(Géographie moderne) en italien Vicenza, en latin Vicetia, Vicentia, Vicenta, Vicentia civitas ; ville d'Italie dans l'état de Venise, capitale du Vicentin, sur le Bacciglione. Elle est située dans un terroir des plus fertiles, à 18 milles au nord-ouest de Padoue, à 30 au nord-est de Vérone, à 40 à l'est de Bresse, et à égale distance de Feltri.

Cette ville a 4 milles de circuit. On y compte 57 églises, dont 14 sont paroissiales, 17 desservies par des religieux, et 12 qui appartiennent à des monastères de filles. Elle est arrosée des rivières Bacciglione et Rerone, outre quelques ruisseaux qui apportent de grandes commodités aux habitants, pour faire tourner des moulins à papier, apprêter la soie, exprimer l'huîle d'olive, et pour conduire les bateaux en différents endroits de la ville qui a doubles murailles.

Les plus remarquables des sept places de Vicence, sont celles des environs du palais public et du dôme. La maison-de-ville est un bel édifice par la hardiesse de l'architecture. La tour de son horloge est surprenante par sa hauteur. Les lieux de plaisance des environs de cette ville sont agréables par leur situation entre de petits vallons, où tout croit en abondance, et surtout la vigne qui porte le vin le plus estimé de tout l'état. Le couvent du mont Béric a une église qui dans sa petitesse passe pour une des plus riches d'Italie. Long. de Vicence 29. 10. lat. 45. 30.

Cette ville est une des plus anciennes de l'Europe, car il y avait plus de 200 ans qu'elle avait été bâtie quand les gaulois sénonais l'agrandirent. Les Romains lui donnèrent le droit de bourgeoisie romaine, de cité et de république, et elle s'est vue sous la protection de Brutus et de Cicéron. Elle perdit beaucoup de son lustre dans la décadence de l'empire, et elle a souffert depuis un grand nombre de révolutions. Les Lombards s'en rendirent les maîtres, et ensuite elle eut pendant quelque temps ses ducs et ses comtes. L'empereur Barberousse la réduisit à l'esclavage ; mais elle eut le bonheur de secouer le joug, de se joindre à Milan, et de conclure la ligue fameuse des villes de Lombardie. Fréderic II. désola cette ville, qui se vit obligée de se jeter entre les bras des Vénitiens. Maximilien la leur enleva en 1509, et 7 ans après elle fut rendue à la république qui l'a toujours possédée depuis.

Cette ville a produit trois hommes célèbres, chacun dans leur genre ; Pacius, Palladino et Trissino.

Pacius (Jules), chevalier de S. Marc, philosophe et jurisconsulte, naquit à Vicence en 1550, et gouta de bonne heure les opinions des Protestants, en lisant leurs ouvrages par curiosité. On lui fit un crime de cette lecture, et on le menaça de la prison ; il en prit l'épouvante, se rendit en Allemagne, et de-là en Hongrie, où il enseigna le droit pour subsister. Pacius vint ensuite en France, et il y professa à Sédan, à Nismes, à Montpellier (où il eut pour disciple M. de Peiresc), à Aix, et à Valence. On lui offrit des chaires de droit à Leyde, à Pise et à Padoue. Il préféra cette dernière ville, mais par l'inconstance de son humeur il revint à Valence, où il mourut en 1635, à 85 ans. Le P. Niceron a fait son article dans les Mém. des homm. illust. tom. XXXIX. pag. 272. Pacius a publié divers ouvrages de droit qui sont estimés. Ses traductions de quelques œuvres d'Aristote, ne le sont pas moins. On met au nombre de ses principaux ouvrages : 1°. Methodicorum ad Justinianeum codicem libri tres, et de contractibus libri sex. Lyon 1606. in-fol. 2°. Synopsis, seu oeconomia juris utriusque. Lyon 1616 in fol. et Strasbourg 1620 in fol. 3°. Corpus juris civilis. Genève 1580 in fol. 4°. De dominio maris Adriatici. Lyon 1619. in-8°.

Palladio (André), natif de Vicence, célèbre et savant architecte du XVe siècle, étudia les monuments antiques de Rome, et déterra par son génie, les véritables règles d'un art qui avaient été corrompues par la barbarie des Goths. Il nous a laissé un excellent traité d'architecture, divisé en 4 livres, qu'il mit au jour en 1570. Roland Friart l'a traduit en français. Palladio embellit Venise et Vicence de plusieurs beaux édifices, et mourut l'an 1580. Il avait eu pour maître le Trissino dont nous allons parler, et qui réunissait plus d'un talent.

Trissino (Jean-Georges), naquit à Vicence d'une famille noble et ancienne, l'an 1478. Il cultiva les belles-lettres, la poésie, les mathématiques, et l'architecture, dont il apprit les éléments à Palladio, qui devint dans la suite un si grand maître en ce genre.

Trissino dans son séjour à Rome, composa sa tragédie de Sophonisbe, que Léon X. fit représenter avec beaucoup de pompe, d'autant que c'était la première tragédie en langue italienne. Elle fut imprimée en 1524 in-4°. Son poème épique, sous le titre de L'Italia liberata da gotti, parut en 1547. J'ai parlé de cet ouvrage au mot POËME épique.

Le Trissin avait d'autres talents que celui de poète ; il était propre à traiter de grandes affaires, et il se conduisit avec beaucoup d'adresse et de bonheur dans les négociations que lui confièrent Léon X. Clément VII. Maximilien et Charles Quint ; mais lorsqu'il revint à Vicence, il trouva sa famille remplie de troubles et de divisions. Un fils qu'il avait eu de son premier mariage, s'était emparé du bien de sa mère, et de la maison de son père, par une sentence des procurateurs de S. Marc. Trissino vivement affligé de l'ingratitude de ce fils, et de l'injustice de la république, se bannit de son pays, et fit à son départ les vers touchants que voici.

Quaeramus terras alio sub cardine mundi,

Quando mihi eripitur fraude paterna domus ;

Et fovet hanc fraudem Venetum sententia dura,

Quae nati in patrem comprobat insidias ;

Quae natum voluit confectum aetate parentem,

Atque aegrum antiquis pellere limitibus.

Chara domus valeas, dulcesque valete penates ;

Nam miser ignotos cogor adire lares.

Il ne survécut pas longtemps à ses chagrins, étant mort à Rome l'année suivante 1550, âgé de 72 ans. L'édition de toutes les œuvres du Trissin, a été donnée par le marquis Maffei, à Vérone en 1729, en 2 vol. in-fol. (D.J.)