(Géographie moderne) c'est la plus considérable par sa grandeur et sa fertilité des îles de la Méditerranée, entre l'Afrique et l'Italie. Elle n'est séparée de l'Italie que par le petit détroit de Messine, qui n'a que trois milles de large ; au lieu que le plus court trajet de Sicîle en Afrique est de quatre-vingt milles. Sa longueur, prise de l'est à l'ouest, est d'environ 180 milles d'Italie, et sa largeur du midi au nord de 130, d'autant qu'elle commence au cap Passaro, sous la hauteur de 35-15, et finit à 37-30 de latitude.

Sa forme est triangulaire, dont chaque angle fait une pointe ou un cap. Celui qui regarde l'Italie a été nommé par les anciens Pelorus, et aujourd'hui capo del Faro. Celui qui regarde la Morée, Pachynum, aujourd'hui capo Passaro ; et celui qui regarde l'Afrique, Lylibœum, aujourd'hui capo di Dico.

La Sicîle est divisée en trois provinces qu'on nomme vallées, dont l'une s'appelle val di Demona, l'autre val di Noto, et la troisième val di Mazara. Le val de Demona contient les villes de Messine, Melazzo, Cefalu, Taormina qui sont maritimes, et quelques autres dans le pays. Le val de Noto a dans son enceinte les villes de Catania, Agosta, Syracusa, Noto, Lentini, Carlentini et autres. Le val de Mazara comprend les villes de Palerme, Mazara, Marsala, Trapano, Termini, Girgenti, Xaxa, Licate et autres.

Palerme, Messine et Catane sont les trois capitales du pays, chacune dans sa province. Les villes où il y a port de mer, sont Messine, Agosta-Syracusa, Trapani, Palerme et Melazzo ; le climat de cette grande l'île est chaud, mais l'air y est pur, le printemps y est continuel, et le terroir fertile. Le nombre des habitants de toute l'île montait, par le dénombrement qui en fut fait dans le dernier siècle, à plus de neuf cent mille âmes ; mais on sait que ce nombre a beaucoup diminué depuis.

Les principales rivières sont le Cantaro, l'Alabus ou Onabola des anciens, la Jarreta, anciennement Symaethus, selon quelques-uns : les rivières de Patti et d'Oliviero, le Termini, l'Armiraglio, le Drago, la Terra-Nova, l'Abisso, etc.

Le Monte-Gibello, anciennement Aetna, moins redoutable que le Vésuve, est cependant renommé pour sa hauteur, ses forêts, sa neige perpétuelle, et le feu qu'il jette souvent avec force cendres. Le tour de cette montagne est d'environ soixante milles. Du levant au midi ce sont des vignes, et du couchant au nord des bois pleins de bêtes sauvages. Le mont Trapani, anciennement Eryx, est près de Palerme. Les autres montagnes de l'île sont moins connues dans l'histoire ; mais toutes abondent en sources d'eau douce, et quelques-unes fournissent des bains d'eau chaudes, tiedes et soufrées.

Le terroir de la Sicîle est des meilleurs. Il produit abondamment du blé, du vin, de l'huile, du safran, du miel, de la cire, du coton et de la soie. La vallée de Noto est couverte de gras pâturages et de blés ; et celle de Démona est fertîle en bois et en arbres fruitiers. La mer fournit aussi beaucoup de poisson. Enfin la Sicîle est heureusement située pour le commerce et la navigation.

On peut voir, à l'article Sicilia qui doit suivre celui-ci, les premiers peuples qui ont passé dans cette île et qui y ont dominé, jusqu'à ce que les Romains s'en soient rendus les maîtres. Dans la décadence de leur empire, cette île fut dévastée par Genseric, roi des Vandales, qui la soumit. Le trop malheureux Bélisaire, général de Justinien, la reconquit sur eux en 535 ; mais elle redevint la proie des Sarrazins d'Afrique dans le ix. siècle. Ils y établirent des gouverneurs, qui se nommaient émirs, et qui se maintinrent à Palerme jusqu'à l'an 1074, qu'ils en furent chassés par les Normands, qui avaient pour chefs Robert Guiscard et Roger son fils. Ce dernier fonda en 1139 un nouveau royaume en Sicile, qui fut ensuite exposé à bien des révolutions, par l'avidité des princes qui y prétendaient en vertu de leurs alliances.

