(Géographie moderne) en latin Verona. Voyez ce mot.

On sait que Vérone est une ville d'Italie dans l'état de Venise, capitale du Véronèse, sur l'Adige, à 25 lieues à l'ouest de Venise, à 8 au nord-est de Mantoue, et à 16 au midi de Trente. Longit. 28. 30. latit. 45. 23.

Vérone est une des fortes places d'Italie ; ses murailles sont garnies de bastions, outre trois châteaux qui les défendent. Son évêché est suffragant d'Udine ; l'air de cette ville est très doux, et les vivres y sont à bon marché ; mais elle est dépeuplée, les maisons mal bâties, les rues étroites, et les habitants fort pauvres.

Cette ville cependant conserve encore quelques restes d'antiquité, théâtre, amphithéâtre, étuves, bains, aqueducs, colonnes, et arcs de triomphes, qui sont autant de monuments de son ancienne splendeur, et des ravages des Barbares.

L'amphithéâtre de Vérone est le plus entier de tous ceux qu'on connaisse en Europe ; on prétend qu'il a été bâti sous Auguste. Il est de forme ovale, de moyenne grandeur, et fait de pierres carrées ; on voit à la face du dehors plusieurs colonnes, quelques restes de statues, et autres pièces de marbre, dont les portiques étaient revêtus en ouvrage dorique, ionique, corinthien, le tout d'une hauteur excessive. On comptait dans cet amphithéâtre quatre rangées de portiques et de colonnes entremêlées de statues de nymphes. Dix-huit grandes portes y donnaient entrée, et il y avait quarante-deux rangs de degrés, où vingt-quatre mille personnes pouvaient demeurer assises, pour y voir les spectacles. Le mur extérieur est tout désolé ; il n'en reste que sept trémeaux ; Panvinus rapporte qu'il fut abattu par un tremblement de terre en 1583 ; mais on a un peu réparé les bancs, à mesure que le temps les a voulu détruire.

Il y en avait du temps de Misson quarante-quatre, et il ajoute qu'il a compté cinq cent trente pas dans le tour du plus élevé, et deux cent cinquante au plus bas. Antoine Desgodetz architecte, a écrit que le diamètre de l'arène sur la longueur, est de deux cent trente-trois pieds, mesure de France ; que l'autre diamètre sur la largeur est de cent trente-six pieds huit pouces : que l'épaisseur du bâtiment, sans le corridor extérieur, est de cent pieds quatre pouces ; et qu'avec chaque épaisseur du mur et du corridor aux deux bouts de l'amphithéâtre, il est de cent-vingt pieds dix pouces ; de sorte que la longueur du tout est de quatre cent soixante et quatorze pieds, huit pouces. Chaque degré a près d'un pied et demi de haut, et à-peu-près vingt-six pouces de large ; l'élévation du tout, est de quatre-vingt-treize pieds, sept pouces et demi.

On voit encore à Vérone les vestiges d'un arc de triomphe, érigé en l'honneur de Marius, après la victoire qu'il remporta dans le territoire de cette ville. C'est en cet endroit, selon la commune opinion, que passait la voie Emilienne qui conduisait d'Arimini à Vérone, et à Aquilée. Il y reste un arc de marbre qui fut autrefois consacré à Jupiter, et tout proche, sont les débris d'un temple ; mais les curieux de tout ce qui concerne cette ville, trouveront de quoi se satisfaire dans l'histoire de Vérone par Muratori, Venise, 1732, in-fol. et in-8°. en 4 vol. avec figures, ainsi que dans la chronica della citta di Verona, descritta de Pietro Zagusta, in Verona, 1745, in-4°. 2. vol.

Cette ville se glorifie d'avoir produit sous l'ancienne Rome, Pline le naturaliste, Vitruve, Catulle, et Cornelius Nepos, dont j'ai parlé sous le mot Verona ; elle n'a pas été stérîle en savants depuis le retour des Belles-Lettres. J'en vais nommer quelques-uns dont elle est la patrie ; Bianchini, Bossus, Fracastor, Guarini, Panvini, Noris, Scaliger, et Paul Emile.

