ILE, ou STALIMINI, (Géographie moderne) et quelquefois par les Turcs Limio ; c'est l'ancienne Lemnos ; île de l'Archipel, placée dans les cartes marines à quatre lieues d'Allemagne, à l'ouest de l'île de Ténédos, à sept au sud-ouest des îles d'Imbros et de Samandrachi, huit à l'ouest-quart-au-sud du détroit des Dardanelles, et environ à dix au sud-est du mont Athos.

Cette île fut appelée Lemnos de sa situation qui ressemble à un lac ou à un étang, que les Grecs appellent . On la nomme Hypsipylée d'une des filles du roi Thoas, qui avait autrefois régné sur ces insulaires. Elle était consacrée à Vulcain, et en conséquence on la surnomma Vulcania. Homère nous dit que Vulcain la chérissait par-dessus tous les pays du monde, et c'est pour cela que ce dieu est appelé dans Virgile le père Lemnien.

On donne à cette île cent milles d'Italie, ou vingt-cinq lieues d'Allemagne de circuit. Elle est plus étendue en longueur d'orient à l'occident, qu'en largeur du nord au midi. Elle avait anciennement deux villes, dont la capitale était appelée Hephaestia, la ville de Vulcain, et l'autre Myrina. On ne sait laquelle de ces deux villes est à-présent celle de Stalimene, et même quelques auteurs veulent que c'est le village Cochino qui est près de la mer. Quoiqu'il en sait, les Pélasgiens ont autrefois habité une des deux villes de cette ile, où ils se retirèrent après avoir été chassés de l'Attique par les Athéniens.

L'île de Stalimene n'est pas haute, mais fort inégale, et diversifiée par des coteaux et des vallons. Ses plus hautes montagnes sont situées du côté de la Macédoine. Celle qui est nommée Mosychle par Hesichius, vomit à son sommet des feux et des flammes, dont les poètes n'ont pas oublié de parler ; delà vient la fiction poétique des forges que Vulcain avait dans cette ile, comme en Sicile, travaillant tantôt dans l'une, tantôt dans l'autre à forger les foudres de Jupiter et les armes des grands hommes. De-là vient que cette île fut appelée Oethalie, c'est-à-dire brulante ; aussi Séneque lui donne toujours l'épithète d'ardente.

On y compte plus de 70 villages, habités presque tous par des grecs laborieux ; cependant cette île n'a point de rivières, mais seulement quelques fontaines et ruisseaux. Elle a un beau port poissonneux, nommé Porto S. Antoni. Elle est dépourvue de bois, en sorte que ses habitants se servent à la place de tiges d'asphodele et d'autres plantes. On y recueille par la culture de bons vins, du blé, du chanvre, du lin, des feves, des pois et plusieurs autres sortes de légumes. Diverses sortes d'animaux domestiques et sauvages n'y manquent point, non plus que de serpens de plusieurs espèces.

Mais c'est la terre lemnienne qui a fait la principale gloire de cette île chez les anciens, et qui la fait encore aujourd'hui parmi les Turcs. Galien vint exprès sur les lieux pour connaître ce bol médicinal dont on chantait les vertus ; et de nos jours le grand-seigneur pour honorer les ministres des têtes couronnées qui sont à la Porte, leur donne de cette terre sigillée en présent, comme un excellent remède pour la guérison des plaies et les morsures de vipere. Philoctete, fils d'Apollon, qui avait accompagné les Grecs à la guerre de Troie ayant été blessé au pied par une flèche empoisonnée, fut laissé dans l'île de Lemnos pour y être guéri de sa plaie par le moyen de la terre lemnienne ; cependant les corroyeurs de Stalimene ne font pas un si grand cas de cette terre que les anciens et le grand-seigneur, car ils l'emploient pour tanner leurs cuirs.

Le mont Athos, que les Grecs nomment Agios oros, c'est-à-dire la montagne sainte, couvre l'île Stalimene de son ombre lorsque le soleil approche de son coucher ; et c'est ce que Belon a eu occasion de voir au solstice d'été. On dit qu'il y avait anciennement dans cette île la statue d'un bœuf faite de pierre blanche, et que le mont Athos l'obscurcissait de son ombre ; d'où vient le proverbe, le mont Athos couvre le côté du bœuf de Lemnos ; et l'on appliquait ce proverbe à ceux qui tâchaient d'obscurcir la gloire des autres par leurs calomnies.

Pline fait mention d'un labyrinthe célèbre qui était dans cette ile, et qui passait pour être plus magnifique que ceux de Crète et d'Egypte ; mais il n'est pas resté la moindre trace de ce superbe édifice, ni même de l'endroit où il avait été bâti.

L'île de Stalimene, après avoir été successivement envahie par les Turcs et les Vénitiens, et enfin demeurée entre les mains des premiers, qui s'en rendrent maîtres en 1657, après un siege de deux mois, et ils l'ont toujours possédée depuis. (D.J.)

STALIMENE, (Géographie moderne) ville capitale de l'île de même nom sur un coteau proche de la mer, avec un bon port, et un château où les Turcs tiennent garnison, sous l'autorité d'un gouverneur qui y fait son séjour. Les maisons de cette petite ville sont bâties le long d'une colline qui est toute plantée de vignes. Quelques-uns prétendent que Stalimene est l'ancienne Myrina que Ptolémée semble placer près de la mer, au-lieu qu'il met Hephystia, autrefois capitale de l'ile, au milieu des terres. Long. 43. 4. latit. 40. 5. (D.J.)