S. f. (Grammaire, Histoire Moderne) femme souveraine qui possède une couronne de son chef, et par droit de succession. En ce sens nous n'avons point de reine en France, où la couronne ne tombe point en quenouille, c'est-à-dire où les filles et parentes de roi ne sont point admises à leur succéder.

Reine signifie aussi la femme d'un roi, et c'est dans ce sens qu'on dit une reine de France. Dans les autres royaumes, comme en Angleterre, en Hongrie, etc. pour distinguer une princesse qui est reine de son chef d'avec celle qui n'est que l'épouse d'un roi, on l'appelle reine regnante. Celle-ci est souveraine même du roi son époux dans ses états, au lieu que la reine dans le second sens, c'est-à-dire l'épouse du roi, est seulement sa première sujette.

On appelle la veuve du roi reine douairière, et reine-mère, si son fils est sur le trône.

Il se lève en France un impôt affecté à l'entretien de la maison de la reine. Voyez au mot CEINTURE de la reine.

REINE DU CIEL, (Histoire des Héb.) c'est le nom que les Hébreux prévaricateurs et idolâtres donnaient à la lune, à laquelle ils rendaient un culte superstitieux.

Il en est parlé dans plusieurs endroits de l'Ecriture, et entr'autres dans Jérémie, c. VIIe vers. 18. " les enfants amassent le bois, dit ce prophète, les pères allument le feu, et les femmes mêlent de la graisse avec la farine, pour faire des gâteaux à la reine du ciel ". Le P. Calmet croit que c'est la même divinité qui est nommée Meni dans le texte hébreu d'Isaïe, c. lxv. vers. 11. et que ce n'était autre chose que la Lune, Astarté, Trivia, Hécaté, Diane, Vénus la céleste, Isis, selon les différentes superstitions des peuples. On lui dressait des autels sur les plateformes qui servaient de toits aux maisons, au coin des rues, auprès des portes et dans les bois de haute-futaye. On lui offrait des gâteaux paitris avec de l'huîle ou avec du miel, et on lui faisait des libations avec du vin ou avec d'autres liqueurs. Les rabbins croient qu'on imprimait sur ces gâteaux la forme d'une étoîle ou d'un croissant. Calmet, dict. de la Bible.

REINE PEDAUQUE, (Sculpt. gothiq.) nom barbare d'une figure que l'on voit au portail de quelques églises.

On compte en France quatre églises anciennes au portail desquelles on voit avec d'autres figures celle d'une reine, dont l'un des pieds finit en forme de pied d'oie. Ces églises sont celles du prieuré de S. Pourçain en Auvergne, de l'abbaye de S. Bénigne de Dijon, de l'abbaye de Nesle transférée à Villenauxe en Champagne, et de S. Pierre de Nevers. Il peut y en avoir quelques autres semblables, soit dans le royaume, soit ailleurs ; mais M. l'abbé Lebeuf, auteur d'un mémoire lu à l'académie des Inscriptions en 1751, et dont nous allons donner un précis, ne connait et n'a Ve que les quatre que nous venons de nommer.

Dans ce mémoire l'auteur observe d'abord que jusques vers le milieu du dernier siècle aucun écrivain n'avait ou remarqué, ou daigné relever cette singularité. Le P. Mabillon est un des premiers qui paraisse y avoir fait attention, et ce savant religieux a pensé que la reine au pied d'oie, qui des deux mots latins pes ancae (car anca dans la basse latinité signifie une oie) a été nommée reine pédauque, pourrait être Ste Clotilde ; mais ne trouvant rien dans les monuments historiques qui donne lieu de juger que Clotilde ait eu le défaut corporel qu'indique la statue, il conjectura que ce devait être un emblème employé par les Sculpteurs pour marquer la prudence de cette princesse. Les oies du capitole ont en effet acquis à leur espèce le privilège d'être regardées comme le symbole de la vigilance.

Quelques remarques sur les quatre églises qu'on vient de nommer ont fait sentir l'insuffisance de la conjecture du P. Mabillon. Le P. Montfaucon son confrère qui l'a très-bien connue, n'a cependant pas levé la difficulté. Puis-je me flatter, dit M. l'abbé Lebeuf, d'être plus heureux que ces deux savants hommes, en prenant une autre route que celle qu'ils ont suivie, c'est-à-dire en cherchant la reine pédauque ailleurs que parmi les princesses de notre monarchie.

Deux passages, l'un de Rabelais, l'autre des contes d'Eutrapel imprimés en 1587, semblent nous dire que c'est à Toulouse qu'il faut la chercher. Le premier, en parlant de certaines personnes qui avaient le pied large : elles étaient, dit-il, largement pattées comme sont les oies, et comme jadis à Toulouse les portait la reine pédauque. Le second nous apprend que de son temps on jurait à Toulouse par la quenouille de la reine pédauque.