Bianchini (Français) physicien et mathématicien, naquit dans cette ville en 1662, et mourut en 1729, à 67 ans. On a de lui une édition d'Anastase le bibliothécaire, et quelques dissertations de Physique.

Bossus (Matthieu) mérite un rang parmi les hommes illustres en vertu et en savoir, du XVe siècle. Il naquit à Vérone l'an 1427, et mourut à Padoue en 1502, à 75 ans ; il composa plusieurs livres de morale et de piété, entre autres celui de immoderato mulierum cultu, imprimé à Strasbourg, en 1509, in-4°. mais on répondit à son ouvrage, et les dames trouvèrent un apologiste qui plaida leur cause avec autant d'esprit que de savoir. Les femmes aimeront toujours d'être parées ; S. Jérome appelle le beau sexe philocosmon, le sexe amateur de la parure ; et il ajoute qu'il savait beaucoup de femmes de la plus grande vertu qui se paraient pour leur seule satisfaction, sans avoir dessein de plaire à aucun homme. " L'affection des femmes, dit-il à Démétrias, est fort imparfaite ; car lorsque vous étiez dans le siècle, vous aimiez les choses du siècle ; comme de blanchir votre visage, de relever votre teint avec du vermillon, de friser vos cheveux, et d'orner votre tête de cheveux étrangers. L'objet de la passion et de la folie des dames de qualité, continue-t-il, est de rechercher la richesse des diamants, la blancheur des perles pêchées au fond de la mer rouge, le beau verd des émeraudes, et l'éclat des rubis ". Nos saints Jéromes disent que c'est toujours la même chose, et nous avons Ve dans quelque autre article, que ce goût naturel au sexe est fort excusable.

Fracastor (Jérome) poète et médecin du XVIe siècle, mourut d'apoplexie en 1553, à 71 ans ; sa patrie lui fit élever une statue en 1559. Ses ouvrages ont été imprimés à Padoue en 1735, 2. vol. in-4°. mais son poème intitulé Syphilis, méritait seul cet honneur.

Fratta (Jean) poète italien véronais, du XVIe siècle. On a de lui des églogues médiocres, et un poème héroïque, intitulé la Maltéïde, auquel le Tasse donnait son suffrage ; mais la postérité ne l'a point confirmé.

Guarini, natif de Vérone, a été l'un des premiers qui ont rétabli les Belles Lettres dans l'Italie au XVe siècle. Il mourut à Ferrare en 1460 ; sa traduction d'une partie de Strabon, était bonne pour le temps ; mais son nom a été encore plus illustré par son petit-fils, auteur du Pastor Fido, poème pastoral, qu'Aubert le Mire a mis plaisamment au nombre des livres de piété, croyant que c'était un traité théologique des devoirs des pasteurs.

Panvini (Onuphre) religieux de l'ordre de saint Augustin, dans le XVIe siècle, était savant littérateur, comme il parait par ses ouvrages sur les fastes consulaires, les fêtes et les triomphes des Romains ; mais il n'osait avouer qu'il ignorait quelque chose, par sa présomption d'avoir des lumières dont les autres manquaient. Il inventait des inscriptions et des monuments dont il se servait à autoriser ses sentiments, ou ses rêveries. Cette fraude découverte, a décrié ses ouvrages, qui auraient été estimables, s'il eut eu moins d'imagination, et surtout s'il eut eu de la bonne foi ; il est mort en 1578, âgé d'environ 40 ans.

