(Géographie moderne) ville d'Italie, au royaume de Naples, dans l'Abruzze ultérieure, au confluent du Tardino et de la Viciola, entre Ascoli et Civita-di-Pena, à 8 lieues d'Aquila. Cette ville est l'Interamna du pays des Praegutiens ; Ptolémée, liv. III. c. j. écrit Interamnia. Elle a présentement un évêché fondé l'an 500, et qui ne relève que du pape. Long. 31. 28. lat. 42. 37.

Palladino (Jacques) auteur ecclésiastique du quatorzième siècle, connu sous le nom d'Ancharano, et plus encore sous celui de Jacques de Téramo, parce qu'il naquit dans cette ville en 1349. Il devint évêque de Monopoli en 1391, archevêque de Tarente en 1400, archevêque de Florence en 1401, évêque et administrateur du duché de Spolete en 1410. Il fut envoyé en Pologne, en qualité de légat du saint siège en 1417, et il y mourut la même année. Le seul de ses ouvrages qui a eu cours, mais un cours incroyable, est une espèce de roman de piété, qu'on a traduit dans presque toutes les langues de l'Europe.

M. Dupin a eu tort de dire, que ce roman n'existait qu'en manuscrit dans les bibliothèques d'Angleterre ; il a été mis au jour plusieurs fais, et sous des titres différents. Voici ceux des premières éditions : 1°. Jacobi de Ancharano, processus Luciferi contrà Ihesum, coràm judice Salomone ; c'est une très-vieille édition, in-folio, sans aucune indication, ni date. 2°. Reverendi patris domini Jacobi de Theramo, consolatio peccatorum nuncupatum, et apud nonnullos Belial vocitatum, id est, processus Luciferi principis daemoniorum, quorum procurator Belial, contra Ihesum redemptorem, ac salvatorem nostrum, cujus procurator Moyses, de spolio animarum quae in lymbo erant, cùm descendit ad inferna.... coram judice Salomone ; c'est encore une très-ancienne édition, in fol., en assez beaux caractères, sans aucun nom de ville, et sans aucune date.

On a d'autres éditions du même ouvrage. 1. Une d'Augsbourg, chez Jean Schusser en 1472, in folio, 2. Une intitulée : Lis Christi et Belial, judicialiter coràm Salomone judice, Gondae, per Gerardum Leen en 1481 in-folio, en caractères gothiques. 3. Une sans nom de ville, ni d'imprimeur en 1482 in-folio. 4. Une en 1484 in-folio. 5. Une à Augsbourg, chez Jehan Schoènberger en 1487 in-folio. 6. Une à Strasbourg en 1488 in-folio. 7. Une à Vicence en 1506 in-folio. 8. Une à Hanoviae en 1611 in-8°. etc.

Palladino n'avait que trente-trois ans, lorsqu'il composa cet ouvrage, dont voici un court précis ; car j'imagine que peu de personnes en France connaissent ce livre singulier.

L'auteur après avoir dit en deux mots, que la chute de l'homme avait obligé J. C. à mourir pour la rédemption du genre humain, suppose que son âme descendit aux enfers immédiatement après sa mort, y entra triomphante, en délivra les âmes des bienheureux, enchaina Lucifer, et mit en fuite les démons. Ces démons s'étant rassemblés, élurent Bélial pour leur procureur, et l'envoyèrent demander justice à Dieu contre Jesus, comme contre un perturbateur et un usurpateur. Belial obtint de Dieu, Salomon pour juge. Jesus cité devant ce roi, et ne pouvant comparaitre en personne, prit Moïse pour son procureur. Moïse comparut, et Belial l'admit, se contentant de lui faire essuyer le reproche du meurtre de l'égyptien.

Moïse ayant proposé ses moyens, voulut faire ouir ses témoins ; et Salomon leur fit prêter serment sur le livre des Evangiles, de ne rien dire que de véritable : ce qui n'est pas moins plaisant que l'imagination de ces peintres ignorants, qui, dépeignant l'annonciation du Verbe, y mettaient bonnement la Vierge Marie à genoux devant un crucifix.

