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Catégorie : Histoire des Juifs
S. m. (Histoire judaïque) c'est parmi les Juifs le septième jour de la semaine qu'ils solennisent en mémoire de ce que Dieu, après avoir créé le monde en six jours, se reposa le septième. Voyez SEMAINE.

Ce mot est purement hébreu, , et signifie cessation ou repos. Philon le nomme , le jour de la naissance du monde. Quelques-uns prétendent que dès le premier temps de la création, Dieu commanda aux hommes d'observer le jour du sabbat, parce qu'il est dit dans la Genèse chap. XIe 2 et 3, que Dieu sanctifia le jour auquel il se reposa, et qu'il le bénit. C'est le sentiment de Philon, de S. Clément d'Alexandrie, et de quelques rabbins ; mais la plupart des pères pensent que cette sanctification et cette bénédiction dont parle Moïse, n'étaient que la destination que Dieu fit alors du septième jour, pour être dans la suite sanctifié par son peuple. On ne voit pas en effet que les patriarches l'aient observé, ni que Dieu ait eu dessein de les y assujettir.

Mais il en fit un précepte exprès et formel aux Hébreux, sous peine de mort, comme on le voit dans l'Exode xx. et xxj. aussi l'observèrent-ils exactement comme un jour consacré particulièrement au culte de Dieu, en s'abstenant de toute œuvre servile. On dit même qu'ils portaient le scrupule à cet égard jusqu'à penser qu'il ne leur était pas permis de se défendre ce jour-là s'ils étaient attaqués, et à se laisser égorger plutôt que de combattre. On voit dans l'Evangîle que les pharisiens en avaient encore de plus mal fondés. Le sabbat commençait le vendredi au soir, suivant l'usage des Juifs qui célebrent leurs fêtes d'un soir à l'autre. Les rabbins ont marqué exactement à ceux-ci tout ce qui leur est défendu de faire le jour du sabath ; ce qu'ils réduisent à trente-neuf chefs, qui ont chacun leurs dépendances. Ces trente-neuf chefs sont ainsi rapportés par Léon de Modene, cérémon. des Juifs, part. III. chap. j. Il leur est défendu de labourer, de semer, de moissonner, de botteler et lier les gerbes, de battre le grain, de vanner, de cribler, de moudre, de bluter, de paitrir, de cuire, de tordre, de blanchir, de peigner ou de carder, de filer, de retordre, d'ourdir, de taquer, de teindre, de lier, de délier, de coudre, de déchirer ou mettre en morceaux, de bâtir, de détruire, de frapper avec le marteau, de chasser ou de pêcher, d'égorger, d'écorcher, de préparer et racler la peau, de la couper pour en travailler, d'écrire, de raturer, de régler pour écrire, d'allumer, d'éteindre, de porter quelque chose dans un lieu public ou particulier. Ces trente-neuf chefs renferment diverses espèces, par exemple, limer est une dépendance de moudre ; et les rabbins ont exposé toutes ces espèces avec de grands raffinements.

Le sabbat commence chez eux environ une demi-heure avant le coucher du soleil, et alors toutes ces défenses s'observent. Les femmes sont obligées d'allumer dans la chambre une lampe qui a ordinairement six lumignons, au-moins quatre, et qui dure une grande partie de la nuit : de plus, elles dressent une table couverte d'une nappe blanche, et mettent du pain dessus qu'elles couvrent d'un autre linge long et étroit, en mémoire, disent-elles, de la manne qui tombait de la sorte, ayant de la rosée dessus et dessous. On Ve ensuite à la synagogue, où on récite des prières ; de retour à la maison, chaque chef de famille bénit du pain et du vin, en faisant mémoire de l'institution du sabbat, puis en donne aux assistants. Le matin du sabbat, on s'assemble à la synagogue où l'on chante des pseaumes ; on lit une section du Pentateuque et une des Prophêtes ; suit un sermon ou exhortation qui se fait quelquefois l'après-dinée. Quand la nuit vient, et qu'après la prière du soir faite dans la synagogue chacun est de retour dans sa maison ; on allume un flambeau ou une lampe à deux méches ; le maître du logis prend du vin dans une tasse et quelques épiceries de bonne odeur, les bénit, puis flaire les épiceries et jette le vin par terre en signe d'allégresse : ainsi finit la cérémonie du sabbat.

Les auteurs profanes qui ont voulu parler de l'origine du sabbat, n'ont fait que montrer combien peu ils étaient instruits de ce qui concernait les Juifs. Tacite, par exemple, a cru qu'ils chommaient le sabbat en l'honneur de Saturne, à qui le samedi était consacré chez les payens. Tacit. histor. lib. Voyez Plutarque au contraire, sympos. liv. IV. avance qu'ils le célébraient en l'honneur de Bacchus qui est nommé sabbos, parce que dans les fêtes de ce dieu on criait saboï. Appion le grammairien soutenait que les Juifs célébraient le sabbat en mémoire de ce qu'ils avaient été guéris d'une maladie honteuse nommée en égyptien sabboni. Enfin Perse et Pétrone reprochent aux Juifs de jeuner le jour du sabbat. Or il est certain que le jeune leur était défendu ce jour-là. Calmet, Dict. de la Bible, tom. III. lettre S, page 407.

