S. f. (Histoire ancienne) ou consécration ; du grec , diviniser ; elle est plus ancienne chez les Romains qu'Auguste, qui l'on en attribue communément l'origine. M. l'abbé Mongault a démontré que du temps de la république, on avait institué en Grèce et dans l'Asie mineure des fêtes et des jeux en l'honneur des proconsuls Romains ; qu'on avait même établi des sacrificateurs et des sacrifices, érigé des autels et bâti des temples, où on les honorait comme des divinités. Ainsi les habitants de Catane, en Sicile, avaient consacré leur gymnase à Marcellus ; et ceux de Chalcide associèrent Titus Flaminius avec Hercule et Apollon dans la dédicace des deux principaux édifices de leur ville. Cet usage qui avait commencé par la reconnaissance, dégénéra bien-tôt en flatterie, et les Romains l'adoptèrent pour leurs empereurs. On éleva des temples à Auguste de son vivant, non dans Rome ni dans l'Italie, mais dans les provinces. Les honneurs de l'apothéose lui furent déférés après sa mort, et cela passa en coutume pour ses successeurs. Voici les principales cérémonies qu'on y observait.

Si-tôt que l'empereur était mort, toute la ville prenait le deuil. On ensevelissait le corps du prince à la manière ordinaire, cependant avec beaucoup de pompe ; l'on mettait dans le vestibule du palais sur un lit d'ivoire couvert d'étoffes d'or, une figure de cire, qui représentait parfaitement le défunt, avec un air pâle, comme s'il était encore malade. Le sénat en robe de deuil restait rangé au côté gauche du lit pendant une grande partie du jour ; et au côté droit étaient les femmes et les filles de qualité avec de grandes robes blanches, sans colliers ni bracelets. On gardait le même ordre sept jours de suite, pendant lesquels les médecins s'approchaient du lit de temps en temps, et trouvaient toujours que le malade baissait, jusqu'à ce qu'enfin ils prononçaient qu'il était mort. Alors les chevaliers Romains les plus distingués avec les plus jeunes sénateurs le portaient sur leurs épaules par la rue qu'on nommait sacrée jusqu'à l'ancien marché, où se trouvait une estrade de bois peint. Sur cette estrade était construit un péristyle enrichi d'ivoire et d'or, sous lequel on avait préparé un lit d'étoffe fort riches, où l'on plaçait la figure de cire. Le nouvel empereur, les magistrats s'asseyaient dans la place, et les dames sous des portiques, tandis que deux chœurs de musique chantaient les louanges du mort ; et après que son successeur en avait prononcé l'éloge, on transportait le corps hors de la ville dans le champ de Mars, où se trouvait un bucher tout dressé. C'était une charpente carrée en forme de pavillon, de quatre ou cinq étages, qui allaient toujours en diminuant comme une pyramide. Le dedans était rempli de matières combustibles, et le dehors revêtu de draps d'or, de compartiments d'ivoire, et de riches peintures. Chaque étage formait un portique soutenu par des colonnes ; et sur le faite de l'édifice on plaçait assez ordinairement une représentation du char doré, dont se servait l'empereur défunt. Ceux qui portaient le lit de parade le remettaient entre les mains des Pontifes, et ceux-ci le plaçaient sur le second étage du bucher. On faisait ensuite des courses de chevaux et de chars. Le nouvel empereur, une torche à la main, allait mettre le feu au bucher, et les principaux magistrats l'y mettant aussi de tous côtés, la flamme pénétroit promptement jusqu'au sommet, et en chassait un aigle ou un paon, qui s'envolant dans les airs, allait, selon le peuple, porter au ciel l'âme du feu empereur ou de la feue impératrice, qui dès-lors avaient leur culte et leurs autels comme les autres dieux.

On accorda aussi l'apothéose aux favoris des princes, à leurs maîtresses, etc. mais en général on ne déférait cet honneur en Grèce, que sur la réponse d'un oracle ; et à Rome, que par un decret du Sénat.

Les anciens Grecs déifièrent ainsi les princes, les héros, les inventeurs des Arts ; et nous lisons dans Eusebe, Tertullien, et S. Chrysostome, que sur le bruit des miracles de Jesus-Christ, Tibere proposa au sénat de Rome de le mettre au nombre des dieux ; mais que cette proposition fut rejetée, parce qu'il était contraire aux lois d'introduire dans Rome le culte des dieux étrangers : c'est ainsi qu'ils nommaient les divinités de tous les peuples, à l'exception de celles des Grecs, qu'ils ne traitaient point de barbares.

Le grand nombre de personnes auxquelles on accordait les honneurs de l'apothéose avilit cette cérémonie, et même d'assez bonne heure. Dans Juvenal, Atlas fatigué de tant de nouveaux dieux, dont on grossissait le nombre des anciens, gémit et déclare qu'il est prêt d'être écrasé sous le poids des cieux : et l'empereur Vespasien naturellement railleur, quoiqu'à l'extrémité, dit en plaisantant à ceux qui l'environnaient, je sens que je commence à devenir dieu, faisant allusion à l'apothéose qu'on allait bien-tôt lui décerner. (G)