Ces deux écrivains parlaient ainsi d'après les traditions toulousaines, qui devaient avoir déjà quelque ancienneté du temps de Nicolas Bertrand, auteur d'une histoire latine de Toulouse, imprimée en 1515. Bertrand raconte que le roi à qui Toulouse obéissait, lorsque S. Martial y vint prêcher l'Evangile, avait une fille dangereusement malade qui fut guérie et baptisée par le saint évêque ; que ce roi, qu'il nomme Marcel, prévoyant que sa fille succéderait à sa couronne, lui fit bâtir dans le quartier dit à présent le Peyralade, un magnifique palais, où il y avait une salle dans laquelle un aqueduc construit sur la Garonne portait les eaux d'une fontaine, et qui pour cette raison s'appelait les bains de la reine. L'historien ajoute que, suivant quelques-uns, cette reine était la reine pédauque, quam reginam aliqui fuisse la regina pedauca volunt, expression qui suppose que ce nom devait être connu depuis longtemps dans le Languedoc.

Antoine Noguier, qui publia en 1559 une histoire française de la même ville, adopta le récit de Nicolas Bertrand, et y joignit une description détaillée tant des bains de la princesse, que du pont de brique qui y conduisait les eaux. Il remarqua de plus que la reine pédauque se trouve représentée au portail occidental de l'église de S. Sernin, où l'on voit dans les sculptures dont ce portail est orné, la fille du roi de Toulouse plongée dans l'eau jusqu'au milieu du corps, en mémoire, dit-il, du baptême par immersion que lui avaient conféré S. Saturnin et S. Martial.

Il est assez probable que le goût de la princesse pour le bain donna lieu de dire qu'elle tenait du naturel des oies, et que ce fut-là le fondement du surnom ou sobriquet de reine au pied d'oie, de reine pédauque.

Chabanel, de qui nous avons une histoire de l'église de la Daurade imprimée en 1621, est allé plus loin que Bertrand et Noguier ; il a prétendu que la reine qu'on a surnommée pédauque n'était autre que Ragnachilde, femme d'Euric, roi des Visigoths, qui avait été, selon lui, appelée Ragnachilde, à cause de sa passion pour le bain ; ce mot signifiant, dit-il, inclination de grenouille. Chabanel dérivait le terme barbare ragna du latin rana. En admettant cette étymologie Ragnachilde et Pédauque sans être absolument le même nom, expriment précisément la même chose.

Tout ce qui résulte de fables que racontent les trois auteurs toulousains, c'est que le nom de la reine pédauque est connu depuis longtemps en Languedoc, ainsi que nous l'avons déjà dit. Ce que M. l'abbé Lebeuf a rapporté, ne peut servir à nous indiquer, ni quelle était originairement cette reine, ni pourquoi elle se trouve représentée au portail de plusieurs de nos églises. Mais Nicolas Bertrand, le plus ancien des trois, nous apprend ailleurs que le vrai nom de la princesse était Austris. Arrêtons-nous à ce mot, dit l'académicien de Paris, dans l'idée qu'il doit être la clé de tout le mystère de la reine pédauque.

Il pense donc que la reine Austris des Toulousains est la reine de Saba des livres sacrés. On sait, dit-il, que Jesus-Christ lui-même la nomme dans l'Evangîle regina Austri. On sait encore qu'elle a été regardée par les pères de l'Eglise et par les anciens commentateurs de l'Ecriture comme une figure de l'Eglise dont Jesus-Christ est le Salomon. De-là vint dans le moyen âge la coutume de la représenter aux portiques des églises avec le père et la mère de celui qu'elle était venue consulter et admirer, c'est-à-dire avec David et Bethsabée autre figure de l'église, et avec Salomon même. Les sculpteurs y joignirent quelquefois Moïse, Aaron, Melchisedec et Samuèl ; et pour retracer à l'esprit les rapports de la nouvelle loi avec l'ancienne, ils ajoutèrent souvent Jesus-Christ, S. Pierre et S. Paul : ce sont-là les rais, les reines, les évêques que quelques critiques modernes ont cru voir au portail de plusieurs églises du royaume, ainsi que dans celles où est représentée la reine pédauque. Ces figures n'étaient souvent dans l'idée des sculpteurs que des symboles, et n'étaient pas toujours, comme plusieurs l'ont cru, des princes fondateurs ou bienfaiteurs de ces églises.

