ROYAUME DE, (Géographie moderne) royaume d'Asie, dans les Indes orientales. Ce royaume est appelé, par ceux du pays, Muan-Thai, c'est-à-dire, la terre de Thai. Les Malays et les Péguans l'appellent Tziam, d'où vient le nom européen Siam. Il s'étend depuis environ le septième degré de latitude septentrionale, jusqu'au dix-neuvième. Vers le milieu où la ville capitale est située, il est à 14 degrés 18 minutes de latitude septentrionale, et à 120 degrés de longitude.

Il est borné à l'orient par les royaumes de Tunquin, Cochinchine et Camboia ; au midi par la mer, et par le pays de Malaca, dont le roi de Siam possède Ligor, Tanasseri, et quelques autres petites provinces ; à l'ouest par le royaume de Pégu, et au nord par celui de Laos.

Sa longueur, qui se prend du septentrion au midi, est à-peu-près de cent lieues, dans les endroits où elle n'est point occupée par les états voisins. Sa largeur est d'environ cent lieues dans sa plus grande étendue, et d'environ vingt lieues dans sa plus petite. A considerer sa grandeur, il n'est guère peuplé, excepté le long de la rivière. La quantité de peaux de dains et de bufles que les marchands en tirent tous les ans, fait assez voir qu'il contient de grandes forêts et de vastes déserts ; il faut encore remarquer qu'on ne tue ces animaux que dans le voisinage, parce que les tigres et les marais ne permettent pas aux chasseurs de pénétrer un peu avant dans les bois.

Ce royaume renferme douze grandes provinces, dont chacune est gouvernée par un oja, ou prince, en qualité de lieutenant de roi, qui a sous lui plusieurs opera ou officiers inférieurs. Il y a aussi à la cour un oja pour chaque province, qui en ménage les affaires et veille sur la conduite du lieutenant-général de la province.

Les Siamais parlent deux sortes de langues, la vulgaire qui est toute simple, en monosyllabes, et sans conjugaison ni déclinaison ; et une autre qu'on appelle langue bali, enrichie d'inflexions de mots comme les langues européennes. Les termes de religion et de justice, les noms de charge, et tous les ornements de la langue vulgaire, sont empruntés de la bali ; et il semble de-là, que quelque colonie étrangère se soit habituée autrefois au pays de Siam. Mais c'est un raisonnement que l'on pourrait faire de la plupart des contrées des Indes, qui ont ordinairement deux langues.

On prétend que les lois des Siamais leur viennent du pays de Laos ; et c'est sans-doute parce qu'il y a de la conformité entre les lois de Laos et celles de Siam, comme il y en a entre leurs religions. Cela ne prouve pas que l'un de ces royaumes ait donné sa religion et ses lois à l'autre, puisque tous les deux peuvent les avoir puisées dans une source commune. Quoi qu'il en sait, on veut à Siam que ce soit Laos qui leur ait donné ses lois, et même des rois : on veut à Laos, que leurs rais, et la plupart de leurs lois viennent de Siam.

La figure des Siamais est indienne ; leur teint est mêlé de rouge et de brun, leur nez court et arrondi par le bout, les os du haut de leur joue gros et élévés, leurs yeux fendus un peu en-haut ; leurs oreilles plus grandes que les nôtres ; en un mot, ils ont tous les traits de la physionomie indienne et chinoise, leur contenance naturellement accroupie, comme celle des singes, dont ils ont beaucoup de manières, entr'autres une passion extraordinaire pour les enfants.

Leur religion est la même que celle des brahmants, qui, pendant plusieurs siècles, a été la religion des peuples qui habitent depuis le fleuve Indus jusqu'aux extrémités de l'orient, si on excepte la cour du grand-mogol, et les grandes villes de son empire, aussi bien que Sumatra, Java, Celèbres, et les autres îles voisines, où le mahométisme a fait de si grands progrès, qu'il semble l'emporter sur elle. Ce paganisme universel (qu'il faut distinguer de la religion des anciens persans, qui adoraient le soleil, laquelle est aujourd'hui presque éteinte) : ce paganisme, dis-je, quoique divisé en plusieurs sectes et opinions, selon les différentes coutumes, langues, et interprétations de ceux qui les professent, n'a pourtant qu'une seule et même origine.

Les Siamais représentent dans leurs temples le premier instituteur de leur religion sous la figure d'un négre d'une grandeur prodigieuse, qui est assis, et qui a les cheveux frisés, et la peau noire, mais dorée, comme par respect. On voit à ses côtés deux de ses principaux disciples ; et devant et autour de lui le reste de ses apôtres, tous de la même couleur, et la plupart dans la même posture. Ils croient, selon la doctrine de Brahmants, que la divinité habitait en lui, et que cela parait par sa doctrine, par sa manière de vivre, et par ses prophéties.

