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Catégorie : Histoire des Turcs
S. m. (Histoire des Turcs) espèce de page du grand-seigneur.

Les ichoglans sont de jeunes gens qu'on élève dans le serrail, non-seulement pour servir auprès du prince, mais aussi pour remplir dans la suite les principales places de l'empire.

L'éducation qu'on leur donne à ce dessein, est inestimable aux yeux des Turcs. Il n'est pas inutîle de la passer en revue, afin que le lecteur puisse comparer l'esprit et les usages des différents peuples.

On commence par exiger de ces jeunes gens, qui doivent un jour occuper les premières dignités, une profession de foi musulmane, et en conséquence on les fait circoncire : on les tient dans la soumission la plus servîle ; ils sont châtiés sévèrement pour les moindres fautes par les eunuques qui veillent sur leur conduite ; ils gémissent pendant 14 ans sous ces sortes de précepteurs, et ne sortent jamais du serrail, que leur terme ne soit fini.

On partage les ichoglans en quatre chambres bâties au-delà de la salle du divan : la première qu'on appelle la chambre inférieure, est ordinairement de 400 ichoglans, entretenus de tout aux dépens du grand-seigneur, et qui reçoivent chacun quatre ou cinq aspres de paye par jour, c'est-à-dire, la valeur d'environ sept à huit sols de notre monnaie. On leur enseigne surtout à garder le silence, à tenir les yeux baissés, et les mains croisées sur l'estomac. Outre les maîtres à lire et à écrire, ils en ont qui prennent soin de les instruire de leur religion, et principalement de leur faire faire les prières aux heures ordonnées.

Après six ans de cette pratique, ils passent à la seconde chambre avec la même paye, et les mêmes habits qui sont assez communs. Ils y continuent les mêmes exercices, mais ils s'attachent plus particulièrement aux langues : ces langues sont la turque, l'arabe, et la persienne. A mesure qu'ils deviennent plus forts, on les fait exercer à bander un arc, à le tirer, à lancer la zagaie, à se servir de la pique, à monter à cheval, et à tout ce qui regarde le manège, comme à darder à cheval, à tirer des flèches en-avant, en arrière, et sur la croupe, à droite et à gauche. Le grand-seigneur s'amuse quelquefois à les voir combattre à cheval, et récompense ceux qui paraissent les plus adroits. Les ichoglans restent quatre ans dans cette classe, avant que d'entrer dans la troisième.

On leur apprend dans celle-ci pendant quatre ans, de toutes autres choses, que nous n'imaginerions pas, c'est-à-dire, à coudre, à broder, à jouer des instruments, à raser, à faire les ongles, à plier des vestes et des turbans, à servir dans le bain, à laver le linge du grand-seigneur, à dresser des chiens et des oiseaux ; le tout afin d'être plus propres à servir auprès de sa hautesse.

Pendant ces 14 ans de noviciat, ils ne parlent entr'eux qu'à certaines heures ; et s'ils se visitent quelquefois, c'est toujours sous les yeux des eunuques, qui les suivent par-tout. Pendant la nuit, non-seulement leurs chambres sont éclairées ; mais les yeux de ces argus, qui ne cessent de faire la ronde, découvrent tout ce qui se passe. De six lits en six lits, il y a un eunuque qui prête l'oreille au moindre bruit.

On tire de la troisième chambre les pages du trésor, et ceux qui doivent servir dans le laboratoire, où l'on prépare l'opium, le sorbet, le caffé, les cordiaux, et les breuvages délicieux pour le serrail. Ceux qui ne paraissent pas assez propres à être avancés plus près de la personne du sultan, sont renvoyés avec une petite récompense. On les fait entrer ordinairement dans la cavalerie, qui est aussi la retraite de ceux qui n'ont pas le don de persévérance ; car la grande contrainte et les coups de bâton leur font bien souvent passer la vocation. Ainsi la troisième chambre est réduite à environ 200 ichoglans, au lieu que la première était de 400.

La quatrième chambre n'est que de 40 personnes, bien éprouvées dans les trois premières classes ; leur paye est double, et Ve jusqu'à neuf ou dix aspres par jour. On les habille de satin, de brocard, ou de toîle d'or, et ce sont proprement les gentils-hommes de la chambre. Ils peuvent fréquenter tous les officiers du palais ; mais le sultan est leur idole ; car ils sont dans l'âge propre à soupirer après les honneurs. Il y en a quelques-uns qui ne quittent le prince, que lorsqu'il entre dans l'appartement des dames, comme ceux qui portent son sabre, son manteau, le pot à eau pour boire, et pour faire les ablutions, celui qui porte le sorbet, et celui qui tient l'étrier quand sa hautesse monte à cheval, ou qu'elle en descend.

C'est entre ces quarante ichoglans de la quatrième chambre, que sont distribuées les premières dignités de l'empire, qui viennent à vaquer. Les Turcs s'imaginent que Dieu donne tous les talents et toutes les qualités nécessaires à ceux que le sultan honore des grands emplois. Nous croirions nous autres, que des gens qui ont été nourris dans l'esclavage, qui ont été traités à coups de bâton par des eunuques pendant si longtemps, qui ont mis leur étude à faire les ongles, à raser, à parfumer, à servir dans le bain, à laver du linge, à plier des vestes, des turbans, ou à préparer du sorbet, du caffé, et autres boissons, seraient propres à de tous autres emplois qu'à ceux du gouvernement des provinces. On pense différemment à la cour du grand-seigneur ; c'est ces gens-là que l'on en gratifie par choix et par préférence ; mais comme ils n'ont en réalité ni capacité, ni lumières, ni expérience pour remplir leurs charges, ils s'en reposent sur leurs lieutenans, qui sont d'ordinaire des fripons ou des espions que le grand-vizir leur donne, pour lui rendre compte de leur conduite, et les tenir sous sa férule. (D.J.)




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