(Géographie moderne) ville d'Allemagne dans la Souabe, sur la gauche du Danube qu'on y passe sur un pont, à quinze lieues au couchant d'Augsbourg, vingt-six nord-est de Munich, et cent quinze ouest de Vienne. Elle est grande, bien peuplée, la première des villes impériales de Souabe, et la dépositaire des archives du cercle. Le Danube et le Blaw contribuent à son embellissement, à sa propreté, et surtout à son commerce, qui est très-considérable en étoffes, en toiles, en futaines, et surtout en quincaillerie. Long. 27. 45. latit. 48. 24.

Ulm a été ainsi nommée à cause de la grande quantité d'ormes qui l'environnaient ; ce n'était qu'un petit bourg du temps de Charlemagne, et ce prince en fit donation à l'abbaye de Reichnaw ; l'empereur Lothaire II. ruina ce bourg pendant la guerre qu'il soutint contre Conrard et Frédéric duc de Souabe, qui lui disputaient la couronne : ceux du pays le rebâtirent, l'agrandirent, et l'entourèrent de murailles vers l'an 1200. Ensuite Frédéric II. le gratifia de plusieurs privilèges, et Frédéric III. mit Ulm au rang des villes impériales. Son territoire est presque environné du duché de Wirtemberg, et le Danube l'arrose au midi oriental. La disposition de son gouvernement est la même qu'à Augsbourg, la religion luthérienne y règne depuis l'an 1531.

Freinshemius (Jean) naquit dans cette ville en 1608. Il se distingua par sa connaissance des langues mortes, et de presque toutes les langues vivantes de l'Europe. La reine Christine l'appela près d'elle, le fit son bibliothécaire et son historiographe ; mais la froideur du climat qui nuisait à sa santé, l'obligea de renoncer à tous ces honneurs ; il se retira à Heidelberg, où il mourut cinq ans après en 1660. On a de lui des suppléments de Tacite, de Quinte-Curce, et de Tite-Live, avec des notes sur plusieurs auteurs latins, auxquelles il a joint d'excellentes tables.

Si Freinshemius s'est distingué dans la connaissance de la langue latine et des langues vivantes, Widmanstadius (Jean-Albert), et Hutterus (Elie), tous deux natifs de Ulm, avaient déjà dans le seizième siècle consacré leurs jours à l'étude des langues orientales. Le premier acquit une gloire encore rare dans le monde chrétien, par son édition du nouveau Testament syriaque. Elle parut à Vienne en Autriche en 1555. in-4°. 2. vol. Impensis regiis. On en tira mille exemplaires, dont l'empereur garda cinq cent, et les autres passèrent en Orient.

On ne peut rien voir de plus beau (dit M. Simon, Histoire crit. des versions du nouveau Testament, c. xiv.), ni de mieux proportionné que les caractères de cette édition, qui imitent les manuscrits, en ce qu'on n'y a mis aucune partie des points voyelles qu'on ajoute ordinairement aux mots, pour les lire plus facilement. Les Orientaux négligent pour l'ordinaire le plus souvent dans leurs manuscrits, ces sortes de points, et ceux qui les y ajoutent, n'y mettent que les plus nécessaires. C'est ce que Widmanstadius a aussi observé dans son édition, et il a suivi les manuscrits en plusieurs autres choses, principalement dans une table des leçons que les églises syriennes récitent pendant toute l'année. On trouve de plus dans cette édition, le titre de chaque leçon, marqué dans le corps du livre en des caractères appelés estranguelo ; et le nombre des sections est indiqué à la marge. Comme ce nouveau Testament syriaque avait été imprimé à la sollicitation de quelques chrétiens du Levant, et qu'il devait même servir à leurs usages ; il eut été inutîle d'y joindre une interprétation latine.

Hutterus (Elie) doit être né vers l'an 1554, et mérite par ses ouvrages et par son savoir dans les langues orientales, d'être plus connu qu'il ne l'est. Son édition de la bible en hébreu, parut pour la première fois à Hambourg en 1587, et lui donna des peines infinies. Elle est intitulée, Via sancta, sive biblia sacra hebraea veteris Testamenti, eleganti et majusculâ caracterum formâ, quâ primo statim intuitu, litterae radicales et serviles, deficientes et quiescentes, è situ et colore discerni possunt. La même bible se trouve sans aucune différence avec la note des années 1588, 1595, et 1603, qui ne sont sans doute que de nouveaux titres mis à l'édition de 1587. A la fin de cette bible on trouve le pseaume 117, en trente langues différentes, pour servir d'essai de la polyglotte que l'auteur se proposait de publier.

Ce qu'il y a de singulier dans cette bible, et ce qui la distingue de toutes les autres, c'est qu'en faveur de ceux qui apprennent l'hébreu, les lettres radicales sont imprimées en caractères noirs et pleins, aulieu que les lettres serviles sont d'un caractère creux et blanc ; et les déficientes, ainsi que celles qu'on ne prononce pas (quiescentes), sont au-dessus de la ligne en plus petit caractère.

Quelques savants ont cru que cette méthode était fort utîle pour les jeunes gens qui apprennent l'hébreu ; mais d'autres personnes éclairées la trouvent plus nuisible qu'avantageuse, en ce qu'elle n'est d'aucun usage, attendu qu'on peut apprendre à lire l'hébreu en quelques jours de temps, sans un pareil secours. A l'égard de l'accentuation, en louant l'exactitude de Hutterus, on lui reproche d'avoir, surtout dans les endroits difficiles, consulté son génie plus que les exemplaires, et mis des choses qui ne sont appuyées d'aucune autorité.

Lorsque Hutterus eut achevé sa bible, il entreprit de donner diverses éditions polyglottes des livres de l'ancien et du nouveau Testament, en réunissant avec le texte original, toutes les versions orientales et occidentales : car il entendait presque toutes ces langues, et il exécuta en partie cette prodigieuse entreprise.

On a de lui deux bibles polyglottes, et diverses parties séparées de l'Ecriture-sainte, en diverses langues. La première de ses bibles est en quatre langues, et a paru à Hambourg, in-fol. cinq volum. en 1596. La seconde est en six langues ; M. Bayle ne distingue pas assez nettement cette seconde bible de la première ; comme aussi d'un autre côté dom Calmet ne parait pas avoir connu celle qui est en quatre langues.

La bible en six langues, Biblia hexaglotta quadruplica, parut à Nuremberg en 1599. Hutterus fut aidé par quelques collègues dans son entreprise ; cependant les polyglottes, ainsi que les autres ouvrages de ce genre, qu'il a mis au jour avec le secours de David Woderus, ne lui ont pas fait autant d'honneur qu'il en espérait. Les savants n'y ont pas trouvé assez de choix pour les versions, et même ils accusent Hutterus d'avoir corrigé trop hardiment le travail des autres. D'ailleurs les polyglottes de Paris et de Londres ont tellement effacé celles d'Allemagne, qu'elles ont trouvé peu d'acheteurs, et moins encore d'admirateurs et de panégyristes : aussi sont-elles extrêmement rares. Hutterus mourut à Nuremberg, peu de temps après l'an 1602. Les inquisiteurs ont trouvé ces ouvrages dignes d'avoir place dans leur catalogue des livres défendus ; mais il y a longtemps que leurs indices expurgatoires servent à illustrer la plupart des livres qu'ils condamnent. (D.J.)