Ils disent aussi que Wistnou, par où ils entendent la Divinité, après avoir pris différentes formes, pendant plusieurs milliers d'années, et visité le monde huit fais, parut la neuvième sous la personne d'un négre, qu'ils appellent Sammana-Kutama (c'est dans nos écrivains français Sammana Codom). Ce dieu, selon eux, a revêtu dans le Gange seul cinq cent cinquante fois la forme humaine. Cette idée leur est commune avec tout le peuple de l'Inde sur la métamorphose de leurs dieux. Cette idée leur est encore commune avec les anciens Egyptiens, les Grecs et les Romains. " Une erreur si ridicule et si étendue, comme le dit M. de Voltaire, vient pourtant d'un sentiment raisonnable, qui est au fond de tous les cœurs. On sent naturellement sa dépendance d'un être suprême, et l'erreur se joignant à la vérité, a fait regarder les dieux dans presque toute la terre, comme des seigneurs qui venaient quelquefois visiter et réformer leurs domaines. "

Les principes de la morale des Siamais sont tous négatifs, et à-peu-près les mêmes que dans la plupart des contrées des Indes. Ne rien tuer. Ne rien dérober. Ne point boire de liqueur qui enivre. Ne point exténuer ses forces par la fatigue. Ils suivent exactement ce dernier précepte, persuadés que la félicité suprême consiste à n'être point obligés d'animer une machine, et de faire agir un corps. Dans ces pays où la chaleur excessive énerve et accable, le repos est si délicieux, et le mouvement si pénible, que ce système de métaphysique parait naturel. A Siam, la possession d'un éléphant fait la gloire et l'honneur de son maître.

Leurs ecclésiastiques mènent une vie retirée et austère : car ils aspirent dans ce monde à un état de perfection agréable au ciel, et suivi de grandes récompenses, en domptant leurs passions, et mortifiant leurs désirs. Ils ne se marient point tant qu'ils sont dans l'état ecclésiastique, mais vivent ensemble dans des monastères près des temples. Ils vont presque nuds, n'ayant qu'un morceau de drap d'un jaune-brun autour de leur ceinture, et un autre morceau qui pend de dessus l'épaule gauche en plusieurs petits plis, et qu'ils déploient lorsqu'il pleut pour s'en couvrir les épaules et la partie supérieure du corps. Ils ne se couvrent jamais la tête, qui est rasée de près, et portent à la main un éventail de feuilles de palmier, ou de coupeaux de bois.

Il y a plusieurs rangs et plusieurs degrés différents d'ecclésiastiques siamais. Les plus jeunes prennent un nom qui revient à celui de frère ; et à l'âge de 20 ans, ils en prennent un autre qui répond à celui de père. Les Péguans les appellent talapoi ; et comme ce nom a été premièrement connu des étrangers, ils le donnent à l'heure qu'il est indifféremment à tous les prêtres et ecclésiastiques de la religion qui règne à Pégu, Siam, Camboia, Aracan, Parma, Laos, Tonquin, et la Cochinchine.

Les pères siamais vivent en société dans une ou plusieurs maisons faites comme des monastères, près de certains temples. Chacun de ces couvens est gouverné par un chef qu'ils nomment sompan. Tous les couvens de chaque province, sont soumis à un sompan en chef ; et ceux-ci de même que tout le clergé du royaume, sont sous la juridiction du prah-sankara, comme qui dirait le grand pontife. Ce primat souverain demeure à Judia (Siam), et son autorité est si grande, que le roi lui-même est obligé de s'incliner devant lui.

Chacun peut se faire moine, s'il a assez de crédit pour cela. Il y a même des hommes mariés qui quittent leur femme, et se mettent dans un monastère. Les voilà moines, et jouissant du privilège de ne pouvoir pas être punis par le bras séculier. Le roi lui-même, lorsqu'ils sont coupables de quelque crime capital, se contente de les bannir dans une île déserte, où il exîle aussi ses mandarins et ses ministres d'état, quand il les disgracie.

Ces mêmes ecclésiastiques ont établi plusieurs fêtes annuelles qu'on célèbre toujours ; une, par exemple, au commencement de l'année ; une, lorsque le roi Ve faire des offrandes dans un temple de Napathat, en carosse tiré par des hommes : une autre quand ce prince Ve par eau faire ses dévotions dans un temple situé au-dessous de Siam ; et suivant l'opinion du petit peuple, pour couper les eaux, qui dans ce temps-là, sont dans leur plus grande hauteur, et leur commander de se retirer. On compte parmi les fêtes annuelles des Siamais, celles du lavement des éléphans qui se fait deux fois l'année, et ces deux jours-là, on lave la tête de ces animaux avec beaucoup de cérémonie. Les Siamais célebrent aussi le premier et le quinzième jour de chaque mois, qui sont les jours de la nouvelle et de la pleine lune.

Ils commencent leur année le premier jour de la lune de Novembre ou de Décembre, suivant de certaines règles. Leur époque commence à la mort de leur grand dieu Sammona-Khodum ; en sorte qu'en 1670, ils comptaient 2304 ans. Ils ont, comme les Chinois, un cycle de 60 ans, quoiqu'il n'y ait que douze de ces années-là qui aient des noms particuliers, et qui étant répétés cinq fois font le cycle entier.

