(Géographie moderne) en latin du moyen âge Romarici mons ; petite ville de Lorraine au diocèse de Toul, sur la gauche de la Moselle, à 4 lieues au-dessus d'Epinal, dans une vallée, au pied du mont de Vosge, à 18 lieues au sud-est de Nanci, à 20 au nord-est de Besançon, et à 80 de Paris. Long. 24. 20. lat. 48. 7.

Remiremont est le lieu le plus célèbre de toute la Vosge, à cause de l'illustre chapitre des dames chanoinesses très-nobles qui occupent l'église et collège de Saint-Pierre. Autrefois Remiremont était à l'orient de la Moselle, sur une montagne, où le comte Romaric avait un château ; mais ce lieu fut ruiné jusqu'aux fondements dans le commencement du IXe siècle, par les Hongrois ou les nouveaux Huns, qui ayant passé le Rhin sous le règne de Louis fils d'Arnou, ravagèrent tous ces pays-là. On bâtit ensuite une nouvelle église dans la plaine, de l'autre côté de la Moselle, et la situation en était plus commode que celle de la montagne.

C'était cependant sur cette montagne que dans le VIIe siècle, l'an 620, le comte Romaric, seigneur également riche et puissant, désabusé des grandeurs du monde, fonda la célèbre abbaye de Remiremont, et la dota de tous ses biens. De-là vient que les Allemands appellent cet endroit Rumelsberg ou Romberg, c'est-à-dire, le mont de Romaric, d'où est venu le nom de Romarimont, corrompu en celui de Remiremont.

Les moines bénédictins prétendent que les filles que l'on établit dans la nouvelle maison de Remiremont après le ravage des Hongrois, aient été des religieuses de leur ordre ; mais les chanoinesses soutiennent sur des fondements plus solides qu'elles n'ont jamais été de l'ordre des Bénédictins depuis la fondation de la nouvelle maison de Saint-Pierre, et que c'est à elles et en leur propre considération que les papes leur ont accordé de grands privilèges, avec une exemption entière de la juridiction de l'ordinaire. On sait que l'abbesse est princesse de l'empire, et fait seule les vœux solennels, à-moins qu'elle n'en obtienne dispense ; mais les chanoinesses n'ont ni vœux ni clôture, et sont seulement obligées de faire preuve de la plus grande noblesse. Mais cette fameuse abbaye mérite un plus grand détail.

Elle est gouvernée par une abbesse, une doyenne, et une secrète ou sacristine, dont les fonctions et les menses sont séparées. Tout le revenu de cette abbaye est partagé en 144 prébendes, dont l'abbesse en possède trente-six : vingt-neuf autres sont partagées entre douze chapelains, le grand-sénéchal, le grand-sonrier ou maître des bois, et quelques autres officiers qui sont tous gens de qualité, et qui en retirent très-peu de profit. Les soixante-dix-neuf prébendes qui restent, se partagent entre les chanoinesses, qui sont rangées sous vingt-neuf compagnies ; de ces compagnies il y en a cinq de cinq chanoinesses chacune, huit de quatre, six de trois, et deux de deux.

Chaque chanoinesse est prébendée sur l'une de ces compagnies, et regarde les autres comme ses compagnes de prébende ; si elles viennent à mourir sans avoir aprébendé une demoiselle, la survivante succede à leurs meubles et à leur prébende : en sorte cependant qu'une dame qui se trouve seule dans une compagnie de cinq, est obligée de faire trois nièces, c'est-à-dire d'apprébender trois demoiselles, l'une sur les deux premières prébendes, l'autre sur les deux suivantes, et la troisième sur celle qui reste. La sur vivante d'une compagnie de quatre ou de trois, doit faire deux nièces, et celle d'une compagnie de deux n'en doit faire qu'une ; si elles y manquent, l'abbesse y pourvait après un certain délai. Par ce moyen le chœur est toujours rempli d'environ quarante dames, et le service s'y fait avec beaucoup de régularité. Les chanoinesses touchent leur distribution au chœur comme les chanoines.

L'abbesse de Remiremont use de cette formule " Je N. par la grâce de Dieu, humble abbesse de l'église de Saint-Pierre de Remiremont, de l'ordre de saint Benait, diocèse de Toul, immédiatement soumise au saint siège apostolique ". C'est pourquoi la ville de Remiremont porte pour armes les clés de S. Pierre. L'abbesse, en qualité de princesse du saint empire, se fait servir avec toutes les cérémonies princières ; privilège accordé en l'an 1090 à l'abbesse Félicie de Lore, et confirmé par l'empereur Albert I. de la maison d'Autriche, en la personne de Clémence d'Oyselet, au mois d'Avril de l'année 1307.

Quand cette abbesse Ve à l'offrande ou à la procession, sa dame d'honneur lui porte la queue de son manteau, et son sénéchal porte la crosse devant elle ; le diacre et le soudiacre la vont prendre à sa chaise abbatiale pour la mener à l'offrande, puis la reconduisent à sa place, et lui apportent l'évangile, le corporal, et la paix à baiser.

Elle fait faire les montres et les revues des bourgeois en armes par son sénéchal, qui n'obéit qu'à elle ; aussi ne fait-il point ses preuves en chapitre, mais seulement à l'abbesse. En temps de guerre, ce sénéchal garde les clés de la ville, donne le mot qu'il reçoit de l'abbesse, si elle est en ville, ou de la dame chanoinesse sa lieutenante. Dans les processions il porte une épée, pour marque de l'autorité qu'il tient d'elle.

Enfin l'abbesse de Remiremont a beaucoup de privilèges et d'honneurs ; mais elle jouit d'un revenu très-modique, car il n'est guère que d'environ quinze mille livres par an. Quand elle vient à mourir, sa succession échait par moitié au chapitre et à la future abbesse.

Dès qu'elle est morte, le chapitre met sa crosse au trésor ; son cabinet, ses chambres, et ses cassettes sont scellées du sceau de la doyenne. Elle est exposée en public revêtue de ses habits de cérémonie, avec une crosse de cire à son côté.

Le jour de son enterrement on lui dit trois messes hautes, après quoi elle est portée au cimetière des dames, ou dans la chapelle de saint André, où plusieurs abbesses sont enterrées, selon qu'elle en a ordonné par son testament. L'anneau avec lequel elle a été bénite, appartient après ses funérailles au chanoine de semaine du grand autel.

L'abbesse, la doyenne et la secrète, sont les trois dignités de l'abbaye ; la sonrière, la trésorière, l'aumônière et les boursières, n'ont que titre d'offices. Sonrier est un mot lorrain qui signifie receveur ou administrateur des droits seigneuriaux.

L'abbaye de Remiremont a aussi quatre grands officiers qui font preuve de noblesse comme les dames ; savoir le grand-prevôt, le grand-chancelier, le petit chancelier, et grand-sonrier ; mais ces trois derniers officiers ne sont établis qu'ad honores. (D.J.)