables et flotables, ensemble des pécheries et moulins du roi, pour empêcher les abus et malversations.

Les prevôts des maréchaux et autres officiers de justice, sont tenus de prêter main-forte à l'exécution de leurs jugements et mandements.

Voyez le recueil des eaux et forêts de Saint-Yon, et les lois forestières de Pecquet. (A)

MAITRE PARTICULIER DES EAUX ET FORETS est le premier officier d'une juridiction royale appelée maitrise, qui connait en première instance des matières d'eaux et forêts.

L'établissement de ces officiers est fort ancien ; ils ont succédé à ces officiers qui sous la seconde race de nos rois avaient l'administration des forêts du roi sous le nom de juges ou de forestiers ; ils sont nommés dans les capitulaires judices, et quelquefois judices villarum regiarum, c'est-à-dire des domaines ou métairies du roi ; et ailleurs forestarii seu justitiarii forestarum.

Ces juges n'étaient proprement que de simples administrateurs de ces domaines, dont le principal objet était les forêts du roi, forestae, ce qui comprenait les bois et les eaux. Ils étaient obligés de bien garder les bêtes et les poissons, d'avoir soin de vendre le poisson et de repeupler les viviers.

Dans la suite on établit dans certains districts des espèces de lieutenans des juges sous le nom de vicarii, auxquels succédèrent d'autres officiers sous le titre de baillivi ; ces baillis connaissaient de certains faits d'eaux et forêts, comme on le voit par des actes de 1283 ; mais à mesure que la juridiction particulière des eaux et forêts s'est formée, la connaissance de ces matières a été ôtée aux baillis et attribuée aux maîtres des eaux et forêts.

Ces officiers étaient dans l'origine ce que sont aujourd'hui les grands-maîtres des eaux et forêts ; il y en avait dès l'an 1318, dont la fonction était distinguée de celle des maîtres généraux des eaux et forêts ; et dès l'an 1364 on les qualifiait de maîtres particuliers, comme on voit dans des lettres de Charles V. de ladite année.

Il n'y avait au commencement qu'un seul maître particulier dans chaque bailliage ou sénéchaussée ; mais dans la suite le nombre en fut beaucoup multiplié, au moyen de ce que les maitrises furent démembrées, et que d'une on en fit jusqu'à quatre ou cinq.

Ces maîtres particuliers n'étaient que par commissions qui étaient données par le grand-maître des eaux et forêts de tout le royaume ; ces places n'étaient remplies que par des gens de condition et d'officiers qui étaient à la suite des rais, comme on le peut voir par la liste qu'en donne Saint-Yon ; mais par édit du mois de Février 1554, tous les officiers des maitrises furent créés en titre d'office. Présentement ces charges de maîtres particuliers peuvent être remplies par des roturiers ; elles ne laissent pas néanmoins d'être toujours honorables.

Pour posséder ces offices il faut être âgé au-moins de 25 ans, être pourvu par le roi, reçu à la table de marbre du département sur une information de vie, mœurs et capacité, faite sur l'attache du grand-maître par le lieutenant général.

Les maîtres particuliers et leurs lieutenans ont séance en la table de marbre après leur réception ; et peuvent assister quand bon leur semble aux audiences, sans néanmoins qu'ils y aient voix délibérative.

Les maîtres particuliers peuvent être reçus sans être gradués ; ceux qui ne sont pas gradués siègent l'épée au côté, ceux qui sont gradués siègent en robe.

Quand le maître particulier n'est pas gradué, il peut siéger avec l'uniforme qui s'établit depuis quelque temps dans presque tous les départements des grands maîtres. Cet uniforme est un habit bleu de roi brodé en argent ; la broderie est différente selon le département. Cet uniforme a été introduit principalement pour les visites que les officiers des maitrises sont obligés de faire dans les bois et forêts de leur district ; ils doivent tous porter cet habit quand ils sont à cheval pour leurs visites et descentes ; et tous ceux qui ne sont pas gradués doivent siéger avec cet uniforme.

Le maître particulier a sous lui un lieutenant de robe longue, un garde marteau ; il a aussi un procureur du roi, un greffier des huissiers.

Il doit avoir une clé du coffre dans lequel on enferme le marteau de la maitrise.

Le maître particulier ou son lieutenant connait en première instance, à la charge de l'appel, de toutes les matières d'eaux et forêts.

Lorsqu'il n'est pas gradué, son lieutenant fait l'instruction et le rapport : le maître cependant a toujours voix délibérative et la prononciation ; mais quand il est gradué, le lieutenant n'a que le rapport et son suffrage : l'instruction, le jugement et la prononciation suivant la pluralité des voix, demeurent au maître, tant en l'audience qu'en la chambre du conseil.

Les maîtres particuliers doivent donner audience au moins une fois la semaine au lieu accoutumé.

Ils doivent coter et parapher les registres du procureur du roi, du garde-marteau et des gruyers, greffiers, sergens et gardes des forêts et bois du roi, et des bois tenus en grurie, grairie, tiers et danger, possedés en apanage, engagement et par usufruit.

Tous les 6 mois ils doivent faire une visite générale dans ces mêmes bois, et des rivières navigables et flottables de leur maitrise, assistés du garde-marteau et des sergens, sans en exclure le lieutenant et le procureur du roi s'ils veulent y assister. S'ils manquent à faire cette visite, ils encourent une amende de 500 livres, et la suspension de leurs charges, même plus grande peine en cas de récidive.

Le procès-verbal de visite doit être signé du maître particulier, et autres officiers présents. Il doit contenir les ventes ordinaires, extraordinaires, soit de futaye, ou de taillis faites dans l'année, l'état, âge et qualité du bois de chaque garde et triage, le nombre et l'essence des arbres chablis, l'état des fossés, chemins royaux, bornes et séparations pour y mettre ordre le plus promptement qu'il sera possible.

Ces visites générales ne les dispensent pas d'en faire souvent des particulières, dont ils doivent aussi dresser des procès-verbaux.

Ils doivent représenter tous ces procès-verbaux aux grands-maîtres, pour les instruire de la conduite des riverains, gardes et sergens des forêts, marchands ventiers, leurs commis, bûcherons, ouvriers, et voituriers, et généralement de toutes choses concernant la police et conservation des eaux et forêts du roi.

Les amendes des délits contenus dans leurs procès-verbaux de visite, doivent être jugées par eux dans la quinzaine, à peine d'en répondre en leur propre et privé nom.

Il leur est aussi ordonné d'arrêter et signer en présence du procureur du roi, quinzaine après, chaque quartier échu, le rôle des amendes, restitutions et confiscations qui ont été jugées en la maitrise, et de les faire délivrer au sergent collecteur, à peine d'en demeurer responsables.

Ils doivent pareillement faire le recolement des ventes usées dans les bois du roi, six semaines après le temps de la coupe et vuidange expiré.

Ce sont eux aussi qui font les adjudications des bois taillis qui sont en grurie, grairie, tiers et danger, par indivis, apanage, engagement et usufruit, chablis, arbres de délit, menus marchés, panages et glandées.

Ils sont obligés tous les ans avant le premier Décembre, de dresser un état des surmesures et outrepasses qu'ils ont trouvées lors du récolement des ventes des bois du roi, et des taillis en grurie, et autres bois dont on a parlé ci-devant, et des arbres, panage et glandée qu'ils ont adjugé dans le cours de l'année. Cet état doit contenir les sommes à recouvrer, et pour cet effet être remis au receveur des bois, s'il y en a un, ou au receveur du domaine ; ils doivent remettre un double de cet état au grand maître, le tout à peine d'interdiction et d'amende arbitraire.

Enfin ils peuvent visiter étant assistés comme on l'a déjà dit, toutes les fois qu'ils le jugent nécessaire, ou qu'il leur est ordonné par le grand maître, les bois et forêts situés dans leur maitrise, appartenans aux prélats et autres ecclésiastiques, commandeurs, communautés régulières et séculières, aux maladreries, hôpitaux et gens de main-morte, et en dresser leurs procès-verbaux en la même forme, et sous les mêmes peines que l'on a expliqué par rapport aux bois du roi. Sur les maîtres particuliers, voyez Saint-Yon, Miraulmont, l'ordonnance des eaux et forêts, tit. 2 et 3 ; la conférence des eaux et forêts. (A)

MAITRE DES REQUETES, ou MAITRE DES REQUETES DE L'HOTEL DU ROI, (Jurisprudence) libellorum supplicium magister, et anciennement requestarum magister, est un magistrat ainsi appelé parce qu'il rapporte au conseil du roi les requêtes qui y sont présentées.

Les magistrats prennent le titre de maîtres des requêtes ordinaires, parce qu'on en a créé en certains temps quelques-uns extraordinaires qui n'avaient point de gages : quelquefois ceux-ci y remplaçaient un ordinaire à sa mort ; quelquefois ils étaient sans fonctions.

Il est difficîle de fixer l'époque de l'établissement des maîtres des requêtes ; leur origine se perd dans l'antiquité de la monarchie. Quelques auteurs les font remonter jusqu'au règne de Charlemagne, et l'on cite des capitulaires de ce prince, où se trouvent les termes de missi dominici ; dénomination qui ne peut s'appliquer qu'aux magistrats connus depuis sous le nom de maîtres des requêtes. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils existaient longtemps avant que les parlements fussent devenus sédentaires, et qu'ils étaient chargés des rais, des fonctions les plus augustes et les plus importantes.

Ces magistrats portaient autrefois le nom de poursuivants ou de missi dominici, noms qui leur avaient été donnés par rapport à l'une de leurs principales fonctions.

En effet plusieurs d'entr'eux étaient chargés de parcourir les provinces pour y écouter les plaintes des peuples, veiller à la conservation des domaines, à la perception et répartition des impôts ; avoir inspection sur les juges ordinaires, recevoir les requêtes qui leur étaient présentées ; les expédier sur le champ, quand elles ne portaient que sur des objets de peu de conséquence, et les renvoyer au roi lorsque l'importance de la matière l'exigeait.

D'autres maîtres des requêtes, dans le même temps suivaient toujours la cour ; partie d'entr'eux servait en parlement, tandis que les parlements étaient assemblés ; et dans l'intervalle d'un parlement à l'autre, expédiaient les affaires qui requéraient célérité : partie répondait les requêtes à la porte du palais, et c'est pour cela qu'on les a souvent appelés juges de la porte, ou des plaids de la porte. En effet, dans ces temps reculés, les rois étaient dans l'usage d'envoyer quelques personnes de leur conseil, recevoir et expédier les requêtes à la porte de leur palais ; souvent même ils s'y rendaient avec eux pour rendre justice à leurs sujets. On voit dans Joinville que cette coutume était en vigueur du temps de S. Louis, et que ce prince ne dédaignait pas d'exercer lui-même cette auguste fonction de la royauté : Souventes fais, dit cet auteur, le roi nous envoyait les sieurs de Nesle, de Saissons et moi, ouir les plaids de la porte, et puis il nous envoyait querir, et nous demandait comme tout se portait ; et s'il y avait aucuns qu'on ne put dépêcher sans lui, plusieurs fais, suivant notre rapport, il envoyait querir les plaidoiants, et les contentait les mettant en raison et en droiture. On voit dans ce passage que Joinville lui-même était juge de la porte, ou du moins qu'il en faisait les fonctions, fonctions qui étant souvent honorées de la présence du prince, n'étaient point au-dessous de la dignité des noms les plus respectables.