Donnons pour les curieux le nom des 12 années siamaises en français ; l'année de la souris ; 2. l'année de la vache ; 3. l'année du tigre ; 4. l'année du lièvre ; 5. l'année du grand serpent ; 6. l'année du petit serpent ; 7. l'année du cheval ; 8. l'année du bélier ; 9. l'année du singe ; 10. l'année du poulet ; 11. l'année du chien ; 12. l'année du pourceau.

L'année est divisée chez ce peuple en douze mois, qui sont lunaires, de 29 et de 30 jours alternativement. Chaque troisième année ils ont treize mois, un de douze étant répété deux fais. Le premier mois a 29 jours ; le second 30 ; le troisième encore 29 ; et ils se suivent ainsi alternativement : de sorte que l'année entière est composée de 354 jours, et chaque troisième année de 384. A l'égard des jours du mois, ils en comptent quinze depuis la nouvelle lune jusqu'à la pleine lune, après quoi ils commencent à compter par un, et continuent jusqu'à la lune suivante. De-là vient que quelques-uns de leurs mois ont 30 jours, et d'autres 29. Leurs semaines sont composées de 7 jours. Le dimanche est comme nous dirions en français le jour du soleil ; le lundi, le jour de la lune ; le mardi, le jour du travail ; le mercredi, le jour de l'assemblée ; le jeudi, le jour de la main ; le vendredi, le jour du repos ; le samedi, le jour attractif ; parce qu'il attire une nouvelle semaine.

Les deux premiers de leurs mois, qui répondent à-peu-près à nos mois de Décembre et de Janvier, font tout leur hiver ; le troisième, quatrième et cinquième, leur petit été, et les sept ou huit autres leur grand été. Leur hiver est sec, et leur été pluvieux : sans cette merveille, la zone torride serait sans-doute inhabitable ; ainsi pendant l'hiver, le soleil étant au midi de la ligne, ou vers le pôle antarctique, les vents de nord règnent toujours, et tempèrent l'air jusqu'à le rafraichir sensiblement. Pendant l'été, lorsque le soleil est au nord de la ligne, et à plomb sur la tête des Siamais, les vents de midi qui soufflent toujours, y causent des pluies continuelles, ou du moins font que le temps y est toujours tourné à la pluie. C'est cette règle éternelle des vents qui fait que les vaisseaux ne peuvent presque arriver à la barre de Siam pendant les six mois des vents de nord, et qu'ils ne peuvent presqu'en sortir pendant les six mois de vents de midi.

Voici maintenant ce qui regarde la monnaie de ce royaume. Le tsiam, que les étrangers appellent catti, s'entend de l'argent, et pese deux livres et demie ou vingt thails, ou cinquante richsdalers, c'est-à-dire qu'il a deux fois la valeur d'un catti, comme il a cours à Batavia, et dans le Japon. On ne frappe point de thails dans ce royaume, mais il y vaut quatre maas, ou trente sols de Hollande. Chaque maas vaut deux fuangs ; chaque fuang vaut deux siampais ; un siampai vaut deux puininis ; un puinini contient un nombre incertain de cauris. Les cauris diffèrent beaucoup en valeur, car pour un fuang, on en peut acheter depuis 500 jusqu'à 800. On en apporte une grande quantité des îles Maldives. Toute la monnaie d'argent de Siam est faite des écus de Hollande, que l'on bat en Hollande exprès, et que la compagnie hollandaise des Indes orientales, y transporte sur le pied d'environ quatre florins l'écu.

Il me reste à parler des productions du royaume de Siam, de la vie des Siamais, de leurs mariages, de leurs tribunaux, de leurs rais, des grands et petits officiers de la couronne, etc. mais le détail que j'en ferai sera fort court.

Ce royaume est riche en mines, et la grande quantité d'idoles de fonte qu'on y voit, justifie qu'on a mieux su les exploiter anciennement qu'aujourd'hui. L'or dont la superstition a orné leurs idoles presque sans nombre, les lambris et les combles de leurs temples, prouvent aussi la richesse de ces mines. On en trouve aussi quelques-unes de fer, qu'on fait fondre et non forger. Aussi les Siamais n'ont que des ancres de bois pour leurs galeres, auxquelles ils attachent des pierres, pour les faire couler à fond. Ils n'ont ni épingles, ni aiguilles, ni clous, ni ciseaux, ni serrures, et n'emploient par conséquent pas un clou à bâtir leurs maisons, quoiqu'elles soient toutes de bois : leurs fermetures sont des cadenas qui leur viennent du Japon, dont les uns sont de fer, et fort bons, et les autres de cuivre très-mauvais.

Les Siamais ont des bois propres à construire des vaisseaux, parce que leurs arbres viennent si droits, si gros et si hauts, qu'un seul suffit à faire un bateau, ou ballon, comme disent les Portugais, de 10 à 15 taises de longueur ; ils creusent l'arbre, et en élargissent la capacité ; ils relèvent les côtés par un bordage d'une planche de même longueur, ensuite ils attachent aux deux bouts une proue et une poupe fort haute, un peu recourbée en-dehors, qu'ils ornent de sculpture et de dorure ; mais comme ils n'ont point de chanvre, leurs cordages sont d'une écorce verte qui est sur le cocotier, et leurs voiles sont de nattes de gros joncs.

