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Catégorie parente: Histoire
Catégorie : Géographie moderne
(Géographie moderne) ville de France, regardée comme capitale du Béarn, avec un parlement, une chambre des comptes, et une cour des aides, unies au parlement, une sénéchaussée, un hôtel des monnaies. Elle est sur une hauteur, au pied de laquelle passe le Gave Béarnais, à 10 lieues O. de Tarbes, 12 S. d'Aire, 39 S. de Bordeaux, 167. S. O. de Paris. Long. suivant Cassini, 17d. 22'. 30''. lat. 43d. 15'.

Henri IV. naquit à Pau, le 13 Décembre 1553, dans le château qui est au bout de la ville. " La France n'a point eu de meilleur ni de plus grand roi ; il unit aux sentiments les plus élevés une simplicité de mœurs charmante, et à un courage de soldat, un fond d'humanité inépuisable. Il rencontra ce qui forme et ce qui déclare les grands hommes, des obstacles à vaincre, des périls à essuyer, et surtout des adversaires dignes de lui. Enfin, comme l'a dit un de nos grands poètes, il fut de ses sujets le vainqueur et le père ".

Il ne faut pas lire la vie de ce monarque dans le P. Daniel qui ne dit rien de tout le bien qu'il fit à la patrie ; mais pour l'exemple des rais, et pour la consolation des peuples, il importe de lire ce qui concerne les temps de ce bon prince, dans la grande histoire de Mézerai, dans Péréfixe, et dans les mémoires de Sully. Le précis que M. de Voltaire en a fait dans son histoire générale, est aussi trop intéressant pour n'en pas transcrire quelques particularités.

Henri IV. dès son enfance, fut nourri dans les troubles et dans les malheurs. Il se trouva à 14 ans à la bataille de Moncontour ; rappelé à Paris, il n'épousa la sœur de Charles IX. que pour voir ses amis assassinés autour de lui, pour courir lui-même risque de sa vie, et pour rester près de trois ans prisonnier d'état. Il ne sortit de sa prison que pour essuyer toutes les fatigues et toutes les fortunes de la guerre. Manquant souvent du nécessaire, s'exposant comme le plus hardi soldat, faisant des actions qui ne paraissent pas croyables, et qui ne le deviennent que parce qu'il les a répétées ; comme lorsqu'à la prise de Cahors en 1599, il fut sous les armes pendant cinq jours, combattant de rue en rue, sans presque prendre de repos. La victoire de Coutras fut dû. principalement à son courage ; son humanité après la victoire devait lui gagner tous les cœurs.

Le meurtre, de Henri III. le fit roi de France ; mais la religion servit de prétexte à la moitié des chefs de l'armée et à la ligue, pour ne pas le reconnaître. Il n'avait pour lui que la justice de sa cause, son courage, quelques amis, et une petite armée qui ne monta presque jamais à douze mille hommes complets ; cependant avec environ cinq mille combattants, il battit à la journée d'Arques auprès de Dieppe, l'armée du duc de Mayenne, forte de plus de vingt-cinq mille hommes. Il livra au même duc de Mayenne la fameuse bataille d'Ivry ; et gagna cette bataille, comme il avait gagné celle de Coutras, en se jetant dans les rangs ennemis, au milieu d'une foret de lances. On se souviendra dans tous les siècles des paroles qu'il dit à ses troupes : " Si vous perdez vos enseignes, ralliez-vous à mon pennache blanc, vous le trouverez toujours au chemin de l'honneur et de la gloire ".