Enfin, sous Philippe de Valais, le nom de maîtres des requêtes leur est seul demeuré, tant parce qu'ils connaissaient spécialement des causes des domestiques et commensaux de la maison du roi, que parce que c'était dans le palais même qu'ils exerçaient leur juridiction. Le premier monument où on les trouve ainsi qualifiés, est une ordonnance de 1345.

Le nombre des maîtres des requêtes a fort varié. Il parait par une ordonnance de 1285, qu'ils n'étaient pour lors que trois.

Philippe le Bel, par une ordonnance de 1289, porta leur nombre jusqu'à six, dont deux seulement devaient suivre la cour, et les quatre autres servir en parlement. Au commencement du règne de François I. ils n'étaient que huit, et ce prince eut bien de la peine à en faire recevoir un neuvième en 1522 ; mais dès l'année suivante il créa trois charges nouvelles. Ce n'a plus été depuis qu'une suite continuelle de créations et de suppressions, dont il serait inutîle de suivre ici le détail. Il suffit de savoir que, malgré les représentations du corps, et les remontrances des parlements qui se sont toujours opposés aux nouvelles créations, les charges de maître des requêtes s'étaient multipliées jusqu'à quatre-vingt-huit, et que par la dernière suppression de 1751, elles ont été réduites à quatre-vingt.

Il parait que l'état des maîtres des requêtes était de la plus grande distinction, et qu'étant attachés à la cour, on les regardait autant comme des courtisans, que comme des magistrats ; il y a même lieu de penser qu'ils n'ont pas toujours été de robe longue.

Indépendamment des grands noms que l'on trouve dans le passage de Joinville, ci-dessus rapporté, ainsi que dans l'ordonnance de 1289, et plusieurs autres monuments, les registres du parlement en fournissent des preuves plus récentes. On y voit qu'en 1406, un maître des requêtes fut baillif de Rouen ; deux autres furent prévôts de Paris en 1321 et en 1512 : or il est certain que la charge de prévôt de Paris, et celles de baillifs et sénéchaux, ne se donnaient pour lors qu'à la plus haute noblesse, et qu'il fallait avoir servi pour les remplir. D'ailleurs le titre de sieur ou de messire, qui leur est donné dans les anciennes ordonnances, et notamment dans celle de 1289, ne s'accordait qu'aux personnes les plus qualifiées. C'est par un reste de cette ancienne splendeur que les maîtres des requêtes ont conservé le privilège de se présenter devant le roi et la famille royale dans les cérémonies, non pas par députés, ni en corps de compagnie, comme les cours souveraines, mais séparément comme les autres courtisans.

Les prérogatives des maîtres des requêtes étaient proportionnées à la considération attachée à leur état. Du temps de François I. et de Henri II. ils avaient leur entrée au lever du roi, en même temps que le grand-aumônier. Ils ont toujours été regardés comme commensaux de la maison du roi, et c'est en cette qualité, qu'aux obseques des rais, ils ont une place marquée sur le même banc que les évêques ; ils en ont encore un aux représentations des pièces de théâtre.

Nous avons déjà remarqué que dès les temps les plus reculés, ils avaient seuls le privilège de recevoir les placets présentés au roi, et de lui en rendre compte. M. le duc d'Orléans les en avait remis en possession au commencement de sa régence, mais comme il fallait les remettre aux secrétaires d'état, l'usage s'est rétabli de les donner au capitaine des gardes, qui les met sur un banc dans l'anti-chambre du roi, sur lequel les secrétaires du roi les prennent ; de sorte que les maîtres des requêtes ne jouissent actuellement que du droit de suivre le roi à sa messe et d'y assister et le reconduire jusqu'à son cabinet, comme ils le faisaient lorsqu'il leur remettait les placets. Il y en a toujours deux nommés par semaine pour cette fonction, qu'ils ne remplissent plus que les dimanches et fêtes. Ils sont en robe lorsque le roi entend la messe en cérémonie à son prie-dieu, et leur place est auprès du garde de la manche, du côté du fauteuil du roi, et sur le bord de son tapis. Lorsqu'il entend la messe en sa tribune, ils sont en manteau court, et se placent auprès du fauteuil : ils ont la même fonction lorsque le roi Ve à des Te Deum, ou à d'autres cérémonies dans les églises.

L'établissement des intendants a succédé à l'usage d'envoyer les maîtres des requêtes dans les provinces. L'objet de leur mission y est toujours à-peu-près le même, à cette différence qu'ils sont aujourd'hui attachés d'une manière fixe à une province particulière ; au lieu qu'autrefois leur commission embrassait tout le royaume, et n'était que passagère.

Les fonctions des maîtres des requêtes se rapportent à trois objets principaux ; le service du conseil, celui des requêtes de l'hôtel, et les commissions extraordinaires du conseil.

Ils forment avec les conseillers d'état, le conseil privé de S. M. que tient M. le chancelier. Ils y sont chargés de l'instruction et du rapport de toutes les affaires qui y sont portées ; ils y assistent et y rapportent debout, à l'exception du doyen seul qui est assis et qui rapporte couvert.

Ils sont au contraire tous assis à la direction des finances ; la raison de cette différence vient de ce que le roi est reputé présent au conseil, et non à la direction. Ils entrent aussi au conseil des dépêches et à celui des finances, lorsqu'ils se trouvent chargés d'affaires de nature à être rapportées devant le roi, et ils y rapportent debout à côté du roi.

Le service des maîtres des requêtes au conseil, était divisé par trimestres, mais depuis le règlement de 1671, ils y servent également toute l'année ; mais à l'exception des requêtes en cassation et des redistributions, ils n'ont part à la distribution des instances que pendant leur quartier. Cette distinction de quartiers s'est conservée aux requêtes de l'hôtel. Ce tribunal composé de maîtres des requêtes, connait en dernier ressort de l'exécution des arrêts du conseil, et jugements émanés de commissions du conseil, des taxes de dépens du conseil, du faux incident, et autres poursuites criminelles incidentes aux instances pendantes au conseil ou dans les commissions, et à charge d'appel au parlement des affaires que ceux qui ont droit de committimus au grand sceau peuvent y porter. Il y a un avocat et un procureur général dans cette juridiction.

Ils servent aussi dans lesdites commissions qu'il plait au roi d'établir à la suite de son conseil, et ce sont eux qui y instruisent et rapportent les affaires.

L'assistance au sceau fait encore partie des fonctions des maîtres des requêtes. Il y en a toujours deux qui y sont de service pendant leur quartier aux requêtes de l'hôtel ; mais quand S. M. le tient en personne, elle en nomme six au commencement de chaque quartier pour y tenir pendant ce quartier conjointement avec les six conseillers qui forment avec eux un conseil pour le sceau. Ils y assistent en robe, debout aux deux côtés du fauteuil du roi ; et ils sont pareillement de l'assemblée qui se tient alors chez l'ancien des conseillers d'état, pour l'examen des lettres de grâces et autres expéditions qui doivent être présentées au sceau.

La garde des sceaux de toutes les chancelleries de France leur appartient de droit. Celui de la chancellerie de Paris est tenu aux requêtes de l'hôtel par le doyen des maîtres des requêtes, le premier mois de chaque quartier, et le reste de l'année par les doyens des quartiers, chacun pendant les deux derniers mois de son trimestre.

Les maîtres des requêtes sont membres du parlement, et ils y sont reçus ; c'est en cette qualité qu'ils ont le droit de ne pouvoir être jugés que par les chambres assemblées, et ils ne peuvent l'être, ni même decrétés par autre parlement que celui de Paris. En 1517 le parlement de Rouen ayant decrété un maître des requêtes, l'arrêt fut cassé et lacéré, et le premier président decrété. Autrefois les maîtres des requêtes siégeaient au parlement sans limitation de nombre ; mais depuis, les charges s'étant fort multipliées, le parlement demanda que le nombre de ceux qui pourraient y avoir entrée à la fois fût fixé. Ces remontrances eurent leur effet vers 1600 ; il fut réglé qu'il ne pourrait y avoir que quatre maîtres des requêtes à la fois au parlement ; et cet usage a toujours été observé depuis.

Ils ont pareillement séance dans les autres parlements du royaume ; leur place est au-dessus du doyen de la compagnie ; depuis l'établissement des présidiaux, les maîtres des requêtes, les présidents, ont le droit de les précéder.

Les maîtres des requêtes sont pareillement membres du grand-conseil et présidents nés de cette compagnie. Ce droit dont l'exercice avait été suspendu quelque temps, leur a été rendu en 1738 par la suppression des charges de présidents en titre d'office. Depuis cette année ils en font les fonctions par commission au nombre de huit, quatre par semestre : ces commissions se renouvellent de 4 ans en 4 ans.

Dans les cérémonies publiques, telles que les Te Deum, les maîtres des requêtes n'assistent point en corps de cour, mais quatre d'entr'eux y vont avec le parlement, et deux y sont à côté du prie-dieu du roi, lorsqu'il y vient ; d'autres enfin y accompagnent le chancelier et le garde des sceaux, suivant qu'ils y sont invités par eux, et ordinairement au nombre de huit ; ils y prennent place après les conseillers d'état.

Le doyen des maîtres des requêtes est conseiller d'état ordinaire né, il en a les appointements, et siege en cette qualité au conseil toute l'année ; les doyens des quartiers jouissent de la même prérogative, mais pendant leur trimestre seulement.

Les maîtres des requêtes, en qualité de membres du parlement, ont le droit d'indult. De tout temps nos rois leur ont accordé les privilèges et les immunités les plus étendues. Ils jouissent notamment de l'exemption de tous droits féodaux, lorsqu'ils acquièrent des biens dans la mouvance du roi.

Leur habit de cérémonie est une robe de soie, avec le rabat plissé ; à la cour ils portent un petit manteau, ou le grand lorsque le roi reçoit des révérences de la cour, pour les pertes qui lui sont arrivées. Ils ne prennent la robe que pour entrer au conseil, ou pour le service des requêtes de l'hôtel ou du palais. Voyez le célèbre Budée qui avait été maître des requêtes, dans sa lettre à Erasme, où il déclare les prééminences de l'office de maître des requêtes. Voyez aussi Miraulmont, Fontanon, Boucheul, La Rocheflavin, Joly, et le mot INTENDANT. (A)

MAITRES DES REQUETES DE L'HOTEL DES ENFANS DU ROI, sont des officiers établis pour rapporter les requêtes au conseil des enfants de France ; il en est parlé dans une ordonnance de Philippe de Valais du 15 Février 1345, par laquelle il semble qu'ils connaissaient des causes personnelles des gens du roi ; ce qui ne subsiste plus, ils jouissent des privilèges des commensaux.