Ils ont aussi du bois propre à bâtir des maisons, à la menuiserie et à la sculpture. Il y en a de légers, de fort pesans, d'aisés à fendre, et d'autre qui ne se fend point. On appelle ce dernier bois-marie en Europe, et c'est le meilleur de tous pour les coudes de navire ; celui qui est dur et pesant, se nomme bois de fer, et est assez connu dans les îles de l'Amérique.

On ne trouve presque aucun de nos arbres de l'Europe, ni de nos plantes dans le pays de Siam ; il n'y a point d'oignons, d'ails, de grosses raves, de persil, d'oseille, etc. Les roses n'y ont point d'odeur ; mais à la place de nos arbres, de nos plantes, et de nos fleurs, qui sont inconnues aux Siamais, ils en ont d'autres particulières que nous ne connaissons point. Tel est, par exemple, leur arbre topoo. C'est une espèce de figuier de la grandeur d'un hêtre, touffu, qui a l'écorce unie et grise, et les feuilles rondes, à longue pointe ; il porte un fruit rond, insipide, et qui n'est bon que pour les chauves-souris. Tous les Siamais regardent cet arbre comme sacré, et agréable aux dieux, parce que leur grand saint Sammana-Khodum prenait plaisir à s'asseoir dessous ; et c'est pour cela qu'ils aiment à le planter auprès des temples, lorsque le terroir et le climat le permettent.

Ils attribuent la même sainteté à un autre figuier, dont les branches se courbant vers la terre, y prennent racine, et forment de nouveaux troncs ; de sorte qu'il acquiert un fort grand contour. Ses feuilles ressemblent à celles du laurier-cerise, excepté qu'elles sont plus grandes, et il porte un fruit comme l'espèce de figuier dont nous venons de parler.

Un autre arbre fort extraordinaire, qu'on trouve dans le royaume de Siam, est l'arbre aux nids d'oiseaux. Il est de la grandeur d'un pommier ; son tronc et ses grosses branches touffues, sont pleines d'excraissances raboteuses, de différentes grosseurs et figures, et sont chargées de feuilles étroites. A l'extrémité des petites branches pendent plusieurs nids d'oiseaux, faits d'herbes séches, et de quelqu'autre matière, travaillés avec beaucoup d'art, et de la forme d'une bourse longue, qui Ve en s'étrécissant par le haut. L'ouverture des nids est tournée au nord-ouest, de sorte qu'ils sont à couvert du vent du midi et de la pluie. Kaempfer a compté plus de cinquante de ces nids sur un seul arbre, et n'en a jamais Ve sur aucun autre. Les oiseaux sont d'un brun jaunâtre, et ressemblent aux serins de Canarie, mais ils n'ont qu'un cri approchant de celui des moineaux.

Les terres du pays de Siam, sont purement argilleuses, à peine y trouve-t-on un caillou. Les lieux élevés sont arides et brulés du soleil ; l'inondation annuelle de la campagne, produit seule l'abondance de la récolte du riz. Les pâturages sont grossiers ; aussi n'y a-t-il dans le pays ni chevaux, ni mulets, et tout se réduit aux bœufs et aux éléphans. La chasse des derniers est permise, mais on n'y Ve que pour les prendre, et jamais pour les tuer. On voit toujours un éléphant de garde au palais du roi tout enharnaché et prêt à monter. A l'endroit où il est mis de garde, il y a un échaffaud qui est à plein pied de l'appartement du roi, afin que sans sortir le prince puisse monter tout-de-suite sur son éléphant.

L'eau pure est la boisson ordinaire des Siamais ; mais comme c'est de l'eau de rivière chargée de bourbe, on la met dans de grands vases pour la laisser reposer et filtrer pendant un certain espace de temps. Ils boivent aussi de deux liqueurs qu'ils appellent tari et neri. Le tari se tire par incision d'une espèce de cocotier sauvage ; le neri se tire de même de l'arequier, sorte d'arbre dont le fruit se nomme areque. Ils boivent encore des eaux-de-vie de riz, qu'ils éclaircissent avec de la chaux.

Leur dépense en habits, en logement et en ameublements n'est pas couteuse. D'abord ils ne s'habillent point : ils vont nuds pieds et nue tête, et s'entourent seulement les reins d'une pièce de toîle peinte qu'on appelle pagne. Leurs maisons les plus belles sont de bois, et à un seul étage. La plupart de leurs lits ne consistent qu'en une natte de jonc. Les tables sont sans pieds, sans nappes, ni serviettes, ni cueilleres, ni fourchettes, ni couteaux. Point d'autres sieges que des nattes de jonc. Leur vaisselle est de porcelaine grossière, ou d'argille. Le bois simple ou vernissé leur fournit tout le reste. Leur nourriture ordinaire est le riz et le poisson. La mer leur donne aussi de petites tortues et des écrevisses. Les sauterelles, les lézards, et la plupart des insectes, ne déplaisent point à leur gout. Leurs sausses sont faites avec un peu d'eau, de sel, de petites herbes, et un peu d'épices, que leur fournissent les Hollandais.

