(Géographie moderne) petite ville de l'île de France, au bord de la forêt de Saint-Germain, sur la rive gauche de la Seine, à une lieue au-dessous du confluent de l'Oyse avec la Seine. Il y a un monastère de religieuses de S. Dominique, que Philippe-le-Bel commença, et qui fut achevé par Philippe de Valais en 1330 ; mais le feu du ciel tomba sur l'église en 1695, et consuma la pyramide revêtue de plomb, qui avait quarante-cinq taises de haut. Il y a encore à Paissy une collégiale, une paraisse, un couvent de Capucins, un d'Ursulines, et un hôpital.

Cette ville, où se tient aujourd'hui un gros marché de bestiaux pour l'approvisionnement de Paris, est connue dans l'histoire par l'assemblée de Catholiques et de Protestants qui y fut convoquée en 1561, et où se rendirent Charles IX. Catherine de Médicis sa mère, et toute la famille royale. Cette assemblée appelée le colloque de Paissy, n'eut aucun succès ; la vanité du cardinal de Lorraine qui comptait y briller fut la seule cause qui procura cette assemblée, et Théodore de Beze s'y distingua en portant la parole pour les Protestants. Long. de Paissy 19. 40. lat. 48. 56.

Ce lieu qui est fort ancien se nomme en latin Pinciacum, comme il est marqué dans les chartres et dans les capitulaires des rais. Le pays des environs s'appelle pagus Pinciacensis, et en français le Pincerais ; nos anciens rois ont quelquefois demeuré à Paissy, et y avaient un château dès le temps même que celui de Saint-Germain-en-Laye fut bâti.

Louis IX. y naquit le 25 Avril 1215. Il a été un des plus grands hommes et des plus singuliers, dit le père Daniel. " En effet, ajoute M. Henault, ce prince d'une valeur éprouvée, n'était courageux que pour de grands intérêts. Il fallait que des objets puissants, la justice, ou l'amour de son peuple, excitassent son âme, qui hors de-là semblait faible, simple et timide ; c'est ce qui faisait qu'on le voyait donner des exemples du plus grand courage, quand il combattait les rebelles, les ennemis de son état, ou les infidèles ; c'est ce qui faisait que tout pieux qu'il était, il savait résister aux entreprises des papes et des évêques, quand il pouvait craindre qu'elles n'excitassent des troubles dans son royaume ; c'est ce qui faisait que sur l'administration de la justice, il était d'une exactitude digne d'admiration ; mais quand il était rendu à lui-même, quand il n'était plus que particulier, alors ses domestiques devenaient ses maîtres, sa mère lui commandait, et les pratiques de la dévotion la plus simple remplissaient ses journées ; à la vérité, toutes ces pratiques étaient annoblies par les vertus solides jamais démenties, qui formèrent son caractère ".

Le lecteur sera bien aise de trouver encore ici la peinture que M. de Voltaire a faite de ce prince, et de ses actions.

Il paraissait, dit-il, destiné à rendre la France triomphante et policée, et à être en tout le modèle des hommes. Sa piété, qui était celle d'un anachorete, ne lui ôta aucune vertu de roi ; sa libéralité ne déroba rien à une sage économie ; il sut accorder une politique profonde avec une justice exacte ; prudent et ferme dans le conseil, intrépide dans les combats sans être emporté, compatissant comme s'il n'avait jamais été que malheureux ; il n'est pas donné à l'homme de porter plus loin la vertu.

Conjointement avec la régente sa mère qui savait régner, il modéra la puissance de la juridiction trop étendue des ecclésiastiques : distinguant sagement entre les lois civiles auxquelles tout doit être soumis, et les lois de l'Eglise, dont l'empire doit ne s'étendre que sur les consciences, il ne laissa pas plier les lois du royaume sous l'abus des excommunications. Ayant dès le commencement de son administration, contenu les prétentions des évêques et des laïcs dans leurs bornes, il avait réprimé les factions de la Bretagne ; il avait gardé une neutralité prudente entre les emportements de Grégoire IX. et les vengeances de Fréderic II.

Son domaine déjà fort grand, s'accrut de plusieurs terres qu'il acheta. Les rois de France avaient alors pour revenus leurs biens propres, et non ceux des peuples ; leur grandeur dépendait d'une économie bien entendue, comme celle d'un seigneur particulier.

Cette administration le mit en état de lever de fortes armées contre le roi d'Angleterre Henri III. et contre des vassaux de France unis avec l'Angleterre. Henri III. moins riche, moins obéi de ses Anglais, n'eut ni d'aussi bonnes troupes, ni d'aussi-tôt prêtes. Louis le battit deux fais, et surtout à la journée de Taillebourg en Poitou en 1241. Cette guerre fut suivie d'une paix utile, dont Henri III. paya les frais, et les vassaux de France rentrés dans leurs devoirs, n'en sortirent plus. Quand on songe que Louis IX. n'avait pas vingt-quatre ans lorsqu'il se conduisit ainsi, et que son caractère était fort au-dessus de sa fortune, on voit ce qu'il eut fait, s'il fût demeuré dans sa patrie, et on gémit que la France ait été si malheureuse par ces vertus mêmes qui devaient faire son bonheur.