D'ailleurs, comme c'était aux portes des églises que se prononçaient les jugements ecclésiastiques, et que l'Evangîle a dit de la reine de Saba qu'elle était assise pour juger, regina Austri sedet in judicio ; cette raison jointe à la représentation des personnages qui sont joints à la reine pédauque ou à la reine de Saba, savoir Moïse, Aaron, Melchisédec, Salomon, Jesus-Christ, S. Pierre et S. Paul, qui tous ont porté ou ont été de rang à porter des jugements ; cette raison, dis-je, a été la cause de l'honneur qu'elle a d'être placée à certains portails de nos églises ; c'est ainsi que l'imagine M. l'abbé Lebeuf.

Il reste à savoir pourquoi la reine de Saba ou la reine pédauque se trouve représentée avec un pied d'oie. M. l'abbé Lebeuf croit encore avoir trouvé le fondement de cette bizarrerie dans les traditions judaïques, qui nous ont été conservées par le second paraphraste chaldéen. Cet écrivain dit dans un endroit que, selon l'opinion des juifs, la reine de Saba aimait tellement le bain, qu'elle se plongeait tous les jours dans la mer. La chaleur du climat sous lequel étaient situés ses états, rendait cette idée fort vraisemblable. Ailleurs il décrit ainsi l'entrée de la princesse à Jérusalem : " Benajam, fils de Jéhoïada, la conduisit auprès du roi Salomon. Lorsque le roi fut informé de son arrivée, il alla aussi-tôt l'attendre dans un appartement tout de crystal. La reine de Saba, en y entrant, s'imagina que le prince était dans l'eau ; et pour se mettre en état de passer, elle leva sa robe. Alors, continue le paraphraste, le roi voyant ses pieds qui étaient hideux, votre visage, lui dit-il, a la beauté des plus belles femmes, mais vos jambes et vos pieds n'y répondent guère ".

On pourrait concevoir que la première de ces traditions aurait pu donner naissance à la seconde ; la passion de la princesse pour le bain fit naturellement imaginer de la comparer aux animaux terrestres qui passent leur vie dans l'eau, aux oies ; bientôt on ajouta qu'elle en avait les pieds ; en effet, la membrane cartilagineuse qui forme leur patte est leur caractère le plus marqué. Les Sculpteurs qui sont venus depuis le conservèrent religieusement à la reine de Saba, comme un signe qui devait la distinguer des autres personnages qu'ils lui associaient, et cette attention leur parut d'autant plus nécessaire, qu'autrement on eut pu la confondre avec Bethsabée qui se trouve auprès de David comme la reine de Saba auprès de Salomon.

Telles sont les conjectures de M. l'abbé Lebeuf, dont nous n'entreprenons pas de garantir la solidité ; mais elles engageront peut-être quelqu'un à abandonner la reine de Saba pour recourir à des recherches plus simples et plus vraisemblables. (D.J.)

REINE, (Mythologie) Junon, la reine des dieux, était quelquefois appelée tout court la reine : elle eut à Rome sous ce nom une statue qui lui avait été érigée à Véïes, d'où elle fut transportée au mont Aventin en grande cérémonie. Les dames romaines avaient beaucoup de considération pour cette statue ; personne n'osait la toucher que le prêtre qui était à son service. (D.J.)

REINE, (Critique sacrée) ce mot dans le V. Testament signifie quelquefois la souveraine d'un état où les femmes peuvent régner. Telle était la reine de Saba, que l'Ecriture appelle reine du midi, parce que son royaume, que l'on croit avoir été dans l'Arabie, était au midi de Jérusalem. 2° Ce mot se prend pour la femme, la concubine d'un roi, comme cette multitude de princesses que Salomon avait prises pour femmes au nombre de sept cent, III. Rois XIe 5. quasi reginae septinginta, dit la vulgate. 3°. La mère ou la grand'mère d'un roi est nommée reine par Daniel, Ve 10. la reine Nitoris, mère ou grand'mère de Balthasar, entra dans la salle du festin. 4° Enfin ce mot se prend pour celle qui est relevée par quelque dignité. Il y a soixante reines et plus encore de concubines qui ont Ve et qui ont vanté ma colombe, Cant. VIIe vers. 7 et 8.

La reine du ciel est le nom que les Juifs prévaricateurs donnèrent à la lune, à l'exemple des Egyptiens. Ils dressèrent des autels à cette déesse sur les plateformes des maisons, et lui offrirent des gâteaux paitris avec de l'huîle et du miel, Jérémie. VIIe 18. (D.J.)

REINE DES PRES, ulmaria, (Histoire naturelle, Botanique) genre de plante à fleur en rose composée de plusieurs pétales disposés en rond. Le pistil sort du calice de cette fleur, et devient dans la suite un fruit composé de plusieurs gaines membraneuses, torses et réunies en une sorte de tête. Ce fruit renferme ordinairement une semence assez menue. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

REINE DES PRES, (Matière médicale) toute cette plante est d'usage, mais d'un usage peu commun ; elle est regardée comme cordiale, céphalique, vulnéraire, sudorifique et aléxipharmaque. La décoction de sa racine est recommandée dans les maladies éruptives ou réputées vénéneuses, telles que la petite-vérole, la fièvre maligne pourprée et pestilentielle ; elle est célébrée encore comme utîle contre le cours de ventre et le flux de sang, surtout lorsqu'elle est faite avec le vin, etc.