Les formalités de leurs mariages sont assez simples ; mais à cause de la chaleur du climat, on a coutume de marier les filles et les garçons fort jeunes, de sorte que les filles ont souvent des enfants à l'âge de douze ans. Les hommes peuvent avoir plusieurs femmes, dans le nombre desquelles il y en a toujours une qui est la principale de toutes. Le divorce y est commun ; en ce cas le mari rend à sa femme principale sa dot ; et ils partagent leurs enfants également, si leur nombre est pair ; s'il est impair, la femme en a un de plus que le mari. Pour les autres femmes et leurs enfants, le mari a la puissance de les vendre. Après le divorce, le père et la mère peuvent aussi vendre les enfants qui leur sont échus en partage.

Il y a des tribunaux de judicature pour juger tous les différents des particuliers ; mais il n'y a dans chaque tribunal qu'un seul officier qui ait voix délibérative ; tous les autres n'ont que voix consultative, selon l'usage de la Chine, et autres états voisins. Les gouverneurs des villes sont les chefs des tribunaux. Dans les procès délicats, on admet la preuve du feu, de l'eau, et des vomitifs. La peine du vol est la condamnation au double ou au triple ; mais on étend la peine du vol sur toute la possession injuste en matière réelle : de sorte que lorsqu'on est évincé d'un héritage par procès, on rend non-seulement l'héritage à la partie, mais on en paye encore le prix, moitié aux juges, moitié à la partie. Quand il peut y avoir peine de mort, la décision en est réservée au roi seul, qui quelquefois seulement accorde à des juges extraordinaires qu'il envoye dans les provinces, le pouvoir d'infliger une peine capitale.

Le roi est entièrement despote ; tout le peuple sans distinction lui appartient. La seule différence qu'il y a des esclaves du roi à ses sujets de condition libre, c'est que ceux-là sont toujours occupés à des travaux personnels, et sont nourris ; au-lieu que ceux-ci ne lui doivent de travail que six mois de l'année, et se nourrissent eux-mêmes. Généralement tout le peuple est une milice enrôlée ; mais comme ce prince n'emploie jamais tous ses sujets dans son armée, et que rarement il met une armée en campagne, il occupe à tel travail qu'il lui plait pendant six mois de l'année, ceux de ses sujets qu'il n'emploie pas à la guerre.

Les Siamais sont peut-être le peuple le moins porté et le plus inhabîle à l'art militaire. Si les Péguans, leurs voisins, entrent d'un côté sur leurs terres, ils entrent dans celles du Pégu, et les deux parties emmenent des villages entiers en captivité. De siéges, ils n'en ont jamais fait ; et quand ils prennent quelques places, c'est toujours par la faim ou par la trahison. Ils sont encore plus faibles sur mer que sur terre : à peine le roi a-t-il cinq ou six petits vaisseaux, qui ne peuvent servir que pour porter des marchandises. Ses galeres ne sont que de médiocres bâteaux à un pont, avec des rames fort courtes qui atteignent à peine à l'eau, et des ancres de bois.

Les finances du roi consistent en droit de douanne sur les marchandises qui arrivent dans ses états, et en un droit annuel sur toutes les terres labourables, et sur tous les fruits qui se recueillent ; il a outre cela des terres qu'il fait cultiver par ses sujets ; il a les amendes et confiscations ; enfin il gagne beaucoup dans le commerce qu'il fait seul et exclusivement sur la plupart des choses rares qu'on vend ensuite à son profit.

Les anciennes lois de Siam ordonnent qu'après la mort du roi, son frère succédera à la couronne ; et après la mort du frère, ou s'il n'y a point de frère, son fils ainé. Mais ces lois ont été si souvent violées, et la succession a été si fort dérangée, qu'à-présent lorsque le roi vient à mourir, celui de la famille royale qui est le plus puissant, s'empare de la couronne ; de sorte qu'il arrive rarement que le plus proche et véritable héritier monte sur le trône, ou soit en état de s'y maintenir.

Le roi de Siam a plusieurs grands officiers ; savoir 1. un officier qui a la direction des cours criminelles et des confiscations ; c'est une place de grande confiance. 2. Un grand chancelier, qui a la direction des affaires étrangères. 3. Un grand chambellan, qui a la surintendance des palais du roi. 4. Le premier juge. 5. Le receveur général des revenus de la couronne. 6. Un grand écuyer qui a l'inspection des éléphans et de leurs équipages. 7. Un grand maître de la maison, qui a sous son intendance tous les domestiques du roi, et les ballons de sa majesté.

Il y a plusieurs autres officiers de la cour d'un rang inférieur, comme le chef des malagans, celui des mores, le receveur des douannes, etc.

