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Catégorie : Histoire ancienne
S. m. (Histoire ancienne) habitants de l'ancienne Gaule. Ceux qui ont cherché curieusement l'étymologie du mot, ont commencé par perdre leur temps et leurs peines. L'un tire cette étymologie du grec, l'autre du cimbrique, et un troisième la trouve dans l'ancien breton. Cluvier est venu jusqu'à se persuader que Gallus dérive du celtique Gallen, qu'on dit encore en allemand, et qu'on écrit Wallen, qui signifie voyager ; et là-dessus il suppose qu'on donna ce nom aux Gaulois lorsqu'ils sortirent de leur pays, et qu'ils s'emparèrent d'une partie de la Germanie, de l'Italie et de la Grèce. César moins savant que Cluvier dit simplement, qui ipsorum linguâ celtae, nostrâ Galli appelantur.

Mais ce n'est pas à l'étymologie du mot que se borne ici nôtre ignorance, c'est à tout ce qui concerne les Gaulois ; nous ne savons rien par nous-mêmes de l'état de l'ancienne Gaule, de l'origine de ses peuples, de leur religion, de leurs mœurs et de leur gouvernement : le peu qu'on en connait se recueille de quelques passages échappés, comme par hasard, à des historiens de la Grèce et de Rome. Si nous assurons qu'il y a eu des Gaulois voisins des Alpes, qui joints aux habitants de ces montagnes, se sont une fois établis sur les bords du Tessin et de l'éridan ; si nous savons que d'autres Gaulois vinrent jusqu'à Rome l'année 363 de sa fondation, et qu'ils assiégèrent le capitole, ce sont les historiens romains qui nous l'ont appris. Si nous savons encore que de nouveaux Gaulois, environ cent ans après, entrèrent dans la Thessalie, dans la Macédoine, et passèrent sur le rivage du Pont-Euxin, ce sont les historiens grecs qui le racontent, sans nous dire même quels étaient ces Gaulois, et quelle route ils prirent : en un mot il ne reste dans notre pays aucun vestige de ces émigrations qui ressemblent si fort à celles des Tartares ; elles prouvent seulement que la nation celtique était très-nombreuse, qu'elle quitta par sa multitude un pays qui ne pouvait pas la nourrir, et chercha pour subsister des terres plus fertiles, suivant la remarque de Plutarque : je ne le cite guère que sur ce point ; car ce qu'il nous débite d'ailleurs sur les premiers Gaulois qui se jetèrent en Italie, et sur leurs descendants qui assiegèrent Rome, est chargé d'exagérations, d'anachronismes ou d'anecdotes populaires ; ainsi nous devons nous borner aux témoignages de Tite-Live et de César.

Ce fut, selon Tite-Live, liv. V. chap. xxxjv. sous le règne de l'ancien Tarquin, l'an de Rome 165, qu'une grande quantité de Gaulois transalpins passèrent les monts, sous la conduite de Bellovese et de Sigovese, deux neveux d'Ambigate chef de cette partie de la nation. Les deux frères tirèrent au sort les pays où ils se porteraient ; le sort envoya au-delà du Rhin Sigovese, qui prenant son chemin par la forêt Hercinienne, s'ouvrit un passage par la force des armes, et s'empara de la Boheme et des provinces voisines. Bellovese eut pour son partage l'Italie ; ce dernier prit avec lui tout ce qu'il y avait de trop chez les Bituriges, les Arverniens, les Sénonais, les Eduents, les Ambarres, les Carnutes et les Aulerques qui voulurent tenter fortune : il passa les Alpes avec cette multitude de différents Gaulois, qui ayant vaincu les Toscans assez près du Tessin, se fixèrent dans cet endroit, et y bâtirent une ville qu'ils nommèrent Milan.