L'an 1244, Louis attaqué d'une maladie violente, crut, dit-on, dans une létargie, entendre une voix qui lui ordonnait de prendre la croix contre les infidèles. A peine put-il parler qu'il fit vœu de se croiser. La reine sa mère, la reine sa femme, son conseil, tout ce qui l'approchait, sentit le danger de ce vœu funeste, l'évêque de Paris même lui en représenta les conséquences ; mais Louis regardait ce vœu comme un lien sacré, qu'il n'était pas permis aux hommes de dénouer. Il prépara pendant quatre années son expédition ; enfin laissant à sa mère le gouvernement du royaume, il partit avec sa femme et ses trois frères, que suivirent aussi leurs épouses, et presque toute la chevalerie de France l'accompagna. La flotte qui portait tant de princes et de soldats, sortit de Marseille, et d'Aiguemortes, qui n'est plus un port aujourd'hui.

Si la fureur des croisades et la religion des serments avaient permis à Louis d'écouter la raison, non-seulement il eut Ve le mal qu'il faisait à son pays en l'appauvrissant et le dépeuplant, mais il eut Ve encore l'injustice de cet armement qui lui paraissait si juste. Il mouilla dans l'île de Chypre, et aborda en Egypte, où après la mort de son frère, Robert d'Artais, il fut pris par le soudan d'Egypte en 1250 avec ses deux autres frères, et leur rançon couta huit cent mille besans.

Saint Louis délivré de captivité, revint dans sa patrie, pour former une croisade nouvelle. Pendant son séjour en France il augmenta ses domaines de l'acquisition de Namur, de Péronne, d'Avranches, de Mortagne, du Perche. Il pouvait ôter aux rois d'Angleterre tout ce qu'ils possédaient dans ce royaume, les querelles d'Henri III. et de ses barons lui en facilitaient les moyens ; mais il préféra la justice à l'usurpation. Il les laissa jouir de la Guienne, du Périgord, du Limousin, et se contenta de les faire renoncer pour jamais à la Touraine, au Poitou, et à la Normandie, réunis à la couronne par Philippe-Auguste ; ainsi la paix fut affermie.

Il établit le premier la justice de ressort ; et les sujets opprimés par les sentences arbitraires des juges des baronies commencèrent à pouvoir porter leurs plaintes à quatre grands bailliages royaux, créés pour les écouter. Sous lui des lettrés commencèrent à être admis aux séances des parlements, dans lesquels des chevaliers, qui rarement savaient lire, décidaient de la fortune des citoyens. Il joignit à la piété d'un religieux la fermeté éclairée d'un roi, en réprimant les entreprises de la cour de Rome, par cette fameuse pragmatique, qui conserve les anciens droits de l'église, nommés libertés de l'église gallicane.

Treize ans de sa présence réparaient en France tout ce que son absence avait ruiné, lorsque sa passion pour les croisades l'entraina. Il partit une seconde fais, non du côté de la Palestine ni du côté de l'Egypte, mais il fit cingler sa flotte vers Tunis, où il fut bien-tôt assiégé lui-même par les Maures. Les maladies que l'intempérance de ses sujets transplantés, et le changement de climats, avaient attirées dans son camp en Egypte, désolèrent son camp de Carthage. Un de ses fils, né à Damiette pendant la captivité, mourut de cette espèce de contagion devant Tunis. Enfin le roi en fut attaqué ; il se fit étendre sur la cendre, et expira le 25 Aout 1270, à l'âge de cinquante-six ans, avec la piété d'un religieux, et le courage d'un grand homme. Ce n'est pas un des moindres exemples des jeux de la fortune, que les ruines de Carthage aient Ve mourir un roi chrétien qui venait combattre des Musulmants, dans un lieu où Didon avait apporté les dieux des Syriens.

Joinville, Mis de la Chaise et de Chaisi, ont écrit la vie de saint Louis, car Boniface VIII. canonisa ce prince à Orviete le 11 Aout 1297. Il le méritait par sa foi, qui était si grande, dit M. Bossuet, qu'on aurait cru qu'il voyait plutôt les mystères divins qu'il ne les croyait.

Je ne connais qu'un homme de lettres né à Paissy, c'est Mercier (Nicolas), qui mourut à Paris en 1656. On a de lui un manuel des Grammairiens imprimé plusieurs fais, et un traité latin de l'Epigramme, ouvrage estimé, dont Baillet a eu tort de faire honneur à M. le Venier, puisque celui-ci a comblé l'auteur d'éloges, et que Mercier, qui était très en état de composer un pareil ouvrage, était incapable de s'en attribuer un qui ne fût pas de lui. (D.J.)