Les Siamais n'ont point de nom de famille héréditaire, ils reçoivent les noms qu'ils portent de leurs maîtres et de leurs supérieurs. Les premiers de l'état portent le nom de leurs charges ; mais nul officier n'a de gages ; il a seulement le logement, et quelquefois de petits présents du prince, comme quelques terres labourables, qui reviennent encore au roi avec l'office après le mort de l'officier. Ainsi le seul gain des offices consiste dans les concussions et les présents des particuliers, ce qui est si commun que les moindres officiers en font aux plus grands à titre de respect, mais en réalité pour en être protégés. Le ministère est orageux dans ce pays-là, tant par l'inconstance naturelle du prince, que parce que les voies sont ouvertes à tout le monde pour lui porter ses plaintes.

Un ambassadeur n'est dans ce royaume, comme dans tout l'Orient, qu'un messager des rois ; il ne représente point son maître ; il est arrêté à l'entrée du royaume, jusqu'à ce que le roi soit informé de son arrivée. On le conduit d'abord à l'audience, et il ne peut rester dans la capitale après l'audience de congé.

La fameuse ambassade de Siam en France dans le dernier siècle, nous a valu les relations de ce royaume, composées par le P. Tachard, par l'abbé de Chaisy, par MM. Delisle, Gervaise, de Chaumont, et de la Loubere ; mais outre que toutes ces relations se contredisent, elles n'ont pas le mérite de celle de Kaempfer, qui d'ailleurs est postérieure à tous les voyageurs que je viens de nommer. (D.J.)

SIAM, (Géographie moderne) capitale du royaume de Siam, et la résidence du roi. Cette capitale est appelée par les Siamais Meang-Syouthia, et par les Chinois Juehia et Judia. Long. suivant Cassini, Lieutaud, et Desplaces, 118. 21. 30 ; suivant le P. Noë, 118. 6. 30. Latit. suivant les uns et les autres, 14, 18.

Cette ville est renommée dans toutes les Indes, quoique très-moderne, n'ayant pas aujourd'hui plus de trois siècles d'antiquité. Elle était auparavant dans le lieu où est présentement Bankok, sur le bord occidental de la grande rivière Meuan ; mais on l'a démolie pour la rebâtir où elle est à-présent, dans une île basse formée par cette rivière. Cette île a la forme de la plante du pied, le talon tourné à l'ouest, et environ deux milles d'Allemagne de circuit. Elle est située dans un pays tout à fait plat, autant que la vue peut s'étendre, sur un terrain bas, coupé par plusieurs canaux qui viennent de la rivière, et qui forment tout autant de petites îles carrées ; de sorte qu'on ne saurait aller fort loin sans bateau. Elle est environnée d'une muraille de briques, qui doit être aujourd'hui tombée en ruine, si on ne l'a pas rétablie.

Plusieurs grands canaux qui viennent de la rivière, traversent la ville, et sont assez profonds pour porter les plus grands bateaux, et les faire aborder auprès des principales maisons. Les rues sont en droite ligne le long des canaux, mais la plupart sont fort étroites ; d'ailleurs elles sont toutes sales et malpropres, il y en a même qui sont inondées en haute marée. A considérer la grandeur de cette ville, elle est assez dépeuplée, surtout du côté de l'ouest et du sud, où l'on voit de grands espaces vides, et qui ne sont point cultivés.

Le roi a trois palais dans cette ville, dont le plus remarquable est dans le milieu de la ville même. Ce palais est un grand carré, divisé en plusieurs bâtiments qui, suivant l'architecture chinoise, sont ornés de plusieurs toits l'un sur l'autre, et de plusieurs frontispices, dont une partie est dorée. Dans l'enceinte du palais, aussi-bien qu'au dehors, il y a de longues écuries où l'on voit une centaine d'éléphans rangés de suite, et magnifiquement harnachés ; mais il n'y a qu'une seule ouverture pour entrer dans le palais ; et quoiqu'elle soit extrêmement sale, personne n'y passe qu'à pied : et pour éviter toute surprise, il est défendu à tous les bâtiments qui remontent la rivière, de s'approcher des murs du palais royal qu'à une certaine distance.

On voit aux portes et aux autres avenues de ce palais, une foule de gens nuds, dont la peau basanée est peinte de figures noires bigarrées, comme les images du saint-sépulchre à Jérusalem. Quelques-uns ne sont marqués ainsi qu'aux bras, mais les autres le sont par tout le corps, jusqu'à la ceinture, qu'ils couvrent d'un morceau de drap, suivant la coutume générale du pays. On leur donne le nom portugais de bracospintados, ou bras peints. Ce sont-là les gardes du roi, ses portiers et ses bateliers. Pour toutes armes, ils ont des bâtons gros et courts, et ne font que roder autour du palais comme des vagabonds.

