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Catégorie : Géographie moderne
(Géographie moderne) en latin Corsinianum, ville d'Italie, en Toscane dans le Siennais, sur les confins de l'état de l'Eglise, entre Monte-Pulciano et San-Quirino. Long. 29. 20. lat. 43. 6.

C'est la patrie d'Enée Sylvius, en latin Aeneas Sylvius, qui reçut le jour en 1405. Dès qu'il fut parvenu à la papauté, il prit le nom de Pie II. et pour illustrer le lieu de sa naissance, qui s'appelait auparavant Corsignii, il l'érigea en ville épiscopale suffragante de Sienne ; il la fit nommer Pienza, de son nom de Pie.

Enée Sylvius était de l'illustre famille des Piccolomini. Sa mère enceinte de lui, songea qu'elle était accouchée d'un enfant mitré ; et comme c'était alors la coutume de dégrader les clercs en leur mettant une mitre de papier sur la tête, elle crut que son fils serait la honte de la famille ; mais la suite justifia le contraire. Cependant les père et mère d'Enée Sylvius étaient si pauvres, qu'il fallut que leur fils, au sortir de l'école, commençât à gagner son pain par des bas emplois de la vie rustique. Pour son bonheur, quelques parents lui trouvant beaucoup d'esprit, se cottisèrent, et l'envoyèrent étudier à Sienne, où il fit bien-tôt de grands progrès dans la poésie, les belles-lettres, la rhétorique et le droit civil.

En 1431, il alla au concîle de Basle avec le cardinal de Capranica, en qualité de son secrétaire. Il se distingua tellement dans cette assemblée, qu'il devint secrétaire du concîle même, dont il soutint les intérêts avec beaucoup de chaleur contre les papes, tant par ses discours que par ses écrits. Il présida souvent parmi les collateurs des bénéfices, et sa dextérité dans les affaires le fit employer en diverses ambassades, à Trente, à Constance, à Francfort, en Savoie et à Strasbourg.

En 1439, il entra au service du pape Felix V. qui le députa à la cour de l'empereur Frédéric ; ce prince fut si content de lui, qu'il l'honora de la couronne poétique, le fit son secrétaire et son conseiller. L'empereur ayant insensiblement épousé les intérêts du pape Eugène, Enée Sylvius suivit son exemple, et fut envoyé vers ce pape, duquel il eut une audience favorable, et tant d'accueils de confiance, qu'il le nomma son légat apostolique en Allemagne.

Après la mort d'Eugène, les cardinaux le choisirent pour être protecteur du conclave jusqu'à l'élection d'un nouveau pape. Nicolas V. le fit évêque de Trieste, quatre ans après archevêque de Sienne, et légat en Bohême et en Autriche. Vers l'an 1458 Calixte III. le nomma cardinal, à la sollicitation de l'empereur ; et après la mort de ce pape arrivée en 1458, Enée lui succéda sous le nom de Pie II.

On conçut de grandes espérances de son pontificat, tant à cause de son savoir, qu'en vertu de ses promesses qu'il prendrait des mesures pour la réformation de l'Eglise ; mais il trompa sur ce point l'attente de la chrétienté ; car il rétracta par une bulle tout ce qu'il avait écrit en faveur du concîle de Basle, et justifia combien sa condition présente avait changé ses sentiments : " Faites plus de cas, dit-il, dans sa bulle adressée à l'université de Cologne, d'un souverain pontife, que d'un particulier : recusez Enée Sylvius, et recevez Pie II. "

Il se conduisit en même-temps avec beaucoup de vigueur, et chassa plusieurs tyrants de l'état ecclésiastique. Il confirma le royaume de Naples à Ferdinand, et le fit couronner par le cardinal Ursin. Il excommunia Sigismond duc d'Autriche, pour avoir emprisonné le cardinal de Cusa ; et interdit Sigismond Malatesta parce qu'il refusait de payer les redevances à l'Eglise. Il priva l'archevêque de Mayence de sa place ; fit un traité avec le roi d'Hongrie, et cita Podiebrad roi de Bohême, à comparaitre devant lui. Il prit soin en même temps d'embellir Rome de magnifiques édifices, et fit voler son nom jusqu'en orient, d'où il reçut des ambassadeurs de la part des patriarches d'Antioche, d'Alexandrie et de Jérusalem. Il envoya de son côté une ambassade à Louis XI roi de France pour l'engager à abolir la pragmatique sanction, à quoi ce prince consentit avec plaisir.

