S. m. (Histoire ancienne) lieu destiné chez les Grecs aux courses de chevaux ; le mot l'indique, , cheval, et , place publique où l'on court.

Les Romains ne firent que latiniser ce mot en dromus : celui qui chez eux avait le soin de tenir la place nette et dégagée, était nommé procurator dromi, comme on le voit dans cette description citée par Gruter.

L'hippodrome était composé de deux parties : la première, plus longue que l'autre, était une terrasse faite de main d'hommes, et la seconde était une colline de hauteur médiocre.

Comme les courses de chevaux avaient rarement lieu dans les temps héroïques, et qu'on n'en faisait qu'à l'occasion de quelque événement remarquable, on choisissait, pour les faire, des places d'autant plus spacieuses que ces places demeuraient dans le commerce ordinaire des hommes, et qu'on pouvait toujours également les cultiver : ce ne fut plus la même chose dans les temps posterieurs, quand les jeux devinrent périodiques. Les lieux où on les célebrait, furent consacrés, comme les jeux mêmes, à des divinités ou à des héros ; et par cette raison, on ne leur donna que l'étendue nécessaire, quoique d'ailleurs on ne voulut rien diminuer de l'apparat des courses que les anciens avaient imaginées, mais l'on fixa à quatre stades (chaque stade était de 125 pas) la longueur des places que l'on destina aux courses des chars et des chevaux, et que cette destination fit nommer hippodromes.

Cette longueur de quatre stades est celle que Plutarque donne à l'hippodrome d'Athènes, ce qui ne laisse guère de doute sur la longueur des autres hippodromes, parce que si le stade simple, comme on en convient, fut par-tout la mesure de la course à pied, il dut aussi, quatre fois répété, servir dans toute la Grèce de mesure pour les courses à cheval, et pour celles des chars. Un ancien grammairien donne un stade de large à l'hippodrome d'Olympie ; et dès qu'une fois nous reconnaissons que la longueur de toutes les places destinées aux courses des chars fut la même dans la Grèce, rien ne nous empêche de croire qu'elles eurent toutes aussi la même largeur.

Les hippodromes avaient une grande enceinte qui précédait la lice au bout de la carrière. A l'un des côtés de la place étaient les sièges des directeurs des jeux près de la barrière qui fermait la lice ; de sorte que c'était toujours en s'arrêtant devant ces sièges qu'on terminait la course, et qu'on était couronné.

La borne de l'hippodrome s'appelait en grec , de , pungo, parce que les chevaux y étaient souvent blessés, et , parce que c'était la fin de la carrière, et le terme de la course. Homère a peint cette borne si désirée par les athletes dans le vingt-troisième livre de l'Iliade, et Virgile nous apprend qu'il fallait, après y être parvenu, tourner autour, et longos circumflectère cursus ; peut-être, parce qu'on décrivait plusieurs cercles concentriques autour de la borne, en approchant toujours de plus en plus, en sorte qu'au dernier tour on la rasait de si près qu'il semblait qu'on y touchât.

Quoi qu'il en sait, il s'agissait, pour ne se pas briser, d'user de beaucoup de dextérité dans cette occasion ; et comme le péril devenait plus grand en approchant de la fin de la carrière, c'était surtout alors que les trompettes faisaient entendre leurs fanfares pour animer les hommes et les chevaux ; car cette borne était le principal écueil contre lequel tant de gens eurent le malheur d'échouer.

L'enceinte qui précédait l'hippodrome, et qui était comme le rendez-vous des chars et des chevaux, se nommait ; elle était à Olympie, en particulier, une des choses des plus dignes de la Grèce. Cléetus, grand statuaire et grand architecte, en avait donné le dessein.