Excepté le seul Jean Baptiste, Belial recuse tous les autres témoins ; savoir Abraham, à cause de son concubinage public ; Isaac, à cause de son parjure ; Jacob, à cause de ses fraudes ; David, à cause de son meurtre et de son adultère ; Virgile, à cause qu'il s'était laissé suspendre d'une tour, et exposer à la risée du peuple par une femme ; Hippocrate, à cause du meurtre de son neveu ; et Aristote, à cause du vol des papiers de Platon.

Belial propose à son tour ses moyens ; mais après de longues contestations, selon la forme du barreau, et l'allégation de plusieurs passages tirés de la bible ; Belial est condamné par Salomon. Il en appelle à Dieu, qui lui donne pour souverain juge, Joseph le patriarche, devant qui la cause fut encore plaidée vivement. Belial fait proposer par David de mettre l'affaire en arbitrage, et les parties en conviennent. Ces arbitres, qui sont l'empereur Auguste et le prophète Jérémie, pour Belial ; Aristote et le prophète Isaïe, pour Moïse, prononcent enfin un arrêt, dont les deux parties s'attribuent l'avantage.

Jesus ayant reçu cet arrêt de la main de Moïse, s'en réjouit avec ses disciples, et leur donne ses instructions. Ensuite les ayant quittés pour monter au ciel, Dieu le père et le S. Esprit, accompagnés de millions d'anges, viennent au-devant de lui, et l'introduisent dans le séjour de la gloire éternelle ; bien-tôt après il envoie le S. Esprit à ses disciples, qui se répandirent par-tout l'univers, pour enseigner et endoctriner les différentes nations.

Il n'est pas nécessaire de dire que tout cela est aussi grossièrement traité, qu'on voit qu'il est imaginé ; c'est le fruit d'un siècle barbare. Les passages de l'Ecriture y sont cités d'une manière comique, et plus propre à faire rire, qu'à édifier. Belial y turlupine même quelquefois Moïse, comme quand il lui dit en se moquant de lui : loquere, domine, quia servus tuus audit, pag. 86 ; ou comme quand il se contente de réfuter les merveilles de l'histoire du Messie par ce trait ironique : Amice Moïses, confusus non sum, quia quae tu dicis verificabuntur, cùm Deus fiet homo, p. 131. Il lui fait aussi quelquefois des difficultés malignes, comme lorsqu'il lui dit, p. 114. Dic mihi, ô Moïses, quare imputatur judaeis mors Christi, postquam fuerant excoecati ab ipso Jesu, atque indurati corde ; et p. 116. hoc non ascendit in cor meum, quod Deus tradiderit in mortem filium suum pro homine servo. Haec abhorrent leges et natura, et omni audienti est incredibile. Et, quod pejus est, tu Deum esse passibilem asseris. Quelquefois l'auteur y fait dire des hétérodoxies à Moïse, comme lorsqu'il reconnait trois Dieux dans ce dernier verset du ps. 66. benedicat nos Deus, Deus noster, benedicat nos Deus ; ecce David nominat tres Deos, dit-il, en propres termes, p. 131. quelquefois, il lui fait dire, comme s'il avouait sa défaite : O ! Belial, valdè me pungis, et subtiliter me arguis, pag. 184.

De plus, on voit dans cette pièce Moïse ne se défendre qu'en se fâchant, et qu'en se répandant en injures ; au lieu que Belial se contente de dire paisiblement ses raisons, et recommande la douceur à Moïse. Et tunc, ait Moïses ad Belial ; ô Belial, dic mihi, nequissime. Ait Belial, Moïses, esto sapiens, et dic quod vis et coram judice non loquaris vituperose ; quia patienter audiam.