Le remède le plus usité qu'on retire de cette plante, c'est l'eau distillée de ses feuilles et de ses fleurs qui sont pourvues d'une partie aromatique, douce et agréable, mais faible, et vraisemblablement de peu de vertu. Cette eau s'emploie dans les juleps et dans les potions céphaliques, diaphorétiques, vulnéraires, etc.

Il est écrit que les jeunes pousses et les fleurs de cette plante mises dans le vin, leur donnent un goût de malvoisie.

La racine de reine des prés entre dans l'eau générale de la Pharmacopée de Paris, et ses feuilles dans l'eau de lait aléxitère. (b)

REINE DES VENTS, (Ornithologie) regina aurarum, nom donné par Nieremberg à l'oiseau que les Mexiquains appellent cozeacoanhtli. On nomme cet oiseau reine des vents, parce qu'il vole contre les vents les plus forts ; il est de la grosseur d'une aigle, d'un pourpre noirâtre, marqué de taches jaunes-brunes, et d'autres taches d'un noir foncé ; ses ailes sont tachetées de noir, de jaune, et de gris ; ses jambes sont rouges, ses serres fortes et pointues ; son bec est semblable à celui du perroquet, entouré d'une peau rude et chagrinée ; sa queue est noire par-dessus, et grise en-dessous. Cet oiseau n'habite que le Mexique, couve au printemps, vole très-haut, et se nourrit de serpens, de rats, et autres vermines qui ravagent les terres. Ray, ornithol. p. 302. (D.J.)

REINE ceinture à la, (Impôts) on appelle ceinture à la reine, un ancien droit qui se lève à Paris sur différentes sortes de marchandises, particulièrement sur le charbon qui y arrive par eau. Richelet. (D.J.)

REINE D'OR, (Monnaie de France) on ne doit pas douter que Philippe le bel n'ait fait battre une monnaie d'or qui portait ce nom. Cela se justifie par une de ses ordonnances du 4 Aout 1310, dans laquelle il décrie cette monnaie en ces termes : " les deniers d'or que l'on appelle deniers à la reine, ont été tant de fois et en tant de lieux contrefaits, que la plupart sont faux, et de plus petit prix que ceux qui furent frappés en nos monnaies et à nos coins ". Ces derniers mots prouvent que les reines d'or ne peuvent pas être des monnaies de la reine Blanche, mère de St. Louis, ni de Jeanne première, reine de Naples, comme plusieurs l'ont imaginé. Il est donc vraisemblable que les reines d'or, dont parle Philippe le bel, étaient de la monnaie sur laquelle étaient représentés le roi et la reine Jeanne sa femme, qui était reine de Navarre de son chef ; et sans-doute que la monnaie qu'on faisait dans ce royaume, se marquait à leurs coins ; car lorsqu'ils furent couronnés à Pampelune, ils promirent de ne jamais affoiblir leurs monnaies du royaume de Navarre.

Il est aussi parlé des reines d'or dans une autre ordonnance de Philippe le bel du 16 Aout 1308 ; mais dans l'une et dans l'autre, il n'est pas fait mention ni de leur titre, ni de leur poids.

Dans une troisième ordonnance de Charles le bel de l'an 1322, il dit qu'elles étaient de 52 1/2 au marc. Pour le titre sans-doute qu'il n'était pas fin ; car dans cette ordonnance, Charles le bel leur donne le même prix qu'aux moutons qui étaient d'or fin, et qui pesaient bien moins que les reines, puisqu'ils étaient de 59 1/6 au marc. Dans cette même ordonnance de Charles le bel, il est aussi parlé de reines d'or, dont les 54 pesaient un marc. Le Blanc, traité des monnaies. (D.J.)

REINE au jeu d'échecs est une pièce moins grande que le roi, qui Ve après lui comme la seconde du jeu, et qui est la meilleure dont on puisse se servir pour défendre son roi, et attaquer son ennemi. La reine est toujours placée à la gauche du roi. Elle marche comme lui en ligne droite et de biais de case en case, et si loin que l'on veut, pourvu qu'elle ne trouve point d'obstacle en chemin. Elle prend aussi, si elle veut, les pièces qui sont sur son passage, et se met en leur place : c'est par-là que l'on connait que la reine est la meilleure et la plus forte pièce qui puisse défendre le roi et attaquer l'ennemi.