Noris (Henri) l'un des savants hommes du XVIIe siècle, s'éleva par son mérite au cardinalat. Il dut cette dignité à Innocent XII. qui l'employa en 1702 à la réformation du calendrier. Il mourut à Rome en 1704, à 73 ans ; toutes ses œuvres ont été recueillies, et imprimées à Vérone en 1729, en 5 vol. in-fol. On estime beaucoup son traité sur les époques des Syro-Macédoniens, ainsi que son histoire pélagienne, dont il donna la quatrième édition en 1702. Quand ce dernier ouvrage parut pour la première fais, il fut déféré au tribunal de l'inquisition, qui heureusement était tout dévoué à l'auteur ; en sorte que ce livre non-seulement sortit de l'examen sans flétrissure, mais le pape Clément X. honora Noris du titre de qualificateur du saint office. Ses ennemis revinrent à la charge en 1692, et attaquèrent encore son histoire pélagienne, mais sans succès ; tous les témoignages des examinateurs lui furent si favorables, que sa sainteté pour marquer à l'auteur son estime particulière, le nomma consulteur de l'inquisition, membre de toutes les congrégations, et bibliothécaire du Vatican.

Scaliger (Jules-César) critique, poète, médecin, philosophe, et l'un des plus habiles hommes du XVIe siècle, naquit en 1484, au château de Ripa, dans le territoire de Vérone. Il se disait descendu des princes de l'Escale souverains de Vérone, et qui s'y rendirent formidables par leurs conquêtes ; mais la gloire de la naissance de Scaliger lui fut contestée, et les lettres de naturalité qu'il obtint en France, sont entièrement contraires à sa prétention, Ve qu'il n'y est qualifié que médecin natif de Vérone : on trouvera ces lettres dans le dictionnaire de Bayle, au mot VERONE.

Scaliger est mort à Agen le 21 Octobre 1558, à 75 ans ; son traité de l'art poétique, son livre des causes de la langue latine, et ses exercitations contre Cardan, sont ses trois ouvrages les plus estimés. On remarque en général dans tous les écrits de cet auteur beaucoup de génie, de critique, et d'érudition, mais aussi beaucoup de vanité et d'esprit satyrique. Son fils Scaliger (Joseph-Juste) marcha sur ses traces, le surpassa même en érudition, mais non pas en génie.

Emilio (Paolo) en latin Aemilius Paulus, (nom que nous avons francisé en celui de Paul Emile,) était un savant de Vérone, dont la réputation se répandit au-delà des monts. Le cardinal de Bourbon l'attira dans ce royaume sous le règne de Louis XII. et lui fit donner un canonicat de la cathédrale de Paris, où il fut enterré l'an 1529. On l'engagea à faire en latin l'histoire des rois de France, et il s'appliqua à ce travail avec un grand soin : il y employa bien des années, sans avoir pu mettre la dernière main au dixième livre qui devait comprendre les commencements du règne de Charles VIII. C'était un homme difficîle sur son travail, et qui trouvait toujours quelque chose à corriger.

Son histoire s'étend depuis Pharamond jusqu'à l'an 1488, qui est le cinquième du règne de Charles VIII. Le dixième livre fut trouvé parmi ses papiers en assez mauvais état ; un parent de l'auteur se donna le soin de l'arranger, et de le mettre en ordre.

Les éditions de cet ouvrage sont en assez grand nombre ; la première contenait neuf livres, et parut avant l'année 1539 ; la seconde en 1539 ; elle fut suivie par celles de 1544, de 1550, de 1555, de 1566, de 1576, toutes chez le même Vascosan. On en fit aussi une édition à Bâle en 1601 in-fol. il y en a plusieurs versions françaises ; les unes sont completes, et les autres incompletes.

Juste Lipse porte de l'histoire de Paul Emîle un jugement fort avantageux, quoique mêlé de quelques traits de censure. On ne peut nier que cette histoire ne soit généralement parlant bien écrite ; et l'auteur n'avait alors en France aucun rival dans la belle latinité ; mais ses harangues sont controuvées à plaisir, et déplacées dans plusieurs endroits, où il fait parler des barbares doctement et éloquemment, comme auraient parlé les anciens Romains. On peut encore lui reprocher d'être trop diffus sur les matières étrangères, et trop serré sur son principal sujet. (D.J.)