LA, (Géographie moderne) ville maritime de France, capitale du pays d'Aunis, sur l'Océan, à 34 lieues au nord de Bordeaux, et à 100 au sud-ouest de Paris. Longitude suivant Cassini, 16. 28. 30. lat. 46. 10. 15.

Cette ville a été nommée par les anciens Portus santonum, parce qu'elle était autrefois dépendante de la province de Saintonge, et le meilleur port qu'il y eut dans ces quartiers-là sur l'Océan. Depuis on l'a nommée Rupella, et Rochella pour Rocella, noms qui signifiaient un petit roc, et qu'on lui a donné, soit à cause du fonds pierreux sur lequel elle est bâtie, soit à cause qu'originairement elle n'était qu'un château avec quelques maisons habitées par des gens de mer.

Ce château appartenait en premier lieu aux seigneurs de Mauléon en Poitou. Guillaume, dernier comte de Poitiers, l'usurpa sur les seigneurs de Mauléon : il en fit une petite ville et lui donna des privilèges. Cette ville s'accrut avec le temps, et se forma en une espèce de république, ayant appartenu au roi d'Angleterre depuis le mariage d'Eléonore de Guyenne avec Henri II. Ses privilèges furent confirmés par Louis VIII. fils de Philippe-Auguste, lorsqu'il s'en rendit maître en 1224.

La Rochelle était déjà dans ce temps-là un port de mer très-florissant par son commerce, comme il parait par ces vers d'un auteur ancien, Nicol. de Braia, de gest. Ludov. VIII.

Declivi littore Ponti

Nobilis, et famâ toto celeberrima mundo

Divitiisque potens priscis, et gente superbâ

Est Rupella.

La Rochelle fut cédée aux Anglais par le traité de Brétigni, l'an 1360, et douze ans après elle se donna au roi de France Charles V. à condition qu'elle conserverait tous ses privilèges, et qu'en outre elle aurait droit de battre en son propre nom de la monnaie d'argent ; que les échevins seraient réputés nobles ; que le maire resterait gouverneur de la ville ; et qu'enfin sa charge seule ennoblirait sa famille.

Le Calvinisme s'y introduisit en 1557, et le prince de Condé eut, pour ainsi dire, la gloire d'y régner. Le brave la Noue la défendit en 1574 contre Henri, duc d'Anjou, frère de Charles IX. et obligea ce prince d'en lever le siege. Les Protestants y tinrent depuis la plupart de leurs synodes, et son commerce florissant tous les jours davantage, la rendit puissante jusqu'au temps du cardinal de Richelieu, qui résolut de soumettre cette ville à l'autorité royale, de casser ses privilèges, et d'y détruire le Calvinisme.

Il engagea Louis XIII. à cette expédition. Ce prince, pour commencer à brider les Rochelais, fit construire le fort Louis. Ensuite il assiégea la ville en 1627, et s'en rendit le maître l'année suivante, après treize mois d'un siege des plus mémorables, pendant lequel les habitants souffrirent avec courage une des plus horribles famines dont l'histoire fasse mention. De quinze mille personnes qui se trouvaient dans cette ville, quatre mille seulement survécurent à cet affreux désastre. Etrange pouvoir de l'esprit de religion sur les hommes !

Enfin, la réduction de cette ville fut dû. à l'invention d'une digue de 747 taises dont Clément Metezeau de Dreux fut l'inventeur, et que le cardinal de Richelieu fit exécuter, pour empêcher les Anglais de secourir la place. Il est étonnant combien de millions le clergé fournit pour la prise de cette ville, et avec quelle joie il en faisait les avances.

Louis XIII. étant entré dans la Rochelle le jour de la Toussaint 1628, priva les Rochelais de tous leurs privilèges, fit abattre leurs belles fortifications, nomma de nouveaux magistrats, et un plus grand nombre de prêtres catholiques.

Louis XIV. fortifia cette ville de nouveaux ouvrages, qu'imagina et qu'exécuta le maréchal de Vauban. Il fit la Rochelle chef d'une généralité, et y établit un intendant distingué de celui de Rochefort, qui a la marine. Il y a aussi créé un bureau des finances, une chambre du domaine, un présidial, une élection, et y a laissé subsister l'hôtel des monnaies.