Le sabbat était institué sur un motif aussi simple que légitime, en mémoire de la création du monde, et pour en glorifier l'auteur. Les Chrétiens ont substitué au sabbat le dimanche, en mémoire de la résurrection de Jésus-Christ. Voyez DIMANCHE.

Sabbat se prend encore en différents sens dans l'Ecriture sainte ; 1°. simplement pour le repos, et quelquefois pour la félicité éternelle, comme hebr. ix. 9. et iv. 4. 2°. pour toutes les fêtes des Juifs : sabbatha mea custodite, Levit. xix. 3°. gardez mes fêtes, c'est-à-dire la fête de pâques, de la pentecôte, des tabernacles, etc. 4°. sabbatum se prend aussi pour toute la semaine : jejuno bis in sabbatho, je jeune deux fois la semaine, dit le pharisien superbe, en S. Luc, XVIIIe 12. Una sabbathi, le premier jour de la semaine, Joan. xx. 1. Calmet, Dict. de la Bible, tome III. lettre S, page 403.

SABBAT, (Divination) assemblée nocturne à laquelle on suppose que les sorciers se rendent par le vague de l'air, et où ils font hommage au démon.

Voici en substance la description que Delrio donne du sabbat. Il dit que d'abord les sorciers ou sorcières se frottent d'un onguent préparé par le diable, certaines parties du corps, et surtout les aines, et qu'ensuite ils se mettent à cheval sur un bâton, une quenouille, une fourche, ou sur une chèvre, un taureau ou un chien, c'est-à-dire, sur un démon qui prend la forme de ces animaux. Dans cet état ils sont transportés avec la plus grande rapidité, en un clin d'oeil, à des distances très-éloignées, et dans quelque lieu écarté, tel qu'une forêt ou un désert. Là, dans une place spacieuse, est allumé un grand feu, et parait élevé sur un trône le démon qui préside au sabbat sous la forme d'un bouc ou d'un chien ; on fléchit le genouil devant lui, ou l'on s'en approche à reculons tenant à la main un flambeau de poix ; et enfin on lui rend hommage en le baisant au derrière. On commet encore pour l'honorer diverses infamies et impuretés abominables. Après ces préliminaires, on se met à table, et les sorciers s'y repaissent des viandes et des vins que leur fournit le diable, ou qu'eux-mêmes ont soin d'apporter. Ce repas est tantôt précédé, et tantôt suivi de danses en rond, où l'on chante, ou plutôt l'on hurle d'une manière effroyable ; on y fait des sacrifices ; chacun y raconte les charmes qu'il a employés, les maléfices qu'il a donnés ; le diable encourage ou reprimande, selon qu'on l'a bien ou mal servi ; il distribue des poisons, donne de nouvelles commissions de nuire aux hommes. Enfin un moment arrive, où toutes les lumières s'éteignent. Les sorciers et même les démons se mêlent avec les sorcières, et les connaissent charnellement ; mais il y en a toujours quelques-unes, et surtout les nouvelles venues, que le bouc honore de ses caresses, et avec lesquelles il a commerce. Cela fait, tous les forciers et sorcières sont transportés dans leurs maisons de la même manière qu'ils étaient venus, ou s'en retournent à pied, si le lieu du sabbat n'est pas éloigné de leur demeure. Delrio, disquisit. magic. lib. II. quaest. XVI. pag. 172. et suiv.

Le même auteur prouve la possibilité de ce transport actuel des sorciers par le vague de l'air. Il n'oublie pour cela ni la puissance des démons, ni celle des bons anges, ni le transport d'Habacuc à Babylone par un ange, ni celui du diacre Philippe, qui baptisa l'eunuque de Candace, et qui du désert se trouva tout-d'un-coup dans la ville d'Azoth. La flèche d'Abaris, le vol de Simon le magicien, d'Eric, roi de Suède, rapporté par Joannes Magnus, celui de l'hérétique Berenger, qui dans la même nuit se trouva à Rome, et chanta une leçon dans l'église de Tours, si l'on en croit la chronique de Nangis, et quelques histoires des sorciers, lui suffisent pour conclure de la possibilité à l'existence. Peu s'en faut qu'il ne traite d'hérétiques ceux qui soutiendraient le contraire, au moins maltraite-t-il fort Wyer et Godelman, pour avoir prétendu que tout ce que les sorciers racontent du sabbat, n'est que l'effet d'une imagination vivement échauffée ou d'une humeur atrabilaire, une illusion du démon, et que leur voyage en l'air à cheval sur un manche à balai, aussi bien que tout le reste, n'est qu'un rêve dont ils sont fortement affectés. Idem, ibid.

