S. f. (Antiquité romaine) ovatio ; petit triomphe, qui ne consistait qu'en une assez modique pompe, comparée à celle du grand triomphe. Ici le vainqueur, vêtu seulement d'une robe blanche bordée de pourpre, marchait à pied, ou à cheval, à la tête de ses troupes, sans autre marque de ses succès que les acclamations populaires, que quelques couronnes de myrte, et qu'une partie de son armée qui le précédait au son des flutes. Le sénat néanmoins, les chevaliers, et les principaux citoyens, assistaient à son triomphe, dont la marche se terminait au capitole, où l'on sacrifiait aux dieux des brebis blanches ; mais dans le grand triomphe le vainqueur, monté sur un char, était couronné de lauriers, et précédé de lauriers ; il parcourait la ville jonchée de fleurs, et se rendait au capitole, où il sacrifiait un taureau.

Cependant la même liberté qu'avaient les soldats de brocarder leurs généraux dans les grands triomphes, regnait aussi dans les ovations. Le consul Valérius ayant fait des levées malgré la faction de Ménenius tribun du peuple, et ayant repris par sa valeur la forteresse de Caravantane sur les ennemis, le sénat lui décerna l'honneur du petit triomphe. Il crut devoir le lui accorder, quoiqu'il fût mal voulu du peuple et de l'armée, tant à cause de l'opposition qu'il avait faite à la loi agraire, proposée par le même tribun Ménenius, que parce qu'il avait mis tout le butin dans le trésor de l'épargne. Le soldat ne manqua pas, dit Tite-Live, d'user de sa licence ordinaire, et de brocarder son général dans des chansons grossières, où il affecta d'élever le mérite du tribun par une infinité de louanges, auxquelles le peuple qui était accouru en foule, répondit à l'envi par ses acclamations. Les nouveaux applaudissements du peuple jetèrent plus d'effroi dans le sénat, que n'avait fait l'insolence du soldat à l'égard du consul.

Le petit triomphe a été nommé ovation, dit Denis d'Halicarnasse, d'un mot grec que les Romains ont corrompu : le mot grec dont Denis d'Halicarnasse prétend que les Romains firent celui d'ovatio, est , qui signifie clameur ou cri de joie, que poussent les soldats après le gain d'une bataille. La corruption de ce mot est le changement de l'e en o, qui n'est pas extraordinaire chez les Grecs. Ce sentiment est appuyé de Festus : quasi vero romani, dit cet auteur, , graecorum vocem, quae clamorem significat, ovationis nomine voluerint imitari : " comme si les Romains, dit-il, eussent voulu imiter des Grecs, le mot , qui signifie cri de joie, par celui d'ovatio ".

Pour donner encore une interpretation plus précise du mot grec , ou , d'où les Romains formèrent le terme d'ovatio, quelques savants craient pouvoir le tirer de l'ancien cri de joie ou , que les Grecs faisaient retentir dans les bacchanales en l'honneur de Bacchus. Les Romains dans ce nouveau genre de triomphe, empruntèrent ces mêmes termes , par lesquels ils applaudissaient au vainqueur, et pour en conserver l'origine, ils le nommèrent ovatio ; et de même que les Grecs firent le mot , pour signifier applaudir, les Latins firent pareillement celui d'ovari, pour signifier la même chose. D'où vient qu'on lit dans Virgile, liv. VI. de l'Enéide :

Evantes orgia circum

Ducebat phrygias.

Ensuite du verbe evari, les Romains firent le nom evationes, pour rendre l' des Grecs. Enfin par une corruption qui fit perdre de vue l'ancienne étymologie, ils firent le mot ovatio.

Plutarque dans la vie de Marcellus, donne une autre origine au mot ovatio ; il prétend que les Romains l'ont tiré du latin ovis, parce que, dit-il, ceux à qui l'on accordait le petit triomphe, n'immolaient à Jupiter qu'une brebis ; tandis que ceux qui avaient les honneurs du grand triomphe, sacrifiaient un taureau. Cette étymologie de Plutarque est la plus généralement approuvée.

Quoi qu'il en sait, Posthumius Tubertus fut le premier consul pour lequel on établit, vers l'an 325 de Rome, ce nouveau genre de triomphe qu'on appela ovation ; on le lui décerna pour la victoire qu'il remporta sur les Sabins. Le sénat voulut mettre quelque distinction entre lui et son collègue, qui eut les honneurs du grand triomphe, pour lui faire sentir le mauvais succès de sa première entreprise. Dans la suite, on n'accorda que l'ovation, à ceux qui avaient remporté la victoire sans grande perte de la part des ennemis, sans terminer la guerre, ou qui n'avaient défait que des rebelles, des esclaves, des pirates, en un mot, des ennemis de peu de conséquence pour la république.

Enfin on décerna quelquefois l'ovation à ceux qui n'étant chargés d'aucune magistrature, ni d'aucun commandement en chef, rendaient à l'état des services importants. Nous trouvons, par exemple, qu'un particulier obtint cet honneur l'an de Rome 800. Je parle d'Aulus Plautius qui, sous les auspices de Claude, réduisit en province la partie méridionale de la Grande-Bretagne. L'empereur lui fit décerner le petit triomphe, vint au-devant de lui le jour qu'il entra dans Rome, l'accompagna pendant la cérémonie, et lui donna toujours la main. Il me semble qu'on ne connait point d'ovation postérieure à celle de Plautius. (D.J.)