S. f. (Antiquité grecque) , mot composé de , nud, et jeune homme ; danse en usage chez les Lacédémoniens, et qui devait son institution à Lycurgue. Cette danse faisait partie d'une fête solennelle qu'on célébrait publiquement à Lacédémone, en mémoire de la victoire remportée près de Thyrée par les Spartiates sur les Argiens. Deux troupes de danseurs nuds, la première de jeunes gens, la seconde d'hommes faits, composaient la gymnopédie, et lui donnaient son nom : celui qui menait chaque troupe, portait sur la tête une couronne de palmier, qu'on nommait couronne thyréatique, à cause du sujet de la fête. Toute la bande en dansant chantait les poésies lyriques de Thalétas et d'Aleman, ou les péanes de Dionysodote. Ces danses se faisaient dans la place publique ; et la partie de cette place destinée aux danseurs s'appelait le chœur, .

La fête était consacrée à Apollon pour la poésie, et à Bacchus pour la danse ; cette danse, selon Athénée, avait quelque rapport à une sorte d'exercice, connu anciennement sous le nom d', parce que les danseurs par les démarches entre-coupées et cadencées de leurs pieds, et par les mouvements figurés de leurs mains, offraient aux yeux une image adoucie de la lutte et du pancrace. Meursius a discuté cette matière avec érudition, dans son livre intitulé orchestra ; on y peut recourir. Il me suffira d'ajouter qu'on passait ordinairement de cette danse à la pyrrhique, dont la gymnopédie était comme le prélude.

Le législateur de Lacédémone appliqua l'exercice de la danse aux vues qu'il avait de porter la jeunesse de Sparte à apprendre en se jouant l'art terrible de la guerre : non-seulement Lycurgue voulut que les jeunes garçons dansassent nuds, mais il établit que les jeunes filles, dans certaines fêtes solennelles, ne danseraient que parées de leur propre beauté, et sans autre voîle que leur pudeur. Quelques personnes lui ayant demandé la cause de cette institution : c'est afin, répondit-il, que les filles de Sparte faisant les mêmes exercices que les hommes, elles ne leur soient point inférieures ni pour la force et la santé du corps, ni pour la générosité de l'âme.

M. Guillet, dans sa Lacédémone ancienne, entreprend d'après Plutarque l'apologie de Lycurgue contre ceux qui prétendent que cette institution était plus capable de corrompre les mœurs que de les affiner. " Outre, dit M. Guillet, qu'il est impossible d'imaginer que Lycurgue, qui regardait l'éducation des enfants pour la plus importante affaire d'un législateur, ait pu jamais fonder des usages qui tendissent au dérèglement, il n'est pas douteux que la nudité étant commune à Lacédémone, ne faisait point d'impression criminelle ou dangereuse. Il se forme par-tout naturellement une habitude de l'oeil à l'objet qui dispose à l'insensibilité, et qui bannit les désirs déréglés de l'imagination ; l'émotion ne vient guère que de la nouveauté du spectacle. Enfin (& c'est la meilleure raison de M. Guillet) dès qu'on s'est mis une fois dans l'esprit l'intégrité des mœurs de Sparte, on demeure persuadé de ce bon mot : les filles de Lacédémone n'étaient point nues, l'honnêteté publique les couvrait. Telle était, dit Plutarque, la pudicité de ce peuple, que l'adultère y passait pour une chose impossible et incroyable. "

Ces usages nous paraissent également étranges et blâmables ; et nous sommes étonnés qu'un homme aussi renommé pour sa sagesse ait pu les proposer, ou qu'on ne les ait pas rejetés.

Après tout, quelque parti qu'on prenne pour ou contre Lycurgue, gardons-nous bien de croire que son excuse en fût une pour nous. Quoiqu'il y ait quantité de lieux dans le monde où les femmes paraissent toujours dans l'état de celles qui dansaient à certaines fêtes de Sparte, et quoique nos voyageurs assurent que dans ces lieux le dérèglement des mœurs est très-rare ; le point important qu'il ne faut jamais perdre de vue sur cette matière, est de reconnaître que si la force de l'éducation générale, établie sur de bons principes, est infinie, lorsque des exemples contagieux n'en peuvent déranger les effets, nous ne jouissons malheureusement ni des avantages précieux de cette excellente éducation générale, ni de ceux d'une bonne éducation particulière. (D.J.)