Enfin Pie II. fit de grands préparatifs pour porter la guerre contre les Turcs ; il réclama fortement le secours des princes chrétiens ; et ayant rassemblé une armée considérable de croisés, il se rendit à Ancône pour s'y embarquer, et conduire lui-même cette armée contre les Infidèles. Mais étant prêt du départ, il fut attaqué d'une violente fièvre continue, et mourut le 14 d'Aout 1494, dans sa cinquante-neuvième année. Quand il sentit sa fin approcher, il demanda les derniers sacrements ; mais on se trouva d'avis différents sur ce point : comme il avait déjà reçu l'Extrème-Onction à Basle, lorsqu'il y fut attaqué de la peste, Laurent Roverella évêque de Ferrare, qui passait pour un habîle théologien, soutint qu'il ne pouvait pas recevoir ce sacrement une seconde fois ; cependant comme le pape ne voulut pas se rendre à cet avis, il se fit donner l'Extrème-Onction et l'Eucharistie, et decéda peu de temps après, ayant occupé le siege de Rome environ sept ans.

Sponde dit qu'il ne cédait à personne en éloquence et en dextérité ; et qu'il aimait si passionnément à écrire, que même dans ses attaques de goutte il ne pouvait guère s'en abstenir. Platine rapporte qu'il répétait assez souvent que s'il y avait quelques bonnes raisons d'interdire le mariage aux prêtres, il y en avait de beaucoup meilleures pour le leur permettre. On dit aussi qu'il avait enfin connu l'inutilité des grands mouvements qu'il se donnait pour la guerre contre les Turcs ; mais que comme il craignait les railleries du public, son dessein était de se rendre seulement à Brindes, d'y passer l'hiver, de retourner ensuite à Rome, et de rejeter la faute du mauvais succès de cette croisade sur les princes qui n'avaient pas voulu le seconder vigoureusement. Quoi qu'il en sait, sa mort prévint tous les embarras dans lesquels il s'était jeté.

Jean Gobelin, son sécretaire, a publié une histoire de sa vie, que l'on soupçonne avec raison avoir été composée par ce pape lui-même. Elle a été imprimée à Rome, in-4°. en 1584, et 1589, et à Francfort, in-fol. en 1614. Nous avons plusieurs éditions des œuvres d'Enée Sylvius. La première a paru à Basle, in-fol. en 1551, et la dernière beaucoup préférable, a été faite à Helmstad en 1700, in-fol. avec la vie de l'auteur au commencement.

Il avait écrit avant que d'être élevé au pontificat deux livres de mémoires de ce qui s'est passé au concîle de Basle, Commentarium de gestis concilii Basiliensis, lib. II. Ces mémoires intéressants, parce qu'ils renferment des négociations et des faits, ont eté imprimés dans le Fasciculus rerum expetundarum de Grotius, à Colog. en 1535, et ensuite à Basle en 1577, in-8°.

Enée Sylvius a fait encore d'autres ouvrages dont on trouvera le détail que nous n'insérerons point ici, dans le supplément à l'histoire littéraire du docteur Cave, par M. Henri Wharton. Ce savant a oublié l'histoire de Frédéric III. Historia rerum Frederici imperatoris, d'Enée Sylvius ; elle a paru à Strasbourg par les soins de Kulpisius en 1685, in-fol. Mais en lisant cet ouvrage il faut se rappeler que l'auteur était redevable de sa fortune à Frédéric dans le temps qu'il y travaillait, outre qu'il lui a été constamment attaché jusqu'à la mort. Il a aussi traduit d'italien en latin un traité de la fin tragique des amours de Guiscard et de Sigismonde, fille de Tancrede, prince de Salerne. Cette histoire fausse ou véritable a été parfaitement bien tournée par Dryden dans ses fables en anglais.

