S. m. (Histoire ancienne) espèce particulière d'habit pour marquer la tristesse qu'on a dans des occasions fâcheuses, surtout dans des funérailles.

Les couleurs et les modes des deuils sont différentes en différents pays : à la Chine on porte le deuil en blanc ; en Turquie on le porte en bleu ou en violet ; en Egypte, en jaune ; en gris chez les Ethiopiens. Les dames de Sparte et de Rome portaient le deuil en blanc ; et le même usage a eu lieu en Castille à la mort des princes. Cette mode finit en 1498 à la mort du prince dom Jean, comme dit Herrera. Chaque nation a eu ses raisons pour choisir une certaine couleur particulière pour marquer le deuil : on suppose que le blanc marque la pureté ; le jaune ou feuille morte, fait voir que la mort est la fin des espérances humaines et de la vie, parce que les feuilles des arbres, quand elles tombent, et les herbes quand elles sont flétries, deviennent jaunes. Le gris signifie la terre où les morts retournent. Le noir marque la privation de la vie, parce qu'il est une privation de la lumière. Le bleu marque le bonheur dont on désire que les morts jouissent. Et le violet étant une couleur mêlée de bleu et de noir, marque d'un côté la tristesse, et de l'autre ce qu'on souhaite aux morts. Dictionnaire de Trév. et Chambers. (G)

Voilà bien des explications qu'il faut regarder comme celles que l'on donne aux songes allégoriques. On en donnerait bien d'autres aussi peu vraisemblables, si l'on portait le deuil en rouge. Et pour conclure, tout ne dépend que de l'usage des nations, qui appliquent aux différentes couleurs des signes de joie, de pleurs et de tristesse. (a)

Les Orientaux se coupaient les cheveux en signe de deuil ; les Romains au contraire les laissaient croitre, ainsi que leur barbe. Les Grecs avaient imité les peuples d'Orient ; non-seulement à la mort de leurs parents et de leurs amis ils se coupaient les cheveux sur leur tombeau, mais encore les crins de leurs chevaux. Ils pratiquaient la même chose dans les calamités publiques, après la perte d'une bataille, etc. (G)

DEUIL, s. m. (Jurisprudence) Il y a plusieurs objets à considérer dans cette matière, relativement à la jurisprudence ; savoir l'obligation respective de porter le deuil entre mari et femme ; les habits de deuil qui peuvent leur être dû. ; les peines des femmes qui vivent impudiquement pendant l'année du deuil, ou qui se remarient avant ou après l'année du deuil ; enfin les règlements qui ont été faits pour le temps du deuil, et le droit de deuil qu'ont les commensaux de la maison du Roi.

Suivant les lois du digeste, la femme survivante était obligée de porter le deuil de son mari, lugubria sumère, pendant un an, à peine d'infamie : l'année n'était alors que de dix mois.

Par le droit du code, les femmes furent dispensées de porter les ornements extérieurs du deuil.

En France, dans les pays coutumiers, comme dans les pays de droit écrit, la femme est obligée de porter le deuil de son mari pendant un an ; et comme personne n'est obligé de porter le deuil à ses dépens, les héritiers du mari doivent fournir à la femme des habits et équipages de deuil pour elle et ses domestiques, selon la condition et les facultés du défunt.

Ce que l'on donne à la femme pour son deuil, n'est point considéré comme un gain de survie, mais comme une indemnité et une créance pour laquelle elle a hypothèque du jour de son contrat de mariage : cette reprise est même privilégiée, étant réputée faire partie des frais funéraires, excepté au parlement de Bordeaux, où la femme n'a point de privilège à cet égard.

Pour ce qui est du mari, il n'est point obligé de porter le deuil de sa femme, suivant ce que dit Tacite en parlant des mœurs des Germains, dont les François tirent leur origine ; feminis lugère honestum est, viris meminisse : de sorte que si le mari porte le deuil de sa femme, comme cela se pratique ordinairement parmi nous, c'est par bienséance, et sans y être obligé. Il n'y a que dans le ressort du parlement de Dijon où le mari y est obligé ; aussi les héritiers de la femme lui doivent-ils fournir des habits de deuil.

Outre l'obligation dans laquelle sont les femmes, de porter le deuil de leurs maris, il y a encore une observation essentielle à faire à cet égard ; c'est que dans les pays de droit écrit la femme qui vit impudiquement pendant l'année du deuil, ou qui se remarie avant la fin de cette année, perd non-seulement son deuil, mais tous les avantages qu'elle pouvait prétendre sur les biens de son mari, à quelque titre que ce soit : elle est privée de la succession de ses enfants et de ses parents au-delà du troisième degré, incapable de toutes dispositions, et ne peut donner à son second mari plus du tiers de ses biens.

Il y avait même autrefois peine d'infamie contre les femmes qui se remariaient avant la fin du deuil ; mais le droit canonique a levé cette tache.

A l'égard des autres peines, elles étaient autrefois observées dans tout le royaume, comme il parait par différentes dispenses accordées à des femmes pour se remarier avant la fin de l'an du deuil ; il y en a au trésor des chartres du temps de Philippe-le-Long. M. Bretonnier en ses questions, rapporte même une semblable dispense accordée sous Louis XIV. mais il fallait que ce fût par rapport aux droits que la femme avait à prendre dans quelques pays de droit écrit ; car présentement les peines des secondes noces contractées pendant l'an du deuil, n'ont plus lieu que dans quelques-uns des parlements de droit écrit.

Suivant les arrêtés de M. de Lamoignon, la veuve qui se remarie dans l'année du deuil devait être privée de son douaire ; mais ce projet de lois n'a point reçu le caractère d'autorité publique, que méritait la sagesse de leurs dispositions.

Les personnes qui se remarient après l'an du deuil, sont seulement sujettes aux peines ordinaires des secondes noces. Voyez SECONDES NOCES.

On a déjà Ve ci-devant que l'année du deuil pour les femmes, qui n'était anciennement que de dix mois, fût mise sous les empereurs à douze mois, comme l'année civile.

En France l'ordonnance du 23 Juin 1716 a réduit à moitié le temps des deuils de cour et de famille ; et depuis, par une autre ordonnance du 8 Octobre 1730, ils ont encore été réduits à moitié du temps réglé par l'ordonnance de 1716 ; en sorte que les plus longs deuils ne doivent durer que trois mois, excepté les deuils de mari et femme, père, mère, ayeuls et ayeules, et autres dont on est héritier ou légataire, pour lesquels seuls on peut draper, et qui demeurent fixes, suivant l'ordonnance de 1716.

Les commensaux de la maison du Roi, de la Reine, des enfants de France, et des princes du sang qui ont une maison couchée sur l'état du Roi, ont droit de manteaux ou habits de deuil lors du décès des Rois et Reines. Les officiers de la chambre des comptes et ceux de la cour des monnaies ont pareillement droit de deuil, comme étant réputés commensaux de la maison du Roi. Voyez les lois 1. 8. et 9. ff. de his qui not. infam. et la loi 15. au code ex quibus causis infam. irrog. l. 1. cod. de secund. nupt. Laisel, instit. cout. liv. I. tit. IIe regl. 29. et 33. le traité des peines des secondes noces, de Dupin ; le traité des gains nupt. ch. 11. (A)