Profitant de la victoire, il vint avec quinze mille hommes assiéger Paris, où se trouvaient alors cent quatre-vingt mille habitants ; il est constant qu'il l'eut prise par famine, s'il n'avait pas permis lui-même par trop de pitié, que les assiégeants nourrissent les assiégés. En vain ses généraux publiaient sous ses ordres des défenses sous peine de mort, de fournir des vivres aux Parisiens ; les soldats leur en vendaient. Un jour que pour faire un exemple, on allait pendre deux paysans qui avaient amené deux charrettes de pain à une poterne, Henri les rencontra en allant visiter ses quartiers : ils se jetèrent à ses genoux, et lui remontrèrent qu'ils n'avaient que cette manière de gagner leur vie : allez en paix, leur dit le roi, en leur donnant aussi-tôt l'argent qu'il avait sur lui ; le Béarnais est pauvre, ajouta-t-il, s'il en avait davantage, il vous le donnerait. Un cœur bien né ne peut lire de pareils traits sans quelques larmes d'admiration et de tendresse.

Le duc de Parme fut envoyé par Philippe II. au secours de Paris avec une puissante armée. Henri IV. courut lui présenter la bataille ; et c'est alors qu'il écrivit du champ où il croyait combattre, ces deux lignes à la belle Gabrielle d'Estrée : " Si je meurs, ma dernière pensée sera à Dieu, et l'avant-dernière à vous ". Le duc de Parme n'accepta point la bataille : il empêcha seulement la prise de Paris ; mais Henri IV. le côtoyant jusqu'aux dernières frontières de la Picardie, le fit rentrer en Flandres, et bientôt après il lui fit lever le siege de Rouen.

Cependant les citoyens lassés de leurs malheurs, soupiraient après la paix ; mais le peuple était retenu par la religion ; Henri IV. changea la sienne ; et cet événement porta le dernier coup à la ligue ; il est vrai qu'on a depuis appliqué les vers suivants à la conduite de ce prince.

Pour le point de conviction

Au jugement du Ciel un chrétien l'abandonne ;

Mais souffrez que l'homme soupçonne

Un acte de religion

Qui se propose une couronne.

On voit assez ce qu'il pensait lui-même de sa conversion, par ce billet à Gabrielle d'Estrées : c'est demain que je fais le saut périlleux ; je crois que ces gens-ci me feront haïr S. Denis, autant que vous haïssez.... Personne ne fut plus affligé de l'abjuration de Henri IV. que la reine Elisabeth. La lettre qu'elle écrivit alors à ce prince est bien remarquable, en ce qu'elle fait voir en même temps son cœur, son esprit, et l'énergie avec laquelle elle s'exprimait dans une langue étrangère : " Vous m'offrez, dit-elle, votre amitié comme à votre sœur. Je sais que je l'ai méritée, et certes à un très-grand prix. Je ne m'en repentirais pas, si vous n'aviez pas changé de père ; je ne peux plus être votre sœur de père ; car j'aimerai toujours plus chérement celui qui m'est propre que celui qui vous a adopté ".

La conversion d'Henri IV n'augmentait en rien son droit à la couronne, mais elle hâta son entrée dans sa capitale, sans qu'il y eut presque de sang répandu. Il renvoya tous les étrangers qu'il pouvait retenir prisonniers ; il pardonna à tous les ligueurs. Il se reconcilia sincèrement avec le duc de Mayenne, et lui donna le gouvernement de l'île de France. Non-seulement il lui dit, après l'avoir lassé un jour dans une promenade : " Mon cousin, voilà le seul mal que je vous ferai de ma vie ". Mais il lui tint parole, et il n'en manqua jamais à personne.

Il recouvra son royaume pauvre, déchiré, et dans la même subversion où il avait été du temps des Philippe de Valais, Jean et Charles VI. Il se vit forcé d'accorder plus de grâce à ses propres ennemis qu'à ses anciens serviteurs, et son changement de religion ne le garantit pas de plusieurs attentats contre sa vie. Les finances de l'état dissipées sous Henri III. n'étaient plus qu'un trafic public des restes du sang du peuple, que le conseil des finances partageait avec les traitants. En un mot, quand la déprédation générale força Henri IV. à donner l'administration entière des finances au duc de Sully, ce ministre aussi éclairé qu'intègre trouva qu'en 1596 on levait 150 millions sur le peuple, pour en faire entrer environ 30 dans le trésor royal.