MAITRES DES REQUETES DE L'HOTEL DE LA REINE, sont des officiers établis pour faire le rapport des requêtes et mémoires qui sont présentés au conseil de la reine ; il en est parlé dans une ordonnance de Philippe de Valais du 15 Février 1345, suivant laquelle il parait qu'ils connaissaient des causes personnelles des gens de l'hôtel du roi. Présentement ces sortes d'offices sont presque sans fonction. Ils sont au nombre de quatre ; ils jouissent de tous les privilèges des commensaux. (A)

MAITRE EN CHIRURGIE, c'est le titre qu'on donne à ceux qui ont acquis le droit d'exercer la Chirurgie par leur reception au corps des Chirurgiens, après les épreuves nécessaires qui justifient de leur capacité. C'est aux Chirurgiens seuls et exclusivement qu'il appartient d'apprécier le mérite et le savoir de ceux qui se destinent à l'exercice d'un art si important et si difficile. Les lois ont pris les plus sages précautions, et les mesures les plus justes, afin que les études, les travaux et les actes nécessaires, pour obtenir le grade de maître en Chirurgie, fussent suivis dans le meilleur ordre, relativement à l'utilité publique. Nous allons indiquer en quoi consistent ces différents exercices.

Par la déclaration du roi du 23 Avril 1743, les Chirurgiens de Paris sont tenus, pour parvenir à la maitrise, de rapporter des lettres de maître-ès-arts en bonne forme, avec le certificat du temps d'études. On y reconnait qu'il est important que dans la capitale les Chirurgiens, par l'étude des lettres, puissent acquérir une connaissance plus parfaite des règles d'un art si nécessaire au genre humain ; et cette loi regrette que les circonstances des temps ne permettent pas de l'établir de même dans les principales villes du royaume.

Une déclaration si favorable au progrès de la Chirurgie, et qui sera un monument éternel de l'amour du roi pour ses sujets, a trouvé des contradicteurs, et a été la source de disputes longues et vives, dont nous avons parlé au mot CHIRURGIEN. Les vues du bien public ont enfin prévalu, et les parlements de Guyenne, de Normandie et de Bretagne, sans égard aux contestations qui se sont élevées à Paris, ont enregistré des statuts pour les principales villes de leur ressort, par lesquels les frais de réception à la maitrise en Chirurgie sont moindres en faveur de ceux qui y aspireront, avec le grade de maître-ès-arts. La plupart des cours souveraines du royaume, en enregistrant les lettres-patentes du 10 Aout 1756 : qui donnent aux Chirurgiens de provinces, exerçans purement et simplement la Chirurgie, les privilèges de citoyens notables, ont restreint la jouissance des honneurs et des prérogatives attachées à cette qualité aux seuls Chirurgiens gradués, et qui présenteront des lettres de maître-ès-arts en bonne forme.

Un arrêt du conseil d'état du roi du 4 Juillet 1750, qui fixe entr'autres choses l'ordre qui doit être observé dans les cours de Chirurgie à Paris, établis par les bienfaits du roi en vertu des lettres-patentes du mois de Septembre 1724, ordonne que les élèves en Chirurgie seront tenus de prendre des inscriptions aux écoles de saint Côme, et de rapporter des certificats en bonne forme, comme ils ont fait le cours complet de trois années sous les professeurs royaux qui y enseignent pendant l'été ; la première année, la Physiologie et l'Hygiene ; la seconde année, la Pathologie générale et particulière, qui comprend le traité des tumeurs, des plaies, des ulcères, des luxations et des fractures ; et la troisième, la Therapeutique ou la méthode curative des maladies chirurgicales ; l'on traite spécialement dans ces leçons de la matière médicale externe, des saignées, des ventouses, des cautères, des eaux minérales, considérées comme remèdes extérieurs, etc. Pendant l'hiver de ces trois années d'études, les élèves doivent fréquenter assiduement l'école pratique : elle est tenue par les professeurs et démonstrateurs royaux d'anatomie et des opérations, qui tirent des hôpitaux ou de la basse-geole les cadavres dont ils ont besoin pour l'instruction publique. Il y a en outre un professeur et démonstrateur pour les accouchements, fondé par feu M. de la Peyronie, premier chirurgien du roi, pour enseigner chaque année les principes de cette partie de la Chirurgie aux élèves séparément du pareil cours, qui suivant la même fondation, se fait en faveur des sages-femmes et de leurs apprentisses.

Les professeurs des écoles de Chirurgie sont brevetés du roi, et nommés par Sa Majesté sur la présentation de son premier chirurgien. Ils sont permanens, et occupés par état et par honneur à mériter la confiance des élèves, et l'applaudissement de leurs collègues. Cet avantage ne se trouverait point, si l'emploi de professeur était passager comme dans d'autres écoles, où cette charge est donnée par le sort et pour un seul cours ; ce qui fait qu'une des plus importantes fonctions peut tomber par le hasard sur ceux qui sont le moins capables de s'en bien acquitter.

Outre les cours publics, il y a des écoles d'Anatomie et de Chirurgie dans tous les hôpitaux, et des maîtres qui, dévoués par goût à l'instruction des élèves, leur font dissequer des sujets, et enseignent dans leurs maisons particulières l'anatomie, et font pratiquer les opérations chirurgicales.

Il ne suffit pas que l'élève en chirurgie soit préparé par l'étude des humanités et de la philosophie qui ont dû l'occuper jusqu'à environ dix-huit ans, âge avant lequel on n'a pas ordinairement l'esprit assez formé pour une étude bien sérieuse ; et que depuis il ait fait le cours complet de trois années dans les écoles de chirurgie, on exige que les jeunes Chirurgiens aient demeuré en qualité d'élèves durant six ans consécutifs chez un maître de l'art, ou chez plusieurs pendant sept années. Dans d'autres écoles qui ont, comme celle de Chirurgie, la conservation et le rétablissement de la santé pour objet, on parvient à la maitrise en l'art, où, pour parler le langage reçu, l'on est promu au doctorat après les seuls exercices scolastiques pendant le temps prescrit par les statuts. Mais en Chirurgie, on demande des élèves une application assidue à la pratique sous les yeux d'un ou de plusieurs maîtres pendant un temps assez long.

On a reproché aux jeunes Chirurgiens, dans des disputes de corps, cette obligation de domicile, qu'on traitait de servitude, ainsi que la dépendance où ils sont de leurs chefs dans les hôpitaux, employés aux fonctions ministérielles de leur art pour le service des malades. Mais le bien public est l'objet de cette obligation, et les élèves n'y trouvent pas moins d'utilité pour leur instruction, que pour leur avancement particulier. L'attachement à un maître, est un moyen d'être exercé à tout ce qui concerne l'art, et par degrés depuis ce qu'il y a de moindre, jusqu'aux opérations les plus délicates et les plus importantes. Tout le monde convient que, dans tous les arts, ce n'est qu'en pratiquant qu'on devient habîle : l'éleve, en travaillant sous des maîtres, profite de leur habileté et de leur expérience ; il en reçoit journellement des instructions de détail, dont l'application est déterminée ; il ne néglige rien de ce qu'il faut savoir ; il demande des éclaircissements sur les choses qui passent la partie actuelle de ses lumières ; enfin il voit habituellement des malades. Quand on a passé ainsi quelques années à leur service sous la direction des maîtres de l'art, et qu'on est parvenu au même grade, on est moins exposé à l'inconvénient, fâcheux à plus d'un égard, de se trouver longtemps après sa réception, ancien maître et jeune praticien, comme on en voit des exemples ailleurs.

Dans un art aussi important et qui ne demande pas moins de pratique que de théorie, ce serait un grand défaut dans la constitution des choses, qu'un homme put s'élever à la qualité de maître, sans avoir été l'élève de personne en particulier. Les leçons publiques peuvent être excellentes, mais elles ne peuvent être ni assez détaillées, ni assez soutenues, ni avoir le mérite des instructions pratiques, personnelles, variables, suivant les différentes circonstances qui les exigent. Avant l'établissement des universités, la Médecine, de même que la Chirurgie, s'apprenait sous des maîtres particuliers, dont les élèves étaient les enfants adoptifs. Le serment d'Hippocrate nous rappele, à ce sujet, une disposition bien digne d'être proposée comme modèle. " Je regarderai toujours comme mon père celui qui m'a enseigné cet art ; je lui aiderai à vivre, et lui donnerai toutes les choses dont il aura besoin. Je tiendrai lieu de frère à ses enfants, et s'ils veulent se donner à la médecine, je la leur enseignerai sans leur demander ni argent, ni promesse. Je les instruirai par des préceptes abrégés et par des explications étendues, et autrement avec tout le soin possible. J'instruirai de même mes enfants, et les disciples qu'on aura mis sous ma conduite, qui auront été immatriculés, et qui auront fait le serment ordinaire, et je ne communiquerai cette science à nul autre qu'à ceux-là. "

On pourrait objecter contre l'obligation du domicile, qu'un jeune homme trouve des ressources pour son instruction dans les leçons publiques, dans la fréquentation des hôpitaux, et qu'il se fera par l'étude l'élève d'Hippocrate, d'Ambraise Paré, de Fabrice de Hildan et d'Aquapendente, comme les Médecins le sont d'Hippocrate, de Galien, de Sydenham et de Boerhaave. Mais ces grands maîtres ne sont plus, et ne peuvent par conséquent nous répondre de la capacité de leurs disciples. Il est de l'intérêt public qu'avant de se présenter sur les bancs, un candidat ait été attaché pendant plusieurs années à quelque praticien qui l'ait formé dans son art, introduit chez les malades, entretenu d'observations bien suivies sur les maladies, dans leurs différents états, dans leurs diverses complications, et dans leurs différentes terminaisons. Le grand fruit de l'assujettissement des élèves sous des maîtres n'est pas seulement relatif à l'instruction, les Chirurgiens y trouvent même un moyen d'avancement et de fortune. Menés dans les maisons, ils sont connus du public pour les élèves des maîtres en qui l'on a confiance ; ils sont à portée de la mériter à un certain degré par leur application et leur bonne conduite. Ceux qui n'ont pas eu cet avantage, percent plus difficilement : c'est ce qu'on voit dans la Médecine, où ordinairement il faut veiller avant que d'atteindre à une certaine réputation qui procure une grande pratique. Il est rare que des circonstances heureuses favorisent un homme de mérite. C'est la mort ou la retraite des anciens médecins, comme celle des anciens avocats, qui poussent le plus chez les malades et au barreau. De cette manière, on doit à son âge, plus encore qu'à ses talents, l'avantage d'être fort employé sur la fin de ses jours. Delà peut-être est né ce proverbe si commun, jeune chirurgien, vieux médecin, dont on peut faire de si fausses applications. Si les Chirurgiens sont plus tôt formés, ils le doivent au grand exercice de leur art ; et ceux même qu'on regarderait comme médiocres, sont capables de rendre au public des services essentiels et très-utiles, par l'opération de la saignée et le traitement d'un grand nombre de maladies, qui n'exigent pas des lumières supérieures, ni des opérations considérables, quoique l'art d'opérer, considéré du côté manuel, ne soit pas la partie la plus difficîle de la Chirurgie, comme nous l'avons prouvé aux mots Chirurgie et Opération. Voyez CHIRURGIE et OPERATION.