Cette place avait quatre cent pieds de long ; large à son entrée, elle se rétrécissait peu-à-peu vers l'hippodrome, où elle se terminait en éperon de navire ; M. l'abbé Gédoin en a fait graver la représentation dans une planche qu'il a jointe à son élégante traduction de Pausanias. On y voyait dans toute sa longueur, à droite et à gauche, des remises, sous lesquelles se rangeaient les chars et les chevaux chacun dans celle que le sort lui avait assignée ; ils y demeuraient quelque temps renfermés par de longues cordes tendues d'un bout à l'autre : un dauphin s'abattait de dessus la porte qui conduisait à l'hippodrome ; les cordes qui fermaient les remises s'abattaient aussi, et les chars en sortant de chaque côté, allaient en deux files occuper leurs places dans la carrière, où ils se rangeaient tous sur une même ligne, et avaient tous à-peu-près le même espace à parcourir.

Il s'agit à présent de déterminer la forme de l'hippodrome. C'était un carré long, à l'extrémité duquel était la borne, placée au milieu de la largeur, dans une portion d'un carré beaucoup plus petit ; ou, si l'on veut, dans un antique renversé, qui la resserrait tellement, que soit à côté, soit derrière, il n'y pouvait passer qu'un seul char de front.

L'exactitude d'Homère ne lui a pas permis de supprimer deux remarques assez légères ; l'une, que le terrain de l'hippodrome était uni, et l'autre, qu'on devait surtout prendre garde à bien applanir les environs de la borne ; mais une troisième observation plus importante que nous lui devons, et qui résulte aussi de la description de Sophocle, c'est qu'à la suite du terre-plain de l'hippodrome regnait une tranchée d'une pente douce qui le terminait dans sa largeur ; cette tranchée était absolument nécessaire dans le cas où l'un des chars viendrait à se briser contre la borne, autrement cet accident aurait mis fin à la course.

Ceux qui se trouvaient à la suite du char brisé, descendaient alors dans le fossé ; et en le parcourant, du moins en partie, ils faisaient le tour de la borne de l'unique manière qui leur fût possible. Ceux qui n'étant pas assez maîtres de leurs chevaux, ou n'ayant pas bien dirigé leurs courses vers la borne, étaient emportés dans cette tranchée, regagnaient le haut le plutôt qu'ils pouvaient ; mais ils étaient exposés à se laisser enlever, par ceux qui les suivaient, l'avantage qu'ils avaient eu sur eux dans la plaine ; c'est pour cela qu'on tâchait de modérer ses chevaux, et d'employer toute son adresse pour enfiler juste la borne.

Les hellanodices, qui distribuaient le prix au vainqueur, étaient assis à l'une des extrémités de l'hippodrome, à côté de l'endroit où se terminait la course. Toute l'enceinte de la lice était fermée par un mur à hauteur d'appui, ou par une simple barricade, le long de laquelle se rangeait la foule des spectateurs.

Les monuments qu'on érigeait dans les hippodromes n'y apportaient que des décorations, et point de changements, étant toujours placés aux extrémités. Il y en avait un dans le stade d'Olympie qu'on disait être le tombeau d'Endymion, mais il était dans l'enceinte qui précédait l'hippodrome. C'était aussi à la sortie de cette enceinte qu'on voyait un autre monument, auquel une folle superstition attribuait la propriété de troubler et d'épouvanter les chevaux, et qu'on nommait par cette raison taraxippus : mais ce trouble, cette épouvante, avait une cause naturelle ; il eut été difficîle que de fiers coursiers ne s'agitassent pas en passant de dessous des remises et d'une cour étroite dans un lieu spacieux, où la vue de ce monument, érigé en face de la porte, les frappait d'abord, et dans lequel on les contraignait de tourner sur les côtés.

Il ne faut pas juger des hippodromes de la Grèce par le cirque de Rome, au milieu duquel on avait érigé des obélisques et des autres monuments, parce que le cirque différait des hippodromes dans son usage autant que dans sa disposition générale. Le nombre de ceux qui couraient à la fois dans le cirque était déterminé, d'où vient que Domitien y donna cent courses de chars en un jour, et cette différence pouvait seule en amener plusieurs autres. Ce que nous disons du cirque de Rome, convient également à l'hippodrome de Constantinople, et même à celui d'Athènes, tel que l'a Ve M. l'abbé Fourmont ; ce qui montre qu'on fit quelques changements dans ce dernier, pour y observer les mêmes lois que dans la capitale de l'empire.