Dans les autres parties de la ville il y a un quartier qui est destiné aux étrangers, où demeurent les Chinois, les Maures et les Indoustants : c'est un quartier très-peuplé, où il se fait un grand commerce, parce que tous les vaisseaux y abordent. Les maisons de ces étrangers sont en quelques endroits toutes bâties de pierre, mais elles sont fort petites, n'ayant que huit pas de longueur, quatre de largeur, et deux étages, quoiqu'elles n'aient pas plus de deux brasses et demie de hauteur. Elles sont couvertes de tuiles plates, et ont de grandes portes sans aucune proportion.

Le quartier des naturels du pays, est, comme on peut bien le penser, le plus grand de tous ; il est habité par quantité d'artisans, rempli de boutiques des deux côtés, et de grandes places pour les marchés, qui se tiennent tous les jours soir et matin. Les maisons des gens du commun qui y demeurent, ne sont que de misérables cabanes bâties de bambou, et couvertes de branches et de feuilles de palmier qui croissent dans les marais. Les boutiques sont basses et mal entendues, mais elles sont assez bien situées en lignes droites parallèles aux rues.

Les mandarins ou ministres d'état, et les courtisans, demeurent dans les quartiers voisins des palais du roi ; leurs maisons, quoique bâties de pierre et de chaux, sont assez chétives ; les appartements ne sont ni propres ni garnis, et les cours sont fort sales.

Les canaux de Siam ont donné lieu à un grand nombre de ponts, dont la plupart sont faits de bois, et peu solides. Ceux qu'on a bâtis sur le grand canal sont de pierre ou de brique, avec des balustrades de même ; mais comme il n'y a dans cette ville ni chariots ni charettes, tous les ponts sont fort étroits : les plus beaux ont 60 ou 80 pas de long, et sont fort hauts au milieu.

Comme tout le pays de Siam fourmille de prêtres et de moines, cette ville en particulier est pleine de temples, dont les cours aboutissent régulièrement au niveau des rues, et sont remplies de pyramides et de colonnes de différentes figures, et dorées. Ces temples ne sont pas si grands que nos églises, mais ils les surpassent en magnificence extérieure, comme par le grand nombre de leurs toits, par leurs frontispices dorés, leurs escaliers avancés, leurs pyramides, colonnes, piliers, et autres embellissements. Le dedans est orné de plusieurs statues de grandeur naturelle, ou même plus grandes, artistement faites d'un mélange de plâtre, de résine et de poil, auquel on donne d'abord un vernis noir, et que l'on dore ensuite. Elles sont placées en plusieurs rangs dans un lieu éminent, où est l'autel.

Dans quelques temples elles sont rangées le long des murailles, assises les jambes croisées, toutes nues, excepté au milieu du corps, où elles sont ceintes d'un morceau de drap jaune foncé ; elles ont aussi depuis l'épaule gauche jusqu'au nombril, une autre pièce de drap de la même couleur entortillée. Leurs oreilles sont fendues, et si longues, qu'elles descendent sur les épaules. Leurs cheveux sont frisés et noués sur la tête en deux nœuds, de sorte qu'on ne peut pas distinguer si c'est un bonnet ou quelqu'autre espèce d'ornement. La main droite est posée sur le genou droit, et la gauche sur le giron. A la place d'honneur, qui est le milieu, il y a une idole qui excède de beaucoup la grandeur d'un homme, assise dans la même posture sous un dais. Elle représente leur apôtre, ou le fondateur de leur religion, leur Sammona-Khodum.

Ce Khodum a des statues d'une grandeur monstrueuse dans quelques temples. Kaempfer a Ve une de ces idoles assise sur un lieu élevé, dont la proportion était telle qu'elle aurait étant droite, cent vingt pieds de long. Ces sortes d'idoles sont dans la même posture où Khodum et ses disciples se mettaient lorsqu'ils étaient dans leurs méditations religieuses. Les prêtres ses sectateurs, sont encore obligés par leurs règles de s'asseoir tous les jours en certain temps pour l'exercice de leur dévotion. Ils portent aussi le même habit ; ils vont la tête nue et rasée ; et pour se garantir du soleil, ils se couvrent le visage d'un éventail fait de bois et de feuilles de palmier.

Les maisons des moines sont près des temples, et elles sont assez chétives ; mais à un des côtés ils ont leur école publique. Cette école est une grande salle où l'on monte par quelques degrés : et au lieu de fenêtres il y a plusieurs petites lucarnes, pour donner de l'air aux étudiants pendant les leçons ; cette salle est divisée en plusieurs bancs. Au milieu est une estrade sur laquelle il y a un pupitre ouvragé et doré ; un vieux prêtre y vient à certaines heures lire d'une voix lente et distincte ses leçons aux jeunes étudiants. Lorsqu'il prononce certain mot, ses auditeurs mettent leurs mains sur leur front ; mais en général ils ne brillent pas par leur dévotion ; car pendant les leçons les uns coupent du pinang, d'autres le mettent en poudre ; d'autres mêlent du mercure avec du jus de quelques herbes, et d'autres s'amusent à autre chose.