Le recueil des lettres du pape Pie II. au nombre de 432, a été imprimé à Nuremberg en 1481, à Louvain en 1483, à Lyon en 1495, et ailleurs. Entre plusieurs lettres qui roulent sur des questions de théologie et de discipline ecclésiastique, on en voit quelques-unes dont les titres sont amusans. Par exemple, la cviij. Songe sur la fortune ; la cxiij. Louanges de la Poésie ; la clxvj. La misere des Courtisans. J'oubliais la cxiv. Histoire des amours d'Euriale et de Lucrèce. Mais la plus curieuse de toutes, est assurément la lettre XVe du liv. I. à son père, au sujet d'un fils qu'il eut d'une anglaise à Strasbourg, dans le temps d'une de ses ambassades dans cette ville, et apparemment après qu'il eut été couronné poète par l'empereur Frédéric en 1439. Voici la traduction de cette lettre.

" Le poète Enée Sylvius à Sylvius son père. Vous me marquez, que vous ne savez si vous devez vous réjouir, ou vous affliger, de ce que Dieu m'a donné un fils. Pour moi, je n'y trouve que des sujets de joie, et aucun de tristesse ; car quel plus grand plaisir y a-t-il dans la vie, que de procréer un autre soi-même, de perpétuer sa famille et de laisser, à sa mort, un enfant qui nous survive ? Quoi de plus agréable que de se voir des petits-fils ? Je rends grâce à Dieu de ce que mon enfant est un garçon, parce que ce petit drôle pourra vous divertir, vous et ma mère, et vous donner en mon absence, des consolations et des secours. Si ma naissance vous a causé quelque joie, celle de cet enfant ne vous fera-t-elle pas plaisir ? C'est mon image dans ses traits. Ne serez-vous pas charmé de le voir vous obéir, vous embrasser, et vous faire de petites caresses ?

Vous êtes affligé, me dites-vous, de ce que cet enfant est le fruit d'un commerce illégitime. Je ne puis concevoir, Monsieur, quelle opinion vous avez prise de moi. Il est certain que vous, qui êtes de chair et d'os, ne m'avez pas fait d'un tempérament insensible. Vous savez bien en conscience quel galant vous étiez ? Pour moi je ne me trouve ni eunuque, ni impuissant. Je ne suis pas non plus assez hypocrite pour vouloir paraitre homme de bien sans l'être réellement. Je confesse ma faute, parce que je ne suis ni plus saint que David, ni plus sage que Salomon ; mais ce genre de faute est aussi commun que d'ancienne date. C'est un mal fort général, si c'est un mal de faire usage des facultés naturelles, et s'il est juste de blâmer un penchant que la nature, qui ne fait rien sans dessein, a mis dans toutes les créatures pour pourvoir à la conservation des espèces.

Vous répondrez sans doute que ce penchant est seulement légitime lorsqu'il est renfermé dans de certaines bornes, et que l'on ne doit jamais s'y livrer qu'en vertu des nœuds du mariage. J'en conviens ; et cependant on ne laisse pas de pécher fréquemment dans l'état même du mariage. Il y a une certaine règle pour manger, boire et parler ; mais où est l'homme qui l'observe ? où est le juste qui ne tombe sept fois le jour ? J'espère donc ma grâce de la miséricorde de Dieu, qui sait que nous sommes sujets à bien des chutes. L'Etre suprême ne me fermera pas la source du pardon qui est ouverte à tous. Mais en voilà assez sur cet article.

