(Géographie moderne) ville de France en Anjou, dans le Saumurais, sur le bord méridional de la Loire, qu'on y traverse sur un pont de bois, et qui est un passage important, à 10 lieues au sud-est d'Angers, à 16 au sud-ouest de Tours, et à 66 de Paris. Long. suivant Cassini, 17d. 25'. lat. 47d. 15'. 12''.

Saumur était autrefois située sur la rivière de Vienne, qui se jetait dans la Loire, un peu au-dessus de Saint-Maur. M. de Valais ne donne à cette ville que cinq ou six cent ans d'antiquité ; mais Ménage a prétendu prouver par plusieurs témoignages, qu'elle existait déjà dès l'an 400, et que pour-lors elle ne consistait à la vérité que dans le château et dans la rue qui est au-dessus.

L'an 775, Pepin, père de Charlemagne, fonda à Saumur une église sous l'invocation de saint Jean-Baptiste, laquelle fut ensuite achevée par Pepin, roi d'Aquittaine, son petit-fils, qui y mit des prétendues reliques de saint Jean ; et c'est de cette ancienne église de Saumur, que Saumur est appelée dans quelques chartes Joannisvilla. L'ancien château de Saumur était nommé Truncus, le Tronc ; mais il n'était pas dans le lieu où est le château d'aujourd'hui.

Foulques de Nere, comte d'Anjou, se rendit maître de cette place en 1026, et l'unit au domaine d'Anjou dont elle fait encore une partie. Elle fut engagée en 1549, à François de Lorraine, duc de Guise, des mains duquel Charles IX. la retira en 1570, moyennant la somme de 64991 livres.

Il y a aujourd'hui à Saumur sénéchaussée, élection, prevôté, grenier à sel, maréchaussée, trois paroisses, quelques couvens, un collège dirigé par les pères de l'Oratoire, un gouverneur de la ville, et un lieutenant de roi du château, avec une garnison de cinquante hommes.

L'église de Notre-Dame des Ardillers, et celle de Notre-Dame de Nantillé, sont en grande réputation dans le pays. On voit dans la nef de cette dernière église un tombeau de pierre, sur lequel est couchée la figure d'une femme qui tient deux enfants entre ses bras ; c'est le tombeau de Thiephaine la Magine, nourrice de Marie d'Anjou, née en 1404, et de René, duc d'Anjou, roi de Sicile, qui naquit en 1408. Thiephaine mourut en 1458, et son épitaphe qui est fort plaisante, a éte gravée sur son tombeau.

Le château était déjà fort dans le dixième siècle, lorsque Gibaud, comte de Blais, y établit les moines de S. Florent, chassés de leur monastère. Du temps des guerres civiles, Henri IV. étant roi de Navarre, et venant au secours d'Henri III. opprimé par les ligueurs, voulut qu'on lui donnât pour sa sûreté Saumur et son château, où il établit pour gouverneur en chef Duplessis-Mornay ; cet homme célèbre fit fleurir le calvinisme à Saumur, et y forma une académie de toutes les sciences.

Cette ville n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était alors ; il y reste à peine cinq mille âmes ; cette grande diminution vient de la suppression des temples, du collège et de l'académie, qui y attirait beaucoup de religionnaires étrangers, la population et le commerce. Toutes les fabriques qu'ils y avaient fondées, n'existent plus ; les raffineries de salpêtre y sont tombées ; et le débit des vins, qui était autrefois fort grand, a cessé. Le marché de la ville est mediocre, à cause du droit que l'abbesse de Fontevrault y prend du vingtième boisseau de blé ; enfin les foires qu'on y tient sont misérables, parce qu'elles ne sont pas franches.

Si Saumur est aujourd'hui dans la décadence, c'est une raison de plus que j'ai de ne pas oublier les noms des personnes illustres dans les lettres, dont elle est la patrie.

Cappel (Louis), qui y est né, a fait paraitre dans tous ses ouvrages beaucoup de jugement, de littérature, de critique, et d'érudition. Il est un des premiers qui a démontré invinciblement la nouveauté du point voyelle du texte hébreu ; et il a eu raison d'intituler son ouvrage, arcanum punctuationis revelatum. Sa critica sacra, imprimée à Paris en 1650, fit aussi beaucoup de bruit. Sa chronologie sacrée, et sa description du temple de Salomon, ont été publiées dans les prolégomènes de la Polyglotte d'Angleterre. On a imprimé à Amsterdam en 1689, ses commentaires latins sur le vieux Testament : ce savant homme mourut dans sa patrie en 1658, âgé de 63 ans.

La célèbre Anne le Fèvre, fille de Tannegui le Fèvre, qui épousa M. Dacier, naquit à Saumur en 1651. Après avoir perdu son père, elle vint à Paris, et donna pour son premier ouvrage les œuvres de Callimaque, qui furent suivis d'une belle édition de Florus. Sa renommée s'étendit par toute l'Europe, et Christine, reine de Suède, lui en fit faire des compliments par le comte de Konigsmark.

Au commencement de l'année 1683, elle épousa M. Dacier, avec lequel elle avait été élevée dès sa première jeunesse, et tous deux se firent catholiques ; ce changement de religion valut à M. Dacier une pension de quinze cent livres, et à son épouse une de cinq cent. Se trouvant plus à leur aise, ils reprirent leurs travaux littéraires, et M. le duc de Montausier qui les protégeait de tout son crédit, engagea madame Dacier à travailler aux livres qu'on nomme Dauphins.

Elle mit au jour, 1°. Dictys cretensis et Dares phrygius, ad usum delphini, Paris 1684, in -4°. 2°. Sexti Aurelii Victoris, historia romana ad usum delphini ; 3°. Eutropii historia romana, ad usum delphini.

Cette savante dame, fort supérieure à son mari pour l'esprit, pour le gout, et par la manière d'écrire, a encore donné ; 1°. les poésies d'Anacréon et de Sapho, traduites du grec ; 2°. le Plutus et les Nuées d'Aristophane ; 3°. trois comédies de Plaute ; 4°. celles de Térence ; 5°. l'Iliade et l'Odyssée d'Homère. Ces deux derniers ouvrages lui font un honneur infini ; on ne pouvait lui reprocher que trop d'admiration pour les auteurs qu'elle avait traduits du grec. M. de la Motte ne l'attaqua qu'avec de l'esprit, et elle ne combattit qu'avec de l'érudition ; elle oublia même les égards qu'elle devait à un adversaire estimable, et la politesse qui sied si bien à toutes sortes de personnes, et principalement à une dame.

Elle fut plus honnête vis-à-vis des étrangers, qui admiraient comme elle les anciens, et qui venant à Paris, ne manquaient pas de lui rendre visite ; un d'eux suivant la coutume d'Allemagne, lui présenta son livre (album), en la priant d'y mettre son nom et une sentence. Elle vit dans ce livre les noms des plus savants hommes de l'Europe, et elle le rendit aussi-tôt en lui disant, qu'elle rougirait de mettre son nom parmi tant de noms célèbres ; enfin vaincue par les sollicitations de l'étranger, elle prit la plume et écrivit ces vers de Sophocle.