Si Henri IV. n'avait été que le plus brave prince de son temps, le plus clément, le plus droit, le plus honnête homme, son royaume était ruiné : il fallait un prince qui sut faire la guerre et la paix, connaître toutes les blessures de son état et connaître les remèdes ; veiller sur les grandes et petites choses, tout réformer et tout faire ; c'est ce qu'on trouva dans Henri. Il joignit l'administration de Charles le Sage à la valeur et à la franchise de François I. et à la bonté de Louis XII.

Pour subvenir à tant de besoins, Henri IV. convoqua dans Rouen une assemblée des notables du royaume, et leur tint ce discours digne de l'immortalité, et dans lequel brille l'éloquence du cœur d'un héros :

" Déjà par la faveur du ciel, par les conseils de mes bons serviteurs, et par l'épée de ma brave noblesse dont je ne distingue point mes princes, la qualité de gentilhomme étant notre plus beau titre, j'ai tiré cet état de la servitude et de la ruine. Je veux lui rendre sa fortune et sa splendeur ; participez à cette seconde gloire, comme vous avez eu part à la première. Je ne vous ai point appelés, comme faisaient mes prédécesseurs, pour vous obliger d'approuver aveuglément mes volontés, mais pour recevoir vos conseils, pour les croire, pour les suivre, pour me mettre en tutele entre vos mains. C'est une envie qui ne prend guère aux rais, aux victorieux et aux barbes grises ; mais l'amour que je porte à tous mes sujets, me rend tout possible et tout honorable. "

Au milieu de ces travaux et de ces dangers continuels, les Espagnols surprirent Amiens. Henri, dans ce nouveau malheur, manquait d'argent et était malade. Cependant il assemble quelques troupes, il marche sur la frontière de Picardie, il revole à Paris, écrit de sa main aux parlements, aux communautés, pour obtenir de quoi nourrir ceux qui défendaient l'état : ce sont ses paroles. Il Ve lui-même au parlement de Paris : " Si on me donne une armée, dit-il, je donnerai gaiement ma vie, pour vous sauver et pour relever l'état ".

Enfin, par des emprunts, par les soins infatigables et par l'économie du duc de Sully, si digne de le servir, il vint à bout d'assembler une florissante armée. Il reprit Amiens à la vue de l'archiduc Albert, et de-là il courut pacifier le reste du royaume, à quoi il ne trouva plus d'obstacle, le pape qui lui avait refusé l'absolution, quand il n'était pas affermi, la lui donna quand il fut victorieux. Il conclut à Vervins la paix avec l'Espagne, et ce fut le premier traité avantageux que la France fit depuis Philippe-Auguste.

Alors il mit tous ses soins à faire fleurir son royaume, et paya peu-à-peu toutes les dettes de la couronne, sans fouler les peuples. La justice fut réformée ; les troupes inutiles furent licenciées ; l'ordre dans les finances succéda au plus odieux brigandage ; le commerce et les arts revinrent en honneur. Henri IV. établit des manufactures de tapisseries, et de petites glaces dans le goût de Venise. Il fit creuser le canal de Briare, par lequel on a joint la Seine et la Loire. Il agrandit et embellit Paris. Il forma la place royale : il fit construire ce beau Pont où les peuples regardent aujourd'hui sa statue avec tendresse. Il augmenta S. Germain, Fontainebleau, et surtout le Louvre où il logea sous cette longue galerie qui est son ouvrage, des artistes en tout genre. Il est encore le vrai fondateur de la bibliothèque royale, et en donna la garde à Casaubon, en lui disant : " Vous me direz ce qu'il y a de meilleur dans tous ces beaux livres ; car il faut que j'en apprenne quelque chose par votre secours ".

Quand dom Pedre de Tolede fut envoyé par Philippe III. en ambassade auprès de Henri, il ne reconnut plus cette ville qu'il avait vue autrefois si malheureuse et si languissante : " c'est qu'alors le père de famille n'y était pas, lui dit Henri, et aujourd'hui qu'il a soin de ses enfants, ils prospèrent ". Les jeux, les fêtes, les bals, les ballets introduits à la cour par Catherine de Médicis dans les temps même de troubles, ornèrent sous Henri IV. les temps de la paix et de la félicité.