Roger, vainqueur des musulmants dans cette ile, et des chrétiens au royaume de Naples, baisa les pieds du pape Urbain II. son prisonnier, et obtint de lui l'investiture de sa conquête, et fit modérer la redevance à six cent squifates, monnaie qui vaut environ une pistole. Le pape consentit encore qu'il n'y eut jamais dans l'île de Sicile, ni légation, ni appelation au saint siege, que quand le roi le voudrait ainsi. C'est depuis ce temps-là que les rois de Sicile, seuls rois vassaux des papes, sont eux-mêmes d'autres papes dans cette ile.

Constance, fille de Roger, porta le royaume de Naples et de Sicîle dans la maison de Souabe, par son mariage avec l'empereur Henri VI. en 1186. Après la mort de Conrard leur petit-fils, Mainfroy son frère bâtard, fut reconnu pour son héritier ; mais Charles de France, comte d'Anjou et de Provence, s'étant fait investir du royaume de Naples et de Sicîle par le pape Clément IV. en 1265, tua Mainfroy l'année suivante, et fit couper la tête au fils de Contard en 1269. Pierre III. roi d'Aragon, qui avait épousé Constance fille de Mainfroy, fit égorger tous les François en 1282, le jour de pâques au premier coup de son de vêpres, d'où ce massacre a été appelé depuis les vêpres siciliennes.

Cette affreuse catastrophe envenima les fameuses querelles des deux maisons d'Anjou et d'Aragon, dont l'histoire est si remplie. La dernière eut l'avantage, se maintint en possession, et chassa les François qui n'ont pu depuis remettre le pied dans ces deux royaumes.

La Sicîle est restée sous la domination des Espagnols jusqu'à la paix d'Utrecht en 1713, que les alliés la donnèrent au duc de Savoie qui y fut couronné la même année. Les Espagnols qui avaient été forcés à cette cession, revinrent en Sicîle en 1719, et l'envahirent presqu'entièrement ; ils en furent cependant chassés par les Anglais. Le traité de Londres disposa de la Sicîle en faveur de l'empereur, qui céda en échange au duc de Savoie le royaume de Sardaigne, et promit les successions de Toscane, de Parme et de Plaisance à l'infant Don Carlos. Enfin la guerre de 1733, suivie du traité de 1736, a mis ce dernier prince en possession des royaumes de Naples et de Sicile, sous le titre de roi des deux Siciles, savoir de la Sicîle en deçà du Phare, et de la Sicîle au-delà du même Phare.

Il gouverne cette île par un vice-roi, comme cela s'est pratiqué depuis la guerre de Messine, qui donna lieu à la destruction des lois et des privilèges de toutes les villes. De-là vient que les peuples nombreux qui y étaient autrefois, se sont fondus. Le plus grand commerce est un revenu d'environ cent mille écus que produisent les permissions accordées à chaque particulier de manger du laitage et des œufs en carême. Le clergé séculier et monastique jouit du droit de franchise pour l'entrée de toutes sortes de marchandises et de denrées de leurs biens ; de là chaque famille a quelque ecclésiastique pour fils et pour proche parent, et ne paye rien : mais ce qu'il y a de plus singulier, c'est qu'un ecclésiastique qui n'est attaché par le sang à aucune famille, vend son droit de franchise à ceux des séculiers qui n'ont point d'ecclésiastique pour parent. Toutes les églises et les chapelles du royaume, qui sont en très-grand nombre dans chaque ville, et même à la campagne, jouissent d'un droit d'asîle en faveur de tous les scélérats qui s'y retirent. Presque toutes les charges de robe et d'épée se vendent, et l'on peut croire si d'ordinaire l'argent est préféré au mérite.