L'élève qui a toutes les qualités requises ne peut se mettre sur les bancs pour parvenir à la maitrise que pendant le mois de Mars, et il subit le premier Lundi du mois d'Avril, dans une assemblée générale, un examen sommaire sur les principes de la Chirurgie : les quatre prevôts sont les seuls interrogateurs ; et si le candidat est jugé suffisant et capable, il est immatriculé sur les registres. L'acte de tentative ne peut être différé plus de trois mois après l'immatricule. Dans cet exercice, l'aspirant est interrogé au moins par treize maîtres, à commencer par le dernier reçu ; les douze autres examinateurs sont tirés au sort par le lieutenant du premier chirurgien du roi, immédiatement avant l'examen et en présence de l'assemblée. En tentative, on interroge ordinairement sur les principes de la Chirurgie, et principalement sur des points physiologiques. Le troisième acte, nommé premier examen, a pour objet la Pathologie, tant générale que particulière. Le candidat est interrogé par neuf maîtres, au choix du premier chirurgien du roi ou de son lieutenant : si le candidat est approuvé après cet acte, il entre en semaine. Il y en a quatre dans le cours de la licence : dans la première, nommée d'ostéologie, le candidat doit soutenir deux actes en deux jours séparés, dont l'un est sur la démonstration du squelete, et l'autre sur toutes les opérations nécessaires pour guérir les maladies des os. Après la semaine d'ostéologie vient celle d'anatomie, pour laquelle on ne peut se présenter que depuis le premier jour de Novembre, jusqu'au dernier jour de Mars, ou au plus jusqu'à la fin d'Avril, si la saison le permet.

La semaine d'anatomie se fait sur un cadavre humain : elle est composée de treize actes. L'aspirant devant travailler et répondre pendant six jours et demi consécutifs, soir et matin ; savoir, le matin pour les opérations de la Chirurgie ; et le soir, sur toutes les parties de l'Anatomie.

La troisième semaine est celle des saignées. L'aspirant y soutient deux actes à deux différents jours, l'un sur la théorie, et l'autre sur la pratique des saignées.

La quatrième et dernière semaine est appelée des médicaments, pendant laquelle le candidat est obligé de soutenir encore deux actes à deux différents jours : le premier, sur les médicaments simples : le second, sur les médicaments composés. Les quatre prevôts sont les seuls interrogateurs dans les actes des quatre semaines, et c'est le lieutenant du premier chirurgien du roi qui recueille les voix de l'assemblée sur l'admission ou le refus de l'aspirant.

Après les quatre semaines, il y a un dernier examen, nommé de rigueur, qui a pour objet les méthodes curatives des différentes maladies chirurgicales, et l'explication raisonnée de faits de pratique. Dans cet acte, le candidat doit avoir au-moins douze interrogateurs, tirés au sort par le lieutenant du premier chirurgien du roi, en présence de l'assemblée.

Les candidats doivent ensuite soutenir une thèse ou acte public en latin. La faculté de Médecine y est invitée par le répondant ; elle y députe avec son doyen deux autres docteurs, qui occupent trois fauteuils au côté droit du bureau du lieutenant du premier chirurgien du roi et des prevôts. Cet acte doit durer au moins quatre heures : pendant la première, les médecins députés proposent les difficultés qu'ils jugent à-propos sur les matières de l'acte : les maîtres en Chirurgie argumentent pendant les trois autres heures ; après quoi, si l'aspirant a été trouvé capable par la voie du scrutin au suffrage des seuls maîtres de l'art, on procede à sa reception dans une salle séparée. Le lieutenant propose au candidat une question, sur laquelle il demande son rapport par écrit ; il faut y satisfaire sur le champ, et faire lecture publique de ce rapport ; ensuite de quoi, le candidat prête le serment accoutumé, et signe sur les registres sa reception à la maitrise en l'art et science de la Chirurgie.

Ceux qui ont rendu pendant six années des services gratuits dans les hôpitaux de Paris, avec la qualité de gagnant-maitrise, après un examen suffisant, sont dispensés des actes de la licence, et sont reçus au nombre des maîtres en l'art et science de la Chirurgie en soutenant l'acte public. Il y a six places de gagnant-maitrise ; deux à l'Hôtel-Dieu, dont une par le privilège de l'hôpital des Incurables ; une à l'hôpital de la Charité ; deux à l'hôpital général, l'une pour la maison de la Salpétrière, l'autre pour la maison de Bicètre ; enfin une place de gagnant-maitrise en Chirurgie à l'hôtel royal des Invalides : en sorte que, par la voie des hôpitaux, il y a chaque année l'une dans l'autre un maître en Chirurgie.

Ceux qui ont acheté des charges dans la maison du roi ou des princes, auxquelles le droit d'agrégation est attaché, sont aussi admis, sans autre examen que le dernier, à la maitrise en Chirurgie, de laquelle ils sont déchus, s'ils viennent à vendre leurs charges avant que d'avoir acquis la vétérance par vingt-cinq années de possession.

Les Chirurgiens qui ont pratiqué avec réputation dans une ville du royaume où il y a archevêché et parlement, après vingt années de reception dans leur communauté, peuvent se faire agréger au collège des Chirurgiens de Paris, où ils ne prennent rang que du jour de leur agrégation.

Les examens que doivent subir les candidats en Chirurgie, paraissent bien plus utiles pour eux et bien plus propres à prouver leur capacité, que le vain appareil des thèses qu'on ferait soutenir successivement ; parce que les thèses sont toujours sur une matière au choix du candidat ou du président ; qu'on n'expose sur le programme la question que sous le point de vue qu'on juge à-propos ; que le sujet est prémédité, et suppose une étude bornée et circonscrite, qui ne demande qu'une application déterminée à un objet particulier et exclusif de tout ce qui n'y a pas un rapport immédiat. Il n'y a personne qu'on ne puisse mettre en état de soutenir assez passablement une thèse, pour peu qu'il ait les premières notions de la science. Il y a longtemps qu'on a dit que la distinction avec laquelle un répondant soutenait un acte public, prouvait moins son habileté que l'artifice du maître. M. Baillet a dit à ce sujet, qu'on pouvait paraitre avec applaudissement sur le théâtre des écoles par le secours de machines qu'on monte pour une seule représentation, et dont on ne conserve souvent plus rien après qu'elles ont fait leur effet. On peut lire avec satisfaction et avec fruit une dissertation contre l'usage de soutenir des thèses en Médecine, par M. le Français, docteur en Médecine de la faculté de Paris, publiée en 1720, et qui se trouve chez Cavelier, libraire, rue S. Jaques, au lys-d'or. Il y a du même auteur des réflexions critiques sur la Médecine, en deux volumes in-12. qui sont un ouvrage très-estimable et trop peu connu.

La réception n'est pas le terme des épreuves auxquelles les Chirurgiens sont assujettis, pour mériter la confiance du public. L'arrêt déjà cité du conseil d'état du Roi du 4 Juillet 1750, portant règlement entre la faculté de Médecine de Paris et les maîtres en l'art et science de la Chirurgie, a ordonné, sur les représentations de M. de la Martinière, premier chirurgien de sa Majesté, pour la plus grande perfection de la Chirurgie, que les maîtres nouveaux reçus seront tenus d'assister assidument, pendant deux ans au moins, aux grandes opérations qui se feront dans les hôpitaux, en tel nombre qu'il sera jugé convenable par les chirurgiens majors desdits hôpitaux, en sorte qu'ils puissent y être tous admis successivement. Par un autre article de ce règlement, lesdits nouveaux maîtres sont tenus d'appeler pendant le même temps deux de leurs confrères, ayant au moins douze années de réception, aux opérations difficiles qu'ils entreprendront, sa Majesté leur défendant d'en faire aucune durant ledit temps qu'en présence et par le conseil desdits maîtres à ce appelés. Cette disposition de la loi est une preuve de la bonté vigilante du prince pour ses sujets, et fait l'éloge du chef de la Chirurgie qui l'a sollicité.

Les chirurgiens des grandes villes de province, telles que Bordeaux, Lyon, Montpellier, Nantes, Orléans, Rouen, ont des statuts particuliers qui prescrivent des actes probatoires aussi multipliés qu'à Paris ; &, suivant les statuts généraux pour toutes les villes qui n'ont point de règlements particuliers, les épreuves pour la réception sont assez rigoureuses, pour mériter la confiance du public, si les interrogateurs s'acquittent de leur devoir avec la capacité et le zèle convenables.

Les aspirants doivent avoir fait un apprentissage de deux ans au moins, puis avoir travaillé trois ans sous des maîtres particuliers, ou deux ans dans les hôpitaux des villes frontières, ou au moins une année dans les hôpitaux de Paris, à l'Hôtel-Dieu, à la Charité ou aux Invalides.

L'immatricule se fait après un examen sommaire ou tentative, dans lequel acte l'aspirant est interrogé par le lieutenant du premier chirurgien du Roi et par les deux prevôts, ou par le prevôt, s'il n'y en a qu'un, et par le doyen de la communauté.

Deux mois après au plus tard, il faut soutenir le premier examen, où le lieutenant, les deux prevôts, le doyen et quatre maîtres tirés au sort, interrogent l'aspirant, chacun pendant une demi-heure au moins, sur les principes de la Chirurgie, et le général des tumeurs, des plaies et des ulcères. S'il est jugé incapable, faute de suffisante application, il est renvoyé à trois mois pour le même examen ; sinon il est admis à faire sa semaine d'Ostéologie deux mois après.

La semaine d'Ostéologie a deux jours d'exercice. Le premier jour, l'aspirant est interrogé par le lieutenant, les prevôts et deux maîtres tirés au sort, sur les os du corps humain ; &, après deux jours d'intervalle, le second acte de cette semaine est sur les fractures et luxations, et sur les bandages et appareils.

On n'entre en semaine d'Anatomie que depuis le premier de Novembre jusqu'au dernier jour d'Avril. Cette semaine a deux actes. Le premier jour, on examine sur l'Anatomie, et l'aspirant fait les opérations sur un sujet humain ; à son défaut, sur les parties des animaux convenables. Le second jour, l'examen a pour objet les opérations chirurgicales, telles que la cure des tumeurs, des plaies, l'amputation, la taille, le trépan, le cancer, l'empyeme, les hernies, les ponctions, les fistules, l'ouverture des abscès, etc.

La troisième semaine, l'aspirant soutient deux actes : le premier, sur la théorie et la pratique de la saignée, sur les accidents de cette operation, et les moyens d'y remédier. Le second, sur les médicaments simples et composés, sur leurs vertus et effets.