En faisant ainsi fleurir son royaume, il fut le pacificateur de l'Italie. Le Béarnais, que les papes avaient excommunié, leur fit lever l'excommunication sur Venise. Il protégea la république naissante de la Hollande, l'aida de ses épargnes, et contribua à la faire reconnaître libre et indépendante par l'Espagne. Déja, par son rang, par ses alliances, par ses armes, il allait changer le système de l'Europe, s'en rendre l'arbitre et mettre le comble à sa gloire, quand il fut assassiné au milieu de son peuple par un fanatique effréné, à qui il n'avait jamais fait le moindre mal. Il est vrai que Ravaillac, qui trancha les jours de ce bon roi, ne fut que l'instrument aveugle de l'esprit du temps qui n'était pas moins aveugle. Barrière, Châtel, le Chartreux nommé Ouin, un vicaire de S. Nicolas-des-Champs, pendu en 1595, un tapissier en 1596, un malheureux qui était ou qui contrefaisait l'insensé, d'autres dont le nom m'échappe, méditèrent le même assassinat : presque tous jeunes gens et tous de la lie du peuple, tant la religion devient fureur dans la populace et dans la jeunesse ! de tous les assassins que ce siècle affreux produisit, il n'y eut que Poltrot de Méré qui fut gentilhomme.

Quelques auteurs se sont appliqués à exténuer les grandes actions de Henri IV. et à mettre en vue ses défauts. Ce bon prince n'ignorait pas les médisances que l'on répandait contre lui, mais il en parlait lui-même avec cette ingénuité et cette modération qui confondent la calomnie et diminuent les torts. Voici ses propres paroles tirées d'une de ses lettres à Sully.

" Les uns me blament d'aimer trop les bâtiments et les riches ouvrages ; les autres la chasse, les chiens et les oiseaux ; les autres les cartes, les dez et autres sortes de jeux ; les autres les dames, les délices et l'amour ; les autres les festins, banquets, sopiquets et friandises ; les autres les assemblées, comédies, bals, danses et courses de bague, où, disent-ils, pour me blâmer, l'on me voit encore comparaitre avec ma barbe grise, aussi réjoui, et prenant autant de vanité d'avoir fait une belle course, donné deux ou trois dedans, et cela disent-ils en riant, et gagné une bague de quelque belle dame, que je pouvais faire en ma jeunesse ; ni que faisait le plus vain homme de ma cour. En tous lesquels discours je ne nierai pas qu'il n'y puisse avoir quelque chose de vrai ; mais aussi dirai-je que ne passant pas mesure, il me devrait plutôt être dit en louange qu'en blâme, et en tout cas me devrait-on excuser la licence en tels divertissements qui n'apportent nul dommage et incommodité à mes peuples par forme de compensation de tant d'amertumes que j'ai goutées, et de tant d'ennuis, déplaisirs, fatigues, périls et dangers, par lesquels j'ai passé depuis mon ordonnance jusqu'à 50 ans.

L'Ecriture n'ordonne pas absolument de n'avoir point de péchés ni défauts, d'autant que tels infirmités sont attachés à l'impétuosité et promptitude de la nature humaine ; mais bien de n'en être pas dominés, ni les laisser régner sur nos volontés, qui est ce à quoi je me suis étudié ne pouvant faire mieux. Et vous savez par beaucoup de choses qui se sont passées touchant mes maîtresses (qui ont été les passions que tout le monde a cru les plus puissantes sur moi), si je n'ai pas souvent maintenu vos opinions contre leurs fantaisies jusqu'à leur avoir dit, lorsqu'elles faisaient les acariâtres, que j'aimerais mieux avoir perdu dix maîtresses comme elles, qu'un serviteur comme vous, qui m'étiez nécessaire pour les choses honorables et utiles ".