Les Jésuites y obtinrent un collège, et ensuite la direction d'un séminaire l'an 1694 ; le siege épiscopal de Maillezais fut transféré dans cette ville en 1649 ; et pour former le diocèse on y a joint le pays d'Aunis et l'île de Ré, que l'on a démembrés de l'évêché de Saintes.

Les rues de la Rochelle sont en général assez droites, et la plupart des maisons soutenues par des arcades. La ville est percée de cinq portes. Son port qui peut avoir quinze cent pas de circuit, et qui est de forme presque ronde, est un des plus commodes de l'Océan. Deux grosses tours le défendent. La mer y a reflux de plus de quatre taises. Tous les vaisseaux excepté ceux de haut-bord y entrent.

Mais ceux qui désireront de plus grands détails de l'histoire de cette ville, peuvent lire un petit livre de M. Galland (Auguste), sur la naissance, l'ancien état, et l'accroissement de la Rochelle.

J'ajouterai seulement que son principal commerce actuel est celui des îles de l'Amérique. Ses manufactures consistent en raffinerie du sucre des iles. Les Suédais, les Danois, les Hambourgeois, les Anglais et les Hollandais y envaient chaque année plusieurs vaisseaux pour y charger des vins, des eaux-de-vie, du sel, et quelques autres marchandises. On a aussi érigé dans cette ville en 1734 une académie de belles lettres.

Imbert (Jean), jurisconsulte du XVIe siècle, né à la Rochelle, s'est fait connaître avec estime par deux ouvrages de droit : 1°. Enchiridion juris scripti Galliae, que Theveneau a traduit en français : 2°. Institutiones forenses, ou Pratique du barreau, en latin et en Français.

François Tallemant l'ainé, abbé du Val-Chrétien, était né dans cette ville. Il fut aumônier du roi pendant vingt-quatre ans, et ensuite premier aumônier de madame. Sachant très-bien la langue italienne, il traduisit avec succès l'histoire de Venise du procurateur Nani ; mais il ne consulta pas assez ses forces en mettant au jour la traduction des vies de Plutarque ; cette traduction fut promptement méprisée de tous les connaisseurs. Il mourut en 1693, âgé de 73 ans.

On l'appelait Tallemant l'ainé pour le distinguer de Paul Tallemant son cousin, son compatriote et ecclésiastique comme lui. Ils furent tous deux de l'académie Française, mais Paul était encore de l'académie des Inscriptions. Il mourut en 1712 à 70 ans.

Colomiés (Paul), en latin Paulus Colomesius, savant écrivain protestant, naquit à la Rochelle dans le dernier siècle ; mais il se retira en Angleterre avant d'essuyer les rudes coups de la tempête, qui a englouti l'édit de Nantes. Il témoigna bientôt, étant à Londres, la préférence qu'il donnait à la communion épiscopale sur le presbytérianisme, comme il parait par son livre intitulé Theologorum presbyterianorum Icon. Il n'a pas cessé depuis de travailler sur différents sujets. Il est mort à Londres en 1692, j'ignore à quel âge.

Tous ses ouvrages sont utiles et agréables aux curieux de l'histoire, parce qu'ils y trouvent beaucoup de choses à apprendre ; aussi sont-ils plus recherchés dans les pays étrangers que dans ce royaume. Les principaux sont 1°. Gallia orientalis, qui a été réimprimé à Hambourg en 1709, avec d'autres opuscules de l'auteur, qui avaient paru à Paris en 1668 : 2°. Italia et Hispania orientalis : 3° Observationes sacrae : 4° Mélanges historiques : 5° Bibliothèque choisie, dont la meilleure édition a été faite à Paris en 1731, avec des notes de M. de la Monnaie. Le père Niceron vous indiquera les autres ouvrages de M. Colomiés, dans ses mémoires des hommes illustres, tome VII, p. 196. Bayle a fait aussi l'article de ce savant. (D.J.)