Dans le dernier examen, l'aspirant est interrogé sur des faits de pratique par le lieutenant, les prevôts, et six maîtres tirés au sort. S'il est jugé capable, on procede à sa réception, et il prete serment dans une autre séance entre les mains du lieutenant du premier chirurgien du Roi, en présence du médecin royal, qui a dû être invité à l'acte appelé tentative, et au premier et dernier examen seulement. Sa présence à ces actes de théorie est purement honorifique, c'est-à-dire, qu'il ne peut interroger le récipiendaire, et qu'il n'a point de droit de suffrage pour l'admettre ou le refuser.

Pour les bourgs et villages, il n'y a qu'un seul examen de trois heures sur les principes de la Chirurgie, sur les saignées, les tumeurs, les plaies et les médicaments, devant le lieutenant du premier chirurgien du Roi, les prevôts, ou le prevôt et le doyen de la communauté. (Y)

MAITRE CANONNIER, (Histoire moderne) est en Angleterre un officier commis pour enseigner l'art de tirer le canon à tous ceux qui veulent l'apprendre, en leur faisant prêter un serment qui, indépendamment de la fidélité qu'ils doivent au roi, leur fait promettre de ne servir aucun prince ou état étranger sans permission, et de ne point enseigner cet art à d'autres que ceux qui auront prêté le même serment. Le maître canonnier donne aussi des certificats de capacité à ceux que l'on présente pour être canonniers du roi.

M. Moor observe qu'un canonnier doit connaître ses pièces d'artillerie, leurs noms qui dépendent de la hauteur du calibre, et les noms des différentes parties d'un canon ; comme aussi la manière de les calibrer, etc. Voyez ARTILLERIE. Chambers.

Il n'y a point en France de maître canonnier ; les soldats de royal-Artillerie sont instruits dans les écoles de tout ce qui concerne le service du canonnier. Voyez ÉCOLES D'ARTILLERIE.

MAITRE, (Marine) Ce mot dans la marine se donne à plusieurs officiers chargés de différents détails. Sur les vaisseaux du roi, le maître est le premier officier marinier : c'est lui qui est chargé de faire exécuter les commandements que lui donne le capitaine ou l'officier de quart pour la manœuvre. Dans un jour de combat, sa place est à côté du capitaine. Cet officier est chargé de beaucoup de détails : il observe le travail des matelots afin d'instruire ceux qui manquent par ignorance, et châtier ceux qui ne font pas leur devoir.

Le maître doit assister à la carene, prendre soin de l'arrimage et assiette du vaisseau, être présent au magasin pour prendre leur première garniture et pour recevoir le rechange, dont ils doivent donner un inventaire signé de leur main au capitaine.

Il doit avoir soin du vaisseau et de tout ce qui est dedans, le faire nettoyer, laver, suifer, brayer et goudronner ; avoir l'oeil sur tous les agrès, et faire mettre chaque chose en sa place.

Il est défendu aux officiers des sièges de l'amirauté, de recevoir aucuns maîtres qu'ils ne soient âgés de vingt-cinq ans, et qu'ils n'aient fait deux campagnes de trois mois chacune au moins sur les vaisseaux du roi, outre les cinq années de navigation qu'ils doivent avoir faites précédemment.

L'ordonnance de Louis XIV. pour les armées navales et arsenaux de marine du 15 Avril 1689, règle et détaille toutes fonctions particulières du maître dans lesquelles il serait trop long d'entrer.

MAITRE DE VAISSEAU ou CAPITAINE MARCHAND, (Marine) appelé sur la Méditerranée patron. Il appartient au maître d'un vaisseau marchand de choisir les pilotes, contre-maître, matelots et compagnons ; ce qu'il doit néanmoins faire de concert avec les propriétaires lorsqu'il est dans le lieu de leur demeure.

Pour être reçu capitaine, maître ou patron de navire marchand, il faut avoir navigué pendant cinq ans, et avoir été examiné publiquement sur le fait de la navigation, et trouvé capable par deux anciens maîtres, en présence des officiers de l'amirauté et du professeur d'Hydrographie, s'il y en a.

Le maître ou capitaine marchand est responsable de toutes les marchandises chargées dans son bâtiment, dont il est tenu de rendre compte sur le pied des connaissements. Il est tenu d'être en personne dans son bâtiment lorsqu'il sort de quelque port, havre ou rivière. Il peut, par l'avis du pilote et contre-maître, faire donner la cale, mettre à la boucle, et punir d'autres semblables peines les matelots mutins, ivrognes et désobéissants. Il ne peut abandonner son bâtiment pendant le cours du voyage pour quelque danger que ce sait, sans l'avis des principaux officiers et matelots ; &, en ce cas, il est tenu de sauver avec lui l'argent et ce qu'il peut des marchandises plus précieuses de son chargement. Si le maître fait fausse route, commet quelque larcin, souffre qu'il en soit fait dans son bord, ou donne frauduleusement lieu à l'altération ou confiscation des marchandises ou du vaisseau, il doit être puni corporellement. Voyez l'ordonnance de 1681, l. II. tit. 1.

MAITRE D'EQUIPAGE ou MAITRE ENTRETENU DANS LE PORT, (Marine) c'est un officier marinier choisi entre les plus expérimentés, et établi dans chaque arsenal, afin d'avoir soin de toutes les choses qui regardent l'équipement, l'armement et le désarmement des vaisseaux, tant pour les agréer, garnir et armer, que pour les mettre à l'eau, les caréner, et pour ce qui sert à les amarrer et tenir en sûreté dans le port. Il fait disposer les cabestants et manœuvres nécessaires pour mettre les vaisseaux à l'eau, et est chargé du soin de préparer les amarres et de les faire amarrer dans le port. Voyez l'ordonnance de 1689 citée ci-dessus.

MAITRE DE QUAI, (Marine) officier qui fait les fonctions du capitaine de port dans un havre. Il est chargé de veiller à tout ce qui concerne la police des quais, ports et havres ; d'empêcher que de nuit on ne fasse du feu dans les navires, barques et bateaux ; d'indiquer les lieux propres pour chauffer les bâtiments, gaudronner les cordages, travailler aux radoubs et calfats, et pour lester et délester les vaisseaux ; de faire passer et entretenir les fanaux, les balises, tonnes et boules, aux endroits nécessaires ; de visiter une fois le mois, et toutes les fois qu'il y a eu tempête, les passages ordinaires des vaisseaux, pour reconnaître si les fonds n'ont point changé ; enfin de couper, en cas de nécessité, les amarres que les maîtres de navire refuseraient de larguer.

MAITRE DE PORTS, (Marine) c'est un inspecteur qui a soin des ports, des estacades, et qui y fait ranger les vaisseaux, afin qu'ils ne se puissent causer aucuns dommages les uns aux autres.

L'ordonnance de la marine de 1689 le charge de veiller au travail des gardiens et matelots, distribués par escouade pour le service du port.

On appelle aussi maître de ports un commis chargé de lever les impositions et traites foraines dans les ports de mer.

MAITRE DE HACHE, (Marine) c'est le maître charpentier du vaisseau.

MAITRE CANONNIER, (Marine) c'est un des principaux officiers mariniers qui commande sur toute l'artillerie, et qui a soin des armes.

Le second maître canonnier a les mêmes fonctions en son absence.

MAITRE DE CHALOUPE, (Marine) c'est un officier marinier qui est chargé de conduire la chaloupe, et qui a en sa garde tous ses agrès. Il la fait embarquer, débarquer et appareiller, et il empêche que les matelots ne s'en écartent lorsqu'ils vont à terre.

MAITRE MATEUR, (Marine) Il assiste à la visite et recette des mâts, a soin de leur conservation, qu'ils soient toujours assujettis sous l'eau dans les fosses, et qu'ils ne demeurent pas exposés à la pluie et au soleil. Il fait servir les arbres du Nord aux beauprés et mâts de hune, et autres mâtures d'une seule pièce. Il fait faire les hunes, barres et chouquets, des grandeurs et proportions qu'ils doivent être, etc.

MAITRE VALET, (Marine) c'est un homme de l'équipage qui a soin de distribuer les provisions de bouche, et qui met les vivres entre les mains du cuisinier selon l'ordre qu'il en reçoit du capitaine. Son poste est à l'écoutille, entre le grand mât et l'artimon. Il a un aide ou assistant qu'on appelle maître valet d'eau, qui fait une partie de ses fonctions lorsqu'il ne peut tout faire, et qui est chargé de la distribution de l'eau douce.

MAITRE EN FAIT D'ARMES, (Escrime) celui qui enseigne l'art de l'Escrime, et qui, pour cet effet, tient sale ouverte où s'assemblent ses écoliers.

Les maîtres en fait d'armes composent une des cinq ou six communautés de Paris qui n'ont aucun rapport au commerce : elle a ses statuts comme les autres.

MAITRES ECRIVAINS, (Art mécanique) la communauté des maîtres experts jurés écrivains, expéditionnaires et arithméticiens, teneurs de livres de comptes, établis pour la vérification des écritures, signatures, comptes et calculs contestés en justice, doit son établissement à Charles IX. roi de France en 1570. Avant cette érection, la profession d'enseigner l'art d'écrire était libre, comme elle est encore en Italie et en Angleterre. Il y avait pourtant quelques maîtres autorisés par l'université, mais ils n'empêchaient point la liberté des autres. Ce droit de l'université subsiste encore ; il vient de ce qu'elle avait anciennement enseigné cet art, qui faisait alors une partie de la Grammaire. Pour instruire clairement sur l'origine d'un corps dont les talents sont nécessaires au public, il faut remonter un peu haut et parler des faussaires.

Dans tous les temps, il s'est trouvé des hommes qui se sont attachés à contrefaire les écritures et à fabriquer de faux titres. Suivant l'histoire des contestations sur la diplomatique, pag. 99, il y en avait dans tous les états, parmi les moines et les clercs, parmi les séculiers, les notaires, les écrivains et les maîtres d'écoles. Les femmes mêmes se sont mêlées de cet exercice honteux. Les siècles qui paraissent en avoir le plus produit, sont les sixième, neuvième et onzième. Dans le seizième, il s'en trouva un assez hardi pour contrefaire la signature du roi Charles IX. Les dangers auxquels un talent si funeste exposait l'état, firent réfléchir plus sérieusement qu'on n'avait fait jusqu'alors sur les moyens d'en arrêter les progrès. On remit en vigueur les ordonnances qui portaient des peines contre les faussaires, et pour qu'on put les reconnaître, on forma d'habiles vérificateurs : Adam Charles, secrétaire ordinaire du roi Charles IX. et qui lui avait enseigné l'art d'écrire, fut chargé par ce prince de faire le choix des sujets les plus propres à ce genre de connaissances. Il répondit aux vues de son prince en homme habîle et profond dans son art, et choisit parmi les maîtres qui le professaient ceux qui avaient le plus d'expérience. Ils se trouvèrent au nombre de huit, qui sur la requête qu'ils présentèrent au roi, obtinrent des lettres patentes d'érection au mois de Novembre 1570, lesquelles furent enregistrées au parlement le 31 Janvier 1576.