Ceux donc qui reprochent encore amèrement à Henri IV. ses amours, ne font pas réflexion que toutes ses faiblesses furent celles du meilleur des hommes, et qu'aucune ne l'empêcha de bien gouverner.

On sait d'ailleurs que, dans plusieurs occasions, il eut la force de se démêler des pieges qu'on lui tendait par de belles filles, dans le dessein de le surprendre. Catherine de Médicis lui demandant à la conférence de S. Brix ce qu'il voulait. Il lui répondit en regardant les filles qu'elle avait amenées : Il n'y a rien là que je veuille, madame ; lui faisant voir par ce discours qu'il ne se laisserait plus piper à de semblables appas.

Les deux femmes qu'il épousa successivement lui causèrent bien des chagrins domestiques. Sa seconde femme, Marie de Médicis, fut l'une des princesses contre lesquelles il avait formé des objections, en examinant avec Rosni quelle femme lui conviendrait. J'ai à citer là-dessus un fort long passage ; néanmoins je suis assuré qu'il paraitra court aux lecteurs curieux, parce qu'il est écrit d'une manière amusante, et qu'il est rempli d'idées fort solides de ce prince sur le choix d'une femme. Voici donc ce qu'il dit à ce favori, Mém. de Sully, t. II. p. 112.

" Desorte qu'il semble qu'il ne reste plus pour l'accomplissement de ce dessein, sinon de voir s'il y aura moyen de me trouver une autre femme si bien conditionnée, que je ne me jette pas dans le plus grand des malheurs de cette vie, qui est, selon mon opinion, d'avoir une femme laide, mauvaise, et despite, au lieu de l'aise, repos et contentement que je me serais proposé de trouver en cette condition : que si l'on obtenait les femmes par souhait, afin de ne me repentir point d'un si hasardeux marché, j'en aurais une, laquelle aurait entr'autres bonnes parties, sept conditions principales ; à savoir, beauté en la personne, pudicité en la vie, complaisance en l'humeur, habileté en l'esprit, fécondité en génération, éminence en extraction, et grands états en possession. Mais je crois, mon ami, que cette femme est morte, voire peut-être n'est pas encore née, ni prête à naître ; et partant voyons un peu ensemble, quelles filles ou femmes dont nous ayons ouï parler seraient à désirer pour moi, soit dehors, soit dedans le royaume.

Et pour ce que j'y ai déjà, selon mon avis, plus pensé que vous, je vous dirai pour le dehors que l'infante d'Espagne, quelque vieille et laide qu'elle puisse être, je m'y accommoderais, pourvu qu'avec elle j'épousasse les Pays-Bas, quand ce devrait être à la charge de vous redonner le comté de Béthune.

Je ne refuserais pas non plus la princesse Arabella d'Angleterre, si, comme l'on publie que l'état lui appartient, elle en avait été seulement déclarée présomptive héritière ; mais il ne me faut pas attendre à l'une ni à l'autre, car le roi d'Espagne et la reine d'Angleterre sont bien éloignés de ce dessein-là.

L'on m'a aussi quelquefois parlé de certaines princesses d'Allemagne, desquelles je n'ai pas retenu le nom ; mais les femmes de cette région ne me reviennent nullement, et penserais, si j'en avais épousé une, devoir avoir toujours un lot de vin couché auprès de moi, outre que j'ai ouï dire qu'il y eut un jour une reine de France de cette nation qui la pensa ruiner ; tellement que tout cela m'en dégoute.

L'on m'a parlé de quelqu'une des sœurs du prince Maurice ; mais outre qu'elles sont toutes huguenotes, et que cette alliance me pourrait mettre en soupçon à Rome et parmi les zélés catholiques, elles sont filles d'une nonain ; et quelqu'autre chose, que je vous dirai une autrefois, m'en aliene la volonté.

Le duc de Florence a une nièce qu'on dit être assez belle ; mais étant d'une des moindres maisons de la chrétienneté qui porte titre de prince, n'y ayant pas plus de 80 ans, que ses devanciers n'étaient qu'au rang des plus illustres bourgeois de leur ville, et de la même race de la reine-mère Catherine qui a tant fait de maux à la France et encore plus à moi en particulier, j'appréhende cette alliance, de crainte d'y rencontrer aussi mal pour moi, les miens et l'état.

