ou MARBOUTS, s. m. (Histoire moderne) c'est le nom que les Mahométans, soit negres, soit maures d'Afrique, donnent à des prêtres pour qui ils ont le plus grand respect, et qui jouissent des plus grands privilèges. Dans leur habillement ils diffèrent très-peu des autres hommes ; mais ils sont aisés à distinguer du vulgaire par leur gravité affectée, et par un air hypocrite et réservé qui en impose aux simples, et sous lequel ils cachent l'avarice, l'orgueil et l'ambition les plus demesurés. Ces marabous ont des villes et des provinces entières, dont les revenus leur appartiennent ; ils n'y admettent que les negres destinés à la culture de leurs terres et aux travaux domestiques. Ils ne se marient jamais hors de leur tribu ; leurs enfants mâles sont destinés dès la naissance aux fonctions du sacerdoce ; on leur enseigne les cérémonies légales contenues dans un livre pour lequel après l'alcoran, ils marquent le plus grand respect ; d'ailleurs leurs usages sont pour les laïcs un mystère impénétrable. Cependant on croit qu'ils se permettent la polygamie, ainsi que tous les Mahométans. Au reste ils sont, dit-on, observateurs exacts de l'alcoran ; ils s'abstiennent avec soin du vin et de toute liqueur forte ; et par la bonne foi qu'ils mettent dans le commerce qu'ils font les uns avec les autres, ils cherchent à expier les friponneries et les impostures qu'ils exercent sur le peuple ; ils sont très-charitables pour leurs confrères, qu'ils punissent eux-mêmes suivant leurs lois ecclésiastiques, sans permettre aux juges civils d'exercer aucun pouvoir sur eux. Lorsqu'un marabou passe, le peuple se met à genou autour de lui pour recevoir sa bénédiction. Les negres du Sénégal sont dans la persuasion que celui qui a insulté un de ces prêtres, ne peut survivre que trois jours à un crime si abominable. Ils ont des écoles dans lesquelles on explique l'alcoran, le rituel de l'ordre, ses règles. On fait voir aux jeunes marabous comment les intérêts du corps des prêtres sont liés à la politique, quoiqu'ils fassent un corps séparé dans l'état ; mais ce qu'on leur inculque avec le plus de soin, c'est un attachement sans bornes pour le bien de la confraternité, une discrétion à toute épreuve, et une gravité imposante. Les marabous avec toute leur famille, voyagent de province en province en enseignant les peuples ; le respect que l'on a pour eux est si grand, que pendant les guerres les plus sanglantes, ils n'ont rien à craindre des deux parties. Quelques-uns vivent des aumônes et des libéralités du peuple ; d'autres font le commerce de la poudre d'or et des esclaves ; mais le commerce le plus lucratif pour eux, est celui de vendre des gris-gris, qui sont des bandes de papiers remplis de caractères mystérieux, que le peuple regarde comme des préservatifs contre tous les maux ; ils ont le secret d'échanger ces papiers contre l'or des negres ; quelques-uns d'entr'eux amassent des richesses immenses, qu'ils enfouissent en terre. Des voyageurs assurent que les marabous, craignant que les Européens ne fassent tort à leur commerce, sont le principal obstacle qui a empêché jusqu'ici ces derniers de pénétrer dans l'intérieur de l'Afrique et de la Nigritie. Ces prêtres les ont effrayés par des périls qui ne sont peut-être qu'imaginaires ou exagérés. Il y a aussi des marabous dans les royaumes de Maroc, d'Alger, de Tunis, etc. On a pour eux le plus grand respect, au point de se trouver très-honoré de leur commerce avec les femmes.