Quelque temps après une autre bande de Cenomants conduits par un chef nommé Elitovius, marchant sur les traces déjà frayées, passa les Alpes par le même chemin, et fut aidée des troupes du même Bellovese qui avait amené les premiers Gaulois dans le Milanès ; ces derniers venus s'arrêtèrent dans le Bressan et dans le Véronais. Quelques auteurs leur attribuent l'origine et la fondation de Vérone, Padoue, Bresse, et autres villes de ces belles contrées qui subsistent encore aujourd'hui.

A la suite de ces deux émigrations se fit celle des Boyens et des Lingons qui vinrent par le grand Saint-Bernard, et qui trouvant occupé tout l'espace qui est entre les Alpes et le Pô, passèrent ce fleuve, chassèrent les Ombriens, de même que les Etrusques, et se tinrent néanmoins aux bords de l'Apennin. Les Sénonais qui leur succédèrent se placèrent depuis le Montoné jusqu'à l'Esino.

Environ deux cent ans après les premiers établissements des Gaulois cisalpins, ils attirèrent les transalpins, et leur donnèrent entrée sur les terres de Rome ; tous ensemble marchèrent à la capitale dont ils se rendirent les maîtres l'an 363 de sa fondation, et n'en firent qu'un monceau de ruines. Sans Manlius le capitole aurait été pris, et sans Camille on allait leur payer de grandes contributions ; on pesait déjà l'or quand il parut à la tête des troupes du sénat : " Remportez cet or au capitole, dit-il aux députés ; et vous Gaulois, ajouta-t-il, retirez-vous avec vos poids et vos balances ; ce n'est qu'avec du fer que les Romains doivent recouvrer leur pays ". A ces mots on prit les armes de part et d'autre ; Camille défit Brennus et ses Gaulois, qui furent la plupart tués sur la place, ou dans la fuite par les habitants des villages prochains.

Une nouvelle nuée de Gaulois rassemblés des bords de la mer Adriatique, s'avança vers Rome l'an 386 de sa fondation, pour vanger cette défaite de leurs compatriotes ; mais la victoire des romains ne fut ni difficîle ni douteuse sous ce même Camille élevé pour la cinquième fois à la dictature. Il périt un grand nombre de Gaulois sur le champ de bataille ; et le reste dispersé par la fuite, et sans se pouvoir rallier, fut assommé par les paysans.

L'on vit encore l'an 404 de Rome une armée de Gaulois se répandre sur les terres des Romains pour les ravager ; mais au combat particulier d'un de leurs chefs vaincu par Valerius surnommé Corvus, succéda le combat général qui eut les mêmes revers pour l'armée gauloise.

Depuis cette dernière époque, les Gaulois ne firent que de faibles et stériles efforts pour s'opposer à l'accroissement des Romains ; ceux-ci après les avoir éloignés de leur territoire, leur enlevèrent Picenum, le Milanès, le Bressan, le Véronais et la Marche d'Ancone. Si les succès d'Annibal ranimèrent les espérances des Gaulois, ils furent bientôt contraints de les abandonner, et de partager pour toujours le sort de cet allié : Rome maîtresse de Carthage porta ses armes en orient et en occident, et au milieu de ses triomphes subjugua toute la Gaule ; Jules-César eut l'honneur d'en consommer la conquête.

Il est vrai cependant que les Gaulois furent d'abord les ennemis les plus redoutables de Rome, et qu'ils soutinrent opiniâtrément les guerres les plus vives contre les Romains. L'amour de la gloire, le mépris de la mort, l'obstination pour vaincre, étaient les mêmes chez les deux peuples ; mais indépendamment des progrès rapides et merveilleux que les Romains firent dans l'art de la guerre, les armes étaient bien différentes ; le bouclier des Gaulois était petit, et leur épée mauvaise, aussi succombèrent-ils sans-cesse ; et ce qu'il y a de surprenant, c'est que ces peuples que les Romains rencontrèrent dans presque tous les lieux et dans presque tous les temps, se laissèrent détruire les uns après les autres, sans jamais connaître, chercher et prévenir la cause de leurs malheurs. Ils ne songèrent point à se réunir pour leur défense mutuelle, et à se regarder comme formant une nation dont les intérêts étaient inséparables.