Voilà toutes les étrangères dont j'estime avoir été parlé. Quant à celles de dedans le royaume, vous avez ma nièce de Guise, qui serait une de celles qui me plairait le plus, nonobstant ce petit bruit que quelques malins esprits font courir, qu'elle aime bien autant les poulets en papier qu'en fricassée : car, pour mon humeur, outre que je crois cela très-faux, j'aimerais mieux une femme qui fit un peu l'amour qu'une qui eut mauvaise tête, de quoi elle n'est pas soupçonnée ; mais au contraire d'humeur fort douce, d'agréable et complaisante conversation, et pour le surplus de bonne maison, belle, de grande taille, et d'apparence d'avoir bientôt de beaux enfants, n'y appréhendant rien que la trop grande passion qu'elle témoigne pour sa maison, et surtout ses frères qui lui pourraient faire naître des désirs de les élever à mon préjudice, et plus encore de mes enfants, si jamais la régence de l'état lui tombait entre les mains.

Il y a aussi deux filles en la maison du Maine, dont l'ainée, quelque noire qu'elle sait, ne me déplairait pas, étant sages et bien nourries, mais elles sont trop jeunettes. Deux en celle d'Aumale, et trois en celle de Longueville, qui ne sont pas à mépriser pour leurs personnes, mais d'autres raisons m'empêchent d'y penser. Voilà ce qu'il y a pour de princes.

Vous avez après une fille en la maison de Luxembourg, une en la maison de Guimené, ma cousine Catherine de Rohan, mais celle-là est huguenotte, et les autres ne me plaisent pas ; et puis la fille de ma cousine la princesse de Conty, de la maison de Lucé, qui est une très-belle fille et bien nourrie, serait celle qui me plairait le plus, si elle était plus âgée ; mais quand elles m'agréeraient toutes, pour si peu que j'y reconnais, qui est-ce qui m'assurera que j'y rencontrerai conjointement les trois principales conditions que j'y désire, et sans lesquelles je ne voudrais point de femme ? A savoir, qu'elles me feront des fils, qu'elles seront d'humeur douce et complaisante, et d'esprit habîle pour me soulager aux affaires sédentaires et pour bien régir mon état et mes enfants, s'il venait faute de moi avant qu'ils eussent âge, sens et jugement, pour essayer de m'imiter : comme apparemment cela est pour m'arriver, me mariant si avant en l'âge.

Mais quoi donc, Sire, lui répondit Rosni, que vous plait-il entendre par tant d'affirmatives et de négatives desquelles je ne saurais conclure autre chose sinon que vous désirez bien être marié, mais que vous ne trouvez point de femmes en terre qui vous soient propres ? Tellement qu'à ce compte il faudrait implorer l'aide du ciel, afin qu'il fit rajeunir la reine d'Angleterre, et ressusciter Marguerite de Flandres, mademoiselle de Bourgogne, Jeanne la Loca, Anne de Bretagne et Marie Stuart, toutes riches héritières, afin de vous en mettre au choix ; car, selon l'humeur que vous avez témoignée, parlant de Clara Eugénie, vous seriez homme pour agréer quelques-unes de celles-là qui possédaient de grands états. Mais laissant toutes ces impossibilités et imaginations vaines à part, voyons un peu ce qu'il faut faire, &c ".

Disons à présent un mot de la mère d'Henri IV. dont Pau est aussi la patrie.

C'est à la naissance de ce fils et dans le plus fort des douleurs que Jeanne d'Albret, héroïne digne d'admiration à tant d'autres égards, fit encore paraitre un courage singulier. Le roi de Navarre son mari promit de lui remettre son testament dès qu'elle serait accouchée, à condition néanmoins que dans l'accouchement elle lui chanterait une chanson, afin, dit-il, que tu ne me fasse pas un enfant pleureux et rechignant. La princesse s'y engagea et eut tant de force sur elle-même, que, malgré ses vives douleurs, elle tint parole, et chanta en son langage béarnais la chanson du pays, qui commence par ces mots : Noste-Donne deou cap deou pon, adjouda me in aqueste houre ; c'est-à-dire, Notre-Dame du bout du pont, aidez-moi à cette heure.