Près du pupitre, ou dans un autre endroit de la salle, on voit l'idole d'Amida, se tenant debout sur la fleur tarate, faba aegyptia, ou nymphaea magna : ils croient qu'il intercede pour les âmes des morts. Autour de la salle pendent des fleurs et des couronnes de papier, des banderolles, et d'autres ornements dorés, attachés à des bâtons de bambou, qu'ils portent dans les convais funèbres. On remarque encore devant le pupitre une machine en forme de table, faite de bambou jointe grossièrement ensemble, et tendue de pièces de drap jaune, dont les prêtres se couvrent la ceinture. Cette table est ordinairement jonchée de fleurs, et quelquefois couverte de plats pleins de riz, de pinang, de pissang, de poisson sec, de limon, mangostangs, et autres fruits du pays, qui sont des offrandes et des présents qu'on fait aux moines du couvent.

Il y a plusieurs villages autour de Siam : dans quelques-uns les vaisseaux y servent de maisons, et contiennent chacun deux ou trois familles. Ils conduisent ces maisons flottantes dans tous les endroits où l'on tient des foires, pour y vendre leurs marchandises. Dans les villages situés en terre-ferme, les maisons sont communément bâties de bambous, de roseaux, et de planches. Quelques-unes de celles qui cotoyent la rivière, sont élevées sur des piliers de la hauteur d'une brasse, afin que les eaux qui inondent le pays pendant quelques mois, puissent passer librement dessous. Chaque maison a un degré ou une échelle, pour descendre à terre quand les eaux se sont retirées ; et un bateau pour aller aux environs lorsqu'elles sont hautes.

C'est sur les éminences que sont bâtis hors de la ville plusieurs temples, couvents, tous les cimetières où l'on enterre les morts, et les cours où l'on brule leurs os, et où l'on élève de magnifiques pyramides.

Entre ces pyramides élevées proche de Siam, il y en a une fameuse, à une lieue au nord-ouest de la ville. Elle est d'une structure massive, mais haute de plus de vingt brasses, et placée dans un carré fermé d'une muraille basse. Cet édifice a deux pièces posées l'une sur l'autre ; la pièce de dessous est carrée ; chaque côté a cent quinze pas de long, et s'élève jusqu'à la hauteur de plus de douze brasses. Il y a quatre étages bâtis l'un sur l'autre, et le plus haut s'étrécissant, laisse sur le sommet de celui qui est immédiatement dessous un espace vide pour marcher tout-au-tour ; chaque étage est embelli de corniches. La seconde pièce de la pyramide est posée sur la surface de la première qui est carrée ; chaque côté ayant trente-six pas de long. Le piédestal de cette seconde pièce est octangulaire, et monte ensuite en forme de clocher. Sur le haut il y a plusieurs colonnes qui soutiennent un tas de globes qui s'élèvent en pointe, c'est-à-dire, dont les diamètres diminuent à proportion de la hauteur ; le tout finit par une aiguille fort longue et fort déliée. (D.J.)

SIAM, maladie de, (Médecine) ce n'est point, comme on le pense communément, une maladie particulière qui ait un caractère propre, et qu'on n'observe qu'à Siam, dans les Indes, et dans les îles d'Amérique. Nous n'en trouvons la description dans aucun des auteurs qui ont voyagé dans ces contrées, ni dans les ouvrages des médecins qui ont traité de la médecine de ces peuples ; tels que Cleyer, Barchusen, Prosper Alpin, etc. Nous savons seulement par le témoignage de différentes personnes instruites qui ont resté longtemps au Cap et à la Martinique, qu'on y donne le nom de maladie de Siam, à certaines espèces de fiévres continues, ardentes, qui attaquent les nouveaux débarqués dans ces pays, et qui outre les symptômes ordinaires, sont accompagnées d'hémorrhagies plus ou moins abondantes par différentes parties du corps. Ces symptômes sont plus fréquents pendant les chaleurs brulantes de l'été que dans les autres saisons, et plus familiers à ceux qui sont d'un tempérament vif, bilieux, pléthorique. Du reste, il ne parait pas que ces fiévres qu'on appelle maladie de Siam, soient plus dangereuses que les autres ; ou si elles le sont, ce n'est que par accident, moins à cause des hémorrhagies qui sont excitées, qu'à cause de l'incommodité ou des autres mauvais effets de la chaleur excessive de la saison. Il n'est pas rare de voir en France des fiévres ardentes pendant les étés très-chauds, auxquelles on pourrait donner la même dénomination ; car on y aperçoit les mêmes symptômes ; rien n'est si ordinaire que d'observer pendant leur cours ou à la fin, des hémorrhagies abondantes, souvent critiques et salutaires.

On n'a dans les îles d'autre attention particulière pour la maladie de Siam, que d'insister un peu plus sur les saignées, sur les anti-phlogistiques, sur les ptisanes nitreuses, émulsionnées, sur les boissons acides ; en un mot, sur les rafraichissants, remèdes qui paraissent très-bien indiqués par le caractère de la maladie, l'état du malade et de la saison, et dont un succès soutenu constate l'efficacité. (m)