Ces lettres patentes sont écrites sur parchemin en lettres gothiques modernes, très-bien travaillées ; la première ligne qui est en or a conservé toute sa fraicheur ; elles peuvent passer en fait d'écriture, pour une curiosité du seizième siècle. Ces lettres établissent les maîtres écrivains privativement à tous autres, pour faire la vérification des écritures et signatures contestées dans tous les tribunaux, et enseigner l'écriture et l'arithmétique à Paris et par tout le royaume.

Telle est l'origine de l'établissement des maîtres écrivains, dont l'idée est dû. à un monarque français ; il convient à présent de s'étendre plus particulièrement sur cette compagnie.

Cet établissement fut à peine formé, qu'Adam Charles qui en était le protecteur, qui visait au grand, et qui par son mérite s'était élevé à une place éminente à la cour, sentit que pour donner un relief à cet état naissant, il lui fallait un titre qui le distinguât aux yeux du public, et qui lui attirât son estime et sa confiance. Il supplia le roi d'accorder à chacun des maîtres de la nouvelle compagnie, dont il était le premier, la qualité de secrétaire ordinaire de sa chambre, dont sa majesté l'avait décoré. Comme cette qualité engageait à des fonctions, Charles IX. ne la donna qu'a deux des maîtres écrivains, qui étaient obligés de se trouver à la suite du roi, l'un après l'autre par quartier.

Les maîtres écrivains vérificateurs, ou du moins les deux qui étaient secrétaires de la chambre de sa majesté, ont été attachés à la cour jusqu'en 1633 ; voici le motif qui fit cesser leurs fonctions à cet égard. Rien de plus évident que l'établissement des maîtres écrivains avait procuré aux écritures une correction sensible ; il avait même déjà paru sur l'art d'écrire quelques ouvrages gravés avec des préceptes. Cependant malgré ces secours, il régnait encore en général un mauvais gout, un reste de gothique qu'il était dangereux de laisser subsister. Il consistait en traits superflus, en plusieurs lettres quoique différentes qui se rapprochaient beaucoup pour la figure ; enfin en abréviations multipliées dont la forme toujours arbitraire, exigeait une étude particulière de la part de ceux qui en cherchaient la signification. On peut sentir que le concours de tous ces vices, rendait les écritures cursives aussi difficiles à lire que fatigantes aux yeux. Pour bannir absolument ces défauts, le parlement de Paris qui n'apportait pas moins d'attention que le roi aux progrès de cet art, ordonna aux maîtres écrivains de s'assembler et de travailler à la correction des écritures, et d'en fixer les principes. Après plusieurs conférences tenues à ce sujet par la société des maîtres écrivains, Louis Barbedor qui était alors secrétaire de la chambre du roi et syndic, exécuta un exemplaire de lettres françaises ou rondes, et le Bé un autre sur les lettres italiennes ou bâtardes ; ces deux artistes avaient un mérite supérieur. Le premier, homme renommé dans son art, était savant dans la construction des caractères pour les langues orientales. Le second, qui ne lui cédait en rien dans l'écriture, avait eu l'honneur d'enseigner à écrire au roi Louis XIV. Ces deux écrivains présentèrent au parlement les pièces qu'ils avaient exécutées : cette cour après en avoir fait l'examen, décida par un arrêt du 26 Février 1633 ; qu'à l'avenir on ne suivrait point d'autres alphabets, caractères, lettres et forme d'écrire, que ceux qui étaient figurés et expliqués dans les deux exemplaires. Que ces exemplaires seraient gravés, burinés et imprimés au nom de la communauté des maîtres écrivains vérificateurs. Enfin, que ces exemplaires resteraient à perpétuité au greffe de la cour, et que les pièces qui se tireraient des gravures seraient distribuées par tout le royaume, pour servir sans doute de modèle aux particuliers, et de règle aux maîtres pour enseigner la jeunesse. Il est aisé de sentir que le but de cet arrêt était de simplifier l'écriture et empêcher toute innovation dans la forme des caractères et dans leurs principes.

Les deux secrétaires de la chambre du roi, dont les fonctions consistaient à écrire et à lire les ouvrages d'écritures adressés aux rais, devenant inutiles par le règlement dicté par cet arrêt du parlement, on jugea à-propos de les supprimer. Mais, quoique les maîtres écrivains n'eussent plus l'honneur d'être de la suite du roi, ils ne perdirent pas pour cela le droit d'avoir toujours dans leur compagnie deux secrétaires de sa majesté. Parmi ceux qui ont joui de ce titre, on remarque Gabriel Alexandre en 1658, Nicolas Duval en 1677, Nicolas Lesgret en 1694, et Robert Jacquesson en 1727.

Après avoir parlé d'un titre honorable qui fit autrefois distinguer les maîtres écrivains, je laisserais quelque chose à désirer, si je négligeais d'instruire des privilèges qui leur ont été accordés par les rois successeurs de Charles IX. Cette espèce d'instruction est importante ; elle fera connaître que les souverains n'ont pas oublié un corps, qui depuis son institution a perfectionné l'écriture, abrégé le développement des principes, simplifié les opérations de l'arithmétique, découvert les trompeuses manœuvres des faussaires, et cherché continuellement à être utîle à leurs concitoyens, dont l'ingratitude Ve aujourd'hui jusqu'à le méconnaître.

Henri IV. dont la bonté pour ses peuples ne s'effacera jamais, leur a donné des lettres patentes qui sont datées de Folembrai de 22 Décembre 1595, par lesquelles ils sont dispensés de toutes commissions abjectes et de toutes charges viles, à l'exemple de tous les régens et maîtres-ès-arts de l'université de Paris. C'est sur ce sujet que le 13 Octobre 1657, le châtelet a rendu un jugement où cette juridiction s'exprime en termes bien honorables pour l'état de maître écrivain. Il y est dit, que l'excellence de l'art d'écrire mérite cette exemption ; et plus bas, que les charges viles et abjectes de police sont incompatibles avec la pureté et la noblesse de leur art, reconnu sans contredit pour le père et le principe des sciences.

Louis XIII. ne perdit point de vue les maîtres écrivains. Dans des lettres patentes qu'il donna en leur faveur le 30 Mars 1616, il déclare qu'il n'a point entendu comprendre en l'édit de création de deux maîtres en chacun métier, ladite maitrise d 'écrivain juré, qu'elle aurait exceptée et réservée, déclarant nulles toutes lettres et provisions qui en pourraient avoir été ou être expédiées.

Louis XIV. par un arrêt de son conseil privé du 10 Novembre 1672, ordonne que la communauté des maîtres écrivains serait exceptée de la création de deux lettres de maitrise de tous arts et métiers, créées par son édit du mois de Juin 1660. en faveur de M. le duc de Chaiseul. C'est par ce dernier titre que les maîtres écrivains ont fait évanouir depuis peu toutes les espérances d'un particulier qui était revétu d'un privilège de monseigneur le duc de Bourgogne, pour enseigner l'art d'écrire et tenir classe ouverte.

Louis XV. aujourd'hui régnant n'a pas été moins favorable aux maîtres écrivains, que ses prédécesseurs, dans une occasion d'où dépendait toute leur fortune. Les maîtres des petites écoles avaient obtenu un arrêt du conseil du 9 Mai 1719, qui leur donnait le droit d'enseigner l'écriture, l'orthographe, l'arithmétique et tout ce qui en est émané, comme les comptes à parties doubles et simples et les changes étrangers. Un arrêt de cette conséquence, à qui l'autorité suprême donnait un poids qu'il n'était pas possible de renverser, était un coup de foudre pour les maîtres écrivains ; en effet, il les dépouillait du plus solide de leurs avantages. J'ignore les moyens dont se servirent les maîtres des petites écoles pour surprendre la cour et parvenir à le posséder ; mais il est certain que le roi ayant été fidèlement instruit de l'injustice de cet arrêt, l'annulla et le cassa par un autre du 4 Avril 1724.

Je ne m'étendrai pas davantage sur les titres et privilèges des maîtres écrivains ; mais avant d'entrer dans un détail sommaire de leurs statuts, qu'il me soit permis de parler des grands maîtres qui ont illustré cette compagnie.

Les Grecs et les Romains élevaient des statues aux grands hommes, qui s'étaient distingués dans les arts et dans les sciences. Cet usage n'a point lieu parmi nous, mais on consacre leurs noms dans l'histoire ; jusqu'à présent aucun ouvrage n'a parlé de ceux qui se sont fait admirer par la beauté de leur écriture, et par leur talent à former de belles mains pour le service de l'état, comme si les grands maîtres dans ce genre ne pouvaient pas parvenir au même degré de célébrité que ces fameux artistes dont les noms sont immortels. Un auteur dans le journal de Verdun en a dit la raison ; c'est que le fracas est nécessaire pour remuer l'imagination du plus grand nombre des hommes, et qu'un bien réel qui s'opère sans bruit ne touche que les gens sensés.

Je pourrais passer sous silence le temps qui s'est écoulé depuis l'établissement des maîtres écrivains vérificateurs, jusqu'à l'arrêt du parlement de 1633, dont j'ai parlé plus haut. Mais dans cet intervalle il a paru des écrivains respectables que les amateurs seront bien aises de reconnaître. Les laisser dans l'oubli, ce serait une injustice et même une ingratitude : les voici.

Jean de Beauchêne se fit de la réputation par une methode sur l'art d'écrire qui parut en 1580.

Jean de Beaugrand, reçu professeur en 1594, était un habîle homme, écrivain du roi et de ses bibliothèques, et secrétaire ordinaire de sa chambre. Il fut choisi pour enseigner à écrire au roi Louis XIII. lorsqu'il était dauphin, et pour lequel il a fait un livre gravé par Firents, où l'on trouve des cadeaux, surtout aux deux premières pièces, ingénieusement composés et d'un seul trait.

Guillaume le Gangneur, natif d'Angers, et secrétaire ordinaire de la chambre du roi, fut un artiste célèbre dans son temps. Ses œuvres sur l'écriture parurent en 1599, ils sont gravés savamment par Frisius, qui était pour-lors le plus expert graveur en lettres, et contiennent les écritures française, italienne et grecque. Chaque morceau traite des dimensions qui conviennent à chaque lettre et à chaque écriture, avec démonstrations. M. l'abbé Joly, grand chantre de l'église de Paris, en fait l'éloge dans son Traité des écoles épiscopales pag. 466, il dit que les caractères grecs de cet écrivain surpassent ceux du nouveau Testament grec imprimé par Robert Etienne l'art 1550. Cet artiste qui avait une réputation étonnante, et que tous les Poètes de son siècle ont chanté, mourut vers l'an 1624.

Nicolas Quittrée, reçu professeur en 1598, était élève de Gangneur, et fut comme lui un très-habîle homme. Il n'a point fait graver, et j'ai entre mes mains quelques morceaux de ses ouvrages, qui prouvent son génie et son adresse dans l'art.

De Beaulieu, gentilhomme de Montpellier, a été fort connu, et a fait un livre sur l'écriture en 1624, gravé par Matthieu Greuter, allemand.