Jeanne d'Albret présenta Henri IV. à l'âge de quatorze ans au prince de Condé son beaufrère, et le voua tout jeune qu'il était à la défense de la cause commune, avec toutes ses bagues et joyaux qu'elle engagea pour les frais de l'armée. Elle fit, en mourant à l'âge de 44 ans, et non sans soupçon d'avoir été empoisonnée, un testament qui contenait des choses admirables en faveur de ce fils, qui depuis sa tendre enfance remplissait déjà les hautes espérances qu'elle en avait conçues. Je n'en veux pour preuve qu'une de ses reparties à l'âge de 15 ans, reparties que son auguste mère nous a conservées dans un recueil imprimé in-12 en 1570, sous le titre d'Histoire de notre temps.

Catherine de Médicis, de concert avec le cardinal de Lorraine, avait envoyé vers la reine de Navarre le sieur de la Motthe-Fénelon, pour la détourner de joindre ses forces à celles que les Réformés assemblaient en 1568, sous le commandement du prince de Condé. Un jour que la Motthe-Fénelon s'adressant au prince de Navarre, affectait de paraitre surpris de ce que si jeune encore il prenait parti dans une querelle qui ne regardait que le prince de Condé et les Huguenots qui faisaient la guerre au roi : " Ce n'est pas vraiment sans raison, repartit avec vivacité le jeune prince, puisque sous le prétexte de la rebellion qu'on impute faussement à mon oncle et aux Huguenots, nos ennemis ne se proposent pas moins que d'exterminer toute la branche royale de Bourbon ; ainsi nous voulons mourir ensemble les armes à la main, pour éviter les frais du deuil ".

Enfin, je le répete, on ne lit pas la vie de ce grand roi sans admiration, ni sa mort tragique arrivée en 1610, sans attendrissement. Les bons princes sont dans l'histoire, ce qui fixe le plus nos regards et notre amour.

Les habitants de Pau désiraient dernièrement d'avoir dans leur ville une statue d'Henri IV. On leur a donné celle de Louis XIV. au-bas de laquelle ils ont mis dans leur jargon : Celui-ci est petit-fils de notre bon roi Henri. (D.J.)

PAU, (Histoire moderne Art militaire) lorsque les Tartares Monguls firent la conquête de la partie septentrionale de la Chine en 1232 ; ils employaient une machine appelée pau dans les siéges. Il y en avait de deux espèces : l'une servait à lancer des pierres, et s'appelait ché-pau ou pau à pierres ; l'autre servait à lancer du feu, et s'appelait ho-pau ou pau à feu. Le père Gaubil jésuite missionnaire, n'ose décider si ces paus étaient de vrais canons semblables aux nôtres ou à nos pierriers ; cependant il parait convaincu, que les Chinois ont eu l'usage de la poudre 1600 ans avant qu'elle fût découverte en Europe ; ces peuples faisaient usage d'abord de morceaux de bois creusés ou de canons de bois pour jeter des pierres.

PAU, s. m. (Mesure de longueur) c'est une espèce d'aulne dont on se sert à Loango, et dans quelques-autres lieux de la côte d'Angola, en Afrique.

Il y a à Loango trois sortes de paux, le pau du roi et de son premier ministre, le pau des fidalgues ou capitaines, et le pau des particuliers. Le pau du roi a 28 pouces de longueur, et égale trois macoutes. C'est à ces différents paux que les Européens qui font la traite des negres, mesurent les étoffes et les toiles qu'ils donnent en échange des esclaves et des autres marchandises, comme poudre d'or, morfil, cire, etc. qu'on tire de la côte d'Angola. (D.J.)




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