La ville de Palerme est la seule du royaume où l'on bat monnaie : encore y fabrique-t-on rarement des espèces d'or ou d'argent, faute de matière, qui sort toute du pays.

Abrégeons : la Sicîle n'a plus rien aujourd'hui de considérable que ses montagnes et son tribunal de l'inquisition, qui a des commissaires avec cour et officiers dans tous les coins du royaume. Ceux qui possèdent les charges et offices de l'inquisition, jouissent, ainsi que leurs maisons, des privilèges qui y sont attachés, ne reconnaissent point d'autre tribunal ; et la multitude de ces charges et offices remplies par la noblesse, les riches et les bourgeois est si grande, qu'il ne faudrait pas d'autre cause pour ruiner entièrement la monarchie de Sicile.

On sait que pour comble de maux, cette île éprouva en 1693 un affreux tremblement de terre, qui porta partout la désolation. Les villes de Catane, d'Agouste, de Syracuse, de Lentini, de Carlentini, de Modica, furent presque détruites : un grand nombre de bourgs et de villages essuya la même catastrophe, et l'on compta près de quinze mille personnes qui périrent dans ce bouleversement.

Tant de révolutions qu'a éprouvé la Sicile, rendent intéressante l'histoire et la description de cette île ; et c'est sur quoi les curieux peuvent consulter l'un ou l'autre des ouvrages suivants.

Burigni, histoire de Sicile, imprimée à la Haye en 1745, 2 vol. in -4°.

Fazelli, de rebus Siculis, Catanae, 1749, 2 vol. in-fol.

Description de la Sicile, publiée en Italien par le marquis de Villa - Blanca. Cet ouvrage a paru en 1760. (D.J.)

SICILE, MER DE, (Géographie moderne) la mer de Sicîle est la partie de la mer Ionienne, qui est au midi de le Calabre, et qui baigne la côte orientale du royaume de Sicile. (D.J.)

SICILE, tribunal de la monarchie de, (Histoire de Sicile) c'est ainsi qu'on nomme cette heureuse juridiction ecclésiastique et temporelle, indépendante de la cour de Rome, dont jouissent les rois de Sicile. Il faut indiquer l'origine de ce beau privilège.

Dès que le comte Roger eut enlevé cette île aux Mahométans et aux Grecs, et que l'église latine y fut établie, Urbain II. crut devoir y envoyer un légat pour y régler la hiérarchie : mais Roger refusa si fortement et si constamment de recevoir ce légat dans le pays de sa conquête, que le pape voulant ménager une famille de héros si nécessaire à l'entreprise des croisades, dont il était tout occupé, prit le parti d'accorder, la dernière année de sa vie, en 1098, une bulle au comte Roger, par laquelle il révoqua son légat, et créa ce prince et tous ses successeurs, légats nés du saint siege en Sicile, leur attribuant tous les droits et toute l'autorité de cette dignité qui était à la fois spirituelle et temporelle. Voilà ce fameux droit attaché à cette monarchie ; droit que depuis les papes ont voulu anéantir, et que les rois de Sicîle ont maintenu. Si cette prérogative, ajoute M. de Voltaire, est incompatible avec la hiérarchie chrétienne, il est évident qu'Urbain ne put la donner ; si c'est un objet de discipline que la religion ne réprouve pas, il est également certain que chaque royaume est maître de se l'attribuer. Ce privilège au fond, n'est que le droit de Constantin et de tous les empereurs, de présider à la police de leurs états ; cependant il n'y a eu dans toute l'Europe catholique, qu'un gentilhomme qui ait su se procurer cette prérogative aux portes de Rome même. (D.J.)