(Géographie moderne) château d'Espagne, dans la Navarre, au pied des Pyrénées, à sept ou huit lieues de Pampelune. Je parle de ce château, parce que François et Jérôme Xavier, oncle et neveu, y prirent naissance.

Le premier surnommé l'apôtre des Indes y naquit en 1506, et se lia d'amitié à Paris avec Ignace de Loyola. Il se destina pour missionnaire dans les Indes orientales, et arriva à Goa en 1542, sous la protection de Jean III, roi de Portugal. Il mourut dans l'île de Sancian, à vingt-trois lieues des côtes de la Chine, en 1552, âgé de 46 ans. Grégoire XV. le canonisa en 1622, et soixante ans après le P. Bouhours écrivit sa vie sur les mémoires qu'on lui communiqua, et qu'il embellit à sa guise.

Il est certain que François Xavier n'était pas un homme du commun, ni un apôtre évangélique, car il prétendait " qu'on n'établirait jamais aucun christianisme de durée parmi les payens, à-moins que les auditeurs ne fussent à la portée d'un mousquet ". C'est le P. Navarette, traité 6. p. 436. col. 6, qui nous apprend cette façon de penser de son confrère, sur les moyens d'opérer la conversion des payens. Dezia el santo que mientras no estuvieran debaxo del mosquete, no avia de aver christiano de provecho. Le P. Tellez dans son histoire d'Ethiopie, l. IV. c. IIIe ne fait point de difficulté d'avouer la même chose : " ç'a toujours été, dit-il, le sentiment que nos religieux ont formé concernant la religion catholique, qu'elle ne pourrait être d'aucune durée en Ethiopie, à moins qu'elle ne fût appuyée par les armes ". Esto foy sempre o parecer que os nossos religiosos formaram d'aquellas cousas tocantes à la religiam catholica, a qual nam podia fer de dura em Ethiepia, sem ter autoritade di armas.

Jérôme Xavier servit son oncle dans les missions des Indes orientales où il passa en 1581, après être entré chez les jésuites en 1568. Il fut successivement recteur à Bazin et à Cochin, maître des novices, et supérieur de la maison professe de Goa. Il est mort dans cette ville en 1617, après avoir été nommé à l'archevêché d'Angamale, transporté alors à Cranganor.

Ses confrères disent des merveilles de sa mission auprès du grand mogol Akébar ; cependant malgré les distinctions que ce prince accorda à Jérôme Xavier, il continua de célébrer avec ses fils sa fête ordinaire en l'honneur du Soleil ; et quand il fut au lit de mort, il déclara au P. Xavier que loin d'être converti, il était comme engagé d'honneur à maintenir la secte qu'il avait jusqu'alors favorisée ; c'est le P. Catrou qui dans son histoire du Mogol, nous apprend cette particularité ; mais il y en a une autre qui a fait connaître le P. Jérôme Xavier en Europe, plus que ses conversions aux Indes ; ce sont deux ouvrages qu'il a composés, et que Louis de Dieu a fait imprimer à Leyde, en 1639, in-4°. L'un est l'histoire de Jesus-Christ, et l'autre celle de S. Pierre, en Persan. Louis de Dieu les traduisit en latin, et les mit au jour avec des remarques.

" L'ouvrage, en lui-même, dit M. la Croze, hist. du Christ. des Indes, p. 333, est un amas monstrueux de fictions et de fables grossières, ajoutées et souvent substituées aux paroles des saints évangélistes. Au reste, Jérôme Xavier n'est auteur de cette espèce d'alcoran, que pour ce qu'il y a de profane et de superstitieux. Il l'avait composé en portugais, et la version persane dont Alégambe et les autres jésuites lui font honneur, n'est nullement de lui. Elle a pour auteur un mahométan de Lahor dans les indes, nommé Abdel Senarim-Kasem ; comme Xavier lui-même l'avoue à la fin de son premier ouvrage, page 586 ".

M. Simon est du même sentiment, que cette histoire a d'abord été composée en portugais, et il en dit assez sur le fond du livre, pour faire voir ce qu'il en pense. " Il (Xavier) composa cette histoire, dit M. Simon, Histoire crit. des vers. du N. T. ch. XVIIe p. 206. à Agra où il était alors, à la sollicitation du grand-mogol. Il parait de plusieurs mots qui sont dans le persan, qu'il a été d'abord composé en langage portugais, d'où il a été ensuite mis en persan. Louis de Dieu s'est fort emporté contre cet ouvrage, à-cause des additions prises des livres apocryphes qu'on y a insérées. Et en effet, quoique ce protestant n'ait pas gardé assez de modération dans sa préface et dans ses notes, on ne peut nier qu'il n'eut été plus à-propos de traduire en persan le texte pur des évangiles, que de donner un mélange de ces évangiles et des pièces apocryphes, sous le titre de l'histoire de Jesus-Christ. Le P. Jérôme Xavier a aussi composé un ouvrage semblable, intitulé l'histoire de S. Pierre, qui n'est pas écrit avec plus d'exactitude que le premier ".

Pietro-Della Valle, de retour de ses voyages de Perse, examina la version latine de Louis de Dieu, et la trouva à peu de choses près fidèle, suivant le récit de Nicolas Antonio.

Il est vrai que le P. Pétau prétend que les deux pièces dont il s'agit ne sont point de Jérôme Xavier ; mais il a contre lui l'aveu d'Alégambe, de Nicolas Antonio et de M. Simon. On trouvera les deux pièces du P. Jérôme Xavier dans J. A. Fabricius, cod. apoc. N. T. t. I. p. 301. edit. 1719. On voit dans l'histoire de Jesus-Christ, composée par ce jésuite, entr'autres pièces supposées, deux lettres, l'une de Lentulus et l'autre de Pilate, toutes deux écrites à Tibere. Dans la première, l'auteur fait le portrait de Jesus-Christ, comme les peintres le représentent depuis longtemps dans leurs images, et racontent quelques-uns de ses miracles ; dans la seconde, il parle aussi des miracles de Jésus-Christ et de son ascension dans le ciel ; mais il n'y est fait aucune mention de sa mort, et moins encore de sa résurrection. (D.J.)