Ce défaut règne encore plus dans le procès de satan contre la Vierge, devant Jesus. La Vierge criaille, pleure, dit des invectives, et veut à peine laisser parler son adverse partie ; jusques-là, que son fils est obligé de lui imposer silence, et de lui dire avec quelque sorte de sévérité : O mater ! dimitte ipsum dicère, quia incivîle est, nisi eum totâ lege perspectâ aliquid judicare, vel respondere permiseris, pag. 30. satan au contraire, sait se modérer, et se défend avec beaucoup de tranquillité.

Si cette pièce avait été composée dans un siècle éclairé, on aurait raison de la regarder comme un artifice criminel de celui qui en serait l'auteur ; mais la barbarie et la grossiereté du temps dans lequel vivait Palladino, semble le mettre à couvert de ce soupçon. Quelques personnes même pensent qu'il ne composa cet ouvrage, que pour remettre devant les yeux des peuples de ce temps-là, l'Ecriture-sainte et la religion, dont ils n'avaient plus aucune idée, et pour leur en donner au-moins quelque teinture. En ce cas-là, sa malhabileté était encore plus grande que le ridicule de ses contemporains,

Qui sottement zélés en leur simplicité,

Jouaient les Saints, la Vierge et Dieu par piété.

Mais je croirais plutôt que l'unique but de Palladino, était d'exercer ses talents pour le barreau, sur quelque sujet intéressant et peu commun, et de se singulariser par une semblable entreprise ; en sorte que rien ne lui parut plus propre à y réussir, qu'une imagination aussi extraordinaire, que celle d'un procès entre le diable et J. C., ou entre satan et la Vierge Marie.

L'ouvrage dont nous parlons a été traduit, comme je l'ai dit, dans presque toutes les langues de l'Europe. Il y en a une version allemande, imprimée à Strasbourg en 1477. in-folio, avec des figures en bois ; à Augsbourg en 1479, en 1481 et en 1493. in-folio ; et de nouveau à Strasbourg en 1508. in-4 °. Le jurisconsulte Jacques Ayerer a revu cette ancienne traduction, en a changé le langage, et l'a publiée de nouveau à Francfort en 1600 in-folio. Cette édition a été renouvellée en 1656. in -4°. avec plusieurs commentaires.

La plus vieille traduction française est intitulée : Procès fait et démené entre Belial, procureur d'enfer, et Jhesus fils de la Vierge Marie, translaté de latin en commun langage, par vénérable et discrette personne frère Pierre Farget, de l'ordre des Augustins ; elle est imprimée sans indication de ville, ni d'imprimeur, mais probablement à Lyon en 1482. en caractères gothiques, et avec figures, in-folio. La seconde version est intitulée : la consolation des poures pécheurs, ou le procès de Belial à l'encontre de Jhesus ; cette version a été mise au jour à Lyon, par Jean Fabri en 1485. in-4 °. ; et réimprimée au même endroit et de la même forme, en 1490 et en 1512. Toutes ces éditions sont remplies de figures en bois, mal faites et fort grotesques.

On a du même livre une version flamande, mise au jour à Harlem en 1484 in-folio, et donnée plusieurs fois depuis ; savoir, à Anvers en 1512, en 1516, en 1551, en 1558 in-folio, et ailleurs.

L'index d'Espagne des livres prohibés, condamne une version espagnole du même livre, et l'index romain en condamne une italienne.

La traduction danoise est de l'an 1589.

Comme l'impression de toutes ces traductions ne s'est faite qu'avec approbation et permission, et que rien n'était autrefois plus en usage que leur lecture, il ne faut point douter qu'elles ne fussent encore aujourd'hui fort en vogue, si les lumières du christianisme n'en avaient fait sentir tout le ridicule. Je ne sai même, s'il n'entre pas beaucoup de politique dans l'interdiction de l'index romain ; les auteurs de cet index auraient honte de se trouver encore exposés aux justes reproches qu'ils ont essuyés si longtemps, d'autoriser des livres pleins de ridicule ; mais un ouvrage beaucoup plus condamnable, et approuvé singulièrement en Italie, c'est celui du jésuite français qui a travesti l'Ecriture-sainte en roman, sous le titre séducteur, d'histoire du peuple de Dieu, tirée des seuls livres saints. (D.J.)