ou STADHOUDER, s. m. (Histoire moderne) c'est ainsi que l'on nomme, dans la république des Provinces Unies des Pays-Bas, un prince à qui les états donnent le commandement des troupes, et une grande part dans toutes les affaires du gouvernement. Ce titre répond à celui de lieutenant-général de l'état ; il ne confère point les droits de la souveraineté, qui réside toujours dans l'assemblée des états-généraux, mais il jouit de prérogatives qui lui donnent la plus grande influence dans la république.

Dans le temps de la naissance de la république des Provinces-Unies, elle avait besoin d'un chef habîle et propre à soutenir sa liberté chancelante contre les efforts de Philippe II. et de toute la monarchie espagnole. On jeta les yeux sur Guillaume I. de Nassau-Dillembourg, prince d'Orange, qui possédait de grands biens dans les pays qui venaient de se soustraire au despotisme du roi d'Espagne, et qui d'ailleurs était déjà gouverneur des provinces de Hollande, de Zélande et d'Utrecht. Ce prince par son amour pour la liberté, et par ses talents, parut le plus propre à affermir l'état qui venait de se former ; dans cette vue les provinces de Hollande et de Zélande lui confièrent, en 1576, la dignité de stathouder ou de lieutenant-général de l'état ; l'exemple de ces provinces ne tarda point à être suivi par celles de Gueldre, d'Utrecht, et d'Overyssel. On attacha à cette dignité le commandement des armées, tant par terre que par mer, avec le titre de capitaine-général et d'amiral ; le stathouder eut le droit de disposer de tous les emplois militaires, celui de nommer les magistrats, sur la nomination des villes, qui lui étaient présentées, enfin celui de faire grâce aux criminels. Outre cela il assistait aux assemblées des états, dans lesquelles on ne prenait aucune résolution que de son consentement. Il présidait dans chaque province à toutes les cours de justice ; il était chargé de l'exécution des decrets de la république ; il était l'arbitre des différends qui survenaient entre les villes et les provinces de la république. Tous les officiers étaient obligés de lui prêter serment de fidélité, après l'avoir prêté aux états des provinces et au conseil d'état.

Guillaume I. ayant été assassiné en 1584, les mêmes provinces, en reconnaissance des services éminens de ce prince, conférèrent la dignité de stathouder au prince Maurice son fils, avec la même autorité et les mêmes prérogatives. Fréderic Henri, frère du prince Maurice, lui succéda en 1625 ; après avoir fait respecter sa république, il mourut en 1647, et Guillaume II. son fils prit possession du stathouderat, dont on lui avait accordé la survivance du temps même de son père. Il en jouit jusqu'à sa mort arrivée en 1650. Comme les vues ambitieuses de ce prince avaient donné de l'ombrage aux provinces de la république, elles prirent des mesures pour renfermer l'autorité du stathouder dans des bornes plus étroites, et même la province de Hollande forma le dessein d'exclure son fils Guillaume III. depuis roi d'Angleterre, de toutes les charges possédées par ses ancêtres. Cependant en 1672, la Hollande étonnée des progrès de Louis XIV. nonobstant les efforts de la faction républicaine, déclara le prince Guillaume stathouder et capitaine-général des forces de la république, avec le même pouvoir dont avaient joui ses prédécesseurs. Cet exemple fut suivi de quatre autres provinces. En considération de ses services, les états de Hollande déclarèrent, en 1674, la charge de stathouder héréditaire, et accordèrent qu'elle passerait aux héritiers mâles de Guillaume III. De cette manière il fut stathouder de cinq provinces, et il conserva cette dignité, même après être monté sur le trône d'Angleterre. Ce prince exerçait en Hollande un pouvoir si absolu, qu'on disait de lui, qu'il était roi de Hollande et stathouder d'Angleterre. Il mourut sans enfants en 1702, et déclara pour son légataire universel le jeune prince de Nassau-Dietz, son parent, descendu de Guillaume-Louis de Nassau-Dietz, cousin de Guillaume I. fondateur de la république, qui était déjà stathouder héréditaire des provinces de Frise et de Groningue ; ce prince eut le malheur de se noyer en 1711, en passant un bras de mer appelé le Moerdyck. Il n'avait point été stathouder de toute la république, mais simplement des deux provinces susdites. Son fils posthume, Guillaume-Charles-Henri Frison, prince de Nassau-Dietz, succéda à son père dans ses biens et dans le stathouderat des provinces de Frise et de Groningue ; en 1722 la province de Gueldre le nomma aussi son stathouder, mais les quatre autres provinces, dans lesquelles le parti républicain dominait, ne voulurent jamais lui accorder cette dignité. Enfin en 1747, ces provinces forcées par le peuple, et d'ailleurs effrayées des victoires de la France, déclarèrent ce prince stathouder, lui accordèrent une autorité plus grande qu'à aucun de ses prédécesseurs, déclarèrent le stathouderat héréditaire dans sa famille, et y appelèrent même les femmes au défaut des mâles. Ce prince a joui de la dignité de stathouder jusqu'à sa mort ; après lui elle est passée au prince Guillaume son fils, né en 1746, qui la possède aujourd'hui.

On donne aussi dans les Pays-Bas le nom de stathouders à des officiers municipaux, qui font dans de certains districts les fonctions des subdélégués des intendants de province en France. (-)