Au reste, on ne peut qu'être frappé des dangers de la course des chars dans l'hippodrome, surtout quand il s'agissait de faire six fois le tour de la borne ; de plus, avant que d'y arriver, la course en char était une suite de dangers continuels : non-seulement Oreste périt à cette borne fatale ; mais au milieu de cette même course, les chevaux mal embouchés d'un Eniane l'emportent malgré lui, et vont heurter le char d'un Barcéen ; les deux chars sont froissés, et leurs conducteurs ne pouvant soutenir un si rude choc, sont précipités sur la place.

Cependant, ceux qui s'exposaient à ces dangers, les envisageaient bien moins que la gloire qui en était le prix ; l'honneur qu'ils en retiraient, était proportionné à la grandeur et à la multiplicité des périls ; et Nestor ne craint pour un fils qu'il aime que la seule honte, au cas qu'il ait le malheur de briser son char, et de blesser ses chevaux. (D.J.)

HIPPODROME DE CONSTANTINOPLE, (Antiquité) cirque que l'empereur Sévère commença, et qui ne fut achevé que par Constantin ; il servait pour les courses de chevaux, et pour les principaux spectacles. Ce cirque, dont la place subsiste toujours, a plus de 400 pas de longueur sur 100 pas de largeur. Il prit le nom d'hippodrome sous les empereurs grecs ; et les Turcs, qui l'appellent atméidan, n'ont presque fait que traduire le nom de cette place en leur langue, car at chez eux signifie un cheval, et méidan une place.

Les jeunes Turcs, qui se piquent d'adresse, s'assemblaient autrefois à l'atméidan un jour de la semaine, au sortir de la mosquée, bien propres et bien montés, se partageaient en deux bandes, et s'exerçaient dans ce cirque à des espèces de courses, où, comme les anciens désalteurs, ils passaient par dessous le ventre de leurs chevaux, et se remettaient sur la selle avec une adresse étonnante ; mais ce qui parut plus singulier à M. de Tournefort, ce fut d'en voir qui, renversés sur la croupe de leurs chevaux courants à toute bride, tiraient une flèche, et donnaient dans l'un des fers de derrière de leur même cheval.

L'obélisque de granique ou de pierre thébaïque, dont les historiens ont parlé, était encore élevé dans l'atméidan au commencement de ce siècle ; c'est, dit M. de Tournefort, une pyramide à quatre coins d'une seule pièce, haute d'environ 50 pieds, terminée en pointe, chargée d'hiéroglyphes ; les inscriptions grecques et latines qui sont à sa base, marquent que Théodose la fit élever. Après qu'elle eut resté longtemps à terre, les machines même que l'on y employa pour la mettre sur pied sont représentées dans un bas-relief, et l'on voit dans un autre la représentation de l'hippodrome, tel qu'il était, lorsqu'on y faisait les courses chez les anciens.

A quelques pas de là sont les restes d'un autre obélisque (colossus structilis) à quatre faces, bâti de différentes pièces de marbre ; la pointe en est tombée, et le reste menaçait déjà ruine il y a 60 ans. On donnait 24 coudées de haut à l'obélisque de granit, et 58 à celui-ci.

Entre les deux obélisques, on aperçoit une colomne de bronze de 15 pieds de haut, formée par trois serpens tournés en spirale, et dont les contours diminuent insensiblement jusques vers le col des serpens, dont les têtes manquent.

Quelques antiquaires pensent que ce pourrait être le serpent de bronze à trois têtes qui fut consacré à Apollon, et qui portait le fameux trépié d'or. Du moins, Zozime et Sozomene assurent que Constantin fit transporter dans l'hippodrome de Constantinople le trépié du temple de Delphes ; et d'un autre côté, Eusebe rapporte que ce trépié, transporté par l'ordre de l'empereur, était soutenu par un serpent roulé en spirale. On aime aussi peut-être trop à croire que la célèbre colomne de bronze dont on n'osait approcher qu'en tremblant, qui soutenait le trépié sacré, et qu'on avait placé si respectueusement près de l'autel, dans le premier temple du monde, se trouve aujourd'hui toute tronquée, et couverte de rouille dans un mauvais manège de mahométants. (D.J.)