Les preuves de Delrio montrent qu'il avait beaucoup d'érudition et de lecture ; mais il n'y règne pas une certaine force de raisonnement qui satisfasse le lecteur ; aussi pensons-nous que tout ce qu'on a dit jusqu'à présent de plus raisonnable sur le sabbat, se trouve dans ce qu'on Ve lire du p. Malebranche qui explique fort nettement pourquoi tant de personnes se sont imaginées ou s'imaginent avoir assisté à ces assemblées nocturnes.

" Un pastre dans sa bergerie, dit cet auteur, raconte après souper à sa femme et à ses enfants les aventures du sabbat. Comme il est persuadé lui-même qu'il y a été, et que son imagination est modérément échauffée par les vapeurs du vin, il ne manque pas d'en parler d'une manière forte et vive. Son éloquence naturelle étant donc accompagnée de la disposition où est toute sa famille, pour entendre parler d'un sujet aussi nouveau et aussi effrayant. Il n'est pas naturellement possible que des imaginations aussi faibles que le sont celles des femmes et des enfants, ne demeurent persuadées. C'est un mari, c'est un père qui parle de ce qu'il a vu, de ce qu'il a fait : on l'aime, on le respecte, et pourquoi ne le croirait-on pas ? Ce pastre le répète donc en différents jours. L'imagination de la mère et des enfants en reçoit peu-à-peu des traces plus profondes ; ils s'y accoutument ; et enfin la curiosité les prend d'y aller. Ils se frottent, ils se couchent, leur imagination s'échauffe encore de cette disposition de leur cœur, et les traces que le pastre avait formées dans leur cerveau, s'ouvrent assez pour leur faire juger dans le sommeil, comme presentes toutes les choses dont il leur avait fait la description. Ils se lèvent, ils s'entredemandent, et ils s'entredisent ce qu'ils ont vu. Ils se fortifient de cette sorte les traces de leur vision ; et celui qui a l'imagination la plus forte, persuadant mieux les autres, ne manque pas de régler en peu de nuits, l'histoire imaginaire du sabbat. Voilà donc des sorciers achevés que le pastre a faits, et ils en feront un jour beaucoup d'autres, si ayant l'imagination forte et vive, la crainte ne les retient pas de faire de pareilles histoires.

Il se trouve, ajoute-t-il, plusieurs fois des sorciers de bonne foi qui disaient généralement à tout le monde qu'ils allaient au sabbat, et qui en étaient si persuadés, que quoique plusieurs personnes les veillassent, et les assurassent qu'ils n'étaient point sortis du lit, ils ne pouvaient se rendre à leur témoignage. " Recherch. de la vérité, tom. I. liv. II. chap. VIe

Cette dernière observation suffit seule pour renverser toutes les raisons que Delrio a accumulées pour prouver la réalité du transport corporel des sorciers au sabbat, à moins qu'on ne dise avec Bodin, que ce sont leurs âmes seules qui y assistent, que le démon a le privilège de les tirer de leur corps pour cet effet pendant le sommeil, et de les y renvoyer après le sabbat : idée ridicule, et dont Delrio lui-même a senti toute l'absurdité.

C'est sans-doute par cette considération que l'assistance au sabbat ne git que dans l'imagination, que le parlement de Paris renvoie tous les sorciers, qui n'étant point convaincus d'avoir donné du poison, ne se trouvent coupables que de l'imagination d'aller au sabbat. Le jurisconsulte Duaren approuve cette coutume. De aniculis, dit-il, quae volitare per aera, et nocturno tempore saltitare et choreas agère dicuntur, quaeritur ? Et solent plaerique quaestores, in eas acerbius animadvertère quam jus et ratio postulet, cùm synodus ancyrana definiverit quaedam esse quae à cacodoemone multarum mulierum mentibus irrogantur : itaque curia parisiensis (si nihil aliud admiserint) eas absolvère ac dimittère merito consuevit. Ayrault et Alciat sont du même sentiment. Ce dernier se fonde sur ce qu'il est faux que les sorciers aillent en personne au sabbat. Mais cette raison est bien faible ; car c'est un assez grand crime que de vouloir y aller, et que de s'y préparer par des onguents qu'elles croient nécessaires à cette horrible expédition. Ce qui fait penser au p. Malebranche qu'elles sont punissables. François Hotman consulté sur cette question, répondit qu'elles méritaient la mort. Thomas Erastus a soutenu la même chose, et c'est le sentiment le plus ordinaire des jurisconsultes et des casuistes, soit catholiques, soit protestants. Bayle. Répons. aux quest. d'un provincial, chap. xxxix. pag. 577 de l'édit. de 1737. in-fol.




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