Desperrais, en 1628, donna au public un ouvrage sur l'art d'écrire, qui fut gouté.

Ces maîtres ont vécu dans les premiers temps de l'établissement de la communauté des maîtres Ecrivains jurés. Je vais parcourir un champ plus vaste, c'est-à-dire depuis la correction arrivée aux caractères en 1633 jusqu'à ce jour. Je passerai rapidement sur une partie, et m'arrêterai davantage sur les artistes en écriture qui paraissent plus le mériter.

Entre ceux qui se sont distingués dans cet espace, on peut citer le Bé et Barbedor dont j'ai déjà parlé, auxquels il faut ajouter Robert Vignon, Moreau, Pétré, Philippe Limosin, Raveneau, Nicolas Duval, Etienne de Blégny, de Héman, Leroy, et Baillet ; tous, excepté les trois derniers qui n'ont donné que des ouvrages seulement à la main, ont produit de bons livres gravés en l'art d'écrire. Il en est encore d'autres dont la réputation et le talent semblent l'emporter.

Le premier est Senault, qui était un homme habile, non-seulement dans l'écriture, mais encore dans l'art de les graver. Il a donné au public beaucoup d'ouvrages où la fécondité du génie et l'adresse de la main paraissaient avec éclat. C'était un travailleur infatigable, et qui dès l'âge de 24 ans étonna par les productions qui sortaient de sa plume et de son burin. M. Colbert à qui il a présenté plusieurs de ses livres l'estimait beaucoup. Cet artiste habîle en deux genres, et qui était secrétaire ordinaire de la chambre du roi, fut reçu professeur en 1675.

Le second est Laurent Fontaine ; il mit au jour en 1677 son Art d'écrire expliqué en trois tables, et gravé par Senault. Le génie particulier de ce maître était la simplicité ; tout dans son ouvrage respire le naturel, le clair, le précis et l'instructif.

Le troisième est Jean-Baptiste Allais de Beaulieu, qui en 1680 fit paraitre un livre sur l'écriture, gravé par Senault, qui eut un succès étonnant. Il médita sur son art en homme profond et qui veut percer, aussi son ouvrage est un des meilleurs sur cette matière : tout s'y trouve détaillé sans confusion ni superfluité ; ses démonstrations ont pour base la vérité et la justesse. Ce grand maître ne s'était point destiné d'abord pour l'art d'écrire, mais pour le barreau. Il était avocat, lorsque son père, habîle maître écrivain de la ville de Rennes, mourut à Paris des chagrins que lui causèrent des envieux de son mérite et de son talent. Cette mort changea ses desseins ; il se vit forcé vers l'an 1648, à travailler à un art qui ne lui avait servi jusqu'alors qu'à écrire des plaidoyers ; mais comme il voulait se faire connaître par une capacité supérieure, il resta pour ainsi dire enseveli dans le travail pendant douze années, et jusqu'au moment où il se fit recevoir professeur, ce qui fut en 1661. Cet habîle écrivain jouissait d'une si grande réputation et était si recherché pour son écriture, que M. le marquis de Louvois lui offrit une place de dix mille livres qu'il refusa, parce que sa classe composée de tout ce qu'il y avait de mieux à Paris, lui rapportait le double. L'éloge le plus flatteur que l'on puisse faire de ce célèbre écrivain, c'est qu'il était avec justice le plus grand maître en écriture du XVIIe siècle.

Le quatrième est Nicolas Lesgret, natif de Rheims. Il se distingua de bonne heure dans l'art d'écrire, et j'ai des pièces de ce maître faites à l'âge de vingtquatre ans, où il y a de très-belles choses. La cour fut le théâtre où il brilla le plus, étant secrétaire ordinaire de la chambre du roi, et toujours à sa suite ; il fut préféré à tout autre pour enseigner aux jeunes seigneurs. Cet expert écrivain reçu professeur en 1659, donna en 1694 un ouvrage au public, gravé par Berey, où le corps d'écriture est bon et correct, et les traits d'une riche composition.

Le siècle où nous vivons a produit, ainsi que le précédent, de très-habiles écrivains. Je ne parlerai seulement que d'Olivier Sauvage, Alexandre, Rossignol, Michel, Bergerat, et de Rouen.

Olivier Sauvage, reçu professeur en 1693, était de Rennes, et neveu du célèbre Allais. Il se forma sous les yeux de son oncle ; il possédait le beau de l'art, et avait un feu dans l'exécution qui le distinguera toujours. Cet artiste qui a eu une grande réputation et une infinité de bons élèves, est mort le 14 Octobre 1737, âgé d'environ 72 ans.

Alexandre avait une main des plus brillantes. Il avait possédé de beaux emplois avant d'enseigner l'art d'écrire. Dans l'une et l'autre fonction il a fait des ouvrages qui méritent d'être conservés. Ce qu'on pourrait pourtant lui reprocher, c'est d'avoir mis quelquefois trop de confusion ; mais quel est l'artiste exempt de défauts ? Cet écrivain a fait de bons élèves, et est mort au mois de Juillet 1738.

Louis Rossignol, natif de cette ville, élève de Sauvage, a été le peintre de l'écriture. Cet artiste était né avec un goût décidé pour cet art, aussi l'a-t-il exécuté avec la plus grande perfection sans sortir de la belle simplicité. Il a su, en suivant le principe d'Allais, éviter ses défauts, et donner à tout ce qu'il traçait une grâce frappante. Dès l'âge de 15 ans il commença à acquérir une réputation qui s'est beaucoup accrue par les progrès rapides qu'il a faits dans son art. Sa classe était des plus brillantes et des plus nombreuses ; il la conduisait avec un ordre et une régularité unique. Son habileté lui a mérité l'honneur d'être choisi pour enseigner à écrire à M. le duc d'Orléans, actuellement vivant. Je m'estimerai toujours heureux d'avoir été un de ses disciples, et je conserve avec soin les corrections qu'il m'a faites en 1733, et beaucoup de ses pièces ; elles sont d'une beauté et d'une justesse de principes dont rien n'approche. On peut dire de cet habîle maître, reçu professeur en 1719, et qui mourut en 1739, dans la 45e année de son âge, ce que M. Lépicié dit de Raphaël, fameux peintre, (Catalog. raisonn. des tab. du roi, tom. I. pag. 72.) " que son nom seul emporte avec lui l'idée de la perfection ".

Michel était un savant maître, et peut-être celui qui a le mieux connu l'effet de la plume ; aussi passait-il avec raison pour un grand démonstrateur. Reçu professeur en 1698, il mourut il y a quelques années.

Bergerat, reçu professeur en 1739, écrivait d'une manière distinguée. Il excellait dans la composition des traits, qu'il touchait avec beaucoup de goût et de délicatesse. Il réussissait aussi dans l'exécution des états, qu'il rangeait dans un ordre et dans une élégance admirable. Ce maître qui mourut le 14 Aout 1755, n'avait pas un grand feu de main, mais beaucoup d'ordre, de sagesse et de raisonnement.

Pierre Adrien de Rouen, fut un homme aussi patient dans ses ouvrages, que vif dans ses autres actions. Ce maître qui a été habîle dans l'art d'écrire, ne l'a pas été autant dans la démonstration et dans l'art d'enseigner. Son goût le portait à faire des traits artistement travaillés, et à écrire extrêmement fin, dans le genre de ceux dont il est parlé dans ce dictionnaire à l'article Ecrivain, fait par M(D.J.) Tout Paris a Ve avec surprise de ses ouvrages, surtout les portraits du roi et de la reine ressemblans. A l'aspect de ces deux tableaux on croyait voir une belle gravure ; mais examinés de plus près, ce qu'on avait cru l'effet du burin, n'était autre chose que de l'écriture d'une finesse surprenante. Cette écriture exprimait tous les passages de l'Ecriture-sainte, qui avaient rapport à la soumission et au respect que l'on doit aux souverains. J'ai quelques ouvrages de cet artiste, surtout une grande pièce sur parchemin, représentant un morceau d'architecture en traits, formant un autel avec deux croix, dont l'une est composée du Miserere, et l'autre du Vexilla regis, etc. Ce chef-d'œuvre (car on peut l'appeler ainsi) est étonnant et fait voir une patience inconcevable. Cet écrivain adroit présenta un livre curieux, qu'il avait écrit, à madame la chancelière, qui pour le récompenser le fit recevoir professeur en 1734. Le long espace de temps qu'exigeaient des ouvrages de cette nature, et le peu de gain qu'il en retirait, le réduisirent dans un état de misere à laquelle M. l'abbé d'Hermam de Clery, amateur de l'écriture, et qui possède beaucoup de ses ouvrages, apporta quelque adoucissement, par un emploi qu'il a conservé jusqu'à sa mort, arrivée en 1757, âgé seulement de 48 ans.

Je me suis un peu étendu sur les plus grands artistes que la communauté des maîtres Ecrivains a produits. J'ai cru ce détail nécessaire pour encourager les jeunes gens, et leur faire comprendre que par le travail et l'application on peut parvenir à tous les arts.

Il s'agit à présent de faire l'analyse des statuts, par laquelle je terminerai cet article.

Les statuts actuels des maîtres Ecrivains sont de 1727. Ils ont été confirmés par lettres-patentes du roi données au mois de Décembre de la même année, et enregistrées en parlement le 3 Septembre 1728. Ce ne sont pas les premiers statuts qu'ils aient eus, ils en avaient auparavant de 1658, et ces derniers avaient succédé à de plus anciens, qui servaient depuis l'érection de la communauté.

Ces statuts contiennent trente articles.

Le premier veut qu'avec de la capacité l'on soit de la religion catholique, apostolique et romaine, et de bonnes vie et mœurs.

Le second, que l'on ait au moins 20 ans pour être reçu, et que l'on subisse trois examens dans trois jours différents, sur tout ce qui concerne l'Ecriture, l'Orthographe, l'Arithmétique universelle, les comptes à parties simples et doubles, et les changes étrangers.

Le troisième, défend à tout autre qu'à un maître reçu, de tenir classe et d'enseigner en ville, à peine de 500 livres d'amende.

La quatrième, que chaque maître ait le droit d'écrire pour le public, et de signer tous les ouvrages qu'il fera à cette fin.

Le cinquième fait défense à toutes personnes de prendre le titre d'écrivain, à moins qu'elles ne soient membres de la communauté.

Il est dit dans le sixième, que les fils de maître nés dans la maitrise de leur père, seront reçus à 18 ans accomplis, sans examen, mais seulement feront une légère expérience par écrit de leur capacité.

Et dans le septième, qu'ils seront reçus gratis, en payant les deux tiers du droit royal, le cout de la lettre de maitrise, et autres petits droits.

Le huitième, après avoir expliqué ce que l'on doit payer pour la maitrise, ajoute que les aspirants seront reçus par les syndic, greffier, doyen, et vingt-quatre anciens, qui étant partagés en deux bandes, recevront alternativement les aspirants, qui feront ensuite serment pardevant monsieur le lieutenant général de police.

