(Géographie moderne) ville d'Espagne, dans la nouvelle Castille, sur le bord septentrional du Tage, à 20 lieues au sud-ouest de Madrid. Cette ville fut prise sur les maures l'an 949 par Ramire II. Il s'y est tenu un synode l'an 1498 ; les archevêques de Tolede en jouissent, et y ont un vicaire général ; cependant cette ville est gouvernée par un juge de police, et douze recteurs perpétuels. Elle est grande, fortifiée, contient 7 paroisses et plusieurs couvens. Long. 13. 27. lat. 39. 45.

Mariana (Jean), célèbre jésuite, et l'un des plus habiles hommes de son siècle, naquit à Talavera en 1537, et mourut à Tolede en 1624, à 87 ans. Son traité du changement des monnaies, lui fit des affaires à la cour d'Espagne, car il y découvrit si bien la déprédation des finances, en montrant les voleries qui se commettaient dans la fabrique des espèces, que le duc de Lermes qui se reconnut là visiblement, ne put retenir sa colere. Il ne lui fut pas mal aisé de chagriner l'auteur, parce que Philippe III. était censuré dans cet ouvrage comme un prince aisif qui se reposait du soin de son royaume sur la conduite de ses ministres. Mariana sortit de prison au bout d'un an ; mais il ne s'était pas trompé en annonçant que les abus qu'il représentait, plongeraient l'Espagne dans de grands désordres.

On aurait eu bien plus de raison de l'inquiéter au sujet d'un autre livre, que l'Espagne et l'Italie laissèrent passer sans blâme, et qui fut brulé à Paris par arrêt du parlement, à cause de la pernicieuse doctrine qu'il contenait. Ce livre a pour titre, de rege et regis institutione, et parut à Tolede l'an 1598 avec privilège du roi, et avec les approbations ordinaires. C'est un ouvrage capable d'exposer les trônes à de fréquentes révolutions, et la vie des princes au couteau des assassins, parce que l'auteur affecte de relever le courage intrépide de Jacques Clément, sans ajouter un mot qui tende à le rendre odieux au lecteur. Ce livre valut aux jésuites de France mille sanglans reproches, et des insultes très-mortifiantes.

Un autre traité de Mariana a fait bien du bruit, c'est celui où il remarque les défauts du gouvernement de sa compagnie ; mais ses confrères ne demeurent pas d'accord qu'il soit l'auteur de cet ouvrage, intitulé del governo de la compañia de Jesus. Il se trouve tout entier en espagnol et en français, dans le second tome du mercure jésuitique, imprimé à Genève en 1630. Il a aussi paru à Bordeaux en espagnol, en français, en italien et en latin ; l'édition est de 1625, in-8°.

Les scholies du P. Mariana sur l'Ecriture, ont mérité l'approbation de M. Simon, et l'on ne peut disconvenir qu'il n'y règne beaucoup de jugement et de savoir. Il choisit d'ordinaire le meilleur sens, et il n'est point ennuyeux dans les différentes interprétations qu'il rapporte.

Son histoire d'Espagne en XXX livres, est son ouvrage le plus important, et le plus généralement estimé dans la république des lettres. Il nous serait facîle d'en indiquer les différentes éditions, les traductions, les continuations, les critiques et les apologies. Mais pour en abréger le détail nous nous contenterons de remarquer,

1°. Que l'édition latine la plus ample, est celle de la Haye, en 1733, in-fol. 4. vol. cependant on aurait pu rendre cette édition encore plus belle et plus complete , en y ajoutant le summarium de Mariana, qui l'aurait conduite jusqu'en 1621, les tables chronologiques des souverains des divers états de l'Espagne, l'explication des mots difficiles qui se trouvaient dans les anciennes éditions, et surtout les additions et corrections de l'édition espagnole de 1608, soit dans le texte entre des crochets, soit à la marge par des renvois.

2°. Que les traductions espagnoles sont de l'auteur même, qui nous apprend qu'entre les raisons qui le déterminèrent à ce nouveau travail, la principale fut l'ignorance où les Espagnols étaient alors de la langue latine. Mariana mit au jour son ouvrage dans cette langue, à Tolede, en 1601, in-fol. 2. vol. et l'enrichit de quantité de corrections et d'augmentations, qui rendent la traduction préférable à l'original latin. Cette traduction fut réimprimée à Madrid en 1608, 1617, 1623, 1635, 1650, 1670, 1678. Cette dernière est la meilleure de toutes, ou quelqu'autre postérieure, bien entendu qu'elle ait été faite exactement sur celle de 1608, à laquelle l'auteur donnait la préférence, en quoi il a été suivi par les savants de son pays ; mais cette édition de 1608, ne Ve que jusqu'en 1516 ; au-lieu que celle de 1678, continuée par dom Felix de Luzio Espinoza, Ve jusqu'en 1678.

3°. Qu'il y en a deux traductions françaises, l'une par Jean Rou, non encore imprimée ; et l'autre par le père Joseph-Nicolas Charenton, jésuite. Cette dernière, tout à fait semblable au manuscrit de la première, a été très-bien reçue du public, et a paru à Paris en 1725, in-4°. en cinq gros vol.

4°. Que la traduction anglaise faite sur l'espagnole, par le capitaine Stevens, et publiée à Londres, en 1699, in-fol. 2 vol. est beaucoup plus complete que la traduction française, parce qu'elle renferme les deux continuations de Ferdinand Camargo, et de F. Basil de Soto, jusqu'en 1669.

5°. Enfin, nous remarquerons que pour faire à l'avenir une bonne édition de l'histoire de Mariana, dans toutes les langues dont nous venons de parler, il conviendrait de suivre le plan de la traduction anglaise, y joindre Miniana, et Luzio Espinoza, avec les critiques de Pedro Mantuano, et de Cohon-Truel, ou Ribeyro de Macedo, etc. suivie de l'apologie de Tramaio de Vargas ; et mettre à la tête du tout, la vie de Mariana, composée par ce dernier auteur. (D.J.)