ou TARACONA, (Géographie moderne) ville d'Espagne, au royaume d'Aragon, sur les confins de la vieille Castille, au bord de la rivière nommée Chilés, à 50 lieues de Madrid, et à 66 de Tolede, dont son évêque est suffragant. Elle a trois paroisses, divers couvens, et un hôpital bien renté.

Tarazona est fort ancienne ; on la nomma d'abord Tyria-Ausonia. Auguste en fit une ville municipale ; les Maures y demeurèrent jusqu'en 1120, qu'Alfonse, roi d'Aragon et de Castille, la leur enleva, et y établit un siege épiscopal. Son diocèse étend sa juridiction en Castille et en Navarre, et vaut, diton, à son évêque quinze mille ducats de rente. On tint dans cette ville un concîle l'an 1229, et les états y ont été quelquefois convoqués. Le terrain abonde en blé, vin, huile, fruits, légumes, bétail, gibier, volaille. Long. 16. 7. latit. 41. 52.

Cano, en latin Canus (Melchior), religieux dominicain, et l'un des plus savants théologiens espagnols du XVIe siècle, naquit à Tarazona, et se rendit si habîle dans les langues, la philosophie et la théologie. Il enseigna cette dernière science avec beaucoup d'éclat dans l'université de Salamanque. Il assista, comme théologien, au concîle de Trente, sous Paul III. et fut ensuite fait évêque des Canaries en 1552. Comme il voulait s'attacher à la cour, il ne garda pas long - temps son évêché. Philippe II. le considéra beaucoup. Il fut provincial de Castille, et mourut à Tolede en 1560.

Nous avons de lui plusieurs ouvrages, entr'autres, son traité latin intitulé, locorum theologicorum libri duodecim, et qui ne parut qu'après sa mort ; il est écrit avec élégance, mais il a le défaut de contenir de longues digressions et des questions étrangères au sujet. L'auteur s'y montre néanmoins un homme d'esprit très-versé dans les belles-lettres et dans la connaissance de l'histoire ecclésiastique moderne, je n'en veux pour preuve que le passage suivant.

" Je le dis avec douleur, et non dans le dessein d'insulter personne (c'est Canus qui parle), Laèrce a écrit avec plus de circonspection les vies des philosophes, que les Chrétiens n'ont écrit celles des saints ; Suetone est plus impartial et plus vrai dans l'histoire des empereurs, que ne le sont les écrivains catholiques, je ne dirai pas dans celles des princes, mais dans celles des martyrs, des vierges et des confesseurs, d'autant que Laèrce et Suetone ne cachent ni les défauts réels des philosophes et des empereurs les plus estimés, ni même ceux qu'on leur a attribués ; mais la plupart de nos écrivains sont ou si passionnés, ou si peu sincères, qu'ils ne donnent que du dégoût ; outre que je suis persuadé que bien loin d'avoir fait du bien à l'église, ils lui ont au contraire fait beaucoup de tort... De plus il est incontestable que ceux qui écrivent l'histoire ecclésiastique, en y mêlant des faussetés ou des déguisements, ne peuvent être des gens droits et sincères, et que leurs ouvrages ne sont composés que dans quelques vues d'intérêt, ce qui est une lâcheté, ou pour en imposer aux autres, ce qui est pernicieux. " (D.J.)