Le neuvième, porte que les doyen et vingt-quatre anciens, présenteront alternativement les aspirants à la maitrise, selon leur ordre de réception. A l'égard des fils de maîtres, ils seront présentés par leur père ou par le doyen.

Le dixième, que les fils de maîtres nés avant la réception de leur père, ainsi que ceux qui épouseront des filles de maîtres, subiront les examens ordinaires, et payeront la moitié des droits, les deux tiers du droit royal, le cout de la lettre de maitrise et autres.

Le onzième, qu'aucuns maîtres en général ne pourront assister à la vérification, qu'ils n'aient atteint l'âge de 25 ans accomplis.

Le douzième, que chaque maître pourra mettre au-devant de sa maison un ou deux tableaux ornés de plumes d'or, traits, cadeaux, et autres ornements, dans lesquels il s'indiquera par rapport aux fonctions générales ou particulières attachées à la qualité de maître Ecrivain, desquelles il voudra faire usage. Qu'aucun ne pourra encore faire apposer affiches ès-lieux publics, sans un privilège du roi, ni même envoyer et faire distribuer par les maisons et sur les places publiques, aucuns billets, mémoires imprimés ou écrits à la main, pour indiquer sa demeure et sa profession : le tout à peine de 500 livres d'amende.

Le treizième, que les veuves de maîtres auront la liberté pendant leur viduité, de tenir classe d'écritures et d'arithmétique pour la faire exercer par quelqu'un capable, qui à la réquisition de la veuve, se fera avouer par les syndic, greffier en charge, le doyen et les vingt-quatre anciens.

Le quatorzième, que si une veuve de maître voulait se marier en secondes noces à un particulier qui voulut être de la profession de son défunt mari, elle jouira du privilège attribué aux filles nées dans la maitrise de leur père.

Le quinzième, que si quelqu'un des maîtres était obligé d'agir en justice contre un ou plusieurs de ses confrères pour quelque cas qui concernât la maitrise, il ne pourra se pourvoir que par devant M. le lieutenant général de police, comme juge naturel de sa communauté.

Le seizième, que l'on fera célebrer le service divin en l'honneur de Dieu et de saint Jean l'Evangéliste deux fois l'année, le six Mai et 27 Décembre, et que le lendemain du six Mai, il y aura un service pour les maîtres défunts.

Le dix-septième, que tous les deux ans il sera élu un syndic et un greffier, pour gérer les affaires de la communauté, lesquels seront nommés à la pluralité des voix de toute la communauté généralement convoquée en l'hôtel, et par-devant M. le lieutenant général de police, en présence de M. le procureur du roi du châtelet.

Le dix-huitième, que le syndic aura la conduite et le maniement des affaires conjointement avec le greffier, lequel syndic ne pourra cependant rien entreprendre sans en avoir conféré avec les vingtquatre anciens, qui doivent être naturellement regardés comme ses adjoints ; et quand le cas le requerra, avec tous les maîtres généralement convoqués.

Le dix-neuvième, que toutes les assemblées générales seront faites au bureau, et que tous les maîtres convoqués qui ne s'y trouveront pas, payeront trois livres d'amende.

Le vingtième, que quand la communauté sera plus nombreuse, et pour éviter la confusion, on fera des assemblées seulement composées du doyen, des vingt-quatre anciens, de douze modernes et douze jeunes ; en sorte qu'elles ne formeront que 49 maîtres, non compris le syndic et le greffier, lesquels seront tenus de s'y trouver.

Le vingt-unième concerne l'ordre des assemblées, tant générales que particulières, et de quelle manière on doit se conduire pour les délibérations.

Le vingt-deuxième, que les modernes et jeunes, auront la liberté de venir aux examens des récipiendaires pour y voir leur chef-d'œuvre, à condition qu'ils auront soin de n'en pas abuser, et qu'ils se tiendront dans le respect et le silence.

Le vingt-troisième, qu'aucun maître ne pourra entrer aux assemblées avec l'épée au côté.

Le vingt-quatrième, qu'il sera communiqué aux récipiendaires un formulaire par demandes et réponses sur l'art d'écrire, l'Orthographe, l'Arithmétique, les vérifications, etc. quinze jours avant son premier examen, afin qu'il puisse répondre sur tout ce qui lui sera demandé.

Le vingt-cinquième, que les doyen et vingt-quatre anciens en ordre de liste, seront tenus de se trouver aux examents, à peine de perdre leurs droits de vacations, qui tourneront au profit de la communauté.

Le vingt-sixième, qu'aux affaires qui regarderont la communauté, le syndic ne pourra mettre son nom seul, mais seulement sa qualité, en y employant ces mots, les syndic et communauté. Que dans les tableaux d'icelle, qui se placent tant aux greffes des cours souveraines, du Châtelet, qu'autres juridictions, les noms des syndic et greffier en charge n'y seront mis que dans leur ordre de réception, et non en lieu plus éminent que les autres maîtres.

Le vingt-septième, que l'armoire de la communauté où sont les titres et papiers, aura trois clefs distribuées ; savoir la première au doyen, la seconde au syndic, et la troisième au greffier.

Le vingt-huitième, qu'attendu la conséquence de toutes les fonctions attachées à la qualité de maître Ecrivain, il sera tenu une académie tous les jeudis de chaque semaine, lorsqu'il n'y aura point de fête, au bureau de la communauté, pour perfectionner de plus en plus les parties de cet art, et instruire les jeunes maîtres particulièrement de la vérification des écritures.

Le vingt-neuvième, que sur les fonds aisifs de la communauté, il sera distribué aux pauvres maîtres une somme jugée convenable pour leur pressant besoin et pour les relever, s'il est possible.

Le trentième et dernier article, enjoint le syndic à observer les statuts et à les faire observer.

Voilà ce qu'il y a de plus intéressant sur une communauté qui a été florissante dans son commencement et dans le siècle passé. Aujourd'hui elle est ignorée, et les maîtres qui la composent sont confondus avec des gens qui n'ayant aucune qualité et souvent aucun mérite, s'ingèrent d'enseigner en ville et quelquefois chez eux, l'art d'écrire et l'Arithmétique : on appelle ces sortes de prétendus maîtres buissonniers. L'origine de ce mot vient de ce que du temps de Henri II. les Luthériens tenaient leurs écoles dans la campagne derrière les buissons, par la crainte d'être découverts par le chantre de l'église de Paris. Rien de plus véritable que les buissonniers sont ceux qui par leur grand nombre, font aux maîtres Ecrivains un dommage qu'on ne peut exprimer. Encore s'ils étaient réellement habiles, et qu'ils eussent le talent d'enseigner, le mal serait moins grand, parce que la jeunesse confiée à leurs soins serait mieux instruite. Mais on sait à n'en pas douter, que quoique le nombre en soit prodigieux aujourd'hui, il en est très-peu qui aient quelque teinture de l'art. Ce qui est de plus fâcheux pour les maîtres Ecrivains, c'est que ces usurpateurs se font passer par-tout pour des experts jurés ; et comme leur incapacité se reconnait par leur travail et par les mauvais principes qu'ils sement, on regarde les véritables maîtres du même oeil, et l'on se prévient sans raison contre leurs talents et leur conduite.

Si le public voulait pourtant se prêter, tous ces prétendus maîtres disparaitraient bien-tôt ; ils n'abuseraient pas de sa crédulité, et l'on ne verrait pas les mauvais principes se multiplier si fort. Pour cet effet, il faudrait que lorsqu'on veut donner à un jeune homme la connaissance d'un art quelconque, ou se donnât soi-même la peine d'examiner si celui que l'on se propose est bien instruit de ce qu'il doit enseigner. Combien s'en trouverait-il qui seraient obligés d'embrasser un autre genre de travail, pour lequel ils auraient plus d'aptitude, et qui fournirait plus légitimement au besoin qui les presse ? Ils ne sont pas répréhensibles, il est vrai, de chercher les moyens de subsister ; mais ils le sont par la témérité qu'ils ont de vouloir instruire les autres de ce que la nature et l'étude ne leur ont pas donné. Les buissonniers font un tort qu'il est presqu'impossible de réparer ; ils corrompent les meilleures dispositions ; ils font perdre à la jeunesse un temps qui lui est précieux ; ils reçoivent des pères et mères un salaire qui ne leur est pas dû ; ils ôtent à toute une communauté les droits qui lui appartiennent, sans partager avec elle les charges que le gouvernement lui impose. Il est donc autant de l'intérêt des particuliers de ne point confier une des parties les plus essentielles de l'éducation à des gens qui les trompent, qu'il l'est du corps des maîtres Ecrivains de sévir contr'eux. Je me flatte que les parents et les maîtres, me sauront gré de cet avis qui leur est également salutaire ; je le dois en qualité de confrère, et plus encore en qualité de concitoyen. Cet article est de M. PAILLASSON, expert écrivain-juré.

MAITRE A DANSER, ou CALIBRE A PRENDRE LES HAUTEURS, outil d'Horlogerie, représenté dans nos Planches de l'Horlogerie. Voici comme on se sert de cet instrument.

On prend avec les jambes J J, la hauteur d'une cage, ou celle qui est comprise entre la platine de dessus, et quelque creusure de la platine des piliers ; et comme les parties C E, C E, sont de même longueur positivement que les jambes E J, E J, en serrant la vis V, on a une ouverture propre à donner aux arbres ou tiges des roues la hauteur requise pour qu'elles aient leur jeu dans la cage et dans leurs creusures.

MAITRE, ancien terme de Monnoyage, nom que l'on donnait autrefois au directeur d'un hôtel de monnaie. Voyez DIRECTEUR.

MAITRES DES PONTS, terme de rivière, sont ceux qui sont obligés de fournir des hommes ou compagnons de rivière pour passer les bateaux sans danger. Ils répondent du dommage, et reçoivent un certain droit.

MAITRE VALET DE CHIENS, (Vénerie) c'est celui qui donne l'ordre aux autres valets de chiens.

MAITRES, petits, (Gravure) on appelle ainsi plusieurs anciens Graveurs, la plupart allemands, qui ne se sont guère attachés qu'à graver de petits morceaux, mais qui tous ont gravé avec beaucoup de propreté. On met de ce nombre Aldegraf, Hirbius, Krispin, Madeleine, Barbedepas, etc. (D.J.)

MAITRE (petit), selon les jésuites, auteurs du dictionnaire de Trévoux, on appelle petits-maîtres, ceux qui se mettent au-dessus des autres, qui se mêlent de tout, qui décident de tout souverainement, qui se prétendent les arbitres du bon gout, etc.

On entend aujourd'hui par ce mot, qui commence à n'être plus du bel usage, les jeunes gens qui cherchent à se distinguer par les travers à la mode. Ceux du commencement de ce siècle affectaient le libertinage ; ceux qui les ont suivis ensuite, voulaient paraitre des hommes à bonnes fortunes. Ceux de ce moment, en conservant quelques vices de leurs prédécesseurs, se distinguent par un ton dogmatique, par une insupportable capacité.