Enfin, la seule chose qui ait subsisté de tous les peuples Gaulois qui furent soumis après leur établissement en Italie, c'est la conservation des noms de leurs divers pays que nous reconnaissons encore. Par exemple, nous voyons assez clairement que les Bituriges habitaient le Berry, les Arverniens l'Auvergne, les Sénonais Sens, Auxerre, et autres endroits voisins jusqu'à Paris ; les Eduents la Bourgogne, les Ambarres les environs de Châlons-sur-Saone, les Carnutes le pays Chartrain, les Aulerques une portion de la Bretagne, les Insubriens un canton de la Bourgogne, les Saliens la Provence, les Cénomants le Maine, les Salluviens le long du Rhône, les Boïens le Bourbonnais, les Lingons le pays de Langres, et les Vénetes le canton de Vannes en Bretagne.

Mais tous ces divers peuples étaient aussi barbares les uns que les autres ; la colonie des Grecs qui fonda Marseille six cent ans avant l'ère vulgaire, ne put ni polir ses voisins, ni étendre sa langue au-delà du territoire de la ville. Les dialectes du langage celtique étaient affreux ; l'empereur Julien sous qui ce langage se parlait encore, dit qu'il ressemblait au croassement des corbeaux.

On ignore jusqu'aux noms des dieux que se forgèrent les Gaulois ; et si César donne à leurs divinités les noms qu'on leur donnait à Rome, ce n'est sans-doute que parce qu'il avait remarqué dans quelques-unes, quelque attribut ou quelque symbole ressemblant à ceux des dieux de son pays ; car dans le fond, les divinités des anciens Gaulois devaient être bien inconnues, soit aux Grecs, soit aux Romains, puisque Lucien dans un de ses dialogues fait dire à Mercure, qu'il ne sait comment s'y prendre pour inviter les dieux des Gaulois à se trouver à l'assemblée des autres dieux, parce qu'ignorant leur langue, il ne peut ni les entendre, ni se faire entendre d'eux. Il est vrai que depuis la conquête des Gaules par les Romains, tous les dieux d'Athènes et de Rome s'y introduisirent insensiblement, et prirent la place des anciens dieux du pays, ou du-moins se confondirent avec eux ; mais ce ne fut-là qu'un accroissement de superstitions.

Les mœurs des Gaulois du temps de César, étaient la barbarie même ; ils faisaient vœu, s'ils réchappaient d'une dangereuse maladie, d'un péril éminent, d'une bataille douteuse, d'immoler à leurs divinités tutélaires, des victimes humaines, persuadés qu'on ne pouvait obtenir des dieux la vie d'un homme, que par la mort d'un autre. Ils avaient des sacrifices publics de ce genre, dont les Druides qui gouvernaient la nation, étaient les ministres ; ces sacrificateurs brulaient des hommes dans de grandes et hideuses statues d'ozier faites exprès. Les druidesses plongeaient des couteaux dans le cœur des prisonniers, et jugeaient de l'avenir par la manière dont le sang coulait : de grandes pierres un peu creuses qu'on a trouvées sur les confins de la Germanie et de la Gaule, sont, à ce qu'on prétend, les autels où l'on faisait ces sacrifices. Si cela est, voilà tous les monuments qui nous restent des Gaulois. Il faut, comme le dit M. de Voltaire, détourner les yeux de ces temps horribles qui font la honte de la nature. (D.J.)

* GAULOIS, (philosophie des) Voyez l'article CELTES, où l'on a exposé en même temps les opinions des Gaulois, des habitants de la grande-Bretagne, des Germains, et des nations septentrionales. Consultez aussi l'article DRUIDE.




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