Puisque vous me demandez ensuite quelles raisons j'ai de croire que cet enfant est à moi, je vais vous le dire, en vous mettant au fait de mes amours ; car il est bon que vous soyez assuré que cet aimable fils n'est pas d'un autre père. Il n'y a pas encore deux ans que j'étais ambassadeur à Strasbourg : pendant le séjour que j'y fis, et dans le temps que je me trouvais désœuvré, il vint loger dans l'hôtel une jeune dame anglaise. Elle possédait parfaitement la langue italienne. Elle m'adressa la parole en dialecte toscan pour quelque chose dont elle avait besoin ; ce qui me fit d'autant plus de plaisir, que rien n'est plus rare dans ce pays-là que d'entendre parler notre langue à quelqu'un. Je fus d'ailleurs enchanté de l'esprit, de la figure, des grâces et du caractère de cette belle femme ; et je me rappelai que Cléopatre avait gagné le cœur d'Antoine et de Jules-César par les charmes de sa conversation. Je me dis à moi-même : qui me blâmera de faire ce que les grands hommes n'ont pas trouvé au-dessous d'eux ; Je songeais tantôt à l'exemple de Moïse, tantôt à celui d'Aristote, tantôt à celui de S. Augustin et autres grands personnages du Christianisme. En un mot, la passion l'emporta : je devins fou de cette charmante anglaise. Je lui déclarai mon amour dans les termes les plus tendres ; mais elle résista toujours à toutes mes sollicitations, semblable à un roc contre lequel les flots de la mer viennent se briser.

Elle avait une petite fille de cinq ans, qui était fortement recommandée à notre hôte par Milinthe, père de l'enfant ; et elle craignait que si cet hôte s'apercevait de notre intrigue, il ne la mit avec cette jeune fille hors de sa maison. Enfin, la nuit avant son départ, n'ayant encore rien obtenu de ses bonnes grâces, et ne voulant pas perdre ma proie, je la priai de ne point fermer cette seule nuit sa porte en-dedans, ayant des choses importantes à lui communiquer. Elle me refusa cette demande, et ne me laissa pas l'ombre d'espérance. J'insistai ; elle persista dans son refus, et s'alla coucher. Au milieu du désordre de mes réflexions, je me rappelai l'histoire du florentin Zima, et je m'imaginai qu'elle pourrait peut-être faire comme sa maîtresse. Je pris donc le parti de tenter l'aventure. Quand tout fut tranquille dans la maison, je montai dans la chambre de ma belle maîtresse, que je trouvai fermée, mais par bonheur sans verrouil. Je l'ouvris, j'entrai ; j'obtins l'accomplissement de mes vœux, et c'est de-là que vient mon fils.

Du milieu de Février jusqu'au milieu de Novembre, il y a précisément le nombre de mois qu'on compte depuis le temps de la conception jusqu'à l'accouchement. C'est ce que la mère, qu'on nomme Elisabeth, femme riche, incapable de mentir, et de chercher à m'en imposer, me dit elle-même à Basle, et c'est ce dont elle m'assure encore aujourd'hui en toute vérité, sans aucun intérêt, sans m'avoir jamais demandé de l'argent, et sans espoir d'en tirer actuellement de moi. Je n'ai point obtenu ses faveurs par des présents, mais par la persevérance de mon amour. Enfin puisque pour ma conviction, toutes les circonstances du temps et des lieux jointes au caractère de cette dame, se réunissent ensemble, je ne doute point que l'enfant ne soit à moi. Je vous supplie aussi de le regarder surement comme tel, de le recevoir dans votre maison, et de le bien élever jusqu'à ce que je puisse le prendre sous ma conduite, et le rendre digne de vous ".

L'histoire ne nous apprend point ce que ce fils est devenu ; mais s'il a vécu jusqu'à la mort de Pie II. l'on ne doit pas douter que ce père qui l'aimait avec tendresse, et qui se félicitait si hautement de sa naissance, ne l'ait comblé de biens, d'honneurs et de dignités ecclésiastiques. (D.J.)




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